Archives par étiquette : information

Euronews, futur service public européen de l’information européenne ?

Alors que la question « un service public européen de l’information, une solution ? » lancée par Jean-Sébastien Lefebvre après un MédiaCafé “Europe, no medium, no message“ à Bruxelles la semaine dernière, Euronews – la télévision européenne d’information – pourrait-elle remplir cette mission ?

Propositions de la Commission européenne pour renforcer « la seule chaîne de TV qui propose un angle journalistique européen et qui réserve un temps d’antenne considérable aux affaires européennes »

Dans son rapport 2010 sur la citoyenneté de l’Union, la Commission européenne formule 25 propositions pour « lever les obstacles à l’exercice des droits des citoyens de l’UE » dont la dernière concerne plus particulièrement Euronews :

  • financement plus durable par la Commission d’Euronews pour « rendre compte des affaires européennes dans l’information des citoyens de l’Union et la réflexion publique européenne » ;
  • mise en place d’un studio bruxellois pour Euronews pour « rendre directement compte de l’actualité depuis la capitale de l’UE », probablement d’ici avril 2011.

Selon Euractiv.com « Commission wants to boost Euronews TV channel », « avec une part plus élevée de financement provenant du budget de l’UE, l’indépendance de la chaîne peut être remise en question ». D’ailleurs, dans le rapport, la Commission dicte déjà la ligne à suivre, en précisant qu’Euronews « devrait améliorer son format en vue d’avoir un impact et une réputation comparables à ceux d’autres grandes chaînes d’information internationales ».

Effectivement, la conclusion du rapport – « le chemin sera encore long avant que l’on puisse parler d’un véritable paysage médiatique européen qui suscite des débats approfondis sur les politiques de l’UE » – sonne d’autant plus juste si l’indépendance éditoriale d’Euronews est affectée.

Actions d’Euronews pour renforcer son statut de média TV international : déclinaisons persane, turque et arabe en 2010 ; ukrainien en 2011

Diffusée aujourd’hui dans 155 pays par le biais de satellites et atteint près de 335 millions de foyers dans le monde, la chaîne fonctionne actuellement en 10 langues (allemand, anglais, arabe, espagnol, français, italien, portugais, russe, turc et perse) :

  • Avec les langues persane (lancée le 20 octobre 2010), turque (lancée le 30 janvier 2010) et arabe, Euronews est diffusée dans les trois langues majeures d’Afrique du nord, du Proche et du Moyen Orient, et se positionne comme une chaîne exemplaire du dialogue interculturel euro-méditerranéen au sens large du terme.
  • Avec le lancement d’un service ukrainien en 2011, « Euronews, pour la 1e fois, produira des programmes locaux liés à l’information nationale » et se positionnera comme une chaîne d’influence européenne au sein d’un régime russophone.

Ainsi, tant les actions d’Euronews que les propositions de la Commission européenne positionnent peu à peu cette chaîne comme un service public européen de l’information européenne.

Dégradation de la présence de l’Europe dans les JT français

Dans la dernière livraison du « baromètre thématique des journaux télévisés » réalisé par l’Institut national de l’audiovisuel (INA), le nouveau paysage de l’information est marqué par une réduction du temps des JT, particulièrement préjudiciable pour les sujets déjà minces sur l’Europe…

Réduction de la durée des JT des chaînes hertziennes

Selon les calculs de l’INA, « ce sont en moyenne plus de 4 sujets par jour qui disparaissent en 2009, soit moins de 1692 sujets qu’en 2008, correspondant à une baisse de près de 52h d’information » :

  • moins 5mn de JT en moyenne par jour pour France 2 depuis la suppression de la publicité après 20h ;
  • moins de 2 mn et presque 3 sujets par jour pour TF1 qui aligne ses horaires de prime time en conséquence.

Plongée des sujets internationaux et politiques

C’est l’information internationale et politique, les deux catégories dans lesquelles l’Europe est traitée qui subissent les plus fortes chutes :

  • moins 989 sujets – la plus forte baisse – pour l’information internationale ;
  • moins 591 sujets en 2009 – de la 4ème à la 10ème place – pour l’information politique qui ne « pèse » plus qu’à peine 5% de l’offre globale.

Ligne éditoriale similaire pour les chaînes d’information continue

Par ailleurs, les chaînes d’info en continue ne compensent pas cette tendance puisque « l’analyse de LCI, I>Télé, BFM TV et France 24 révèle que ces chaînes affichent une ligne éditoriale généraliste très similaire à l’offre d’information proposée par les chaînes hertziennes ».

Ainsi, les dernières nouvelles de l’info ne sont pas bonnes pour la présence de l’Europe dans les JT. Un constat qui ne fait que renforcer l’édition spéciale « Europe » qu’INA’Stat avait réalisée en 2008. À l’époque, l’Europe, en particulier sur les institutions européennes n’occupaient à peine que 2,5 % de l’offre totale et seulement 1,6% pour les JT de TF1 et France 2.

Dernière vague Eurobaromètre : la Commission européenne vise-t-elle à manipuler les citoyens plus qu’à les informer ?

Loin des objectifs de connaissance des opinions publiques européennes – que poursuivent normalement les enquêtes Eurobaromètres semestrielles depuis 1973 – la dernière vague semble servir pour la Commission européenne à des fins d’instrumentalisation, voire de manipulation de l’opinion publique…

Les principaux résultats bruts

Commençons par la lecture brute des principaux résultats de la dernière enquête Eurobaromètre du printemps 2010 réalisée en plein cœur de la crise grecque en mai dernier :

Popularité « affective » de l’UE en crise :

  • soutien à l’adhésion à l’UE tombé à 49% (-4) : niveau le plus bas enregistré dans la dernière décennie ;
  • confiance dans l’UE diminuée à 42% (-6) : il y a maintenant plus d’Européens à ne pas faire confiance à l’UE (47%, +7) ;
  • éléments positifs de l’UE moins souvent cités : identification à la démocratie (19%; -7) ou à la paix (24%; -4), prospérité économique (14%; -4) et une voix forte dans le monde (22%; -3).

Légitimité « instrumentale » de l’Europe en progrès :

  • 86% pour que les États membres collaborent davantage pour prendre des mesures pour lutter contre la crise financière et économique ;
  • 75% pour le renforcement de la coordination des politiques économiques et politiques financières entre tous les États membres.

Ainsi, deux tendances s’imposent chez les Européens :

  • popularité de l’UE en crise même chez les plus traditionnellement euro-enthousiastes ;
  • gouvernance économique plus forte majoritairement favorable à l’échelle européenne.

La lecture politique du sondage

Dans le communiqué de presse du 26 août dernier au titre partial « Enquête Eurobaromètre de printemps: les citoyens de l’Union européenne sont favorables à une gouvernance économique européenne plus forte », Viviane Reding, vice-présidente de la Commission européenne, également chargée de la communication ose affirmer : « Le fait qu’une majorité significative se prononce en faveur d’un renforcement de la gouvernance économique européenne montre que, pour les citoyens, une partie décisive de la solution à la crise passe par l’Union européenne ».

Pour la Commission européenne, l’Eurobaromètre ne semble plus seulement un outil de connaissance de l’opinion publique européenne mais devient également un moyen d’influencer perception et conclusions que l’on a du sondage.

Même Euractiv, dans son style, conteste l’usage politique du sondage : « En dépit de la vision positive de Bruxelles, une analyse plus profonde du rapport révèle une crise de la confiance dans l’Union. »

Á refuser de dire le réel tel qu’il est, il finira par se venger.

Coulisses de Bruxelles et Euractiv.fr : quelles sont les recettes du succès en matière d’information sur l’Europe ?

Avec 1 529 articles publiés, qui ont suscité 108 491 commentaires et 11,5 millions de pages « vues », le blog « Coulisses de Bruxelles » tenu par le journaliste Jean Quatremer vient d’être couronné à la première place au Top des Blogs, catégorie « Politique et Société » au mois d’avril.

Avec 40 000 visiteurs uniques par mois, 14 000 abonnés aux newsletters, et 2 500 abonnés à Twitter, Euractiv.fr, le portail français spécialisée sur l’actualité législative et politique européenne vient de réaliser une importante refonte graphique au mois d’avril.

Deux interviews récentes de Jean Quatremer sur Le Post et de Jean-Christophe Boulanger, directeur d’Euractiv.fr à Touteleurope permettent de décrypter les recettes du succès en matière d’information sur l’Europe…

D’abord, il faut publier gratuitement des news de qualité sur les affaires européennes

Afin de toucher un large lectorat, la 1e condition du journalisme européen consiste à « occuper un espace que les médias traditionnels ont plus ou moins déserté » : offrir une information spécialisée sur l’actualité législative et politique européenne.

Pour Jean Quatremer, le correspondant à Bruxelles du journal Libération, l’objectif est d’« apporter des news, car je suis sur place. C’est un journal que je fais. (…) Que ce soit gros ou petit, tout vaut au minimum un post. Tout est un sujet d’écriture. Ça m’oblige presque à être un agencier plus qu’un journaliste de presse écrite ».

Pour Euractiv.fr, le portail français d’une réseau aujourd’hui présent dans 11 pays, l’objectif est d’« offrir un point de vue français sur les questions européennes : parler avec des références françaises, expliquer les positions des acteurs français : entreprises, politiques, associations… (…) et suivre plus spécifiquement la mise en œuvre des textes européens dans le droit français ».

Ensuite, il faut proposer un positionnement cohérent sur le traitement des enjeux européens

Afin de fidéliser un public intéressé, la 2e condition du journalisme européen repose sur un contrat de lecture clair, correspondant à des attentes précisément identifiées.

Pour Jean Quatremer, le positionnement du blog d’un ton résolument indépendant est éminemment politique puisque sa création répond à l’échec du référendum sur la constitution européenne en 2005 : « les pro-européens n’avaient pas compris encore que tout ça se jouait aussi sur le Net. (…) Il y avait alors une désertion des journalistes professionnels ».

Pour Euractiv.fr, le positionnement du portail d’un ton indifféremment neutre est a-politique afin de répondre aux attentes des acteurs économiques qui, « dans le cadre de leur travail, ont besoin de s’informer sur les textes législatifs européens en préparation, les positions des acteurs sur ces textes ».

Enfin, il faut animer professionnellement dans la durée le site autour de l’actualité européenne

Afin d’impliquer une audience captive, la 3e condition du journalisme européen vise à nourrir et entretenir une relation de confiance reposant sur la satisfaction avec professionnalisme des attentes préalablement identifiées.

Pour Jean Quatremer, cela repose sur son implication pour entrer et animer la conversation, ce « que veulent les gens : la discussion avec le journaliste » : « c’est ça le 2.0. Il faut expliquer, se justifier. Quand la discussion est intéressante, je réponds, et il y a débat. Il faut être là pour réagir, pas que pour balancer un papier. Parfois c’est assez violent. Mais les lecteurs fidèles aiment ça ».

Pour Euractiv.fr, cela s’appuie sur la diffusion dorénavant quotidienne d’une newsletter d’information ainsi qu’un fil Twitter continu afin de s’inscrire dans une logique de breaking news fournissant en quasi temps réel une information vérifiée et contrôlée prêt à l’emploi pour les professionnels.

Ainsi, qu’il s’agisse d’un blog d’opinion tenu par un journaliste chevronné ou d’un portail de presse professionnelle a-politique, la clé consiste à produire une information en propre afin d’être une « source » légitime sur les affaires européennes.

Comment le basculement de l’accréditation de l’information peut bénéficier à la communication européenne ?

Actuellement, nous sommes en train d’assister à un basculement de l’accréditation de l’information. L’accréditation, cette « capacité d’indexer, d’évaluer ou de recommander une information », selon Bernard Huygues, échappe de plus en plus aux spécialistes de l’information standardisée par les mass médias pour passer de plus en plus entre les mains des communautés sur les réseaux sociaux…

Aujourd’hui, une « information socialisante » produite par immixtion entre relations sociales et actualités

La dernière étude du Pew Internet Research Center « Understanding the Participatory News Consumer » analyse les habitudes de consommation d’information des Américains :

  • 75% des consommateurs d’information en ligne reçoivent leur information par mail ou par des posts sur les réseaux sociaux ;
  • 62% suivent l’actualité parce qu’ils apprécient en discuter ensuite avec leurs pairs sur le web ;
  • 52% partagent des liens avec leur entourage par mail ou réseaux sociaux.

Ainsi, les nouveaux prescripteurs de lecture d’information ne sont plus les mass media mais bien les membres de son réseau.

Les principales tendances de l’information socialisante sont que l’accréditation de l’information pour les gens sera de plus en plus personnalisée, portable, et participative :

  • 28% des utilisateurs d’Internet ont personnalisé leur page d’accueil pour englober les nouvelles provenant de sources et sur des sujets qui les intéressent ;
  • 33% des propriétaires de téléphones portables accèdent à l’information par ce biais ;
  • 37% des internautes ont contribué à la création de l’information, à la commenter et à la propager à travers des médias sociaux comme Facebook et Twitter.

En résumé, l’information autrefois accréditée par les journalistes devient une « information sociale et socialisante » pour citer le billet « Les réseaux sociaux, médias de demain ? » de Marie-Catherine Beuth : « les gens utilisent leurs réseaux sociaux pour filtrer, évaluer et réagir à l’information ».

Demain, une communication européenne produite par capillarité entre les communautés

Alors qu’au temps de l’accréditation journalistique – diffusion par les mass médias, notamment audiovisuels – l’information sur l’UE était quasi absente, le rôle de « gatekeeper » étant solidement verrouillé ; avec le nouveau modèle de l’accréditation sociale – transmission par les pairs, sur les médias sociaux – l’information sur l’UE pourrait être présente, à condition de disséminer les têtes de réseaux susceptible de communiquer sur l’Europe.

L’enjeu technologique :

Au-delà de la constitution et de l’animation d’un réseau, le vrai pouvoir réside dans la corrélation et la contextualisation de l’information, des méta-données et des moteurs de recherche…

L’intérêt démocratique :

Les effets positifs de la production d’information de pair à pair sur les réseaux sociaux se traduisent par :

  • la restructuration des relations de pouvoir, avec de nouveaux leaders d’opinion influents ;
  • l’amélioration de l’autonomie individuelle, à condition d’avoir accès et d’être formés à l’environnement du web social.

Ainsi, si l’UE sait saisir l’opportunité du basculement de l’accréditation de l’information, il lui devient possible de mieux informer les citoyens sur l’Europe.