Déclaration de Bratislava : les chefs d’Etat et de gouvernement veulent mieux communiquer

Présenté comme un sommet important permettant aux chefs d’Etat et de gouvernement de faire une « analyse commune de l’état actuel de l’Union européenne » et un « examen de notre avenir commun », la déclaration de Bratislava – de manière assez inédite – aborde l’enjeu de la communication…

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Clarté, honnêteté, courage : la vision de la communication européenne des chefs d’Etat et de gouvernement

Le texte de la déclaration de Bratislava donne des indications intéressantes de la perception que se font les chefs d’Etat et de gouvernement de ce que devrait être la communication européenne :

Nous devons mieux communiquer les uns avec les autres – entre États membres, avec les institutions de l’UE, mais aussi, et c’est le plus important, avec nos citoyens. Nous devrions apporter plus de clarté à nos décisions. Utiliser un langage clair et honnête. Nous concentrer sur les attentes des citoyens, en ayant réellement le courage de nous élever contre les solutions simplistes des forces politiques extrémistes ou populistes.

À Bratislava, nous nous sommes engagés à offrir à nos citoyens, au cours des prochains mois, une vision d’une UE attrayante, à même de susciter leur confiance et leur soutien.

Comment traduire ces intentions en actions de communication pour l’UE ?

La feuille de route de Bratislava devrait inciter les institutions européennes à s’interroger sur les manières de traduire concrètement ces intentions – tant par des mesures symboliques qui frappent les esprits que quotidiennement, à chaque occasion de parler, écrire, montrer…

Sur le plan symbolique, les institutions européennes et leurs responsables pourraient par exemple s’engager à ne plus pratiquer le « no comment » lors des conférences de presse afin d’illustrer la volonté de clarté, d’honnêteté et de courage.

Sur le plan pratique, la disparition immédiate et intégrale de toutes abréviations et jargons dans les pages publiées en ligne, les communiqués envoyés et tout autre support pourrait constituer un premier pas dans la bonne direction.

Pour une fois, la communication européenne est un enjeu perçu par les chefs d’Etat et de gouvernement. C’est le moment pour les institutions européennes de ne pas les décevoir ; après tant d’année de déception pour les citoyens.

Que faut-il retenir du discours sur l’état de l’Union de Juncker ?

Au-delà des annonces, sommes toutes assez importantes du discours sur l’état de l’Union européenne du président de la Commission européenne devant le Parlement européen mercredi 14 septembre dernier, que peut-on retenir sur l’information et la communication autour de cet événement européen ?

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Un exercice, déjà difficile, rendu encore plus compliqué par les actualités (Brexit, Bratislava et Barroso)

Le rendez-vous installé par le traité de Lisbonne depuis 2010 n’est pas un parcours de santé pour le président de la Commission européenne. Il doit parvenir à formuler un discours qui donne des perspectives et synthétise les prochaines initiatives sans sombrer dans un catalogue de bonnes intentions et de mesures. L’expérience de Ryan Heath de Politico avec Barroso est particulière instructive en la matière.

En outre, la cuvée 2016 est particulièrement plombée par l’agenda qui prend en sandwich le discours entre le Brexit, dont on attend encore l’ouverture officielle des négociations, le sparadrap Barroso, recruté par Goldman Sachs, dont Juncker s’est décidé à réagir quelques jours avant et le sommet de Bratislava, dont on attend une feuille de route des chefs d’Etat et de gouvernement quelques jours après. Bref, le « timing » ne pourrait être plus compliqué.

Résultat, les retombées les plus partagées dans les médias montrent que ce ne sont pas les principales déclarations qui retiennent l’attention du public mais les sujets d’actualité les plus controversés.

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Une communication, plutôt rodée, soldée par une controverse avec une Youtubeuse

La mobilisation des moyens de communication en ligne des institutions européennes à l’occasion du discours sur l’état de l’Union européenne ne cesse d’année en année de se renforcer.

Doté d’un portail et d’un hashtag dédiés sotue.eu et #sotue (près de 100 000 tweets publiés), le déploiement du teasing, à la couverture live – de plus en plus en format vidéo – et aux restitutions des temps forts dans les différents médias sociaux est plutôt convaincant.

Comme chaque année, une innovation en termes de communication est également introduite à l’occasion du discours. Cette année, il s’agit d’une interview-live du président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker interrogé par des Youtubeurs et diffusé en ligne et sur Euronews.

Laetitia Birbes, l’une des vloggers affirme dans une vidéo : « Comment Youtube m’a menacée pour plaire au président Juncker » qu’elle aurait été « menacée » par le personnel de YouTube, qui aurait fait pression sur elle pour influencer ses questions.

Au total, que faut-il retenir ? Deux choses. D’une part, l’agenda est plus fort que la déclaration. Dans la mesure du possible, les actualités encombrantes devraient être traitées en amont du discours pour libérer l’agenda et permettre de se concentrer sur le fond. D’autre part, la transparence intégrale est la nouvelle règle. Le dialogue avec des Youtubeurs peut se révéler un choix risqué.

Quelles sont les futures actions de communication de l’UE en Europe ?

La période estivale est souvent propice aux appels d’offres des institutions européennes pour préparer les futures actions de communication de l’UE à la rentrée et l’année suivante. Que faut-il attendre de la demi-douzaine comme nouveauté ?

Planification et acquisition d’espaces publicitaires pour le Parlement européen

Afin de préparer dès à présent les prochaines élections européennes en 2019, le Parlement européen lance un important appel d’offre pour la planification et l’acquisition d’espaces publicitaires sur les plateformes de médias sociaux, dans la presse écrite, dans les médias audiovisuels et sur les panneaux d’affichage publicitaire.

Les enseignements des campagnes d’incitation au vote antérieures en matière d’audience atteinte et d’impact en termes de visibilité semblent pris en compte au vue de l’importance du budget : 36 millions d’euros répartis en 2 lots équivalents : les campagnes digitales et les campagnes intégrées.

Une vaste action interinstitutionnelle de relations avec les médias

Doté d’un budget de 20 millions d’euros sur 2 ans, l’avis de marché largement interinstitutionnel (Commission, Parlement, Conseil, Comité économique et social européen et quelques agences européennes) ne fournit pas beaucoup de détails :

  • Conception et organisation de séminaires d’information et de visites d’étude pour les médias, principalement au siège des institutions européennes à Bruxelles et dans les 28 États membres ;
  • Création et organisation d’événements en ligne pour des médias plus spécialisés ;
  • Préparation ou suivi afin d’encourager la création de réseaux et l’échange entre les médias sur la base d’un intérêt commun pour les affaires et les politiques de l’UE.

Après l’abandon de Presseurop – la revue de presse européenne largement exploité par les journalistes – cette action manifeste une volonté marquée de se réintéresser à cette cible prioritaire pour la dissémination des messages de l’UE auprès des citoyens européens.

Une double action en ligne et auprès des médias en France

La Représentation de la Commission européenne en France lance simultanément deux appels d’offres destinés à renforcer la communication européenne auprès du grand public.

D’une part, un site sur l’Union européenne, son fonctionnement et ses politiques en France qui servira d’espace de référence pour la communication sur l’UE :

  • Favoriser une meilleure connaissance en France des institutions européennes, de leur fonctionnement et des politiques menées par l’Union ;
  • Centraliser en un lieu principal et amplifier la communication interinstitutionnelle européenne sur les politiques européennes et leur impact pratique en France.

D’autre part, une prestation de relations presse, afin d’accompagner la médiatisation des grands enjeux de la communication interinstitutionnelle européenne et de projets liés à l’Europe auprès des médias grand public en général et dans les médias audiovisuels et régionaux en particulier.

Une campagne de sensibilisation des jeunes sur des sujets relatifs à l’UE en Roumanie

Destinée informer davantage les élèves des écoles roumaines sur l’UE, son histoire, ses politiques et l’évolution récente de la situation dans le domaine des affaires européennes, la campagne devrait comprendre un jeu-concours sur l’euro, un concours leader européen, une plateforme d’engagement en ligne et des visites d’écoles avec des débats.

Conseil dans le domaine des médias en faveur de la Représentation de la Commission européenne en Autriche

A travers les médias audiovisuels, en ligne et sociaux, l’objectif est de faire mieux connaître au grand public, à des groupes cibles spécifiques et aux médias les activités, les objectifs et les politiques de la Commission européenne.

Information et communication en faveur du centre d’information de l’UE en Slovénie

Le centre d’information de l’UE en Slovénie sollicite des services d’information pour accueillir les publics et répondre aux diverses sollicitations ainsi que d’organisation d’événements (conférences, présentations, semaines thématiques sur l’UE, ateliers, expositions).

Animation du centre d’information de la Représentation de la Commission européenne en Finlande

La responsabilité de la gestion du centre d’information en Finlande consiste à guider le grand public pour l’obtention d’informations relatives à l’UE, à coordonner les visites de groupe, à participer à des événements spéciaux et à répondre aux demandes externes et internes.

Au total, ces différents appels d’offre démontrent que les institutions européennes anticipent et priorisent de plus en plus leurs besoins en matière de communication. Reste à attendre les résultats.

Réflexions post-Brexit sur la communication de l’Union européenne

Le succès de la campagne pour le « Brexit » au Royaume-Uni, au-delà des fautes et des faiblesses des partisans du « Bremain » s’interprète massivement comme un échec de la communication de l’Union européenne…

Qu’est-ce qui ne fonctionne pas dans la communication européenne ?

Comme le remarque Katie Owens dans « Is now the time to reignite Plan D? », le sentiment dominant est que l’on se retrouve à la case départ, 10 ans en arrière, au moment des échecs des référendums sur le projet de constitution européenne en France et aux Pays-Bas, lorsque Margot Wallström entrepris le chantier de la communication de l’Union européenne.

Plus particulièrement, les axes de progression fixés dans le Plan D de Margot Wallström semblent au point mort :

  • la volonté de communiquer dans un langage clair et compréhensible pour le grand public est demeuré un vœu pieux, voire la situation s’est dégradée en matière de bilinguisme et de lisibilité des actions ;
  • le passage d’une communication axée vers les citoyens, en lieu et place d’une communication tournée sur les institutions européennes n’a parcouru qu’une partie du chemin, la plus facile : les institutions européennes ne parlent plus que des citoyens, mais ces derniers se sont encore davantage détournés de l’Europe ;
  • la décentralisation de la communication européenne, pour s’appuyer sur la proximité des acteurs de terrain ne s’est pas vu octroyé les moyens nécessaires pour vraiment avoir un impact, sans compter que ce sont sans doute « les auto-entrepreneurs de la cause européenne » qui se sont saisis de cette main tendue.

Malgré 10 ans d’efforts et d’initiatives de la part des institutions européennes pour davantage et mieux communiquer, les résultats sont largement insuffisants pour contrer des mouvements profonds dans les opinions publiques européennes. :

  • L’euroscepticisme est le nouveau mainstream intellectuel dans la plupart des formations politiques, même les partis dit de gouvernement ;
  • L’europhobie s’est largement développée, notamment auprès des jeunes et dans les « nouveaux » Etats-membres ;
  • A contrario, le discours « pro-européen » est aujourd’hui crépusculaire et microscopique, totalement absent dans la bouche des responsables et inaudible auprès des électeurs dans la plupart des Etats-membres.

Quel est le principal handicap de la communication européenne ?

Même avec un regard bienveillant, force est de reconnaître que si la communication de l’Union européenne venait à totalement disparaître, il serait impossible pour quasiment tout le monde de faire la différence.

La priorité aujourd’hui ne consiste pas à échafauder dans l’urgence et l’impréparation un nouveau plan pour sauver la communication européenne, avec de nouvelles incantations.

Il s’agit d’analyser les causes, de comprendre pourquoi la communication européenne est inaudible :

Le message est clé : de quoi s’occupe vraiment l’Union européenne ? Personne ne le sait vraiment. Le projet européen ne devrait-il pas se concentrer sur ses fondamentaux, comme par le passé (PAC, Erasmus…) avec quelques domaines d’intervention légitimes et nécessaires à l’échelle internationale (commerce, diplomatie, climat…) ;

La capacité à faire l’agenda est impérative : face à la force de frappe des opposants à la construction européenne, le silence et la langue de bois ne sont plus des réponses, sauf à se condamner à disparaître ;

L’incarnation du projet est indispensable : tant que les actions ne seront pas présentes dans la vie quotidienne des Européens, aucun changement dans les opinions n’est envisageable.

Paradoxalement, l’échec de la communication européenne ne réside sans doute pas dans son incapacité à changer des mentalités entre très nationalo-centrées. Il était illusoire et aujourd’hui impossible d’imaginer que l’UE puisse convaincre, à elle seule les Européens du bien fondé d’une construction européenne tout azimut en même temps. Mais son échec est bien davantage dans sa capacité à laisser prospérer l’idée que l’Europe s’occuperait de tout. Du coup, l’impression que l’Europe déçoit parce qu’elle n’y arrive pas sur pas mal de sujets qui en fait ne la concernent pas prioritairement, suivant le souhait des Etats, est dorénavant le sentiment le plus partagé.

Remettre la communication de l’Union européenne sur les rails ne passera que par une redéfinition claire et démocratiquement approuvée du périmètre d’intervention de l’Union européenne : qui trop embrasse, mal étreint, et finit par s’épuiser.

Y a-t-il un modèle de communication européenne sur les fonds européens en France ?

La stratégie nationale de communication interfonds mise en œuvre par le Commissariat général à l’égalité des territoires en France est assez inédite au niveau européen, selon Clémence Vidal qui publie un mémoire pour s’interroger sur l’existence d’un éventuel modèle de communication européenne interfonds

Une stratégie nationale de communication interfonds, une approche inédite propre au contexte politico-administratif français

Face à l’échec du référendum en 2005, l’Etat manifeste sa volonté politique de construire une communication mutualisée, inédite, sur les fonds européens afin de renforcer la coordination et le partenariat entre les différents acteurs impliqués.

Cette démarche, saluée par les institutions européennes, implique une gouvernance multi-niveaux, adaptée à l’organisation administrative française et à l’architecture de mise en œuvre des fonds dans le pays. Élaborée au niveau interministériel, elle s’appuie sur un dispositif financier assez singulier en Europe, ce qui renforce son originalité.

L’enveloppe identifiée pour ces actions de communication s’élève ainsi à 13 255 000 euros pour la période 2014-2020, selon le budget prévisionnel du programme Europ’Act 2014-2020, Stratégie nationale de communication interfonds, CGET, 2015.

Pour faciliter l’identification et la reconnaissance des fonds européens en France, des moyens d’intervention conséquents ont été déployés :

  • création d’une marque institutionnelle pour donner une identité visuelle,
  • développement d’une stratégie digitale,
  • organisation de campagnes de communication,
  • coordination d’événements grand public et apposition d’un label.

Portée au niveau national, cette stratégie de communication sur l’ensemble des fonds est assez inédite au niveau européen. Pourtant, le « modèle » français de communication sur les fonds européens reste encore inachevé.

Un modèle de communication interfonds encore en construction entre régionalisation européenne et décentralisation française

Au sein de l’Etat, le portage politique du sujet, nécessaire à la mobilisation citoyenne, se révèle difficile face à son étendue et sa complexité. Au niveau interministériel, la coordination des différents acteurs peut également s’avérer problématique.

De plus, dans le contexte français de décentralisation, qui s’inscrit dans celui, plus large, de la régionalisation européenne, la région apparaît comme une échelle privilégiée pour mettre en œuvre une communication décentralisée sur les fonds européens, capable d’incarner l’Union européenne au niveau local.

La région apparaît comme une échelle privilégiée pour mettre en œuvre une communication décentralisée sur les fonds européens même si la relation État-régions dans la stratégie nationale de communication interfonds oscille entre tensions et coopération.

Finalement, la multiplicité d’émetteurs de cette stratégie à des niveaux différents de gouvernance évoque un effet d’émiettement qui peut créer la confusion pour le citoyen, et aggraver le sentiment de désincarnation de l’UE en donnant l’impression qu’il n’existe pas d’émetteur final.

Une approche mutualisée fédérative afin de montrer un visage unique de l’UE

La stratégie de communication sur l’ensemble des fonds européens constitue une opportunité de « faire savoir » à une majorité de citoyens que l’action de l’Union européenne existe dans leur quotidien, de leur « faire aimer » cette Union européenne pour finalement les « faire agir » en se faisant le moteur de la mobilisation citoyenne

Une approche commune à plusieurs fonds permet de simplifier le message de communication tout en l’adressant à des publics très divers dans leur intérêt, leurs motivations et leur niveau de connaissance sur le sujet.

Une communication sur les fonds européens est une occasion privilégiée de passer « d’une communication ponctuelle à une information de fond » pour « remédier au décalage durable entre les décisions politiques et l’opinion publique en matière européenne ».

Au total, la stratégie française de communication interfonds européens semble un modèle, perfectible mais opérationnel pour permettre d’incarner une Europe de la proximité qui intervient dans le quotidien des citoyens.