L’Institut universitaire européen à Florence dirigé par Yves Mény publie un rapport (en anglais) sur les élections de 2009 au Parlement européen avec une analyse de la campagne de communication rédigé par Lutz Meyer, le directeur général de l’agence Scholz & Friends qui a créé et mené la campagne pour le Parlement européen dans tous les pays de l’UE. En voici un résumé…
Un constat : on ne mobilise pas l’électorat européen parce que c’est bon pour l’Europe mais parce que l’élection européenne est importante pour chaque individu européen.
Dans le passé, l’Europe a essayé de convaincre ses citoyens avec un argument plutôt faible : voter aux élections européennes parce que c’est bon pour l’Europe. Mais voulez-vous acheter un ordinateur simplement parce que c’est bon pour le constructeur? Sûrement pas et il en va de même pour notre comportement politique.
Si vous souhaitez activer les gens, vous devez leur dire pourquoi un sujet est important. Une forte participation électorale exige des alternatives claires au choix. Et une déclaration forte sur ce qui est en jeu pour moi.
Un message : en utilisant votre vote, vous vous prononcez sur les questions les plus importantes de votre avenir personnel.
Que vous le vouliez ou non, l’Europe est très pertinente pour votre vie quotidienne (la qualité des aliments, la réaction contre la crise financière, la protection des frontières…) : toutes ces questions sont traitées au niveau européen, et le Parlement européen joue un rôle majeur. Les 375 millions d’électeurs peuvent influer sur la trajectoire des décisions du Parlement européen.
Une nouvelle stratégie « marketing » de l’UE : Faites-le pour vous-même, pas pour l’Europe
En tant que consommateurs, nous sommes tous habitués à prendre des décisions tous les jours. Voulons-nous ceci ou cela, et où voulons-nous vraiment dépenser de l’argent ? Ces décisions sont fondées sur l’image, mais plus encore sur l’utilité. La communication de marque est principalement autour du bénéfice de consommation.
L’objectif de la campagne a donc consisté à présenter les bénéfices alternatifs que par leur choix les citoyens pouvaient obtenir via leur vote. Parce que le consommateur comme le citoyen (ils sont un seul et même) veulent une image claire du produit, la campagne s’est attachée à présenter ces choix.
Des panneaux d’affichage : parce que la démocratie commence toujours dans les rues
Pour parler aux Européens en plein milieu de leur vie quotidienne où pourrait-il être atteint plus efficacement que dans l’attente à l’arrêt de bus ou dans une zone piétonne ? Et par quels moyens pouvez-vous les atteindre le mieux ? Avec des sujets qui touchent directement leur vie : alimentation, énergie, éducation, sécurité.
Les dix images représentées sur les affiches de la campagne européenne (adaptables en fonction de chaque pays) visaient à tenir les citoyens européens au courant des décisions auxquelles ils sont confrontés. Exprimer de manière concise, les questions provocatrices dans différents domaines politiques sous la responsabilité du Parlement européen.
Installations en 3-D : gagner l’attention des médias avec un poulet
Afin de créer ces images claires, 4 des images de la campagne ont pris la forme d’ installations en trois dimensions : un total de 60 expositions de ce type a tourné dans 88 villes européennes de tous les Etats membres de l’UE, donnant à la campagne une grande visibilité dans les médias.
Les sculptures ont été très populaires auprès des touristes et autres photographes amateurs se rassemblent autour des installations et les médias ont pu illustré leurs sujets sur les élections européennes avec des poulets, des haies, des triangles de signalisation, et des interrupteurs de puissance…
Des studios multimédia interactif : branchez-vous sur l’Europe
Environ 1 600 Européens ont fait usage de la possibilité d’enregistrer leurs propres déclarations personnelles sur les questions les plus pressantes de la politique européenne dans ce qui allait être connu comme la « boite aux choix » : un total de 35 boîtes a tourné dans 66 villes européennes, avant l’élection.
Les vidéos ont été diffusées sur l’emplacement, sur YouTube et sur deux écrans géants à Bruxelles.
TV et radio: temps d’antenne massif, gratuit dans toute l’Europe
La télévision et la publicité à la radio ont tous deux suivi la même idée de base : celui qui vote aujourd’hui, il ou elle est met en forme les nouvelles de l’avenir. Les citoyens dans l’Union européenne ont ainsi vu et entendu des informations fictives – parfois très provocantes.
Ces annonces se terminent par le slogan: c’est vous qui décidez quelles seront les nouvelles de demain.
Le spot télévisé a été produit en 34 langues différentes – les 23 langues officielles des États membres et aussi les langues régionales. La publicité radio a été diffusé dans 29 langues différentes.
114 chaînes de télévision ont diffusé gratuitement le spot télévision.
Des vidéos virales: diffusion du message sur le web
Un assassin fou avec une hache, des braqueurs de banque, des coureurs cyclistes : tous étaient en mesure de consacrer quelques minutes pour voter. Le message des vidéos précise que « nous n’avons pas le temps » n’est une excuse pour personne.
Postées sur YouTube et MySpace, ces vidéos virales se sont propagées rapidement : en trois semaines, 300.000 visites sur YouTube. En France, la vidéo d’horreur avec le meurtrier à la hache folle atteint le numéro un dans la section Politique sur YouTube.
Le journal Le Figaro a également signalé ces vidéos et la chancelière fédérale Angela Merkel doit avoir été l’un des fans les plus célèbres de la vidéo : elle a affiché le clip des coureurs cyclistes sur son profil Facebook.
Des profils et des applications 2.0 : la construction d’une nouvelle communauté
Près de 55 000 membres se sont liés au Parlement sur leurs profils MySpace et Facebook.
Un autre élément de la campagne en ligne a été une visite virtuelle du site Internet du Parlement européen : des connaissances de base sur l’institution et tout un chemin avec 10 bonnes raisons pour lesquelles vous devriez faire usage de votre droit de vote.
Des mesures spécifiques au pays : 27 campagnes nationales
Un exemple anglais pour aller sur les lieux où les gens vont régulièrement : des panneaux de 24 mètres carré autour des terrains de stades de rugby pendant 13 matches pour un auditoire total de un million de téléspectateurs.
87 autres projets spécifiques qui allaient de réunions de discussions, de soirées étudiantes, à un road show à travers l’Espagne.
Branding de l’aéroport de Bruxelles : prise de conscience précoce des multiplicateurs de l’UE
18,5 millions de passagers embarquent et débarquent à l’aéroport de Bruxelles chaque année. Près de 12 millions d’entre eux sont des citoyens de l’UE. L’aéroport est une plaque tournante du transport européen majeur, et aussi le meilleur endroit pour toucher les multiplicateurs de l’Europe.
Branding à l’intérieur de l’aérogare avec des portes géantes confrontant les voyageurs à un choix : en choisissant l’entrée gauche, vous appuyez la forteresse européenne, en passant par la porte de droite vous soutenez l’ouverture des frontières.
Une large couverture médiatique sans budget médias
Quand il n’y a pas de budget disponible pour une campagne d’achat d’espace médias, il faut faire preuve de créativité. Les installations utilisées dans la campagne des élections européennes ont été une de ces idées fortes.
Dans de nombreux pays, ils sont devenus l’image des médias dans leurs sujets sur les élections européennes, et orné de nombreuses pages de couverture : le grand quotidien allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung, par exemple, a montré l’un des poulets sur sa première page en interrogeant : « Cuisse ou blanc ? ».
Le Financial Times a titré “Parliament’s online quest for excitement” avec le sous-titre “the cool new kid on MySpace”, en se référant au profil du Parlement européen sur les médias sociaux.
Un bilan : la campagne a démontré qu’il est possible de communiquer largement même sur les plus complexes des thèmes politiques
La campagne des élections européennes a atteint les 375 millions d’électeurs européens en ne coûtant que cinq cents d’euros par tête. Elle s’est donc fondée principalement sur des instruments non conventionnels au lieu de la publicité coûteuse, et a offert un contenu que les médias pouvaient utiliser et diffuser gratuitement.
De nombreux observateurs ont vu la campagne du Parlement européen pour les élections européennes de 2009 comme un jalon dans le marketing des institutions politiques de l’Europe. Et pour Lutz Meyer, elle peut aussi être un modèle pour à l’avenir mettre ensemble les moyens du Parlement, de la Commission et du Conseil de l’Union européenne…