Archives mensuelles : juin 2009

Nomination de Pierre Lellouche, Secrétaire d’Etat aux Affaires européennes : quelles perspectives pour la communication européenne ?

Au-delà des commentaires de la nomination d’un atlantiste affirmé, pro-Turquie en Europe et expert en défense sur le message délivré par la France à ses partenaires, la perspective d’un recentrement de la communication européenne autour de la dimension stratégique de l’Union européenne pourrait se dessiner…

Vers un renversement de paradigme pour la communication européenne : de l’adhésion citoyenne à la négociation internationale

Quelle est la continuité en matière de communication entre les deux précédents Secrétaire d’Etat aux Affaires européennes depuis 2007 ? En un mot, l’impératif de la dimension citoyenne de la communication européenne afin de réduire le déficit démocratique :

  • Jean-Pierre Jouyet eut pour mission d’organiser la Présidence française de l’UE avec notamment un accent sur l’adhésion populaire de l’événement ;
  • Bruno Le Maire fut chargé d’organiser les échéances électorales européennes avec évidemment une mission de susciter la participation civique au scrutin.

La rupture en matière de communication du nouveau Secrétaire d’Etat aux Affaires européennes, Pierre Lellouche, peut consister à renverser la stratégie, qui ne serait plus orientée vers les citoyens mais plutôt vers les partenaires de l’UE. Voir ainsi l’article dans Le Monde daté du 25 juin : « Pierre Lellouche souhaite que l’Europe s’empare des questions stratégiques ».

Ainsi, l’Europe ne serait plus amenée à justifier son existence auprès des citoyens européens mais plutôt à renforcer sa légitimité sur la scène internationale.

Vers un nouveau programme de travail autour de nouvelles priorités : l’UE, un acteur dans le monde

Afin de positionner l’Europe comme un acteur légitime dans le monde, plusieurs dossiers prioritaires, que le nouveau Secrétaire d’Etat sera amené à traiter, semblent se dessiner :

  • la régulation financière dans le prolongement du G20 de Londres en avril ;
  • la lutte contre le changement climatique en vue de la conférence de Copenhague en décembre ;
  • la relance de l’Europe de la défense à la suite de la décision de la France de rejoindre le commandement intégré de l’Otan ;
  • la politique de voisinage de l’UE et les « stratégies macro-régionales » (partenariat Euro-méditerranéen, partenarial oriental, stratégie de la Baltique, partenariat privilégié avec la Turquie…).

Ainsi, pour surprenante qu’elle soit, la nomination de Pierre Lellouche, Secrétaire d’Etat aux Affaires européennes ouvre de nouvelles perspectives à la communication européenne en offrant un ciment commun aux priorités européennes. Par ses prochaines réalisations certes lointaines mais au combien stratégiques pour l’avenir, l’UE s’offre les preuves susceptibles de refonder sa communication lors des cérémonies des 20 ans de la chute du Mur de Berlin (et de la réunification de l’Europe) ou des 60 ans de la déclaration Schuman, le 9 mai prochain.

Quelles interprétations donner à la faible participation aux élections européennes ?

Seul fait incontesté dans l’abstention aux élections européennes : il s’agit d’une tendance lourde depuis le premier scrutin en 1979. Pour le reste, les points de vue divergent sur l’interprétation à donner…

Point de vue conformiste : l’abstention indique une lassitude des opinions publiques à l’égard de l’idée européenne

A force de constater la faible participation au fil des scrutins européens, l’hypothèse d’un désintérêt croissant des citoyens s’est peu à peu répandue au sein de la classe politique – elle-même non exempte d’exemplarité – et des médias, ce qui renforce le cercle vicieux : l’Europe n’intéresse pas, donc on ne parle pas d’Europe, donc…

Point de vue réaliste : l’abstention indique l’incompréhension du rôle et des pouvoirs réels du Parlement européen

Conclusion tirée de l’Eurobaromètre consacré aux élections européennes au printemps 2009 (EB Standard 71 : Les élections européennes de 2009). La faible connaissance du mode de désignation, du fonctionnement et des compétences du Parlement européen conduit les Européens vers l’abstention.

Point de vue opportuniste : l’abstention est un échec civique

Dénonçant à la fois « des candidats, obnubilés par une autre élection, (qui) ont détourné le scrutin » et « des partis (qui) s’opposent pendant la campagne, se partagent les postes ensuite », dans « Abstention eux européennes : l’Europe crève du consensus » sur Rue89, Hervé Morin, le Président du Nouveau-Centre en profite pour défendre une « Europe (qui) a besoin de politique et de clivage ».

Point de vue audacieux : l’abstention confirme l’adhésion à la construction européenne

Selon l’éditorial du Bulletin Quotidien Europe n° 9922 en date du 17 juin 2009 : « la faible participation aux élections, pour regrettable qu’elle soit, ne signifie pas que les opinions publiques se détachent de la construction européenne ».

Pourquoi ?

  • les sondages d’opinion qui ont précédé les élections ont indiqué un soutien à la construction européenne et à la participation à l’UE dépassant partout les 60 % et atteignant souvent les 80 % ;
  • tout autour des frontières de l’UE, il n’y a que des pays qui rêvent de l’adhésion et font pression pour l’obtenir ;
  • les citoyens qui ont voté ont largement soutenu les personnalités politiques qui s’étaient exprimées en faveur des progrès de la construction européenne et ils ont largement rejeté ceux qui n’ont fait état que d’ambitions nationales.

Point de vue iconoclaste : l’abstention est inévitablement forte et pas si problématique que ça

Pour le chercheur Olivier Costa, il est non seulement inévitable que les électeurs boudent les élections européennes, parce que :

  • les citoyens n’ont qu’une faible connaissance de l’UE ;
  • les citoyens ne saisissent pas les enjeux du scrutin sur le plan idéologique, pour l’avenir de la construction européenne;
  • les citoyens ne vivent pas les élections à l’échelle européenne mais comme un scrutin national sans réel enjeu.

Mais il est admis de penser que l’abstention n’est pas si problématique que ça :

  • « En effet, le fonctionnement de l’UE ne dépend pas de sa capacité à soutenir et légitimer l’action d’un gouvernement pour mener une politique donnée, mais des interactions entre trois institutions indépendantes les unes des autres : le PE, la Commission et le Conseil. »
  • « En outre, même si le PE est « mal élu », il reste l’institution intuitivement perçue comme la plus à même de défendre les intérêts des citoyens en faisant contrepoids à la Commission et au Conseil. »
  • « Tant que les responsables politiques nationaux ne contesteront pas massivement l’existence du PE et tant que les partis eurosceptiques choisiront de participer aux élections européennes plutôt que d’en dénonce le principe, l’autorité du PE ne sera pas sensiblement affectée. »
  • « Dans le contexte actuel, la légitimité et la représentativité du PE se mesurent plus sûrement à la lumière de sa capacité à refléter les préoccupations des citoyens et à défendre efficacement leurs intérêts. »

Alors, le projet européen est-il si malade ou en bonne santé ?

Abstention record aux élections européennes : communiquer et politiser contre les paradoxes du déficit démocratique de l’UE ?

Alors que sous l’angle de l’abstention, les élections européennes de 2009 se sont inscrites dans le prolongement des scrutins précédents avec une baisse continue du taux de participation :

  • 61.99% de participation en 1979 (7 États membres) ;
  • 45.47% de participation en 2004 (25 États membres) ;
  • 43.1% de participation en 2009 (27 États membres) ;

plusieurs paradoxes semblent conforter le déficit démocratique malgré un contexte historiquement favorable et des pouvoirs accrus du Parlement européen…

Paradoxe n°1 : bien que les éléments participants au sentiment d’appartenance à l’UE semblent particulièrement portés par le contexte de crise, l’identité de l’Europe demeure un défi démocratique

Quoique curieusement, les enquêtes Eurobaromètre ne demandent pas aux « Européens » s’ils se sentent « citoyens de l’Union », alors que depuis 1993, le traité de l’Union européenne a institué une citoyenneté de l’Union ;

la dernière enquête Eurobaromètre disponible (EB Standard 70) montrent que les liens qui unissent les citoyens européens sont d’une actualité brulante permettant de renforcer le « sentiment d’européanité, (qui) constitue un défi essentiel pour l’Union pour résorber le déficit démocratique » selon Camille Lépinay : « Les Européens se sentent-ils vraiment Européens ? ».

Éléments participant à la construction de l’identité européenne, selon les Européens :

  • l’Euro, en tête des éléments constitutifs de l’identité européenne pour son rôle de stabilisateur et d’amortisseur de la crise ;
  • les valeurs démocratiques, qui s’illustrent magistralement avec les élections européennes.

Pourtant, malgré ce contexte particulièrement favorable pour conforter l’identité européenne, la désaffection des électeurs européens se répand au point que pour Louis Chauvel, « le défi central de la construction européenne est aujourd’hui celui de la constitution d’un demos européen » :

  • Les élites culturelles sont presque unanimement favorables au projet de construction européenne ;
  • Le reste de la population partage un « euroscepticisme communicatif ».

Seule solution : communiquer afin de renforcer la crédibilité du projet européen :

Communiquer de telle sorte, selon Louis Chauvel, que « le décalage entre des discours institutionnels communicationnels dont l’enthousiasme va culminant et les réalités auxquelles font face les populations » se réduise. En somme que le fossé entre Europe objective et Europe subjective soit comblé.

2ème paradoxe : bien que les pouvoirs du Parlement européen se soient considérablement accrus, la légitimité du Parlement européen demeure un défi démocratique

Quoique régulièrement les traités ont élargi les pouvoirs du Parlement européen – notamment la codécision avec le Conseil, la validation du budget ou le contrôle de la Commission – la dernière élection européenne montre que l’intérêt des citoyens pour l’institution s’est encore réduit, comme l’analysent les chercheurs Julia De Clerck-Sachsse et Piotr Maciej Kaczyński du Centre for European Policy Studies (CEPS) dans « The European Parliament : more powerful, less legitimate ? ».

Éléments justifiant de l’érosion de la légitimité du Parlement européen :

  • raison structurelle : le multilinguisme rend les débats difficiles à suivre ;
  • raison politique : l’absence de division forte entre partis appartenant à une majorité ou à une opposition rend les coalitions difficile à suivre ;
  • raison électorale : l’absence de cristallisation de la campagne électorale autour d’un thème, à fortiori à l’échelle européenne plutôt que nationale, rend les candidats difficiles à suivre ;
  • raison d’organisation: le travail en commissions tend à réduire la législation européenne à des mesures techniques plutôt que des positons idéologiques d’autant plus difficile à suivre ;
  • raison institutionnelle : l’absence de conséquence du scrutin européen sur les gouvernements européens rend les enjeux.

Seule solution : politiser afin de renforcer la légitimité du Parlement européen :

Politiser, de telle sorte que l’institution soit perçue comme véritablement politique au-delà des cercles bruxellois. En somme, un forum démocratique avec des controverses partisanes transeuropéennes sur les politiques publiques de l’UE.

Ainsi, lutter contre le déficit démocratique de la construction européenne, c’est s’attaquer à l’identité de l’Europe et à la légitimité du Parlement européen qui demeurent aujourd’hui un défi démocratique.

Vers un lobbying ministériel auprès des eurodéputés français ?

Selon Euractiv, invités par le ministres des Affaires étrangères Bernard pour évoquer la prochaine mandature, une quarantaine d’eurodéputés français – près de la moitié des élus du scrutin du 7 juin – se sont rendus au Quai d’Orsay, lundi 22 juin, pour rencontrer les ministres dont les portefeuilles couvrent les champs d’activité de l’UE. Le secrétaire d’Etat aux Affaires européennes, Bruno Le Maire souhaite que ce type de réunions informelles ait lieu une fois par mois.

Organisation d’une réunion informelle entre les eurodéputés français et les ministres français : une démarche originale de « lobbying ministériel » auprès des eurodéputés

Objet régulier d’opération de lobbying de la part d’acteurs souhaitant influencer le processus décisionnel, les ministres français s’exercent à cette activité auprès des eurodéputés français, dans un contexte où le Parlement européen influence considérablement les législations nationales.

Les objectifs du lobbying ministériel – au-delà de l’intérêt de créer-entretenir un réseau relationnel – peuvent être multiples :

  • Emergence d’un problème : inscrire ou retarder l’inscription d’un problème sur l’agenda d’eurodéputés français informés des intérêts de la France ;
  • Recherche de solutions : influencer, légitimer ou orienter le choix de solutions préconisées par des eurodéputés français informés des intérêts de la France ;
  • Prise de décision : faire pression pour l’adoption d’une solution ou bloquer la décision d’eurodéputés français informés des intérêts de la France ;

Ainsi, au travers de l’organisation des réunions informelles, la démarche consiste à informer une cible pour tenter d’influencer sa décision.

Elections européennes : Internet au cœur de l’information des citoyens

Alors que ce sont « près de sept individus sur dix âgés de 15 ans et plus qui se connectent au moins une fois par mois à Internet (…) le comportement politique en ligne des Français devient un véritable enjeu », étudié par l’Observatoire Ifop de la netcampagne…

Internet, le média de référence pour se forger une opinion politique

Invitée à préciser l’utilité de chacune des grandes familles de médias pour arrêter leur choix, une nette majorité des personnes interrogées a désigné Internet (56%). Viennent ensuite la télévision (50%), la radio (47%), la presse écrite nationale (44%), la presse écrite régionale (40%) et la presse gratuite (27%).

Internet, une source d’information politiquement neutre pour faire son choix

Fait remarquable, les chiffres varient assez peu d’un électorat à l’autre. Les électeurs du Front de gauche sont les moins enclins (52 %) à juger Internet « utile » pour arrêter leur choix, tandis que ceux de l’UMP plébiscitent ce média à 64%, tout comme l’électorat du MoDem et du NPA (62% tous les deux). En milieu de tableau, on retrouve les électeurs des listes socialistes (56%) et celles d’Europe Ecologie (58 %). Internet arrive donc en tête chez cinq des six principaux électorats, seuls les électeurs socialistes citant davantage la radio.

Internet, un outil principalement utilisé pour des recherches sur l’actualité et dans une moindre mesure sur les candidats et les programmes

Les activités pratiquées au cours de la campagne se sont principalement focalisées sur la recherche d’informations sur l’actualité politique (34%) quoique davantage du côté des cadres et des professions libérales que parmi les employés (31% contre seulement 13 %) et en agglomération parisienne (29% contre 19% dans les communes rurales).

Les activités proprement politiques sont pratiquées par moins de 20% des internautes :

  • 16% ont visité régulièrement des sites de candidats ;
  • 14% ont visionné des vidéos politiques en ligne – « alors que la plupart des état-major politiques ont axé une partie de leur communication « online » sur l’utilisation de ce support » selon le blog E-toile de Touteleurope ;
  • 12% ont visité un blog politique ;
  • 11% ont transféré à des proches des informations sur la campagne.
  • 6% ont participé à des débats en ligne, les plus actifs se recrutant parmi les moins de 25 ans (10% de participants réguliers).

Ainsi, la campagne des élections européennes révèle l’importance devenue forte d’Internet dans l’information des citoyens et a contrario l’importance encore faible d’Internet dans la communication politique.