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EuropCom 2011 : quelles étaient les présentations qu’il ne fallait pas manquer ?

Après 2 jours de débats à Bruxelles à l’occasion de la 2e conférence européenne de la communication publique et européenne, parmi l’ensemble des présentations des intervenants, que fallait-il ne pas manquer ?

« Keynote speech » de Simon Anholt, conseiller politique indépendant : « l’imagination dans l’élaboration des politiques est essentielle, l’UE doit devenir imaginative »

Qu’est-ce que la communication et qu’est-ce que l’UE fait ?

D’abord, la communication peut être entendue comme la fourniture légitime d’informations, lorsque le public le réclame.

=> L’UE fournit de l’information lorsque personne l’a demandée et sur des sujets qui n’intéressent personne.

Ensuite, la communication peut être comprise comme la publicité, c’est-à-dire la vente d’un produit ou d’un service à des consommateurs qui tolèrent que les médias soient utilisés pour véhiculer ces messages publicitaires.

=> L’UE réalise des campagnes alors qu’elle n’a rien à vendre et qu’elle n’a pas identifié d’audience.

Enfin, la communication peut s’envisager comme la propagande, autrement dit la diffusion non légitime et non tolérée de messages.

=> L’UE fait de la propagande quasiment tout le temps alors même qu’elle ne contrôle évidemment pas tous les médias, ce qui en fait un gaspillage de temps et d’argent public.

Que devrait faire l’UE pour mieux communiquer ?

Pour une communication de l’UE plus efficace, il faut donc identifier 1. les demandes d’informations auprès des citoyens, 2. les produits ou services de l’UE ainsi que les audiences susceptibles d’être intéressées et 3. l’arrêt de toute propagande.

Mais surtout, puisque l’UE ne sera jamais jugée sur ce qu’elle dit, mais bien plutôt sur ce qu’elle fait, il faut :

  • une stratégie : définir à quoi sert l’UE aujourd’hui alors que l’essence d’origine (la paix) n’est plus suffisante pour justifier l’existence actuelle.
  • une substance : si l’UE veut être un acteur sur la scène mondiale – l’UE étant légitimement la seule expérience actuellement réussie au moins en partie de gouvernance multilatérale entre États – alors l’UE doit vraiment le devenir. Il ne lui reste qu’à choisir ses priorités.
  • des actions symboliques : l’UE doit poser des actes qui apportent la preuve sans l’ombre d’un doute de son rôle mondial. Pour y parvenir, « l’UE doit cesser l’erreur fatale de croire que parce que son travail est si grave pour des millions de gens, il faut aussi qu’il soit ennuyeux. C’est la chose la plus irresponsable pour les décideurs et les fonctionnaires européens que d’être ennuyeux parce que c’est la politique ennuyeuse qui ne parvient pas à saisir l’imagination, ne parvient pas à se communiquer, et par conséquent ne fait rien de bien », traduction de la transcription réalisée par Ronny Patz dans « The EU’s image is the boringness of its officials? ». Cela nécessite des changements structurels, un message entendu par Jon Worth dans « The EU has a structural problem, not a communications problem ».

Chiffres clés sur l’information, la communication et le lobbyisme européens

Intervention de Lisbeth Kirk, éditrice en chef d’EUobserver :

550 médias accrédités auprès des institutions européennes en 2010 contre près de 700 en 2005, soit une baisse de plus de 20%

950 journalistes accrédités auprès des institutions européennes en 2010 contre plus de 1 000 en 2005

530 professionnels de la communication de l’UE en 2011: 104 fonctionnaires au service du porte-parole de la Commission, 62 au Parlement européen et 63 au Conseil

2 566 lobbyists européens à Bruxelles en 2010, ils étaient seulement 202 en 2008

Les enjeux de la communication européenne dans le web social

Le risque d’un « digital divide » dans la communication de l’UE dans le web social

Intervention de Gea Ducci, chercheur au département des sciences de la communication à l’Université d’Urbino Carlo Bo en Italie :

Comment les institutions publiques européennes peuvent « habiter » le web social ?

  • Encourager la participation des citoyens dans les politiques publiques
  • Stimuler l’expression de l’opinion des citoyens européens
  • Améliorer la qualité des services avec l’écoute des citoyens
  • Cultiver des relations de proximité avec les citoyens
  • Partager avec les citoyens les choix de campagnes de communication

Le problème de la désintermédiation de la communication dans le web social réside dans la difficulté à distinguer entre la communication politique et la communication institutionnelle :

  • dans le web social, la communication politique parce qu’elle est très personnalisée et spontanée se trouve bien adaptée ;
  • en revanche, la communication institutionnelle parce qu’elle de nature plus distancée peine à trouver sa place dans le web social.

Une « politique médias sociaux » pour les institutions publiques doit reposer sur :

  1. la crédibilité ;
  2. la relation équilibrée entre communication politique et la communication institutionnelle ;
  3. la vision et la planification stratégique dans l’utilisation des différents médias sociaux ;
  4. la communication intégrée, c’est-à-dire multicanale ;
  5. la définition des compétences et des métiers.

L’enjeu est d’éviter le risque de créer de nouvelles inégalités – le « digital divide » – tant au sein des administrations publiques européennes qu’au sein des populations européennes.

3 conseils de l’eurobloggeur Jon Worth :

  • produire du contenu crédible ;
  • dire la vérité ;
  • assurer une présence de long terme, cf. le « Gartner Hype Cycle » présenté par Richard Stacy, consultant en médias sociaux :

2 présentations de professionnels de la communication de l’UE dans le web social :

  • Attention au fossé – les pièges de la mise en réseau avec les citoyens de l’UE dans les médias sociaux par Aurélie Valtat, responsable de la communication web au Conseil de l’UE ;
  • La réputation en ligne (dans le web social, le web documentaire et le web informatif) autour du rond-point Schuman par Dana Manescu, attachée de presse au Conseil de l’UE.

Le journalisme citoyen: opportunité ou menace ?

Intervention de Nuria Simelio Sola, professeur à l’Université autonome de Barcelone en Espagne :

Définition du concept de journalisme citoyen, : journalisme participatif, journalisme interactif, journalisme généré par les utilisateurs des médias :

  • Journalisme généré par les utilisateurs des sites de médias : utilisation quotidienne des citoyens en tant que reporters, généralement non rémunérés, à la place des journalistes professionnels profitant pleinement des technologies interactives du web 2.0. (Joyce, 2007) ;
  • Journalisme participatif : tout type de newswork aux mains de professionnels et d’amateurs entendu comme utilisateurs, producteurs et évaluateurs entre pairs d’une production commune (Bentley, 2005) ;
  • Journalisme interactif : pratiques en matière de journalisme en ligne, qui utilisent le web comme une plateforme d’interactivité et de discussion toujours produites uniquement par des professionnels, mais les commentaires des utilisateurs sont facilités (Paulussen, 2007) ;
  • Journalisme citoyen : « Lorsque le peuple anciennement connu comme le public emploie les outils de presse en leur possession pour informer les uns les autres, c’est le journalisme citoyen. » (Rosen, 2008).

Opportunités du journalisme citoyen :

  • Pourvoit de nouvelles voix et des sources alternatives améliorant le système démocratique, car garantissant la diversité de l’opinion publique ;
  • Permet des contributions de première main lors d’événements et de crises (sites de partage de photos, blogs…) ;
  • Supprime « l’élite gatekeeper » ;
  • Donne un espace pour les groupes sociaux marginalisés, alternatifs et militants ;
  • Assure un contrepoids aux grands médias ;
  • Crée une information indépendante des sociétés commanditaires et du gouvernement ;
  • Assure une fonction politique d’influence en soulignant les problèmes sociaux ignorés par les médias grand public ;
  • Transcendent les frontières géographiques ;
  • Par ses faibles coûts de production, met l’accent sur les nouvelles que les médias traditionnels ne trouvent pas profitables ;
  • Exerce une responsabilité sociale et politique avec la participation des citoyens dans l’évaluation des politiques publiques ;
  • Renforce la culture démocratique ;
  • Favorise l’intelligence collective et l’apprentissage collaboratif ;
  • Par sa dimension collective, permet un journalisme égalitaire et non hiérarchique.

Menaces du journalisme citoyen :

  • Peut donner une voix aux groupes extrémistes (racisme, haine, violence…) ne seraient pas admis sur les médias traditionnels ;
  • Ne donne lieu à aucune amélioration par rapport aux  façons de faire, ou à aucune conséquence efficace ou utile ;
  • Ne peut pas être fiable / digne de confiance sans le code d’éthique journalistique, sans le contraste entre faits et sources, sans formation journalistique professionnelle ;
  • Est subjectif avec risques conflits d’intérêts, chambres d’écho et au détriment des points de vue plus larges ;
  • Tend à renforcer les arrangements institutionnels existants et les inégalités sociales ;
  • Remet en cause le journalisme en tant que profession ;
  • Se concentre principalement dans les « informations légères ».

Avenir du journalisme citoyen :

Institution, communicateurs publics et journalistes devraient agir pour promouvoir la citoyenneté active et non pour générer des leaders d’opinion en captivité. En d’autres termes, ils devraient d’abord être ouvert afin de redonner une partie de leur pouvoir à la source de leur pouvoir : le peuple.

Think tank et communication européenne 2/2 : quelle est l’influence politique et médiatique des think tanks ?

Selon Euractiv, « le nombre de think tanks en Europe a plus que quadruplé au cours des dernières années », « l’Europe comptant près de 1 200 think tanks à comparer avec les 1 750 existant aux États-Unis » selon Stephen Boucher, Martine Royo, auteurs de « Think Tanks, cerveaux de la guerre des idées » paru en 2009.

Par « leur capacité d’influence sur l’agenda politique, leur habileté à produire des formules lapidaires voire de l’idéologie » – selon Xavier Carpentier-Tanguy, auteur de « Influences et innovations politiques : les think tanks » – les think tanks sont devenus plus actifs et inventifs en utilisant de multiples canaux de communication :

  • publication de leurs recherches, études et rapports, notamment en libre accès sur leur site internet afin de développer une communication plus citoyenne et 2.0 ;
  • organisation de conférences, séminaires et colloques en vue d’obtenir directement l’appui de certains décideurs politiques et d’accroître la visibilité médiatique de leur institution.

Ainsi, entre mission d’alimenter le débat public et d’exercer une influence politique, quelle est la contribution des think tanks en matière de communication européenne ?

Influence médiatique relativement utile : les think tanks remplissent une fonction d’information sur l’Europe

En considérant les tink tanks comme des « policy research organisations », Xavier Carpentier-Tanguy estime que l’une des raisons de leur succès grandissant repose sur « la production d’une information utile, accessible et fiable dans un temps minimum » :

  • « repérer les grandes tendances, les questions et les problèmes émergents ; interpréter puis formuler de manière claire les présupposés et des réponses adaptées aux capacités politiques du moment, et selon l’idéologie dominante, tout en faisant œuvre d’une véritable capacité créatrice voire perturbatrice ».
  • « regrouper les connaissances et présenter des synthèses aux décideurs politiques qui soient très rapidement opérationnelles ainsi que claires et fiables mais aussi accessibles à tous et utiles ».

Néanmoins, la visibilité étant devenue primordiale pour vendre leurs idées aux médias, Stephen Boucher et Martine Royo estiment que « le risque subsiste toutefois que les messages politiques complexes générés par les think tanks tendent à être dilués :

  • « l’omniprésence des médias, avec leur appétit d’entretiens de deux minutes et de phrases choc plutôt que d’analyses, pousse les think tank à chercher davantage de visibilité en simplifiant leur message », au point de faire craindre une baisse du niveau des idées.

Ainsi, l’influence médiatique des think tanks repose essentiellement aujourd’hui sur leur capacité à « satisfaire au besoin d’une information délivrée au bon moment et de façon concise, d’une analyse publiée à point nommé et diffusée auprès des bonnes personnes », comme le résume Euractiv.

Influence politique relativement utile : les think tanks exercent un rôle de médiation sur l’Europe

En considérant les think tanks sous l’ange de leur relation étroite avec le pouvoir (i.e. les « advocacy think tanks » pour Xavier Carpentier-Tanguy), « les think tanks auraient le rôle d’étudier les propositions les plus intéressantes et de les faire passer aux politiques », comme le précise Guillaume Klossa, président d’Europanova, repris sur Nonfiction.

Néanmoins, dans ce rôle de médiation pour faire passer des idées aux politiques, Marie-Anne Kraft s’interroge sur Médiapart : « Quel rôle jouent les « think tanks » dans la vie politique ? » :

  • certes, « au départ, ces clubs peuvent nourrir les partis politiques (approche top-down comme disent les Anglo-saxons) »
  • mais, « si des forces politiques se rassemblent au sein de cercles de réflexion pour concrétiser au sein d’un club leurs idées convergentes (approche plutôt bottom-up cette fois selon les Anglo-saxons), comment traduiront-ils ensuite cette convergence publiquement sur la scène politique et dans les urnes, s’ils prétendent être apolitique ? »

Autrement dit, l’influence politique des think tanks est plutôt paradoxale : « pour permettre un dialogue entre partis politiques, il faut passer par des structures médiatrices apolitiques ».

En conclusion, qu’il s’agisse d’influence médiatique ou politique, les think tank sont relativement utiles, quoiqu’ils ne puissent ni ne doivent remplacer le travail d’information des médias et de conviction des responsables politiques.

Citzalia, Tweet your MEP … la communication numérique peut-elle sauver seule la démocratie européenne ?

L’été aura été marqué par l’annonce de 2 actions de communication numérique en lien avec le Parlement européen dont l’objectif commun vise à combler le fossé démocratique de l’UE…

Le mythe de la cyber-démocratie avec Citzalia, une sorte de « Second Life » pour « comprendre comment le Parlement démocratiquement élu de l’UE travaille »

citzalia

Citzalia se présente un jeu de simulation et un forum de discussion dans un monde virtuel en 3D qui représente le Parlement européen. En choisissant un avatar (euro-député, journaliste, lobbyiste, citoyen), chacun pourra se promener, interagir, débattre, proposer des lois et voter afin d’apprendre comment fonctionne le Parlement européen.

Annoncé par l’euro-blogeur, Jon Worth, comme un futur « Parlement européen virtuel fantôme », le projet expérimental est financé par le Parlement européen (275 000 euros) et réalisé par l’agence ESN (European Service Network).

Reposant sur le mythe d’un « citoyen qui décide et participe à la gouvernance », un idéal-type d’individu pleinement autonome qui serait capable d’évoluer aisément au sein d’un espace public virtuel – un cyberespace politique – le projet de communication Citzalia s’imagine pouvoir lutter contre la fracture entre les gouvernants et les citoyens par une refondation du lien social au sein de communautés virtuelles.

Quoique cette approche puisse se montrer séduisante sur le plan intellectuel et éventuellement judicieuse dans un cadre pédagogique à la condition d’être piloté par des personnels eux-mêmes formés au préalable au fonctionnement du Parlement européen ; Citzalia ne sera pas sans poser pratiquement de graves inégalités de participation en limitant les membres aux sphères euro-intégrées voire des problèmes d’authenticité des communications avec des avatars virtuels anonymes.

Le mythe de la twitter-démocratie avec Tweet your MEP, une plateforme de micro-bloging pour « rapprocher les citoyens et leurs eurodéputés »

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Tweet your MEP – lancé par Touteleurope en septembre prochain – correspond à un site permettant d’organiser et de faciliter l’interaction entre les internautes et les élus européens en utilisant Twitter (actuellement, un tiers des eurodéputés dispose d’un compte Twitter).

Inspiré de l’expérience américaine de grass-root lobbying « Tweet your Senator », un outil de campagne pour que les citoyens signalent à leur sénateur « je soutiens la réforme » (de la santé d’Obama), Aude Faravelli s’interroge « la citoyenneté européenne en 140 caractères ? »…

Reposant sur le mythe d’un « citoyen qui discute, échange et se confronte aux autres », un paragon de civisme qui évolue au sein d’un espace public virtuel qui ne serait plus fermé ou parasité par des intermédiaires – un laboratoire d’une démocratie forte – le projet de communication Tweet your MEP est conçu selon Laura Dagg, coordinatrice du projet à Touteleurope.fr comme « (un) projet (qui) veut contribuer à nourrir l’espace politique de débats transeuropéens qui est en train de se créer. (…) On pense que Tweet your MEP aidera à européaniser certaines questions et de lancer des débats publics européens » en réduisant les coûts de mobilisation citoyenne ou associative.

Quoique la modernisation de la démocratie représentative passe inévitablement par une meilleure relation entre citoyens et élus, l’utilisation du réseau social Twitter risque de soulever des capacités inégales, notamment pour les citoyens ne pratiquant pas cet usage et par conséquent de donner une place prépondérante à l’expression d’une minorité agissante.

Ainsi, il apparaît que la communication numérique n’est pas l’unique solution à la crise du politique dans l’Union européenne, mais demeure un outil qui, s’il correspond aux pratiques démythifiées en matière de démocratie numérique et s’il est bien approprié par les citoyens, peut participer à la résorption du fonctionnement défaillant du système politique européen.

Communication pour la parité au sein de l’UE : quels constats en matière de lobbying viral ?

Au-delà du lobbying « grasstop » pratiqué par environ 3 000 groupes d’intérêts / 15 000 lobbyistes à Bruxelles qui mènent « toute activité qui vise à influer sur l’élaboration des politiques et les processus décisionnels des institutions publiques » selon la définition du Livre vert sur la transparence rédigé par le Commissaire européen Siim Kallas en mai 2006, se développe un lobbying « grasstop » viral, une sorte d’e-influence dans les réseaux sociaux… A travers les actions web en faveur de la parité dans les nominations au sein des institutions communautaires, quels constats peut-on tirer en matière de lobbying viral ?

Constat n°1 du lobbying viral : occuper le terrain

Occuper le terrain auprès des internautes passifs avec la sensibilisation de l’opinion sur la problématique de la parité dans les nominations aux principaux postes communautaires, permet de prendre à défaut le manque de communication de l’UE et de prendre en défaut l’UE par rapport à ses propres valeurs.

Occuper le terrain auprès des militants actifs avec la formation d’un réseau de bloggeurs-twitteurs-animateurs de communautés à la fois influenceurs et révélateurs, détenteurs d’un potentiel en termes de capacité à capter l’attention et à drainer de l’audience.

Constat n°2 du lobbying viral : animer les conversations

Face aux nombreuses techniques de persuasion rationnelle inopérantes dans le web social, le constat semble d’influencer en s’appuyant sur des logiques de reconnaissance et d’imitation : cf. les recherches sur les « stratégies d’influence conduites sur internet par le lobby anti-nucléaire en France » de Natacha Romma et Eric Boutin, de l’Université du Sud Toulon.

Animer les conversations par l’« influence spontanée » :

  • permet de déclencher un résultat immédiat (de recommandation, de soutien) dans le sens de l’« influenceur » ;
  • repose sur un style d’argumentation très simpliste éloigné des arguments d’autorité et des discours experts.

Animer les conversations par la « preuve sociale » :

  • permet de faire accepter par les « influencés » comme vraie l’idée qui fait consensus ;
  • s’appuye sur la confiance dans la fiabilité de l’UGC, user generated content.

Stratégie n°3 du lobbying viral : multiplier les contacts

Afin de sensibiliser sur la problématique spécifique de la parité tout en se faisant connaître comme une base de données informationnelle sur les Commissaires femmes actuelles et les candidates aux postes de responsabilité dans l’UE, le constat semble de créer un site communautaire qui présente des critères d’impartialité et de légitimité (morale et technique) sur le sujet choisi. La mise en ligne du site « Gender balanced Commission » correspond ainsi à une stratégie ditee du « site pot de miel ».

Ainsi, entre une forte pratique de présence massive des internautes dans les réseaux sociaux et une faible proactivité des acteurs communautaires (institutionnels ou individuels) dans ces mêmes réseaux, le lobbying viral semble faire beaucoup de bruit, mais pour quel impact réel ?

Parlementarisation de l’UE : quelle stratégie d’influence pour les responsables politiques français ?

Alors que le système politique de l’Union se singularise traditionnellement par un équilibre relatif des pouvoirs au sein du « triangle institutionnel » :

  • le Conseil de l’UE, représentant les États, est l’institution décisionnelle principale de l’Union ;
  • le Parlement européen représente les peuples et partage le pouvoir législatif et budgétaire avec le Conseil ;
  • la Commission européenne, chargée de définir l’intérêt commun de l’Union, dispose du droit exclusif d’initiative et assure la mise en œuvre des politiques européennes ;

l’une des tendances tardive et encore limitée du système institutionnel de l’UE – héritée du traité de Rome qui ne parvient pas à susciter la confiance des citoyens – consiste en sa « parlementarisation ».

Comment les responsables français tentent-ils de s’adapter face à cette parlementarisation de l’UE ? Quelles sont leurs stratégies d’influence ?

La stratégie d’influence des eurodéputés français est définie : le choix de la visibilité politique pour participer activement (?) à la parlementarisation de l’UE

« Alors que l’on disait traditionnellement les élus français insuffisamment positionnés sur les postes stratégiques au Parlement européen, et distancés en terme d’influence par certaines délégations pourtant moins nombreuses », selon un communiqué du Secrétaire d’Etat chargé des Affaires européennes du 20 juillet, les eurodéputés français ont renforcé leur présence dans les instances décisionnelles du Parlement européen.

Pour autant, si les eurodéputés français semblent résolus à développer une véritable stratégie d’influence, il ne semble pas qu’ils se soient « inspirer des deux points forts de la stratégie poursuivie par Londres, référence obligée en matière de lobbying et de maîtrise du processus décisionnel européen. :

En effet, à l’issue des élections au sein du Parlement européen pour la mise en place des commissions, les eurodéputés français ont plutôt privilégié les postes de visibilité politique/symbolique au détriment des postes de gestion pratique/effective :

Substantielle amélioration des postes à forte visibilité politique/symbolique :

  • quatre présidences de commissions (contre trois dans la législature précédente) ;
  • onze vice-présidences de commissions (contre six) ;
  • neuf postes de coordonnateurs et vice-coordonnateurs (contre six).

Historique désertion des postes de gestion pratique/effective :

  • Pour la première fois, au sein du Bureau du PE, qui réunit le Président, les 14 Vice-présidents et les 5 questeurs, les eurodéputés français sont absents, comme le constate Jean Quatremer.

Ainsi, les eurodéputés français – inspirés sans doute par le succès de la stratégie d’hypervisibilité de Nicolas Sarkozy, qui en accélérant son rythme d’exposition médiatique, oblige la presse à « venir sur son terrain » et donc à suivre son agenda – semblent faire le choix de la visibilité politique pour participer à la parlementarisation de l’UE au détriment de l’influence active illustrée par le pragmatisme britannique…

La stratégie d’influence des autorités françaises reste à définir : approche formelle ou informelle pour accompagner efficacement (?) la parlementarisation de l’UE ?

Entre approche formelle visant à « transposer la logique institutionnelle française au plan européen » et approche informelle s’inspirant davantage des expériences anglo-saxonnes, saluées à l’échelle européenne, la stratégie d’influence sur le Parlement européen des autorités françaises fait l’objet d’une sourde polémique.

D’un côté, selon le blog Europe de La Tribune (aujourd’hui archivé), le président de la République « songe à créer un secrétariat d’Etat aux relations avec le Parlement européen. (…) L’ajustement ministériel attendu d’ici une semaine pourrait conduire à une première en Europe. ». Quoique la question de l’influence efficace du travail législatif du Parlement européen soit pertinente, la réponse consistant à transposer la logique institutionnelle française au plan européen ne semble pas adaptée. Pour reprendre le blog Europe de La Tribune :

Contrairement au secrétaire d’Etat aux relations avec le Parlement national, le titulaire du poste auprès de Strasbourg n’aurait pas le pouvoir de calibrer l’agenda des travaux parlementaires. De même que ne siégeant pas à la table du conseil des ministres européens, il lui serait difficile d’apporter une véritable valeur ajoutée aux parlementaires. Une telle nomination poserait également la question du partage des compétences avec le nouveau secrétaire d’Etat aux affaires européennes, Pierre Lellouche.

D’un autre côté, selon les deux dernières interventions du Secrétaire d’Etat chargé des Affaires européennes, Pierre Lellouche se positionne comme « relais d’influence » des positions françaises auprès des eurodéputés français ou européens dans une démarche relativement informelle :

Ainsi dans L’Express du 16 juillet :

en multipliant les relais d’influence. Je veux passer une journée par semaine à Bruxelles, dans mon bureau de la représentation permanente de la France, à œuvrer auprès des députés, des commissaires, des hauts fonctionnaires. Les parlementaires français nationaux et européens seront impliqués en permanence. Je les convierai à m’accompagner dans les réunions européennes chaque fois que cela sera possible.

où dans un communiqué du 20 juillet :

je développerai, à travers des visites fréquentes au Parlement européen, une relation de travail soutenue avec l’ensemble des élus français ainsi qu’avec les autres responsables du Parlement européen. Je veillerai également à promouvoir les relations entre les députés européens français et le parlement national (Assemblée nationale et Sénat), afin de favoriser le travail commun sur les textes en cours de négociation.

Ainsi, les autorités françaises – chacune inspirée sans doute par leur propre position et intérêt – semblent hésiter pour accompagner la parlementarisation de l’UE entre une approche formelle rassurante mais difficilement praticable et une approche informelle hésitante mais couramment réalisée.

Le Parlement européen se trouve ainsi au cœur de toutes les préoccupations des responsables politiques français…