Seul fait incontesté dans l’abstention aux élections européennes : il s’agit d’une tendance lourde depuis le premier scrutin en 1979. Pour le reste, les points de vue divergent sur l’interprétation à donner…
Point de vue conformiste : l’abstention indique une lassitude des opinions publiques à l’égard de l’idée européenne
A force de constater la faible participation au fil des scrutins européens, l’hypothèse d’un désintérêt croissant des citoyens s’est peu à peu répandue au sein de la classe politique – elle-même non exempte d’exemplarité – et des médias, ce qui renforce le cercle vicieux : l’Europe n’intéresse pas, donc on ne parle pas d’Europe, donc…
Point de vue réaliste : l’abstention indique l’incompréhension du rôle et des pouvoirs réels du Parlement européen
Conclusion tirée de l’Eurobaromètre consacré aux élections européennes au printemps 2009 (EB Standard 71 : Les élections européennes de 2009). La faible connaissance du mode de désignation, du fonctionnement et des compétences du Parlement européen conduit les Européens vers l’abstention.
Point de vue opportuniste : l’abstention est un échec civique
Dénonçant à la fois « des candidats, obnubilés par une autre élection, (qui) ont détourné le scrutin » et « des partis (qui) s’opposent pendant la campagne, se partagent les postes ensuite », dans « Abstention eux européennes : l’Europe crève du consensus » sur Rue89, Hervé Morin, le Président du Nouveau-Centre en profite pour défendre une « Europe (qui) a besoin de politique et de clivage ».
Point de vue audacieux : l’abstention confirme l’adhésion à la construction européenne
Selon l’éditorial du Bulletin Quotidien Europe n° 9922 en date du 17 juin 2009 : « la faible participation aux élections, pour regrettable qu’elle soit, ne signifie pas que les opinions publiques se détachent de la construction européenne ».
Pourquoi ?
- les sondages d’opinion qui ont précédé les élections ont indiqué un soutien à la construction européenne et à la participation à l’UE dépassant partout les 60 % et atteignant souvent les 80 % ;
- tout autour des frontières de l’UE, il n’y a que des pays qui rêvent de l’adhésion et font pression pour l’obtenir ;
- les citoyens qui ont voté ont largement soutenu les personnalités politiques qui s’étaient exprimées en faveur des progrès de la construction européenne et ils ont largement rejeté ceux qui n’ont fait état que d’ambitions nationales.
Point de vue iconoclaste : l’abstention est inévitablement forte et pas si problématique que ça
Pour le chercheur Olivier Costa, il est non seulement inévitable que les électeurs boudent les élections européennes, parce que :
- les citoyens n’ont qu’une faible connaissance de l’UE ;
- les citoyens ne saisissent pas les enjeux du scrutin sur le plan idéologique, pour l’avenir de la construction européenne;
- les citoyens ne vivent pas les élections à l’échelle européenne mais comme un scrutin national sans réel enjeu.
Mais il est admis de penser que l’abstention n’est pas si problématique que ça :
- « En effet, le fonctionnement de l’UE ne dépend pas de sa capacité à soutenir et légitimer l’action d’un gouvernement pour mener une politique donnée, mais des interactions entre trois institutions indépendantes les unes des autres : le PE, la Commission et le Conseil. »
- « En outre, même si le PE est « mal élu », il reste l’institution intuitivement perçue comme la plus à même de défendre les intérêts des citoyens en faisant contrepoids à la Commission et au Conseil. »
- « Tant que les responsables politiques nationaux ne contesteront pas massivement l’existence du PE et tant que les partis eurosceptiques choisiront de participer aux élections européennes plutôt que d’en dénonce le principe, l’autorité du PE ne sera pas sensiblement affectée. »
- « Dans le contexte actuel, la légitimité et la représentativité du PE se mesurent plus sûrement à la lumière de sa capacité à refléter les préoccupations des citoyens et à défendre efficacement leurs intérêts. »
Alors, le projet européen est-il si malade ou en bonne santé ?