Archives mensuelles : avril 2010

Comment le storytelling digital peut-il réinventer la communication européenne ?

La conférence du Social Media Club France : le Storytelling Digital, le 8 avril à La Cantine – animée par Alban Martin, auteur du livre « Et toi, tu télécharges? Industries du divertissement et des médias à l’ère du numérique » – est l’occasion d’envisager de « nouvelles formes d’écriture délinéarisée » qui correspondent à la triple tendance actuelle :

  • information pluri-média qui répond aux « parcours média quotidien » de chacun ;
  • divertissement rich média qui répond à l’hybridation jeu-cinéma ou « Siliwood » (Silicon Valley et Hollywood) ;
  • communication multimédia qui répond à l’interactivité du web social et au multi-tasking lié à la multiplication des écrans.

La production de documentaires web : le cas de « portraits d’un nouveau monde » pour France 5

Présentée par Cécile Cros, co-fondatrice de Narrative, la production de documentaires pour les nouveaux médias : « portraits d’un nouveau monde » sur France5.fr réinvente le journalisme narratif avec le digital :

  • réinvention de l’écriture : impact lié aux contraintes du web sur l’image (émotion immédiate et directe des photos) ;
  • réinvention du tournage : impact lié à la proximité de l’écran et à l’intimité de l’ordinateur personnel sur la narration (à la 1e personne) et le cadrage (regard caméra) ;
  • réinvention du montage : impact lié à la versatilité/volatilité de l’attention sur le son (autonomie privilégiant le doublage au sous-titrage) ;
  • réinvention de l’habillage : impact lié aux usages sur l’interface (fonctions d’accès, d’accueil, virales et sociales).

La production de programmes TV transmédia : le cas de « Clem – maman trop tôt » pour TF1

Présenté par Nicolas Bry, directeur du Transmedia Lab d’Orange, la production de programmes TV transmédia (diffusion de téléfilm complétée par le web et le mobile) telle que « Clem – maman trop tôt » pour TF1 réinvente l’engagement du public avec le digital :

  • associer la créativité des auteurs de la fiction et des commentaires de la « communauté » à travers le dialogue des technologies et la circulation des contenus (SMS, e-mail, blog, Facebook) au point que c’est l’expérience qui fait l’histoire.

Ainsi, si la communication européenne s’engage dans la production de documentaires pour le web (portraits des Pères fondateurs de l’Europe ?), voire dans la réalisation de programmes TV transmédia, alors de l’écriture (fragmenter le récit et la diffusion des contenus par médias) au tournage-montage-habillage (intégrer les technologies et les fonctionnalités) jusqu’au community management (animer les interactions et les communautés), le storytelling de l’UE devrait s’adapter au digital.

Quelles sont les priorités de communication de l’UE en 2010 ?

C’est avec son « programme de travail pour 2010 » nommé pompeusement « Le moment d’agir » que la Commission européenne dévoile les priorités interinstitutionnelles en matière de communication…

Des priorités communes aux institutions européennes en 2010 très proches du programme de travail de la DG COMM

En application de la stratégie « Communiquer sur l’Europe en partenariat », le Groupe interinstitutionnel de l’information (GII) réunissant les communicants des institutions européennes décide que les priorités annuelles communes en matière de communication sont :

  • piloter la relance économique et mobiliser de nouvelles sources de croissance ;
  • agir dans les domaines du climat et de l’énergie ;
  • faire fonctionner le traité de Lisbonne pour les citoyens européens.

Ces priorités se révèlent très proches du programme de travail de la Direction Générale Communication de la Commission européenne pour 2010, qui définit :

  • La relance économique ;
  • L’environnement, le climat et l’énergie ;
  • Une meilleure gouvernance européenne pour les aspects de sécurité intérieure et extérieure qu’apportera le traité de Lisbonne.

La proximité entre les priorités de la DG COMM et les priorités interinstitutionnelles de communication doit-elle être interprétée comme l’absence de marge de manœuvre du GII pour pleinement délibérer en commun ?

Des objectifs de communication modestes ou ambitieux ?

Rangée dans la partie consacrée à « moderniser les instruments et les méthodes de travail de l’UE », la communication de l’UE – une fonction de support – y fait modestement l’objet d’un développement de 8 lignes dans un document d’une dizaine de page.

Assignée à des objectifs (« piloter », « agir », « faire fonctionner »…) très au-delà des catégories classiques d’objectifs de communication (cognitifs – « faire connaître », affectifs « développer l’image » ou conatifs « inciter à changer »), la communication de l’UE – pleinement stratégique – se voit confiée une lourde responsabilité politique.

Entre modestie ou ambition, la lecture du programme de travail pour 2010 de la Commission européenne ne permet pas formellement de trancher, même si la modestie semble de rigueur.

Reste dans le document la définition de la communication européenne : « une condition préalable à remplir pour que les citoyens participent à la vie démocratique de l’Union et soient pleinement conscients des opportunités offertes par les politiques de l’UE ». Vaste programme.

Les publics cibles de la communication européenne : les figures du citoyen européen (2/2)

Afin de réduire le déficit démocratique de la construction européenne, la communication avec les citoyens constitue l’une des priorités de la Commission européenne. Encore faut-il que l’UE identifie les motivations, les attentes et les besoins des citoyens et sache y répondre…

La figure du citoyen usager : fournir des informations pratiques sur les services de l’UE

Le citoyen usager est motivé par la recherche d’informations pratiques dans ses démarches avec les services administratifs de l’UE :

  • les pièces constitutives d’un dossier de demande de mobilité pour un étudiant, de candidatures pour un chercheur d’emploi…
  • les critères d’admission les modalités d’application ou les critères d’éligibilité pour bénéficier d’une aide ou d’une subvention (voir le guide des aides de l’UE)
  • les coordonnées de fonctionnaires européens…

Pour entretenir cette relation administré / administration, où le citoyen usager cherche à optimiser ses rapports avec les services « exclusifs » de l’UE, plusieurs outils sont mis à sa disposition :

  • Europe Direct, le service téléphonique gratuit d’information sur l’UE disposant de relais décentralisés, implantés dans les régions (environ 470 relais répartis dans les 27 États membres de l’Union, 45 relais Europe direct en France)
  • Office des publications de l’UE, le Journal officiel de l’UE
  • EU Whoiswho, l’annuaire officiel de l’UE

La plus value de la communication de l’UE serait de faciliter les mises en relation entre usagers assidus à travers notamment l’animation de réseaux permettant de prolonger la relation créée autour de l’usage.

La figure du citoyen électeur : fournir des informations politiques sur les actions de l’UE

Quoique plus rarement, au vue de l’abstention rédhibitoire à chaque scrutin européen, le citoyens peut néanmoins s’intéresser aux affaires publiques de l’Union et rechercher des informations sur :

  • les travaux des institutions européennes (ce qui va ou vient d’être voté par exemple),
  • les politiques publiques menées par l’Union,
  • les prises de positions des principaux responsables européens…

Dans cette relation électeur / élu, où le citoyen cherche en quelque sorte à contrôler l’activité de l’UE, plusieurs outils – plutôt développé par des observateurs – sont disponibles :

La plus value de la communication de l’UE serait de faciliter les débats de nature civique ou politique à travers notamment la diffusion de données structurées, permettant d’exploiter aisément les informations brutes.

Ainsi, la communication de l’UE aurait tout intérêt à mieux satisfaire les attentes des citoyens tant usager qu’électeur.

Les publics cibles de la communication européenne : la défaillance des médiateurs naturels (1/2)

Afin de réduire le déficit démocratique de la construction européenne, la communication avec les citoyens constitue l’une des priorités de la Commission européenne. Cette stratégie devrait logiquement s’appuyer sur des médiateurs puisqu’en dépit d’un usage massif d’Internet, la Commission n’a pas les moyens de toucher directement les citoyens. Pourtant, les médiateurs naturels sont défaillants…

S’attaquer à la stérilité conjoncturelle des relations conflictuelles entre l’UE et ses médiateurs naturels pour lutter contre la fébrilité structurelle de l’information sur l’Europe

D’une part, l’actualité récente montre que la Commission européenne semble maladroitement s’être installée dans une logique stérile de concurrence avec les émetteurs d’information sur l’Europe, notamment les journalistes.

D’autre part, le constat durable en matière d’information ou de communication sur l’Europe est implacable : aucun émetteur – et à fortiori la Commission européenne – n’a réussi jusqu’à présent à sortir d’une fébrilité structurelle.

Il est impératif que les communicants de l’UE réapprennent à travailler avec les médiateurs naturels de l’UE, compris comme :

  • autorité morale : l’UE doit reconnaître ses médiateurs comme des parties indépendantes, respectueuses des diversités, capables de susciter la confiance et l’intérêt de leurs propres publics ;
  • autorité de compétences : l’UE doit être en mesure de mettre à la disposition de ses médiateurs des experts qui offriront leur capacité pour faire comprendre les enjeux, pour susciter et garantir le dialogue ;
  • autorité de représentation : l’UE doit se convaincre que le principe de subsidiarité s’applique particulièrement bien en communication, avec les relais et réseaux nationaux et locaux.

S’attaquer à la défaillance des médiateurs naturels de l’UE pour réduire le déficit démocratique de l’information sur l’Europe

Deux approches doivent être conjointement poursuivies auprès des médiateurs :

  • approche partenariale avec les médiateurs étatiques et institutionnels ;
  • approche servicielle auprès des journalistes, des enseignants et des élus locaux ;

D’une part, la stratégie « Communiquer sur l’Europe en partenariat », lancée en octobre 2007 par Margot Wallström doit être confortée :

  • le partenariat stratégique entre les institutions communautaires doit rapidement déboucher sur une réunion du Groupe interinstitutionnel de l’information (GII) pour déterminer les priorités annuelles communes en matière de communication ;
  • le partenariat de gestion avec les États membres doit rapidement doit rapidement déboucher sur l’objectif dès 2010 de conclure 27 contrats (4 États membres n’ont pas encore mis en place de partenariats : Luxembourg, Danemark, Pays-Bas, Royaume-Uni et les 23 autres partenariats devront faire l’objet d’une reconduction) ;
  • le partenariat de collaboration avec la société civile proposé dans une résolution « Dialogue actif avec les citoyens sur l’Europe » adoptée en session plénière, mardi 24 mars 2009 par le Parlement européen doit rapidement déboucher sur des propositions concrètes et réalistes de la Commission européenne.

D’autre part, l’approche servicielle – au-delà de la fourniture d’informations et de données d’actualité – consistant à fournir des prestations facilitant le travail des médiateurs doit également être appuyée :

  • des formations pour les journalistes qui ne sont pas correspondant à Bruxelles afin de leur permettre de mieux comprendre les institutions communautaires ;
  • des formations aux futurs corps enseignants afin de leur permettre de mieux enseigner l’éducation civique européenne ;
  • des formations pour les élus locaux à travers des outils pour mieux connaître le fonctionnement de l’UE et des messages pour se valoriser en parlant de l’UE.

Ainsi, face à « la contradiction fondamentale de la communication institutionnelle européenne » :

  • un public « réel » restreint qui a besoin d’une information de qualité, abondante ;
  • un public « convoité », constitué d’opinions publiques fragmentées, globalement désintéressées par les questions européennes et qui ont le sentiment de n’y rien comprendre ;

une réconciliation entre l’UE et ses médiateurs naturels permettrait de mieux informer les citoyens.