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Euro-blogeurs et relations publiques de l’UE : comment organiser la coproduction de la communication européenne ?

Alors que le débat est ancien dans les sphères nationales sur les différences de traitement par les services relations publiques des institutions publiques entre journalistes professionnels et blogueurs amateurs, M van den Broeke sur Twitter pose, le 10 juin, brutalement la question : « les euro-blogeurs sérieux devraient-ils obtenir une sorte d’accréditation auprès des institutions de l’UE ? », comme l’obtiennent les détenteurs de carte de presse…

@mvandenbroeke

La contestation de l’exclusivité de l’accréditation de presse auprès d’institutions publiques aux seuls journalistes professionnels n’est plus un tabou aux États-Unis

Un tournant historique : en mars 2005, pour la première fois de l’histoire des médias aux États-Unis, un blogueur politique Garrett Graff reçoit une accréditation pour les points de presse quotidiens de la Maison Blanche, rapporté par L’Expansion.

Un précédent juridique : en janvier 2009, pour la première fois de l’histoire de la justice aux Etats-Unis, des blogueurs new-yorkais obtiennent devant un tribunal l’attribution d’une accréditation de presse professionnelle auprès des services de police, selon le New York Times.

L’affirmation de la légitimité de l’accréditation de presse auprès de l’UE aux euro-blogeurs sérieux est la prochaine étape

Comment organiser cette nouvelle démarche de relations publiques des institutions de l’UE auprès des euro-blogeurs sérieux ? Le débat est lancé par Stephen Spillane « Should Bloggers get accreditation to EU institutions ? ».

Faut-il reposer sur l’autorégulation et confier la sélection des Euro-blogeurs accrédités à une association qui serait référencée auprès des institutions de l’UE ?

Conforme à la culture du web, cette approche correspondrait plutôt à la démarche du Bloggingportal, qui agrège les publications de près de 600 blogs européens. Les contributeurs, les plus réguliers et les plus appréciés de la communauté seraient peu-à-peu « crowd-sourcés ».

Faut-il reposer sur la régulation de l’UE et confier la sélection des Euro-blogeurs accrédités au service de relation presse/publique des instructions européennes ?

Conforme à la tradition institutionnelle, cette approche correspond plutôt à la démarche de l’Elysée par exemple, qui selon Franck Louvrier rapporté par Xavier Ternisien dans Le Monde du 6 mars 2009 « ouvre davantage les portes (de l’Elysée) aux blogueurs les plus influents. Ceux qui ont une légitimité dans leur métier et dont les blogs sont très fréquentés ».

Ainsi, la question de l’organisation de la coproduction entre les euro-blogeurs et les services relations publiques de l’UE est posée. La balle est dans le camp de l’UE.

« Waltzing Matilda », le blog des communicants web de la Commission européenne

Accompagné de la traditionnelle mention « les points de vue et idées sont celles des auteurs et ne représentent pas la position officielle de la Commission européenne » tout en disposant de la charte des blogs de la Commission européenne, ce blog

Inspiré du blog collectif « Writing for (y)EU » de l’équipe web du Parlement européen

Sans doute inspiré du blog collectif « Writing for (y)EU » de l’équipe web chargée de l’administration du site officiel du Parlement européen, dont les objectifs sont de :

  • parler de la réalité du travail des communicants du Parlement européen : leurs plans et projets, leurs difficultés et défis ;
  • raconter la vie dans le Parlement européen passée sous silence sur le site officiel ;
  • examiner les campagnes de communication web à l’échelle mondiale : les leçons et les possibilités ;

Positionné comme le blog de l’équipe web spécialisée dans les médias sociaux de la Commission européenne

« Waltzing Matilda » sera principalement rédigé par la section « médias sociaux » de l’équipe web de la DG COMM de la Commission européenne, avec comme objectifs de :

  • examiner avec « étonnement, surprise et un œil critique les évolutions et les révolutions dans le monde des médias sociaux » ;
  • « explorer des idées, partager des doutes, chercher des conseils » sur la façon dont les administrations européennes devront communiquer sur les médias sociaux ;
  • « apprendre comment la Commission peut utiliser les médias sociaux pour communiquer avec les citoyens ».

Le principal responsable du blog sera Bert Van Maele, chef de la section « médias sociaux et promotion » au sein du département web de la DG COMM de la Commission européenne, depuis juin 2007 sur des problématiques web au sein de la DG Communication.

Ainsi, après les blogs personnels de Dick Nieuwenhuis, fonctionnaire européen travaillant sur la communication des politiques extérieures de l’UE ou Martin Westlake : martinwestlake.eu, ancien dircom et actuel secrétaire général du Comité économique et social européen, souhaitons la bienvenue au premier blog de communicants de la Commission européenne !

Avers et revers des stratégies de communication de l’UE

Face au problème majeur de ne pas réussir à franchir la barrière de l’accès aux médias – voir « En quoi l’UE souffre d’un déficit de médiatisation ? » pour mieux comprendre les raisons de ce déficit d’information sur l’Europe) – l’UE a développé des stratégies de RP dont les risques se font de plus en plus sensiblement sentir….

L’avers d’une stratégie de conformation aux médias et le revers d’une communication quasi-journalistique de substitution

Soucieuse de s’adapter aux exigences liés aux fonctionnements des médias, la Commission européenne s’est engagée dans une stratégie de conformation aux médias en formatant des messages soi-disant adaptés pour une diffusion massive. Les mémos, communiqués et conférences normalement destinés à la presse mais mis quasi intégralement en ligne se sont alors multipliés.

Par ailleurs, la Commission européenne s’est également engagée dans une logique de financement de contenus pour les médias (images et sons avec Europe by Satellite), de plateforme de diffusion pour la presse (Presseurop) ou de programmes médiatiques (émissions radio avec Euranet).

Cette stratégie – quoique qu’elle ait semblé respecter l’indépendance éditoriale des rédactions – a été perçue, notamment par les journalistes, comme une volonté de se substituer à leur propre travail d’information du grand public, soulevant l’indignation sinon davantage des correspondants de presse à Bruxelles.

L’avers d’une stratégie de contournement des médias par le web 2.0 et le revers d’une interaction avec l’euro-blogosphère instrumentalisée

Désireux d’« exploiter la puissance d’Internet pour une meilleure communication » selon le titre de la lettre ouverte de la communauté des éditeurs et des webmasters à Barroso, une partie de la Commission européenne semble envisager Internet comme un moyen de construire un espace public plus ouvert à la diversité des groupes sociaux.

Néanmoins, la réserve d’euroblogeurs éminents – notamment Jon Worth « No pay, no ads » ou Julien Frisch, éditeur de BloggingPortal, aggrégeant à ce jour 558 blogs traitant des affaires européennes – craignant à demi mots que la Commission sponsorise la publication de billets sur l’UE laisse planer un doute sur une instrumentalisation de l’euro-blogosphère.

Ainsi, il convient de rappeler les risques liés à la confusion ou au manque de transparence et l’importance du respect de l’indépendance de démarches professionnelle comme celles des journalistes ou personnelle comme celles des euroblogeurs visant – chacun à sa manière – à éclairer la construction européenne.

Vers une radicalisation des prises de position des acteurs de la communication européenne ?

Dernièrement, les prises de position des acteurs de la communication européenne (journalistes – correspondants de presse à Bruxelles, euro-bloggeurs et fonctionnaires européens) semblent dominées par des prises de positions plus tranchées que d’habitude…

Acte 1 : affirmations accusatoires du président de l’association des correspondants de presse à Bruxelles contre la communication de l’UE

Alors que le nombre de correspondants à Bruxelles est en régression, le président de leur organisation professionnelle : l’Association de la Presse Internationale, Lorenzo Consoli, met durement en cause la stratégie de communication de l’UE reposant notamment sur la mise à disposition sur Internet, pour les citoyens, de nombreuses données concernant l’UE et affirme :

« La transparence ne signifie pas rendre tout simultanément accessible pour tout le monde. La communication directe avec le citoyen sur tous les sujets a toujours été le rêve des régimes totalitaires. C’est notre tâche (celle des journalistes NDLA) et non celle des institutions de déterminer ce qui est important. Lorsque les journalistes sont exclus du processus de la communication, on méconnaît le rôle démocratique de la presse. »

Une telle charge résumée par l’API ainsi : « L’Europe mérite ce débat, et elle mérite d’avoir ses chiens de garde » marque un tournant dans les prises de position collectives des journalistes vis-à-vis de l’UE.

Acte 2 : exagérations satiriques assumées d’un euro-blogeur pour affirmer l’importance des blogs face aux émetteurs institutionnels ou médiatiques traditionnels

En réponse, l’euro-blogeur Julien Frisch publie un billet volontairement satirique : « My vision of journalism in Brussels » affirmant : « Personne n’a besoin d’un journalisme indépendant à Bruxelles quand il y a des blogeurs et de bonnes informations financées par les institutions » européennes et précisant même : « J’ai dû écrire cette vision pour faire en sorte que chacun sache que nous, les euroblogeurs, sommes contre le journalisme indépendant à Bruxelles. C’est nous contre eux. Et à la fin, c’est nous qui gagnerons. »

Une telle forme d’expression, franchement nouvelle pour les lecteurs fidèles de Julien Frisch, au point qu’il précise dans un autre billet « Euroblogging, journalism & institutional communication » : « Il est important d’exagérer, de temps en temps. » marque également un tournant, qu’il accompagne néanmoins d’une interview plus mesurée à Cafebabel dans laquelle il précise le fond de sa pensée :

« C’est à nous (euro-blogeurs, NDLA), hors des institutions, de montrer que nous sommes capables de produire nos propres contenus multimédias, de couvrir les informations européennes de manière professionnelles pour rendre la présence des institutions dans ce domaine moins nécessaire. »

Acte 3 : publication d’une lettre ouverte d’un syndicat de fonctionnaires européens pour créer une cellule de « riposte » contre les attaques diffamatoires

Sans lien avec les deux actes précédents mais soucieux de riposter aux « attaques diffamatoires par des médias et des lobbys anti-européens » contre le personnel de l’UE, une organisation syndicale représentative des personnels des institutions européennes publie une lettre ouverte à Barroso.

Une telle position visant à créer une cellule spécialisée au sein du service du porte-parole de la Commission européenne qui serait « dotée des moyens nécessaires pour réfuter rapidement et systématiquement toutes les attaques indignes dont la fonction publique européenne est le bouc émissaire » marque là encore un tournant, avec des accusations graves contre des « allégations des médias basées sur des généralisations hâtives et mal documentées ».

Ainsi, l’heure de la radicalisation des prises de position en matière de communication européenne semble sonner.

« Th!nk about it », opération de blogsourcing ou de blog-sourcing ?

Alors que la compétition de bloggeurs européens organisée par l’European Journalism Centre (EJC), est relancée avec une 3e édition « TH!NK3: Developing World », comment décrypter cette opération de blogsourcing (voir article Crowd-sourcing sur Wikipedia pour une définition) ?

Le concept du blogsourcing « Th!nk about it » :

Reposant sur la participation active de blogeurs (les participants doivent bloger au moins 20 fois entre le 24 mars 2010 et le 31 août 2010 sur la plateforme), la compétition, encadrée par des éditeurs chargés de stimuler la discussion, vise à distribuer des prix aux meilleures contributions (qualité, impact, interactivité) sur le thème de la campagne (le développement durable et la coopération internationale).

Les éditions antérieures sur les élections européennes et le changement climatique :

La 1e édition, inaugurée le 1er février 2009 et portant sur les élections européennes rassemble à ce jour 613 billets, 2 439 commentaires et surtout 81 auteurs, beaucoup moins actifs depuis que les prix ont été remis.

La 2e édition, dont la période de compétition du 23 septembre au 16 décembre vise à débattre en vue du Sommet climatique de Copenhague rassemble à ce jour 1 352 billets, 7 043 commentaires et 68 auteurs, encore sporadiquement actifs.

Une opération de blogsourcing pour animer une « euro-blogosphère » ?

Le projet « Th!nk about it » financé par la Commission européenne consiste-t-il à susciter des vocations de jeunes blogeurs désireux de participer à la construction d’une blogosphère européenne ?

Pas vraiment. « Les blogs s’effacent devant les réseaux sociaux » pour reprendre un article de la rubrique Ecrans du site de Libération traitant d’une étude menée par le Pew Research Center, qui indique que le nombre de 12-17 ans actifs sur un blog s’est réduit de moitié en seulement trois ans. « La préférence des ados va aujourd’hui aux réseaux sociaux, Facebook en tête, où la publication est immédiate, donc plus facile ».

Pas du tout. L’« euroblogosphere » n’a pas attendue pour s’autonomiser et s’organiser avec une plateforme d’aggrégation Bloggingportal rassemblant 537 blogs à ce jour, dans toutes les langues de l’UE et sur tous les sujets européens

Une opération de blog-sourcing pour recruter de futurs journalistes ?

Porté par l’European Journalism Centre (EJC), le projet « Th!nk about it » consiste-t-il à sélectionner de futurs étudiants en journalisme ?

Effectivement. Cette opération de blogsourcing permet de tester les compétences de « multitasker » attendues des futurs journalistes, selon le Médialab de Cécile, étudiante en journalisme à la Columbia University qui indique que « le jour de la remise de diplôme, je sortirai de l’école en sachant tourner et monter des vidéos pour le web, manier un appareil photo et un micro suffisamment bien pour des audio-slideshows, réaliser des graphiques interactifs de A à Z, comment faire un bon reportage ou mener une interview, proposer mes sujets ou travailler en équipe ».

Par ailleurs, contrairement à ce que devrait tendre, selon moi, un bon blog, à savoir la réalisation d’un projet d’abord personnel, l’opération ressemble davantage à la promotion d’une sorte de blogging-journalisme.

Ainsi, la compétition « T!nk about it » – quoique les thèmes et les financements laissent entendre qu’il s’agit d’une action de blogsourcing pour animer une « euroblogophère » – ressemble davantage à une opération de blog-sourcing pour recruter les bons profils en journalisme…