Valeurs et identité (géo)politiques des Européens

La guerre en Ukraine bouleverse l’univers mental de l’Union européenne, selon Thierry Chopin conseiller spécial à l’Institut Jacques Delors dans « Les « valeurs européennes » à l’épreuve de la guerre en Ukraine ». Replongée dans le « tragique de l’histoire », la « prise de conscience géopolitique » accélérée de l’UE interrogent les Européens sur l’usage et le sens du terme de « valeur » tant le nouveau hard power de la « puissance » européenne questionne le sentiment d’« appartenance » à une nouvelle identité (géo)politique des Européens garantissant la cohésion des Européens autour de leurs principes politiques fondamentaux face aux défis de la guerre en Ukraine…

Un soutien majoritaire sans ambiguïté des Européens à l’UE face à la guerre en Ukraine

La cohésion des opinions publiques est remarquable en soutien aux importantes ressources économiques et financières, militaires et humanitaires engagées pour aider l’Ukraine alors même qu’il s’agit d’une rupture radicale qui sonne le « réveil géopolitique de l’Europe » puisque pour la première fois, l’extension du projet démocratique européen est contrée par les armes ».

Les enquêtes d’opinion les plus récentes montrent que les Européens sont majoritairement solidaires de la cause ukrainienne et dans la durée. Une majorité est satisfaite de la coopération entre les États membres pour faire face aux conséquences de la guerre en Ukraine. La confiance des citoyens européens dans la capacité d’action de l’UE et de la coopération européenne, notamment en matière de défense se renforce et se traduit par un sentiment d’appartenance fort des Européens vis-à-vis de l’Union.

Une cohésion européenne autour de « valeurs » communes ?

Face à la guerre en Ukraine, l’UE défend des valeurs démocratiques européennes, mais de quoi s’agit-il sur les plans juridique, politique et sociétale ?

L’État de droit, stricto sens, c’est globalement l’acquis communautaire de la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne : légalité ; interdiction de l’arbitraire du pouvoir exécutif ; juridictions indépendantes et impartiales ; contrôle juridictionnel effectif y compris du respect des droits fondamentaux ; égalité devant la loi.

Les « principes » politiques : « respect de la dignité humaine, liberté, démocratie, égalité et respect des droits de l’homme (pluralisme, non-discrimination, tolérance, justice, solidarité et égalité femmes / hommes) sont défendus dans les discours et les textes européens.

Les valeurs « sociétales » : l’UE laisse une large marge de manœuvre aux États membres dans la mesure où les spécificités nationales ne sont pas mobilisées pour faire obstacle à un acquis fondamental européen.

Les « valeurs prioritaires » que doit défendre l’UE dans le contexte de guerre en Ukraine, selon les Européens, relèvent de la défense de l’État de droit et des « principes » politiques sur lesquels repose l’Union : démocratie, protection des droits humains dans l’UE et le monde, liberté d’expression et de pensée, État de droit et solidarité avec les États membres et les régions proches.

L’expérience historique des peuples européens suite aux tragédies du XXe siècle a forgé un consensus autour de la démocratie (suffrage universel) et du libéralisme politique (État de droit, respect des droits fondamentaux, séparation des pouvoirs) ; la solidarité et la recherche de la justice sociale conférant un rôle important à l’État  ; esprit de modération, de tolérance, d’ouverture et de méfiance vis-à-vis des passions politiques ; renonciation relative à la force et préférence pour le règlement pacifique des conflits par la négociation.

Ce socle de « valeurs » trouve une incarnation dans le projet politique de l’intégration européenne, qui réunissent les États et les citoyens de l’Union européenne. Autrement dit, les valeurs et les principes fondateurs de l’Union européenne résident dans la nécessité de rester unis sur le plan géopolitique, et de se protéger de la tentation autoritaire voire totalitaire, de substituer le droit et l’égalité entre États au droit du plus fort, préférer le règlement amiable des conflits entre États, et de défendre une vision des relations interétatiques comme un jeu à somme positive.

Les Européens se sentent Européens dans la mesure où ils savent que leurs histoires (passées et futures) sont indissociables et qu’ils constituent une communauté de destin.

Un usage paradoxal des « valeurs » européennes

La guerre en Ukraine met cependant en exergue un certain nombre de paradoxes propres au référentiel spécifique des « valeurs européennes » et qui relèvent en réalité de la confusion entre les différentes dimensions de l’usage du terme « valeur ».

Un premier usage paradoxal des « valeurs » européennes porte sur le registre politico-juridique : deux erreurs de perception et d’interprétation très répandues doivent être évitées : à l’Ouest, il y a une forte tendance à surévaluer l’altérité, la spécificité de l’Europe centrale et orientale en matière de « valeurs ». Cette perception méconnaît la diversité interne de ces pays, la résistance souvent très forte des divers contre-pouvoirs ou encore les décalages entre le discours et les actes politiques. À l’inverse, cette même perception tend à minimiser l’ampleur du problème à l’Ouest, où les « valeurs européennes » font également l’objet de mises en cause nombreuses et vigoureuses même si la capacité de résistance à ce phénomène varie.

En second lieu, cet usage paradoxal des « valeurs européennes » peut être analysé sur le registre culturel et sociétal. Le national-souverainisme actuel vise en effet non seulement les principes du libéralisme politique mais aussi les valeurs sociétales du libéralisme culturel, accusées d’être à l’origine d’une disparition des valeurs traditionnelles et de l’identité nationale. Sur ce registre culturel, un discours conservateur, voire réactionnaire, sur le plan politique et sociétal, peut trouver un écho parfois très fort dans certaines sociétés centre et est-européennes, l’UE est présentée comme un cheval de Troie d’une modernité antireligieuse porteuse de valeurs et de choix sociétaux dénoncés comme une source de décadence et d’une destruction à terme de ce que devrait être la « véritable » identité européenne.

Une homogénéité indispensable tant sur le plan interne qu’externe autour des « valeurs »

Pour la clarté du débat et même du combat en faveur des principes juridiques et politiques de l’État de droit et de la démocratie libérale, il serait préférable de distinguer entre principes politico-juridiques d’un côté et valeurs culturelles et sociétales de l’autre :

  • D’un côté, l’exigence d’un respect intransigeant et homogène des principes politiques et juridiques fondamentaux par tous les États membres, dont l’État de droit est la clé de voûte ;
  • De l’autre une approche convergente, mais pluraliste et tolérante des valeurs qui sous-tendent les choix culturels et sociétaux des Européens.

L’exigence d’un consensus indispensable sur les principes politiques et juridiques de l’UE est une nécessité :

  • Sur le plan interne, pour la stabilité d’un ordre politico-juridique, supposant un degré d’homogénéité politique minimal et impliquant un consensus sur ces principes politiques communs ;
  • Sur le plan externe, pour garantir à l’Union une capacité durable à faire face aux défis géopolitiques externes de « puissance ».

Dans cette perspective, il serait souhaitable d’affirmer avec beaucoup plus de force ce lien entre les deux dimensions, l’affirmation des valeurs comme « fondement même de l’Union et de son ordre juridique », constituent désormais le socle du lien d’appartenance des États à l’Union ».

En bref, la « puissance » européenne est indissociable du sentiment d’« appartenance » lié au respect des principes politiques et juridiques qui fondent l’existence de l’Union et de l’identité (géo)politique des Européens.

Face, à l’intérieur aux courants nationaux-populistes autoritaires et d’extrême-droite néo-nationaliste et à l’extérieur, aux régimes autoritaires, dictatoriaux et totalitaires contre l’occident, les Européens doivent défendre coûte que coûte leurs principes politiques et démocratiques et leur modèle de société, sans que nos dissensions ne remettent en cause l’édifice global, comme l’une des réponses les plus fortes pour redimensionner la puissance des nations démocratiques du continent à l’échelle du monde et inscrire son régime politique de démocratie libérale par le consentement des gouvernés dans une forme politique et à une échelle territoriale compatible avec le retour des rapports de force brutaux et des ambitions néo-impériales.

Communauté politique européenne : la famille géopolitique européenne entre guerre et paix

L’Institut bruxellois de géopolitique, le think tank créé à l’occasion du lancement de la nouvelle Communauté politique européenne, partage son premier position paper, à l’occasion du deuxième sommet de la CPE, à Chisinau, en Moldavie : « Rapprocher la grande famille européenne : Nouvelles perspectives sur la Communauté politique européenne » rédigé par Hans Kribbe, Sébastien Lumet et Luuk van Middelaar.

Alors que la « guerre européenne » de la Russie contre l’Ukraine réinvente « une nouvelle et plus vive expérience de l’espace géographique », où les Européens sont « contraints de réévaluer l’ordre qui les maintient ensemble, « l’Europe » semble avoir exhumer une incarnation plus ancienne d’elle-même, elle endosse l’ancien manteau diplomatique d’une entité d’États souverains gouvernée par des sommets informels, des normes d’égale dignité et l’importance de la confiance ».

La thèse de l’Institut bruxellois de géopolitique sur la Communauté politique européenne, c’est qu’elle représente une réponse appropriée et opportune à la disparition de l’ordre européen d’après-guerre froide. Le nouveau club permet à ses membres de se réunir et de planifier en tant qu’États souverains des questions difficiles sur la guerre, la paix et l’ordre.

Confronté aux questions du temps présent, l’Europe puise dans son passé, dans les méthodes et les pratiques diplomatiques souvent oubliées qui ont donné naissance au système étatique moderne.

Cette volonté de revenir à ses origines et de réinventer, ou du moins de réajuster, l’ordre étatique européen explique trois caractéristiques essentielles de la Communauté politique européenne :

  1. Son apparent mépris des « résultats tangibles » concrets ou des communiqués officiels. Aussi longtemps que nécessaire, les dirigeants du continent doivent pouvoir se réunir dans des cadres informels et non scénarisés.
  2. Les efforts de l’organisme, même s’ils sont parfois hésitants, pour se tenir à une certaine distance de l’Union européenne.
  3. Son focus impénitent sur les intérêts de sécurité partagés plutôt que sur les valeurs partagées.

Le fait que des États stratégiquement importants ne fassent pas partie de l’Union montre clairement que l’adhésion à l’UE, qu’elle soit réelle ou potentielle, ne définit pas l’Europe. C’est là que réside la raison d’être de la Communauté politique européenne. Elle offre précisément le genre d’arrangement dont le continent a actuellement besoin : pan-européen, flexible, informel, égalitaire et intime dans son esprit.

La nature informelle de la Communauté politique européenne, un organisme apparemment incapable de produire une déclaration commune pourrait être perçue comme un signe de la désunion européenne trop familière. Cependant, ce nouveau forum, plutôt que de formuler de nouvelles politiques, joue un rôle plus fondamental en ravivant un sentiment de corps politique européen.

La Communauté politique européenne est une tentative très politique de mettre à profit ces liens rudimentaires entre les États en s’appuyant sur les principes de la diplomatie qui lui permettent de fonctionner comme un forum d’égaux (en dehors de l’orbite de l’UE), une communauté d’intérêts (à une certaine distance du Conseil de l’Europe) et un lieu de rencontre informel pour les dirigeants (sans bureaucratie).

La Communauté politique européenne est un forum politique européen indépendant qui vise à raviver un sentiment de corps politique européen en dehors des cadres institutionnels existants. Elle offre aux États européens l’opportunité de se rencontrer en tant qu’États souverains et d’aborder des questions d’intérêt commun, sans les contraintes bureaucratiques des institutions européennes.

La Communauté politique européenne peut déjà être un centre névralgique et un catalyseur de l’action collective, l’ »ambiance » dominante des objectifs généraux tels que renforcer la sécurité et la résilience énergétiques peut être transformé en action en utilisant l’occasion pour convenir de projets communs au niveau bilatéral ou multilatéral

Une plus grande action de l’EPC pourrait également découler de l’influence des institutions financières internationales via la Banque européenne pour la reconstruction et le développement ou la Banque européenne d’investissement.

La volonté politique de soutenir la nouvelle communauté dépendra des nombreuses menaces de sécurité et crises affectant les intérêts stratégiques du continent, suggérant la nécessité d’un organisme paneuropéen visant à renforcer la résilience du continent pour jouer un rôle important dans la sécurisation de l’avenir de l’Europe.

La Communauté politique européenne rappelle aux Européens un art diplomatique et une diplomatie d’État plus anciens, souvent oubliés, qui pourraient un jour devoir être mobilisés pour mettre fin à la guerre, voire pour instaurer la paix.

Et sous l’angle de la communication européenne, que peut-on attendre de la Communauté politique européenne ?

  1. Renforcement de la visibilité : La réunion de la Communauté politique européenne offre une occasion de mettre en avant l’importance et la pertinence de mettre à l’agenda des discussions relatives à l’avenir de l’Europe. Les dirigeants européens peuvent utiliser cet événement pour communiquer de manière claire et cohérente sur leurs objectifs, leurs valeurs et leurs actions.
  2. Cohésion et unité : La réunion permet aux dirigeants européens de démontrer leur engagement envers une famille européenne unie et de renforcer la cohésion entre les États-membres de l’UE et les autres États européens. La communication lors de la réunion doit souligner l’importance de travailler ensemble pour relever les défis communs et promouvoir l’harmonie entre les nations européennes.
  3. Annonces et initiatives communes : La réunion peut être l’occasion de présenter des annonces et des initiatives communes qui illustrent la coopération et la solidarité au sein de la Communauté politique européenne. Ces annonces peuvent concerner des domaines tels que la sécurité, l’économie, les énergies ou les droits de l’homme.
  4. Communication vers le grand public : La réunion de la Communauté politique européenne peut servir de plateforme de communication auprès du grand public. Les dirigeants européens peuvent utiliser cette occasion pour expliquer les enjeux de l’Europe d’aujourd’hui, engager un dialogue dans la presse à destination des citoyens et partager leur vision de l’avenir de l’Europe. Une communication claire et accessible est essentielle pour susciter l’intérêt et l’adhésion.
  5. Influence et rayonnement international : La réunion peut également être l’occasion de renforcer l’influence et le rayonnement international de l’Europe. Les dirigeants européens peuvent profiter de cet événement pour communiquer sur la position de l’Europe sur la scène mondiale et promouvoir les valeurs européennes à l’échelle internationale.

CaféBabel, Euractiv : transformations dans la sphère des médias européens

Avec une certaine concordance des temps qui n’est certainement pas fortuite, deux médias européens, à la fois précurseurs en leur temps et dorénavant ancêtres parmi les médias européens, dont le modèle s’est longtemps cherché et toujours trouvé dans la difficulté, sont en train de se transformer. De quoi s’agit-il ?

CaféBabel : du journalisme participatif de la génération Erasmus à l’âge adulte européen

Après plus de 20 ans d’existence, une éternité dans le monde des médias européens, CaféBabel, le média participatif multilingue de la génération Erasmus tire sa révérence. CaféBabel, c’est la quintessence d’un moment de la construction européenne et de l’époque médiatique, celle d’une expression autant personnelle que générationnelle, d’un idéal, d’un mode de vie, d’un projet de société, où l’Europe est d’abord vécue, éprouvée, puis transmise par les émotions, les expériences et les collectifs.

CaféBabel, c’était en somme, les voix d’une génération de jeunes Européens qui poursuivaient les voies d’une intégration intime à l’Europe.

Pourquoi évoluer ? Parce que l’évolution des publics doit être prise en compte, au travers de nouvelles attentes vis-à-vis de la construction européenne, à la fois plus stratégique en matière d’autonomie et plus terre-à-terre en termes de politiques publiques européennes. Ces nouvelles relations à l’Europe induisent de nouvelles pratiques de journalisme européen.

Sphera Network structure et professionnalise la démarche de CaféBabel en visant à remodeler les collaborations journalistiques européennes et en se positionnant comme « le premier réseau européen de médias indépendants et alternatifs de petite et moyenne taille ».

Ereb, qui se présente comme « a community-based cross-border media », vise à repenser la manière de réaliser du journalisme transfrontalier avec des nouvelles formes de récits, de photo journalismes, de vidéo reportages, pour « raconter l’intimité de l’Europe depuis le terrain ».

Euractiv : de l’indépendance pionnière à l’entrisme inspirateur

Euractiv, là encore un média indépendant emblématique de la séquence d’intensification de la construction européenne entre élargissements et approfondissements, tente une forme de synthèse entre l’intention de couvrir l’actualité de l’UE à travers un modèle de journalisme sui generis complexe tout à la fois très expert mais pédagogique, assez neutre mais délibérément pro-européen, ouvert aux subventions publiques mais pas anti-business.

Euractiv, c’était en somme l’ambition de créer une forme de journalisme qui tente un fond de compromis à l’image de l’Europe.

Pourquoi évoluer ? Sans doute, pour reprendre le proverbe africain « Si tu veux aller vite, marche seul mais si tu veux aller loin, marchons ensemble. » Surtout, parce que l’évolution des moyens (les ressources, les datas, les IA) réinterrogent la possibilité d’une île, la capacité à rester à la fois indépendant et pertinent dans un paysage médiatique en constante transformation.

Selon le communiqué, l’annonce se verbalise de la manière suivante : « le groupe de médias européen Mediahuis a acquis EURACTIV, la marque d’information paneuropéenne, axée sur la politique de l’UE (…) le réseau de médias EURACTIV bénéficiera de l’envergure d’un groupe de médias international, ce qui lui permettra de devenir LE média de référence en matière de politique européenne ».

De nouvelles marques de fabrique de l’information européenne

Tant les transformations de CaféBabel que d’Euractiv – inévitables tôt ou tard – sont révélatrices de plusieurs dimensions :

Évidemment, le « succès » au sens de capacité à survivre et se développer de ces modèles doit beaucoup à l’investissement hors-du-commun des individus engagés, acteurs de premier plan, personnalités qui ont fait vivre ces projets.

Surtout, Euractiv et CaféBabel, avec le recul, apparaissent comme des marques de fabrique de l’information européenne, qui racontent de manière originale et inédite, avec une certaine maturité et un professionnalisme certain, l’Europe d’aujourd’hui et de demain.

De médias européens précurseurs, CaféBabel et Euractiv se projettent en champions des médias européens.

Comment l’Union européenne lutte contre la propagande ?

Dans « Les politiques européennes de lutte contre la propagande », Marie Robin pour la Fondation Robert Schuman décryptent les armes communicationnelles et narratives pour faire avancer leurs propagandes dans un conflit et sur la scène internationale, l’invasion de l’Ukraine par la Russie étant accompagnée d’opérations d’influence, de désinformation et de propagande, la plupart antieuropéennes. L’Union européenne directement concernée par les discours de propagande tente donc de développer des stratégies de lutte contre les contenus propagandistes et leurs effets…

Fausses nouvelles et propagande, un problème pour la démocratie en Europe

66% des citoyens en Europe déclarent lire ou entendre des fausses nouvelles au moins une fois par semaine, nous « subissons une pression grandissante et systématique pour faire face aux campagnes de désinformation et d’informations trompeuses et à la propagande contre la notion même d’information objective ou de journalisme éthique, en ne diffusant que des informations partiales ou servant d’instrument au pouvoir politique, et qui nuisent également aux valeurs et aux intérêts démocratiques ».

La principale menace identifiée quand il s’agit de propagande en Europe a trait à la propagande antieuropéenne du Kremlin, vue comme un potentiel risque de « rideau de fer informationnel » : narratifs et armes de propagande pour justifier sa guerre contre l’Ukraine tout en diffusant des récits anti-européens potentiellement déstabilisateurs.

La propagande chinoise est principalement dénoncée non pas pour ses propres intérêts directs, mais comme relais et soutien du Kremlin au sein de l’Union.

L’extrême droite, appartenant aux mouvances suprémacistes, néonazies et/ou conspirationnistes, souvent inspirées des mouvements QAnon aux États-Unis, diffuse des discours haineux, extrémiste et violent anti-immigration, antiféminisme, conspirationnisme, antisémitisme et anti-élite. Les groupes d’extrême droite diffusent des contenus anti-démocratiques, visant à déstabiliser la cohésion européenne et à promouvoir des visions strictes des frontières.

Lutter contre les contenus de propagande, terroristes ou non, destinés à déstabiliser l’Union européenne ou ses États membres

Garantir des principes fondateurs : liberté des médias, accès à l’information, liberté d’expression, pluralisme des médias.

Identifier et connaître avant de lutter contre les contenus de propagande : saisir, comprendre et analyser, l’Union européenne cherche à agir en tant que « forum de coordination » entre les États membres, favorisant le partage d’informations, l’échange de bonnes pratiques tout en développant, à l’échelle supranationale, des initiatives de recherche et de renseignement destinées à saisir ces contenus.

Empêcher la diffusion de contenus de propagande non-terroristes, c’est-à-dire suspendre la diffusion de certains médias, comme les chaînes russes TV RT ou Sputnik dans les États membres.

Idéalement, supprimer les contenus dans une temporalité rapide afin d’en éviter la viralité. interdire les médias qui diffusent des contenus de propagande et empêcher le recrutement par des acteurs propagandistes étrangers de relais d’influence au sein de l’Union.

Contrer ne peut se faire avec les armes des adversaires sous forme de contre-propagande, l’Union européenne privilégie plutôt de déconstruire (debunker) et de promouvoir des voix modérées

« Debunker la désinformation » passe dès 2015 par une Task force de communication stratégique dans le voisinage oriental (East StratCom Task Force) via le site EUvsDisinfo pour « expliquer et dénoncer les récits de désinformation et sensibiliser à l’impact négatif de la désinformation provenant de sources pro-Kremlin. »

Refuser de faire de la contre-propagande, c’est montrer le faux et exposer les mensonges proposés dans les discours de propagande, réfuter et diffuser des informations utour des valeurs démocratiques et des politiques publiques proposées par l’Union européenne

Former pour mieux lutter contre les informations partiales ou erronées véhiculées par les discours de propagande ou de désinformation, l’Union européenne promeut un journalisme de bonne qualité en soutien à la liberté des médias et en renfort des médias indépendants

Potentiels défis de la responsabilité commune à l’Union européenne et aux États membres

« Si tout le monde est responsable, alors peut-être qu’in fine, personne ne l’est », la dualité, louable en principe peut néanmoins se révéler un obstacle en certaines occasions et conduire à de potentielles injonctions contradictoires.

Le choix de l’Union européenne de promouvoir un discours positif n’est pas sans obstacle dans un contexte de montée du populisme dans plusieurs États membres mettant en cause le caractère fondamentalement démocratique de l’UE.

Contrer les accusations de technocratie ou de prise de décision made in Bruxelles, c’est la mission des institutions européennes, de rendre leur fonctionnement, et les mesures adoptées, accessibles et compréhensibles pour les citoyens.

Contrer les discours anti-européens dans et en dehors de l’Union européenne passe, avant tout, par le renforcement du projet européen, de la cohésion entre ses États membres et de son accessibilité auprès de tous les Européens.

Vers nouvelle doctrine économique européenne

Décryptage du discours du Président de la République à La Haye le 11 avril dernier, dessinant les contours d’une nouvelle doctrine économique européenne, pour protéger les intérêts et valeurs françaises et européennes, pour demeurer souverains, pour mener à bien la transition climatique, pour créer des emplois et de la croissance et préserver notre modèle social…

Querelle de forme et débat de fond

Le narratif préféré des Européens, c’est que l’Union européenne est toujours censée sortir grandie des crises ; mais là, avec l’agression russe en Ukraine, les cartes sont rebattues et l’incertitude est totale. Le temps n’est plus au « business-as-usual » où chaque protagoniste joue son rôle d’acteur pour ou contre l’Europe.

Le concept de « souveraineté européenne » placé au centre du projet politique présidentiel est une fausse controverse mais un vrai point de friction très largement critiqué en France et en Europe.

Le philosophe-roi, dont on sait qu’il ne s’agit pas d’une bonne idée, tente une nouvelle fois de convaincre de la pertinence de son idée, en s’appuyant sur Spinoza et son Traité théologico-politique : « « Le droit est défini par le pouvoir de la multitude. C’est ce que l’on appelle la souveraineté ». (…) Pour être soi-même, il faut être souverain, identité et souveraineté sont intrinsèquement liées (…) défendre sa souveraineté n’implique pas de s’éloigner de ses alliés, mais uniquement de pouvoir choisir ses partenaires et de façonner sa destinée plutôt que de n’être que le simple témoin de l’évolution dramatique du monde ».

La pandémie et la guerre nous ont fait comprendre que pour préserver l’identité européenne, il nous fallait réduire notre niveau de dépendance. Une nouvelle doctrine globale en matière de sécurité économique doit nous protéger, préserver notre identité et nous permettre de définir de manière autonome nos modèles actuels et futurs.

Compétitivité et intégration européenne

Promouvoir son identité et défendre, à long terme, le modèle européen ne peut se faire sans être en mesure de produire les solutions les plus performantes, s’assurer d’innover sur un marché ouvert afin de rester un continent de producteurs et pouvoir prendre des décisions pour nous-mêmes; ce qui requiert des talents et des compétences, implique de veiller à ce que la population soit formée et dispose des capacités nécessaires pour s’adapter à l’environnement actuel.

Nous avons besoin d’une Europe et d’une intégration renforcées de nos marchés, qui constitue la chance, la force de l’Europe ; le financement de nos économies – les talents et le capital – est essentiel dans un monde en pleine innovation, il faut une Union des marchés des capitaux.

Politique industrielle européenne

Le manque d’équilibre entre le marché et l’intervention publique, nous place dans une situation de trop forte dépendance et nous permet pas de peut créer notre propre industrie à zéro émission nette, notre propre industrie des semi-conducteurs ou encore notre politique industrielle agricole.

Notre politique industrielle européenne doit réunir les problématiques industrielles, les enjeux climatiques et l’autonomie décisionnelle en vue de la création de valeur économique en Europe ainsi que du financement de notre modèle social. Sans production, pas de justice.

Protection des intérêts stratégiques de l’Europe

Protéger les intérêts de nos actifs stratégiques contre des actions hostiles ou des pratiques distortives permettant de bloquer ou d’interdire les participations ou les acquisitions étrangères dans certaines entreprises stratégiques marque un véritable tournant idéologique afin de protéger les infrastructures essentielles et la cybersécurité.

Assurer la prévention des contenus numériques, dans les domaines de l’éducation et de la culture se traduit par la protection de nos réseaux sociaux, de nos intelligences artificielles et de toutes ces innovations qui nous exposent à un réel danger et qui peuvent nuire à l’éducation de nos enfants et au fonctionnement de notre démocratie.

Réciprocité

Les marchés ne peuvent plus se réguler d’eux-mêmes, la réciprocité sera particulièrement importante pour la nouvelle génération d’accords commerciaux à la fois :

  • soutenable avec la lutte contre les changements climatiques et le respect des engagements en faveur de la biodiversité ;
  • équitable et équilibré pour éviter tout effet préjudiciable sur l’économie de l’Union européenne, notamment dans les secteurs les plus sensibles ;
  • clarifiant les intérêts stratégiques de l’accord pour l’Union européenne comme l’accès privilégié aux matières premières essentielles ou la diversification des fournisseurs dans les secteurs clés.

Coopération

Établir une série de coopérations destinées à renforcer et étendre nos règles et instruments multilatéraux afin de porter notre modèle européen au niveau international :

  • revitaliser et étendre le cadre multilatéral de l’Organisation Mondiale du Commerce pour un monde ouvert et plus durable ;
  • respecter un haut niveau d’exigence en termes de valeurs, comme la lutte contre la déforestation ou le travail forcé.

Cette nouvelle doctrine économique concilie la création d’emplois, le financement de notre modèle social, la lutte contre les changements climatiques ainsi que le renforcement de notre autonomie décisionnelle afin de préserver nos valeurs et notre modèle européen, qui repose sur l’humanisme, la liberté et la solidarité, une nécessité pour vivre en tant qu’Européens.