Les facteurs clés pour obtenir une couverture éditoriale pertinente d’une action politique sont des événements, de l’émotion et de la controverse. Ces facteurs sont particulièrement rassemblés dans les campagnes électorales de candidats, qui permettent de susciter l’identification de l’électeur par un traitement recourant à la psychologisation, à la personnalisation et à la description d’« histoires humaines » et de « faits divers »…
Pourquoi le traitement médiatique de l’Europe est-il différent ?
Le traitement de l’Europe fait l’objet d’une singularité médiatique pour des raisons propres à l’UE et propres aux journalistes.
Parmi les raisons propres à l’UE, on peut citer :
- l’actualité de l’UE : difficilement transformable en « histoire humaines », en « fait-divers » ou en information « spectaculaire ».
- l’information sur l’UE : forcément complexe à l’échelle des 27 États membres, pauvre en mise en scène car trop abstraite et longue à expliquer et rarement exploitable directement par le journaliste, sans nécessiter d’interprétation ou de recherches complémentaires.
- les sources officielles de l’UE : traditionnellement trop technique avec un vocabulaire souvent apparenté à du « jargon bureaucratique » et culturellement orienté davantage vers la communication que vers la diffusion d’informations.
Parmi les raisons propres aux journalistes, on peut citer :
- le niveau de connaissance et d’expertise des journalistes : pas toujours suffisant pour interpréter et relayer l’information sur l’UE.
- l’organisation des rédactions : pas toujours les moyens de disposer d’une équipe suffisamment importante avec des spécialistes en affaires européennes et à fortiori avec la présence à Bruxelles d’un correspondant.
Comment le traitement médiatique de l’Europe est-il différent ?
Le traitement de l’Europe fait l’objet d’un classicisme médiatique en distinguant les périodes électorales et « normales ».
En période normale, place à l’« euro-bashing » :
- Ce ne sont pas tant les orientations politiques mais la répercussion des mécaniques institutionnelles qui prédominent dans l’orientation du regard médiatique.
- Le sport national, le réflexe traditionnel consiste assez tendanciellement à « nationaliser les réussites et européaniser les échecs » de l’UE.
- Cette tendance tend à se réduire avec l’intégration dans les routines des acteurs de l’information des questions européennes.
« Désormais, en quelque sorte, naturalisée et intériorisée par les acteurs de l’information pour venir constituer une sorte d’arrière-plan structurel pour de nombreuses questions d’actualité purement nationale » selon Jean-Claude Soulages dans une analyse de « la thématique Europe à l’intérieur des journaux télévisés français (1951-2003) ».
En période électorale, place à l’« euro-washing » :
- Un intérêt cyclique des médias pour les sujets européens est tout particulièrement fort lors des périodes électorales selon Claes De Vreese, qui estime ainsi qu’en dehors de certaines périodes (élections au Parlement européen, référendum, Conseils européens), seuls 2 à 5% des sujets télévisés des chaînes en Europe seraient consacrés aux sujets européens.
- A titre d’exemple, selon la newsletter Stratégies du 11 mai, France Télévisions ouvre un portail consacré à l’Europe, pendant la campagne. Avec le site FranceTV Info, une rubrique Europe est en ligne.
- Autre initiative, l’enquête du blog du correspondant à Bruxelles de la rédaction de France 2 qui réalise avec les auteurs du blog « Whatseuropinion? » (whatseuropinion.eu) animé par une équipe de diplômés du Collège de Bruges « une série de billets sur le thème des « idées reçues » sur l’Europe. Elles sont nombreuses : certaines totalement fausses, d’autres en partie ou entièrement exactes. »
Ainsi, les multiples spécificités du traitement médiatique de l’Europe impliquent que le jugement porté par le public sur l’Europe est sans doute davantage lié au degré d’investissement des médias pour traiter les questions européennes qu’à un véritable désintérêt pour les enjeux européens.