Vers nouvelle doctrine économique européenne

Décryptage du discours du Président de la République à La Haye le 11 avril dernier, dessinant les contours d’une nouvelle doctrine économique européenne, pour protéger les intérêts et valeurs françaises et européennes, pour demeurer souverains, pour mener à bien la transition climatique, pour créer des emplois et de la croissance et préserver notre modèle social…

Querelle de forme et débat de fond

Le narratif préféré des Européens, c’est que l’Union européenne est toujours censée sortir grandie des crises ; mais là, avec l’agression russe en Ukraine, les cartes sont rebattues et l’incertitude est totale. Le temps n’est plus au « business-as-usual » où chaque protagoniste joue son rôle d’acteur pour ou contre l’Europe.

Le concept de « souveraineté européenne » placé au centre du projet politique présidentiel est une fausse controverse mais un vrai point de friction très largement critiqué en France et en Europe.

Le philosophe-roi, dont on sait qu’il ne s’agit pas d’une bonne idée, tente une nouvelle fois de convaincre de la pertinence de son idée, en s’appuyant sur Spinoza et son Traité théologico-politique : « « Le droit est défini par le pouvoir de la multitude. C’est ce que l’on appelle la souveraineté ». (…) Pour être soi-même, il faut être souverain, identité et souveraineté sont intrinsèquement liées (…) défendre sa souveraineté n’implique pas de s’éloigner de ses alliés, mais uniquement de pouvoir choisir ses partenaires et de façonner sa destinée plutôt que de n’être que le simple témoin de l’évolution dramatique du monde ».

La pandémie et la guerre nous ont fait comprendre que pour préserver l’identité européenne, il nous fallait réduire notre niveau de dépendance. Une nouvelle doctrine globale en matière de sécurité économique doit nous protéger, préserver notre identité et nous permettre de définir de manière autonome nos modèles actuels et futurs.

Compétitivité et intégration européenne

Promouvoir son identité et défendre, à long terme, le modèle européen ne peut se faire sans être en mesure de produire les solutions les plus performantes, s’assurer d’innover sur un marché ouvert afin de rester un continent de producteurs et pouvoir prendre des décisions pour nous-mêmes; ce qui requiert des talents et des compétences, implique de veiller à ce que la population soit formée et dispose des capacités nécessaires pour s’adapter à l’environnement actuel.

Nous avons besoin d’une Europe et d’une intégration renforcées de nos marchés, qui constitue la chance, la force de l’Europe ; le financement de nos économies – les talents et le capital – est essentiel dans un monde en pleine innovation, il faut une Union des marchés des capitaux.

Politique industrielle européenne

Le manque d’équilibre entre le marché et l’intervention publique, nous place dans une situation de trop forte dépendance et nous permet pas de peut créer notre propre industrie à zéro émission nette, notre propre industrie des semi-conducteurs ou encore notre politique industrielle agricole.

Notre politique industrielle européenne doit réunir les problématiques industrielles, les enjeux climatiques et l’autonomie décisionnelle en vue de la création de valeur économique en Europe ainsi que du financement de notre modèle social. Sans production, pas de justice.

Protection des intérêts stratégiques de l’Europe

Protéger les intérêts de nos actifs stratégiques contre des actions hostiles ou des pratiques distortives permettant de bloquer ou d’interdire les participations ou les acquisitions étrangères dans certaines entreprises stratégiques marque un véritable tournant idéologique afin de protéger les infrastructures essentielles et la cybersécurité.

Assurer la prévention des contenus numériques, dans les domaines de l’éducation et de la culture se traduit par la protection de nos réseaux sociaux, de nos intelligences artificielles et de toutes ces innovations qui nous exposent à un réel danger et qui peuvent nuire à l’éducation de nos enfants et au fonctionnement de notre démocratie.

Réciprocité

Les marchés ne peuvent plus se réguler d’eux-mêmes, la réciprocité sera particulièrement importante pour la nouvelle génération d’accords commerciaux à la fois :

  • soutenable avec la lutte contre les changements climatiques et le respect des engagements en faveur de la biodiversité ;
  • équitable et équilibré pour éviter tout effet préjudiciable sur l’économie de l’Union européenne, notamment dans les secteurs les plus sensibles ;
  • clarifiant les intérêts stratégiques de l’accord pour l’Union européenne comme l’accès privilégié aux matières premières essentielles ou la diversification des fournisseurs dans les secteurs clés.

Coopération

Établir une série de coopérations destinées à renforcer et étendre nos règles et instruments multilatéraux afin de porter notre modèle européen au niveau international :

  • revitaliser et étendre le cadre multilatéral de l’Organisation Mondiale du Commerce pour un monde ouvert et plus durable ;
  • respecter un haut niveau d’exigence en termes de valeurs, comme la lutte contre la déforestation ou le travail forcé.

Cette nouvelle doctrine économique concilie la création d’emplois, le financement de notre modèle social, la lutte contre les changements climatiques ainsi que le renforcement de notre autonomie décisionnelle afin de préserver nos valeurs et notre modèle européen, qui repose sur l’humanisme, la liberté et la solidarité, une nécessité pour vivre en tant qu’Européens.

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