Alors que le système politique de l’Union se singularise traditionnellement par un équilibre relatif des pouvoirs au sein du « triangle institutionnel » :
- le Conseil de l’UE, représentant les États, est l’institution décisionnelle principale de l’Union ;
- le Parlement européen représente les peuples et partage le pouvoir législatif et budgétaire avec le Conseil ;
- la Commission européenne, chargée de définir l’intérêt commun de l’Union, dispose du droit exclusif d’initiative et assure la mise en œuvre des politiques européennes ;
l’une des tendances tardive et encore limitée du système institutionnel de l’UE – héritée du traité de Rome qui ne parvient pas à susciter la confiance des citoyens – consiste en sa « parlementarisation ».
Comment les responsables français tentent-ils de s’adapter face à cette parlementarisation de l’UE ? Quelles sont leurs stratégies d’influence ?
La stratégie d’influence des eurodéputés français est définie : le choix de la visibilité politique pour participer activement (?) à la parlementarisation de l’UE
« Alors que l’on disait traditionnellement les élus français insuffisamment positionnés sur les postes stratégiques au Parlement européen, et distancés en terme d’influence par certaines délégations pourtant moins nombreuses », selon un communiqué du Secrétaire d’Etat chargé des Affaires européennes du 20 juillet, les eurodéputés français ont renforcé leur présence dans les instances décisionnelles du Parlement européen.
Pour autant, si les eurodéputés français semblent résolus à développer une véritable stratégie d’influence, il ne semble pas qu’ils se soient « inspirer des deux points forts de la stratégie poursuivie par Londres, référence obligée en matière de lobbying et de maîtrise du processus décisionnel européen. :
- identifier clairement les objectifs européens du pays
- faire primer l’influence effective sur les enjeux symboliques », selon l’analyse de Thierry Chopin : « L’influence française au Parlement européen : bilan et perspectives. Quels enjeux à l’horizon des élections européennes de 2009 ? ».
En effet, à l’issue des élections au sein du Parlement européen pour la mise en place des commissions, les eurodéputés français ont plutôt privilégié les postes de visibilité politique/symbolique au détriment des postes de gestion pratique/effective :
Substantielle amélioration des postes à forte visibilité politique/symbolique :
- quatre présidences de commissions (contre trois dans la législature précédente) ;
- onze vice-présidences de commissions (contre six) ;
- neuf postes de coordonnateurs et vice-coordonnateurs (contre six).
Historique désertion des postes de gestion pratique/effective :
- Pour la première fois, au sein du Bureau du PE, qui réunit le Président, les 14 Vice-présidents et les 5 questeurs, les eurodéputés français sont absents, comme le constate Jean Quatremer.
Ainsi, les eurodéputés français – inspirés sans doute par le succès de la stratégie d’hypervisibilité de Nicolas Sarkozy, qui en accélérant son rythme d’exposition médiatique, oblige la presse à « venir sur son terrain » et donc à suivre son agenda – semblent faire le choix de la visibilité politique pour participer à la parlementarisation de l’UE au détriment de l’influence active illustrée par le pragmatisme britannique…
La stratégie d’influence des autorités françaises reste à définir : approche formelle ou informelle pour accompagner efficacement (?) la parlementarisation de l’UE ?
Entre approche formelle visant à « transposer la logique institutionnelle française au plan européen » et approche informelle s’inspirant davantage des expériences anglo-saxonnes, saluées à l’échelle européenne, la stratégie d’influence sur le Parlement européen des autorités françaises fait l’objet d’une sourde polémique.
D’un côté, selon le blog Europe de La Tribune (aujourd’hui archivé), le président de la République « songe à créer un secrétariat d’Etat aux relations avec le Parlement européen. (…) L’ajustement ministériel attendu d’ici une semaine pourrait conduire à une première en Europe. ». Quoique la question de l’influence efficace du travail législatif du Parlement européen soit pertinente, la réponse consistant à transposer la logique institutionnelle française au plan européen ne semble pas adaptée. Pour reprendre le blog Europe de La Tribune :
Contrairement au secrétaire d’Etat aux relations avec le Parlement national, le titulaire du poste auprès de Strasbourg n’aurait pas le pouvoir de calibrer l’agenda des travaux parlementaires. De même que ne siégeant pas à la table du conseil des ministres européens, il lui serait difficile d’apporter une véritable valeur ajoutée aux parlementaires. Une telle nomination poserait également la question du partage des compétences avec le nouveau secrétaire d’Etat aux affaires européennes, Pierre Lellouche.
D’un autre côté, selon les deux dernières interventions du Secrétaire d’Etat chargé des Affaires européennes, Pierre Lellouche se positionne comme « relais d’influence » des positions françaises auprès des eurodéputés français ou européens dans une démarche relativement informelle :
Ainsi dans L’Express du 16 juillet :
en multipliant les relais d’influence. Je veux passer une journée par semaine à Bruxelles, dans mon bureau de la représentation permanente de la France, à œuvrer auprès des députés, des commissaires, des hauts fonctionnaires. Les parlementaires français nationaux et européens seront impliqués en permanence. Je les convierai à m’accompagner dans les réunions européennes chaque fois que cela sera possible.
où dans un communiqué du 20 juillet :
je développerai, à travers des visites fréquentes au Parlement européen, une relation de travail soutenue avec l’ensemble des élus français ainsi qu’avec les autres responsables du Parlement européen. Je veillerai également à promouvoir les relations entre les députés européens français et le parlement national (Assemblée nationale et Sénat), afin de favoriser le travail commun sur les textes en cours de négociation.
Ainsi, les autorités françaises – chacune inspirée sans doute par leur propre position et intérêt – semblent hésiter pour accompagner la parlementarisation de l’UE entre une approche formelle rassurante mais difficilement praticable et une approche informelle hésitante mais couramment réalisée.
Le Parlement européen se trouve ainsi au cœur de toutes les préoccupations des responsables politiques français…
Je n’aime pas la politique parce que je crois qu’il sale! Je ne pense pas que c’est un poste très intéressant!