Archives annuelles : 2009

Quelles sont les stratégies d’affaires publiques européennes des entreprises représentées à Bruxelles ?

Face à l’importance des institutions communautaires dans la vie économique, les entreprises mettent en place des bureaux de représentation à Bruxelles eux-mêmes chargés de mettre en œuvre des « stratégies d’affaires publiques européennes »…

2 enquêtes en 2 ans sur les pratiques de lobbying des entreprises représentées à Bruxelles

Etudiées en 2007 par Euractiv et synthétisées dans notre billet du 16 octobre 2007 : « Communication paneuropéenne d’entreprise : l’Union européenne prend de l’importance dans les stratégies des entreprises »), les pratiques de lobbying des entreprises représentées à Bruxelles évoluent vers une utilisation croissante d’Internet et des nouvelles technologies, selon l’enquête réalisée en mai 2009 par Euractiv.

Principaux résultats de l’enquête de 2007 : les affaires publiques européennes des entreprises représentées à Bruxelles se développent progressivement

Les ressources sont principalement destinées à la communication d’entreprise au siège européen plutôt qu’à la communication des bureaux de représentation à Bruxelles. Les contacts personnels dans les réunions et les événements organisés par des réseaux de connaissances, les mises à jour de sites web et les prises de positions restent les moyens de communication privilégiés par les entreprises.

Principaux résultats de l’enquête de 2009 : « les nouveaux médias font leur nid dans les stratégies d’affaires publiques européennes » (des entreprises représentées à Bruxelles) selon Euractiv

Certes, en tête des budgets affaires publiques arrivent toujours les adhésions à des fédérations (78%), les événements (67%), la communication (48%) et le recours à des cabinets de consultants (46%).

Mais, les nouveaux médias commencent également à trouver leur place :

  • 11% déclarent modérer des blogs et 17% utilisent ou envisagent d’utiliser des blogs ;
  • 41% utilisent des vidéos de façon proactive, contre 13% dans la précédente enquête réalisée en 2007 ;
  • 51% utilisent la syndication de contenu (fils RSS), contre 35% en 2007.

Ainsi, les affaires publiques européennes s’inscrivent également dans la tendance récente consistant à utiliser les innovations technologiques.

Lancement de la Présidence suédoise de l’UE : regard sous l’angle de la communication

Alors que la Suède, pays membre de l’UE depuis 1995, prend la présidence du Conseil de l’UE – pour la seconde fois – quel regard peut-on porter sur la communication ?

Un contexte favorable : un espoir suédois après l’échec tchèque et dans la tempête mondiale

Après les six mois de présidence tchèque unanimement décriés (voir le billet de Jean Quatremer qui résume l’état d’esprit : « Délivrance: la présidence tchèque est terminée! »)

et en pleine tempête mondiale (crise économique majeure, crise géopolitique en Iran, négociations climatiques),

le contexte de lancement de la présidence suédoise est particulièrement favorable au sein :

  • des milieux bruxellois : échaudés par l’euroscepticisme du président tchèque ;
  • des capitales européennes : glacées par le libéralisme du gouvernement tchèque.

Un positionnement pragmatique : un programme de travail : « Relevons le défi » autour de quelques priorités

Face à l’ampleur des défis, la présidence suédoise – suivant la culture scandinave de rigueur et de pragmatisme – se fixe quelques priorités dans son programme de travail: « Relevons le défi » :

  1. Économie et emploi – une UE renforcée au sortir de la crise économique ;
  2. Le climat – un nouvel accord sur le climat est en place ;
  3. Justice et affaires intérieures (JAI) – un Programme de Stockholm permettant de sauvegarder la sécurité et les droits des particuliers ;
  4. La stratégie pour la Mer Baltique de l’UE, un milieu marin plus propre et une région plus Compétitive ;
  5. L’UE, son voisinage et le monde ;
  6. Un nouveau Parlement, une nouvelle Commission et le Traité de Lisbonne.

En résumé, selon les Euros du village, les défis sont de 3 ordres :

  • répondre aux crises mondiales (économique et climatique),
  • préparer les changements intérieurs (projet écologique en mer Baltique, vie institutionnelle de l’Union) ;
  • approfondir les stratégies existantes (politique de voisinage et d’élargissement, JAI).

Un budget réduit : 90 millions d’euros pour la présidence suédoise de l’UE

Le coût de préparation et de mise en œuvre de la Présidence suédoise est estimé à 971 millions de couronnes soit 90 millions d’euros :

  • la moitié pour organiser une centaine de réunions qui ont lieu en Suède ;
  • les autres dépenses concernent les efforts faits pour les médias et la culture, le développement de compétence et un renforcement du personnel dans les ministères et quelques administrations importantes à l’étranger.

A titre de comparaison, la Présidence française de l’UE disposait d’un budget de 190 millions d’euros tandis que la Présidence tchèque aurait dépensé à hauteur de 124,5 millions d’euros.

Un site Internet novateur : des fonctionnalités renforçant la culture de transparence

Le site Internet de la présidence suédoise www.se2009.eu est largement inspiré des présidences antérieures dans son arborescence, ses traductions en français et en anglais, ses contenus audio ou vidéo.

Fort de la culture de transparence de l’administration suédoise, le site propose des nouveautés :

  • live blogging des différentes formations du Conseil de l’UE ;
  • accès direct via e-mail et téléphone portable pour tous les intervenants suédois.

Des opérations originales:

  • Campagne grass-root « Me – We: Ton effort multiplié par 500 millions, quelle force! » pour mobiliser individuellement les citoyens de l’UE aux priorités de la présidence ;
  • Campagne auprès des lycéens suédois : « Les Jeunes reporters couvrent la Présidence » afin que les jeunes soient impliqués dans les événements de la présidence.

Nomination de Pierre Lellouche, Secrétaire d’Etat aux Affaires européennes : quelles perspectives pour la communication européenne ?

Au-delà des commentaires de la nomination d’un atlantiste affirmé, pro-Turquie en Europe et expert en défense sur le message délivré par la France à ses partenaires, la perspective d’un recentrement de la communication européenne autour de la dimension stratégique de l’Union européenne pourrait se dessiner…

Vers un renversement de paradigme pour la communication européenne : de l’adhésion citoyenne à la négociation internationale

Quelle est la continuité en matière de communication entre les deux précédents Secrétaire d’Etat aux Affaires européennes depuis 2007 ? En un mot, l’impératif de la dimension citoyenne de la communication européenne afin de réduire le déficit démocratique :

  • Jean-Pierre Jouyet eut pour mission d’organiser la Présidence française de l’UE avec notamment un accent sur l’adhésion populaire de l’événement ;
  • Bruno Le Maire fut chargé d’organiser les échéances électorales européennes avec évidemment une mission de susciter la participation civique au scrutin.

La rupture en matière de communication du nouveau Secrétaire d’Etat aux Affaires européennes, Pierre Lellouche, peut consister à renverser la stratégie, qui ne serait plus orientée vers les citoyens mais plutôt vers les partenaires de l’UE. Voir ainsi l’article dans Le Monde daté du 25 juin : « Pierre Lellouche souhaite que l’Europe s’empare des questions stratégiques ».

Ainsi, l’Europe ne serait plus amenée à justifier son existence auprès des citoyens européens mais plutôt à renforcer sa légitimité sur la scène internationale.

Vers un nouveau programme de travail autour de nouvelles priorités : l’UE, un acteur dans le monde

Afin de positionner l’Europe comme un acteur légitime dans le monde, plusieurs dossiers prioritaires, que le nouveau Secrétaire d’Etat sera amené à traiter, semblent se dessiner :

  • la régulation financière dans le prolongement du G20 de Londres en avril ;
  • la lutte contre le changement climatique en vue de la conférence de Copenhague en décembre ;
  • la relance de l’Europe de la défense à la suite de la décision de la France de rejoindre le commandement intégré de l’Otan ;
  • la politique de voisinage de l’UE et les « stratégies macro-régionales » (partenariat Euro-méditerranéen, partenarial oriental, stratégie de la Baltique, partenariat privilégié avec la Turquie…).

Ainsi, pour surprenante qu’elle soit, la nomination de Pierre Lellouche, Secrétaire d’Etat aux Affaires européennes ouvre de nouvelles perspectives à la communication européenne en offrant un ciment commun aux priorités européennes. Par ses prochaines réalisations certes lointaines mais au combien stratégiques pour l’avenir, l’UE s’offre les preuves susceptibles de refonder sa communication lors des cérémonies des 20 ans de la chute du Mur de Berlin (et de la réunification de l’Europe) ou des 60 ans de la déclaration Schuman, le 9 mai prochain.

Quelles interprétations donner à la faible participation aux élections européennes ?

Seul fait incontesté dans l’abstention aux élections européennes : il s’agit d’une tendance lourde depuis le premier scrutin en 1979. Pour le reste, les points de vue divergent sur l’interprétation à donner…

Point de vue conformiste : l’abstention indique une lassitude des opinions publiques à l’égard de l’idée européenne

A force de constater la faible participation au fil des scrutins européens, l’hypothèse d’un désintérêt croissant des citoyens s’est peu à peu répandue au sein de la classe politique – elle-même non exempte d’exemplarité – et des médias, ce qui renforce le cercle vicieux : l’Europe n’intéresse pas, donc on ne parle pas d’Europe, donc…

Point de vue réaliste : l’abstention indique l’incompréhension du rôle et des pouvoirs réels du Parlement européen

Conclusion tirée de l’Eurobaromètre consacré aux élections européennes au printemps 2009 (EB Standard 71 : Les élections européennes de 2009). La faible connaissance du mode de désignation, du fonctionnement et des compétences du Parlement européen conduit les Européens vers l’abstention.

Point de vue opportuniste : l’abstention est un échec civique

Dénonçant à la fois « des candidats, obnubilés par une autre élection, (qui) ont détourné le scrutin » et « des partis (qui) s’opposent pendant la campagne, se partagent les postes ensuite », dans « Abstention eux européennes : l’Europe crève du consensus » sur Rue89, Hervé Morin, le Président du Nouveau-Centre en profite pour défendre une « Europe (qui) a besoin de politique et de clivage ».

Point de vue audacieux : l’abstention confirme l’adhésion à la construction européenne

Selon l’éditorial du Bulletin Quotidien Europe n° 9922 en date du 17 juin 2009 : « la faible participation aux élections, pour regrettable qu’elle soit, ne signifie pas que les opinions publiques se détachent de la construction européenne ».

Pourquoi ?

  • les sondages d’opinion qui ont précédé les élections ont indiqué un soutien à la construction européenne et à la participation à l’UE dépassant partout les 60 % et atteignant souvent les 80 % ;
  • tout autour des frontières de l’UE, il n’y a que des pays qui rêvent de l’adhésion et font pression pour l’obtenir ;
  • les citoyens qui ont voté ont largement soutenu les personnalités politiques qui s’étaient exprimées en faveur des progrès de la construction européenne et ils ont largement rejeté ceux qui n’ont fait état que d’ambitions nationales.

Point de vue iconoclaste : l’abstention est inévitablement forte et pas si problématique que ça

Pour le chercheur Olivier Costa, il est non seulement inévitable que les électeurs boudent les élections européennes, parce que :

  • les citoyens n’ont qu’une faible connaissance de l’UE ;
  • les citoyens ne saisissent pas les enjeux du scrutin sur le plan idéologique, pour l’avenir de la construction européenne;
  • les citoyens ne vivent pas les élections à l’échelle européenne mais comme un scrutin national sans réel enjeu.

Mais il est admis de penser que l’abstention n’est pas si problématique que ça :

  • « En effet, le fonctionnement de l’UE ne dépend pas de sa capacité à soutenir et légitimer l’action d’un gouvernement pour mener une politique donnée, mais des interactions entre trois institutions indépendantes les unes des autres : le PE, la Commission et le Conseil. »
  • « En outre, même si le PE est « mal élu », il reste l’institution intuitivement perçue comme la plus à même de défendre les intérêts des citoyens en faisant contrepoids à la Commission et au Conseil. »
  • « Tant que les responsables politiques nationaux ne contesteront pas massivement l’existence du PE et tant que les partis eurosceptiques choisiront de participer aux élections européennes plutôt que d’en dénonce le principe, l’autorité du PE ne sera pas sensiblement affectée. »
  • « Dans le contexte actuel, la légitimité et la représentativité du PE se mesurent plus sûrement à la lumière de sa capacité à refléter les préoccupations des citoyens et à défendre efficacement leurs intérêts. »

Alors, le projet européen est-il si malade ou en bonne santé ?

Abstention record aux élections européennes : communiquer et politiser contre les paradoxes du déficit démocratique de l’UE ?

Alors que sous l’angle de l’abstention, les élections européennes de 2009 se sont inscrites dans le prolongement des scrutins précédents avec une baisse continue du taux de participation :

  • 61.99% de participation en 1979 (7 États membres) ;
  • 45.47% de participation en 2004 (25 États membres) ;
  • 43.1% de participation en 2009 (27 États membres) ;

plusieurs paradoxes semblent conforter le déficit démocratique malgré un contexte historiquement favorable et des pouvoirs accrus du Parlement européen…

Paradoxe n°1 : bien que les éléments participants au sentiment d’appartenance à l’UE semblent particulièrement portés par le contexte de crise, l’identité de l’Europe demeure un défi démocratique

Quoique curieusement, les enquêtes Eurobaromètre ne demandent pas aux « Européens » s’ils se sentent « citoyens de l’Union », alors que depuis 1993, le traité de l’Union européenne a institué une citoyenneté de l’Union ;

la dernière enquête Eurobaromètre disponible (EB Standard 70) montrent que les liens qui unissent les citoyens européens sont d’une actualité brulante permettant de renforcer le « sentiment d’européanité, (qui) constitue un défi essentiel pour l’Union pour résorber le déficit démocratique » selon Camille Lépinay : « Les Européens se sentent-ils vraiment Européens ? ».

Éléments participant à la construction de l’identité européenne, selon les Européens :

  • l’Euro, en tête des éléments constitutifs de l’identité européenne pour son rôle de stabilisateur et d’amortisseur de la crise ;
  • les valeurs démocratiques, qui s’illustrent magistralement avec les élections européennes.

Pourtant, malgré ce contexte particulièrement favorable pour conforter l’identité européenne, la désaffection des électeurs européens se répand au point que pour Louis Chauvel, « le défi central de la construction européenne est aujourd’hui celui de la constitution d’un demos européen » :

  • Les élites culturelles sont presque unanimement favorables au projet de construction européenne ;
  • Le reste de la population partage un « euroscepticisme communicatif ».

Seule solution : communiquer afin de renforcer la crédibilité du projet européen :

Communiquer de telle sorte, selon Louis Chauvel, que « le décalage entre des discours institutionnels communicationnels dont l’enthousiasme va culminant et les réalités auxquelles font face les populations » se réduise. En somme que le fossé entre Europe objective et Europe subjective soit comblé.

2ème paradoxe : bien que les pouvoirs du Parlement européen se soient considérablement accrus, la légitimité du Parlement européen demeure un défi démocratique

Quoique régulièrement les traités ont élargi les pouvoirs du Parlement européen – notamment la codécision avec le Conseil, la validation du budget ou le contrôle de la Commission – la dernière élection européenne montre que l’intérêt des citoyens pour l’institution s’est encore réduit, comme l’analysent les chercheurs Julia De Clerck-Sachsse et Piotr Maciej Kaczyński du Centre for European Policy Studies (CEPS) dans « The European Parliament : more powerful, less legitimate ? ».

Éléments justifiant de l’érosion de la légitimité du Parlement européen :

  • raison structurelle : le multilinguisme rend les débats difficiles à suivre ;
  • raison politique : l’absence de division forte entre partis appartenant à une majorité ou à une opposition rend les coalitions difficile à suivre ;
  • raison électorale : l’absence de cristallisation de la campagne électorale autour d’un thème, à fortiori à l’échelle européenne plutôt que nationale, rend les candidats difficiles à suivre ;
  • raison d’organisation: le travail en commissions tend à réduire la législation européenne à des mesures techniques plutôt que des positons idéologiques d’autant plus difficile à suivre ;
  • raison institutionnelle : l’absence de conséquence du scrutin européen sur les gouvernements européens rend les enjeux.

Seule solution : politiser afin de renforcer la légitimité du Parlement européen :

Politiser, de telle sorte que l’institution soit perçue comme véritablement politique au-delà des cercles bruxellois. En somme, un forum démocratique avec des controverses partisanes transeuropéennes sur les politiques publiques de l’UE.

Ainsi, lutter contre le déficit démocratique de la construction européenne, c’est s’attaquer à l’identité de l’Europe et à la légitimité du Parlement européen qui demeurent aujourd’hui un défi démocratique.