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Ursula von der Leyen : entre crises et continuité, l’équation d’une stratégie de communication d’une candidate en quête d’un second mandat

Exercice d’équilibrisme difficile, l’équation du renouvellement à la tête de la Commission européenne, pour sa présidente actuelle, Ursula von der Leyen, qui est à la fois la première Présidente de la Commission européenne, mais aussi la plus mal élue de l’institution par le Conseil européen, est encore plus complexifié par le fait que sa communication est totalement sibylline sur le sujet. Comment décrypter ?

Le profil de la candidate idéal-type parfaite

Le profil recherché par les chefs d’État et de gouvernement, qui, selon le traité de Lisbonne, choisissent la personnalité à la tête de la Commission européenne, semble évolutif selon les circonstances, entre des extrêmes aussi différents que l’entreprenant Jacques Delors dans les années 1980 et le fade Barroso dans les années 2000.

Avec le choix d’Ursula von der Leyen, plusieurs critères semblent avoir présidés à la décision :

  • Le choix d’une relative ductilité politique semble avoir prévalu par rapport à un profil qui aurait été issu des Spitzenkandidaten disposant d’un capital politique fort, légitimé par le résultat électoral ;
  • Le choix d’une relative secondarité, venant d’une responsable politique n’ayant pas exercé de fonction à la tête d’un exécutif collégial et collectif et se voyant confier un agenda politique qu’elle n’a pas porté auprès des citoyens.

Pour la prochaine mandature européenne, le contexte de décision des membres du Conseil européen ne semble pas avoir fondamentalement évolué au point de remettre en question leurs critères de recrutement d’un profil idoine.

Les chances du côté de la Présidente Ursula von der Leyen de rester à la tête de la Commission européenne

Pour Alberto Alemanno, Professeur de Droit de l’UE à HEC Paris, à l’approche de la fin de son mandat, von der Leyen continue de faire face une crise après l’autre (Ukraine, Gaza). Ce mode d’urgence constant joue en sa faveur, car elle demeure ainsi la favorite pour un deuxième mandat à la tête de la Commission européenne.

Sa position unilatérale et belliciste en faveur de la répression d’Israël contre le Hamas et les Palestiniens piégés à Gaza n’a pas trouvé le soutien de la majorité des États membres de l’UE. Pourtant, cela n’a pas érodé son soutien au sein des 27 de l’UE.

Selon lui, les dirigeants de l’UE, y compris les rebelles tels qu’Orbán et Fico, continuent de la soutenir en tant que leur candidate. Pourquoi en est-il ainsi ? Essentiellement, elle leur permet d’agir constamment en défiance de l’UE, sans les sanctionner ni publiquement ni en privé. Il y a complicité, certains iraient même jusqu’à parler de complaisance :

Exemple 1 : Le Commissaire hongrois Oliver Várhelyi n’a pas été sanctionné pour avoir déclaré unilatéralement la suspension de l’aide de l’UE à la Palestine. Pourtant, c’était légalement possible, car le Commissaire Várhelyi avait enfreint le droit de l’UE en annonçant seul la suspension des fonds de l’UE pour la Palestine, mais l’application de cette mesure relève de la seule décision de la Présidente européenne, qui a donc joué la modération.

Exemple 2 : Viktor Orbán n’a pas été réprimandé pour avoir rencontré Poutine, en totale négligence du principe de coopération loyale qui s’applique à tous les États membres dans leurs relations avec l’UE. Là encore, la présidente a fait profil bas sur ce sujet.

Exemple 3 que l’on peut ajouter : La visite à Lampedusa, peu de temps après son discours sur l’état de l’Union pour assurer le soutien de la Commission européenne à l’Italie en première ligne sur le sujet des migrations, ou tout autant pour s’assurer du soutien de la nouvelle présidente du Conseil italien, Giorgia Meloni pour son second mandat à la tête de la Commission européenne. Il ne peut y avoir d’à peu près dans le cas de décision prise à la majorité qualifiée des chefs d’Etat et de gouvernement.

Pour résumer, le point de vue d’Alberto Alemanno, Ursula von der Leyen est perçue, au sein du Conseil européen, à la fois suffisamment forte pour être crédible sur la scène internationale et suffisamment faible sur le plan interne pour satisfaire tous les chefs d’État et de gouvernement, du moins pour le moment.

Les dérives d’une « Queen Europe » « égopolitique » où les raisons d’une rupture quasi consommée

Au travers d’une série de billets de blog tous plus acides les uns que les autres, le journaliste Christian Spillmann dresse un tout autre tableau entre « les derniers feux de « Queen Europe » » en septembre après son discours sur l’état de l’Union décevant où elle « va devoir faire un choix: la retraite ou livrer bataille », puis « Ursula von der Leyen : la présidente « égopolitique » » début octobre et enfin « la rupture » fin octobre, qui se passe de commentaire.

Que se voit reprocher la présidente en exercice, en sursis de la Commission européenne :

1. Gestion de crise constante : Ursula von der Leyen a été perçue comme une présidente de la Commission qui a principalement dû faire face à des crises depuis le début de son mandat, plutôt que de mettre en œuvre une vision proactive. Elle a été contrainte de réagir en permanence aux événements plutôt que de fixer le cap pour l’Union européenne. Un atout qui finit par être un handicap.

2. Manque de soutien au sein de l’UE : Son approche unilatérale et sans compromis en ce qui concerne des questions sensibles, comme le conflit entre Israël et le Hamas à Gaza, n’a pas trouvé le soutien de la majorité des États membres de l’UE. Cela a laissé des doutes quant à sa capacité à rassembler le consensus nécessaire au sein de l’Union.

3. Manque de vision et de perspective : Dans son dernier discours sur l’état de l’Union européenne, Ursula von der Leyen n’a pas abordé des questions cruciales telles que la montée du populisme, les relations avec les États-Unis, dont elle s’aligne trop visibiblement avec Biden, ou les défis liés aux élections de 2024. Cela est perçu comme un manque de vision et de préparation.

4. Opposition au sein du Parlement européen : Des personnalités politiques influentes, telles que l’ancien Premier ministre belge Guy Verhofstadt, ont critiqué ouvertement l’approche d’Ursula von der Leyen. Ses positions sur des questions clés, comme l’élargissement de l’UE à l’Ukraine et d’autres pays, ont rencontré une forte opposition au Parlement européen.

5. Relations tendues avec le Parti Populaire Européen (PPE) : Ursula von der Leyen a des relations tendues avec le PPE, le parti politique qui l’a soutenue pour la présidence de la Commission. Des désaccords avec des membres clés du PPE, comme Manfred Weber, complique sa situation. La présidente du Parlement européen est positionnée comme son joker.

6. Défaut de leadership et inconsistance : Elle est accusée de manquer de leadership et d’inconsistance dans sa gestion de la Commission européenne. Son absence de management collégial et de confiance dans les équipes de l’institution suscite des départs y compris de ses plus proches comme Frans Timmermans et des inquiétudes sur ses capacités à poursuivre.

7. Irritation des dirigeants européens : Son comportement, y compris sa participation à des événements diplomatiques sans consultation préalable avec le Conseil, irrite les dirigeants européens. Elle a été rappelée à l’ordre lors d’un sommet européen extraordinaire au sujet de son déplacement en Israël.

8. Désaccords sur le budget : Son incapacité à obtenir le soutien des États membres pour son budget proposé a également affaibli sa position.

Dans l’ensemble, pour Christian Spillmann, il semble qu’Ursula von der Leyen fait face à de nombreux obstacles et à une opposition significative à son maintien à la tête de la Commission européenne pour un second mandat. Ses chances de rester en poste semblent être compromises.

Que retenir à ce stade ?

Que la présidente de la Commission européenne, au bord du précipice pour prendre l’une des décisions les plus importantes pour l’avenir de l’Europe, est loin de faire l’unanimité, pour elle, contre elle, avec elle si telle devait être finalement sa décision.

Décryptage des campagnes de communication corporate #NextGenerationEU de la Commission européenne

A partir des documents officiels en ligne, lançons-nous dans une tentative de décryptage des campagnes de communication, dite « corporate », de la Commission européenne, destinées aux citoyens européens et signées #NextGenerationEU entre 2021 et 2023…

Première campagne « #NextGenEU – #MakeItReal » : un compromis entre agenda institutionnel et crise covid

Pour la première fois mentionnée dans le Management Plan DG Communication 2020, une campagne marquée #NextGenerationEU « devrait être lancée au début de l’automne (2021) (…) pour communiquer sur les actions de l’UE, visant à une narration alignée, des messages, une signature, une présence en ligne et une identité visuelle harmonisés ».

Par ailleurs, « la campagne autour de la relance post-covid sera la campagne phare, sous laquelle seront développées les deux autres campagnes prioritaires à venir sur le Pacte vert pour l’Europe et une Europe adaptée à l’ère numérique ». Autrement dit, l’agenda des crises, à savoir la pandémie a pris le dessus sur l’agenda institutionnel du programme politique de la Commission européenne dans la stratégie de communication.

Que peut-on observer ?

Sur la chaîne Youtube de la Commission européenne, la vidéo « NextGenEU – Make It Real » publiée courant juin 2021, qui a touché un large public avec 31,5 millions de vues cumulées, est publiée. En complément de ce clip pub de 30 secondes, sur la plateforme audiovisuelle de la Commission européenne, 3 teaser vidéos de 15 secondes sont également visibles : « Make it green », « Make it digital » et « Make it strong ». Le message en anglais pourrait être traduit par « Nous changeons l’Europe. Nous allons la rendre : Plus verte, Plus sûre, Plus numérique, Pour tous. » » peut être consulté sur le mini-site dédié à la campagne : next-generation-eu.europa.eu.

Le Management Plan DG Communication 2021 confirme ce que nous avons pu observer : « En 2021, la communication sur NextGenerationEU se concentre sur la campagne autour du plan de relance. La campagne phare est élaborée pour sensibiliser sur la valeur ajoutée de l’UE et raviver un sentiment européen de solidarité et de confiance ».

Deuxième campagne : « #YouAreEU » : un compromis entre la promotion des valeurs européennes et des énergies renouvelables

Tandis que le Management Plan DG Communication 2022 annonce une relative continuité : « S’appuyant sur l’expérience du déploiement des premières phases de la campagne NextGenEU, la DG Communication continuera en 2022 à mettre en œuvre la stratégie élaborée pour la campagne NextGenEU en tant que campagne-cadre jusqu’à la fin du mandat ».

La lecture du Management Plan DG Communication 2023 donne une autre version :

« En 2023, la DG Communication intensifie sa communication REPowerEU pour promouvoir un avenir plus vert et durable, pour faire face à la crise énergétique et stimuler la transition énergétique » (…) une deuxième vague de la dernière campagne de communication institutionnelle « You Are EU » devrait être lancée au début de l’année 2023 et « la DG Communication poursuit la prochaine étape de la campagne de marque NextGenEU, qui se déroulera jusqu’à mi-2023 ».

Que faut-il comprendre ?

D’une part, que la 2e vague de la campagne #MakeItReal est bien déployée. Ce que l’on peut confirmer avec une nouvelle série de vidéos teaser publiées sur la plateforme audiovisuelle de la Commission européenne en octobre 2021 : « NextGenEU : Yes to green transport », « NextGenEU : Yes to healthy food » et « NextGenEU : Yes to a circular economy ».

D’autre part, qu’une autre campagne s’est imposée avec l’actualité et la nouvelle crise énergétique. Du coup, en septembre 2022, une vidéo « You Are Europe » est diffusée, ainsi qu’un mini site you-are-eu.europa.eu :

« La campagne « You are EU » stimule, inspire et s’adresse à tous, dans tous les pays de l’UE. « You are EU » nous donne les moyens d’agir en associant nos valeurs à l’idée de transformation. Elle nous relie en tant qu’Européens, tout en nous donnant une orientation pour l’avenir. Elle ajoute une dimension prospective à ce que nous sommes et nous permet de façonner activement la voie à suivre sur le fondement de la liberté, de la paix et de la solidarité avec des sources d’énergie propres et indépendantes. « You are EU », comme chacun d’entre nous. »

Quel budget et quels résultats ?

Dans une « Réponse à une Question écrite » d’un député européenne, la Commission européenne précise avoir « investi près de 18,2 millions d’euros, ce qui en fait sa campagne la plus fructueuse à ce jour, touchant plus de 325 millions de personnes, soit 73 % des citoyens de l’Union ».

Par ailleurs, « selon les résultats d’une enquête, la plupart des répondants estiment que la campagne a encouragé la réflexion et a véhiculé une image positive de l’Union. Ces résultats montrent que la campagne a permis de sensibiliser à l’importance que revêt l’indépendance énergétique pour l’Europe.

La campagne «Vous êtes l’UE» constitue un outil important pour communiquer de manière transparente avec les citoyens de l’Union sur les initiatives, les programmes et les priorités de l’UE concernant la transition énergétique et la réduction de la dépendance à l’égard des combustibles fossiles russes ».

Au total, la communication corporate de la Commission européenne tente, au cours du mandat d’Ursula von der Leyen, de déployer une stratégie de communication alignée avec les priorités politiques du programme politique, l’agenda institutionnel tout en répondant aux crises qui ponctuent l’actualité entre la pandémie covid et l’invasion de la Russie en Ukraine, un exercice de haute voltige.

Quelle est la stratégie d’engagement participative et délibérative des citoyens par la Commission européenne ?

Héritage lointain du « tournant participatif » engagé par Margot Wallström, la stratégie d’engagement de la Commission européenne auprès des citoyens s’est traduite sous la Commission Juncker par une démarche de dialogues citoyens. Avec la Conférence sur l’avenir de l’Europe, une nouvelle méthode de panels citoyens représentatifs semble guider une démarche globale à l’échelle de toute l’institution…

Des dialogues citoyens aux panels représentatifs : une évolution permise par la Conférence sur l’avenir de l’Europe

En 2020, selon le Management Plan DG Communication 2020, « avec la prochaine Conférence sur l’avenir de l’Europe, la Direction générale de la Communication a l’intention de concrétiser la déclaration commune sur la Conférence, une fois qu’elle aura été acceptée par le Parlement européen, le Conseil et la Commission, ainsi qu’avec ses partenaires au sein des institutions européennes, des États membres et de la société civile ».

Par ailleurs, « cette ambition phare de la Présidente von der Leyen sera soutenue par d’autres formes d’engagement citoyen, notamment les Dialogues citoyens, qui continuent d’être une activité de sensibilisation de première ligne de la Commission, sur les réseaux sociaux et – lorsque cela sera à nouveau possible – sur place ».

Ainsi, en 2020, seuls les dialogues citoyens, hérités de la Commission Juncker, sont mentionnés dans la stratégie d’engagement, reprise par la nouvelle présidente de la Commission européenne.

En 2021, selon le Management Plan DG Communication 2021 « la Direction générale de la Communication (à la fois au siège et dans les représentations), en coopération avec le Secrétariat général, s’appuiera sur son expérience approfondie des Dialogues citoyens, tout en développant en parallèle d’autres méthodes d’engagement, telles que des panels délibératifs. Elle travaillera également sur une identité visuelle forte et sur une plateforme en ligne qui garantira la transparence de tous les événements et résultats de la Conférence ».

Ainsi, en 2021, avec la Conférence sur l’avenir de l’Europe, une double évolution est à noter, l’apparition des panels délibératifs, en complément des dialogues citoyens et la plateforme en ligne.

Enfin, en 2022, selon le Management Plan DG Communication 2022, « la Direction générale de la Communication (aussi bien au siège qu’au sein des Représentations), en coopération avec le Secrétariat général, s’appuiera sur son expérience approfondie des Dialogues citoyens et des Panels citoyens de la Conférence pour l’avenir de l’Europe, et développera davantage les méthodes participatives et délibératives d’engagement. Alors que la plateforme multilingue de la Conférence a prouvé sa valeur en tant que centre en ligne de la Conférence sur l’Avenir de l’Europe, ses opérations pourront être adaptées aux nouveaux besoins de la Commission en 2022 ».

Ainsi, en 2022, le passage des dialogues citoyens, encore mentionnés pour info, aux panels citoyens, testés dans le cadre de la Conférence sur l’avenir de l’Europe semble consommé, la nouvelle méthode participative et délibérative apparaît bien en place pour se développer davantage.

En 2023, selon le Management Plan DG Communication 2023, « la Commission va passer à l’étape suivante et faire suite à la Conférence sur l’avenir de l’Europe. À cette fin, la Direction générale de la Communication organisera conjointement avec les Directions générales trois panels citoyens européens dans le cadre du programme de travail de la Commission pour 2023 (lutte contre le gaspillage alimentaire, mobilité d’apprentissage et mondes virtuels), contribuant ainsi à intégrer des pratiques délibératives dans l’élaboration des politiques de la Commission.

Ces panels seront complétés par un canal d’engagement en ligne dans le cadre du portail « Have Your Say » rénové de la Commission. De plus, la Direction générale de la Communication préparera les outils pour soutenir et guider les services de la Commission qui prévoient de mettre en place des efforts pour engager les citoyens en utilisant des méthodes délibératives et participatives. L’engagement des citoyens de la Commission reposera sur une nouvelle identité visuelle commune et une stratégie de communication externe axée sur une forte présence en ligne, ainsi que sur les médias sociaux et traditionnels.

Ainsi, en 2023, la mise en œuvre de la nouvelle méthode participative et délibérative accélère avec l’organisation de 3 panels citoyens sur des sujets dédiés, ainsi que l’évolution de la présence en ligne et l’élargissement aux autres services de la Commission, à qui cette démarche est dorénavant ouverte.

La démarche participative et délibérative à l’échelle de toute la Commission européenne

A l’occasion de la publication d’un appel d’offres publié en juillet, « Processus participatifs et délibératifs paneuropéens ou multinationaux », la nouvelle phase d’engagement des citoyens européens franchit un cap, « cette nouvelle phase d’engagement des citoyens est une opportunité pour la Commission européenne de consolider et d’étendre son ensemble d’outils pour la participation citoyenne » dont voici les principaux éléments :

On peut s’attendre à ce que des panels de citoyens aient lieu chaque année, suivant le discours annuel sur l’état de l’Union.

Des « Guidelines » sur l’engagement des citoyens expliquant la logique, les principes et les formats actuels possibles de l’engagement des citoyens sur lesquels les services de la Commission peuvent s’appuyer à des fins de prise de décision :

  • Soit de nature délibérative à long terme (au moins trois week-ends), comme les panels de citoyens,
  • Soit des processus plus courts (environ une journée) reposant davantage sur des techniques de co-création telles que des groupes de discussion, des ateliers de co-conception, des ateliers orientés vers l’avenir ou des sciences citoyennes.

L’objectif de ce guide est de permettre aux unités opérationnelles des services de la Commission européenne d’atteindre les citoyens ordinaires et de les impliquer via des méthodes participatives – formats délibératifs ou de co-création – au niveau de l’UE, national, régional et local.

Cette nouvelle phase d’engagement des citoyens bénéficiera de nouveaux outils en ligne au sein de l’environnement web Europa de la Commission. Un « guichet unique » en ligne pour l’engagement des citoyens, qui rassemblera les consultations publiques de la Commission, l’initiative citoyenne européenne et une nouvelle plateforme interactive inspirée de la plateforme numérique multilingue de la Conférence sur l’avenir de l’Europe (lancée à la fin de l’été 2023).

Ce nouvel environnement en ligne permettra aux citoyens non seulement de partager leurs points de vue avec les institutions européennes sur différents sujets de politique, mais aussi d’échanger et de délibérer entre eux, notamment grâce à l’utilisation d’un logiciel Civic tech et d’une traduction automatique.

Au fils des opportunités, comme la Conférence sur l’avenir de l’Europe, la Commission européenne a largement développé sa stratégie d’engagement, pleinement délibérative et participative, dont il reste encore à voir la mise en œuvre lors de la dernière année du mandat de la Commission von der Leyen.

Naviguer en haute-mer : comment réformer et élargir l’UE pour le 21e siècle

Face à une conjoncture de changements géopolitiques, de crises transnationales et de complexités internes, l’UE n’est pas encore prête à accueillir de nouveaux membres, que ce soit sur le plan institutionnel ou politique. Dans ce contexte, un groupe de travail franco-allemand sur les réformes institutionnelles de l’UE soumet un rapport intitulé « Naviguer en Haute Mer : Réformer et Élargir l’UE pour le 21e Siècle », leaké par Politico Europe contenant des recommandations visant à atteindre trois objectifs : renforcer la capacité d’action de l’UE, préparer l’élargissement de l’UE et renforcer l’État de droit et la légitimité démocratique de l’UE.

Mieux protéger un principe fondamental : l’État de droit

Sur la conditionnalité budgétaire, faire du mécanisme de conditionnalité liée à l’État de droit un instrument de sanction des violations de l’État de droit et, plus généralement, des violations systématiques des valeurs européennes ; en cas de désaccord, étendre le champ de la conditionnalité budgétaire à d’autres comportements préjudiciables au budget de l’UE et introduire la conditionnalité pour les fonds futurs.

Répondre aux défis institutionnels : les domaines clés de réforme

Rendre les institutions de l’UE prêtes à l’élargissement, ce qui signifie que pour le Parlement européen, respecter la limite de 751 députés ou moins et adopter un nouveau système d’attribution des sièges ; pour le Conseil de l’UE, étendre le format trio à un quintet de présidences, chacune couvrant la moitié d’un cycle institutionnel, et pour la Commission, réduire la taille du Collège ou faire la distinction entre les « Commissaires principaux » et les « Commissaires », avec potentiellement seulement les « Commissaires principaux » ayant le droit de vote au sein du Collège.

Pour une meilleure prise de décision au sein du Conseil, généraliser le vote à la majorité qualifiée (QMV), c’est-à-dire transférer toutes les décisions « politiques » restantes de l’unanimité au QMV, sauf pour les domaines de la politique étrangère, de la sécurité et de la défense, et pour rendre le QMV plus acceptable, créer un « filet de sécurité de souveraineté », rééquilibrer le calcul des parts de vote en QMV et offrir une option de retrait pour les domaines de politique transférés en QMV.

Pour la démocratie au niveau de l’UE, harmoniser les lois électorales de l’UE, le Conseil européen et le Parlement européen doivent convenir avant les prochaines élections du Parlement européen de la manière de nommer le Président de la Commission par le biais d’un accord interinstitutionnel.

Pour la démocratie participative, les instruments participatifs existants doivent être étroitement liés à la prise de décision de l’UE, les panels de citoyens doivent être institutionnalisés avec une grande visibilité pour accompagner les choix majeurs et un nouvel Office indépendant de la Transparence et de la Probité doit être chargé de surveiller les activités de tous les acteurs travaillant au sein des institutions de l’UE ou pour elles.

En termes de pouvoirs et de compétences, renforcer les dispositions sur la manière de faire face aux développements imprévus et créer une « Chambre commune des plus hautes juridictions et tribunaux de l’UE » pour un dialogue non contraignant entre les cours européennes et les cours des États membres.

Pour les ressources de l’UE, augmenter le budget de l’UE au cours de la prochaine période budgétaire à la fois en taille nominale et par rapport au PIB, avec de nouvelles ressources propres pour limiter l’optimisation fiscale, l’évasion fiscale et la concurrence au sein de l’UE, ainsi que des décisions budgétaires transférées au QMV pour les dépenses, une révision approfondie des dépenses pour réduire la taille de certaines catégories de dépenses et en augmenter d’autres, permettre à l’UE d’émettre de la dette commune, et à l’avenir, pour chaque cycle institutionnel (mandat du PE) définir un budget européenne, le cadre financier pluriannuel CFP sur cinq ans.

Approfondissement et élargissement de l’UE

Même si l’UE dispose déjà de divers mécanismes de différenciation nécessaires pour accommoder les préférences diverses de plus de 30 États membres de l’UE, la différenciation a ses limites, en particulier en ce qui concerne l’État de droit et les valeurs fondamentales. Elle doit donc être utilisée sous certaines conditions : respect des règles et des politiques de l’UE, utilisation des institutions et des instruments de l’UE, ouverture à tous les États membres, partage des pouvoirs et des coûts entre les participants, et possibilité pour les États membres volontaires d’aller de l’avant.

Dans le cadre de la révision des traités, la différenciation devrait respecter les principes suivants : les clauses de retrait ne devraient être accordées que lorsqu’il s’agit d’approfondir l’intégration ou d’étendre le QMV, et les exemptions des valeurs fondamentales de l’UE ne devraient pas être autorisées.

La différenciation pourrait conduire à quatre niveaux d’intégration européenne, constitués d’un cercle intérieur (intégration approfondie dans des domaines tels que la zone euro et Schengen), de l’UE elle-même, d’un cercle plus large de membres associés, impliquant la participation au marché unique et l’adhésion à des principes communs, et enfin de la Communauté Politique Européenne (CPE), en tant que cercle extérieur de coopération politique sans avoir à être lié au droit de l’UE.

La manière de gérer le processus d’élargissement de l’UE est essentielle pour donner la possibilité aux pays candidats de s’adapter aux politiques et programmes spécifiques de l’UE. Fixer un objectif pour que les deux parties (UE et pays candidats) soient prêtes pour l’élargissement d’ici 2030. Diviser les cycles d’adhésion en groupes plus restreints de pays pour garantir une approche fondée sur le mérite et pour gérer les conflits potentiels, rendant ainsi le processus plus efficace, crédible et guidé politiquement.

Toutes ces recommandations vont faire débat, nécessiterons de prendre du temps, pour éventuellement parvenir à un consensus ; quand les faits risquent de s’imposer, l’anticipation s’exige.

SOTEU 2023 : une Commission « accidentelle », une présidente « entre le marteau et l’enclume »

Mercredi 13 septembre, c’était le dernier discours sur l’état de l’Union correspondant au premier (?) mandat de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, quelle bilan et aura-t-elle une seconde chance à la tête de la Commission européenne ?

La présidence von der Leyen entrera dans l’histoire comme une Commission « accidentelle »

Pour Alberto Alemanno, Professeur de droit européen à HEC Paris et Collège d’Europe, « après plus de 1 200 jours à la tête de la Commission, sa présidence a été davantage motivée par les événements et les orientations des gouvernements de l’UE-27 que par son agenda, qui reste largement incomplet ». Pour lui, « c’est exactement ce qui fait d’elle la candidate la plus probable pour un second mandat aux yeux des dirigeants du Conseil européen ».

Après avoir été choisie accidentellement comme présidente de la Commission, son mandat tout entier a été largement façonné par une succession d’accidents, le Covid-19 ayant frappé avant que la Commission von der Leyen n’ait passé ses 100 premiers jours de mandat, l’invasion russe de l’Ukraine et ses nombreuses conséquences sur les politiques énergétiques, alimentaires et de sécurité de l’UE.

Certes, « Ursula von der Leyen peut se targuer du succès d’une bonne partie de son administration, qui a inclus la finalisation du #Brexit, la lutte contre la pandémie et la réponse à l’invasion russe de l’Ukraine et à la crise énergétique déclenchée par Moscou ».

Pourtant, ces événements ont éclipsé son programme qui reste largement incomplet et peu susceptible d’être réalisé. La présidence de Von der Leyen a essentiellement été une « Commission de gestion de crise » permanente qui était dirigée non seulement par les événements mais aussi par ce que les dirigeants de l’UE-27 ont décidé au sein du Conseil européen.

Le potentiel testament politique du Green New Deal encore sur la sellette.

Mais, « si sa principale réalisation supposée a été le Green New Deal, le revirement soudain du parti d’Ursula von der Leyen –  le PPE – et d’une partie des libéraux sur ce paquet majeur (sur la directive sur la restauration de la nature) menace aujourd’hui son adoption complète », l’adoption définitive des textes européens sur les sujets climatiques, encore incertaine, met en danger le seul potentiel testament politique de la Commission von der Leyen, alors que le vice-président responsable, Frans Timermans a déjà quitté ses fonctions pour revenir dans la scène nationale politique hollandaise.

Les promesses de la Commission von der Leyen de respecter les règles ont été déréglées.

Pour Alberto Alemanno, « la promesse initiale de se lancer dans une réforme institutionnelle pour clarifier les « règles du jeu », comme une nouvelle loi électorale européenne, le rôle des Spitzekandidaten et les modalités de nomination des hauts responsables de l’UE, reste d’actualité (…). Malgré tous les discours sur l’écoute des citoyens, la Conférence sur l’avenir de l’Europe et ses 49 recommandations citoyennes restent lettre morte. Il en va de même pour sa promesse de réformer les règles d’éthique de l’UE après le Qatargate, y compris le comité d’éthique de l’UE.

Objectivement, « ces faits contredisent l’idée selon laquelle von der Leyen serait la personne évidente pour diriger à nouveau la Commission lors d’un second mandat ». Tout comme son management autoritaire et non collégial, contrairement aux règles communautaires, ce qui explique que ses poids lourds, en particulier 2 vice-présidents sont sur le départ avant la fin de leur mandat.

Pourtant, c’est exactement ce que les dirigeants de l’UE-27 apprécient chez elle, à la fois son manque d’autonomie politique par rapport à leurs capitales, dont Paris et Berlin sont particulièrement sensibles pour tordre les règles du marché intérieur, des investissements dans les énergies vertes, dans les subventions aux entreprises…

Ses moments les plus faibles ? D’une part, « sa négociation des vaccins Pfizer par SMS, dont l’existence a été niée pour éviter d’en donner accès au public », sa part d’ombre sous la lumière médiatique. D’autre part, « son soulagement de voir que le Qatargate affectant le Parlement européen et non la Commission, comme si le citoyen européen moyen était capable de faire la différence entre les deux ».

Son pire moment ? « Laisser la Hongrie et la Pologne dicter les conclusions du sommet des chefs d’État et de gouvernement de décembre 2020, acceptant ainsi leurs conditions comme prix à payer pour sortir de l’impasse concernant le cadre financier pluriannuel et le règlement Next Generation EU au détriment des règles et l’état de droit ».

« Ursula von der Leyen se trouve entre le marteau et l’enclume »

D’un côté, « elle a besoin du soutien de son parti – le PPE – pour obtenir une nomination (cette fois comme Spitzkenkandidaten), mais de l’autre, son propre parti est le principal opposant à la mise en œuvre du programme vert ».

Rappelons que pour obtenir son investiture du Parlement européen au début du mandat, Ursula von der Leyen avait dealé une plateforme programmatique relativement progressiste avec une alliance réunissant verts, centristes et socialistes, en complément de la droite en recul.

Du coup, c’est logique qu’à l’heure d’embrasser l’héritage du mandat et de soutenir les avancées encore incomplètes, la position soit compliquée pour la famille politique d’Ursula von der Leyen. Outre la question légitime de sa motivation personnelle à rempiler, se pose aussi la question de savoir si elle saurait être au barycentre d’une majorité de centre-droit, dont les lignes ont beaucoup évolué vers une droite plus dure au cours de ces dernières années.

La dernière saison européenne avant le scrutin européen est bel et bien lancée !