Vers une radicalisation des prises de position des acteurs de la communication européenne ?

Dernièrement, les prises de position des acteurs de la communication européenne (journalistes – correspondants de presse à Bruxelles, euro-bloggeurs et fonctionnaires européens) semblent dominées par des prises de positions plus tranchées que d’habitude…

Acte 1 : affirmations accusatoires du président de l’association des correspondants de presse à Bruxelles contre la communication de l’UE

Alors que le nombre de correspondants à Bruxelles est en régression, le président de leur organisation professionnelle : l’Association de la Presse Internationale, Lorenzo Consoli, met durement en cause la stratégie de communication de l’UE reposant notamment sur la mise à disposition sur Internet, pour les citoyens, de nombreuses données concernant l’UE et affirme :

« La transparence ne signifie pas rendre tout simultanément accessible pour tout le monde. La communication directe avec le citoyen sur tous les sujets a toujours été le rêve des régimes totalitaires. C’est notre tâche (celle des journalistes NDLA) et non celle des institutions de déterminer ce qui est important. Lorsque les journalistes sont exclus du processus de la communication, on méconnaît le rôle démocratique de la presse. »

Une telle charge résumée par l’API ainsi : « L’Europe mérite ce débat, et elle mérite d’avoir ses chiens de garde » marque un tournant dans les prises de position collectives des journalistes vis-à-vis de l’UE.

Acte 2 : exagérations satiriques assumées d’un euro-blogeur pour affirmer l’importance des blogs face aux émetteurs institutionnels ou médiatiques traditionnels

En réponse, l’euro-blogeur Julien Frisch publie un billet volontairement satirique : « My vision of journalism in Brussels » affirmant : « Personne n’a besoin d’un journalisme indépendant à Bruxelles quand il y a des blogeurs et de bonnes informations financées par les institutions » européennes et précisant même : « J’ai dû écrire cette vision pour faire en sorte que chacun sache que nous, les euroblogeurs, sommes contre le journalisme indépendant à Bruxelles. C’est nous contre eux. Et à la fin, c’est nous qui gagnerons. »

Une telle forme d’expression, franchement nouvelle pour les lecteurs fidèles de Julien Frisch, au point qu’il précise dans un autre billet « Euroblogging, journalism & institutional communication » : « Il est important d’exagérer, de temps en temps. » marque également un tournant, qu’il accompagne néanmoins d’une interview plus mesurée à Cafebabel dans laquelle il précise le fond de sa pensée :

« C’est à nous (euro-blogeurs, NDLA), hors des institutions, de montrer que nous sommes capables de produire nos propres contenus multimédias, de couvrir les informations européennes de manière professionnelles pour rendre la présence des institutions dans ce domaine moins nécessaire. »

Acte 3 : publication d’une lettre ouverte d’un syndicat de fonctionnaires européens pour créer une cellule de « riposte » contre les attaques diffamatoires

Sans lien avec les deux actes précédents mais soucieux de riposter aux « attaques diffamatoires par des médias et des lobbys anti-européens » contre le personnel de l’UE, une organisation syndicale représentative des personnels des institutions européennes publie une lettre ouverte à Barroso.

Une telle position visant à créer une cellule spécialisée au sein du service du porte-parole de la Commission européenne qui serait « dotée des moyens nécessaires pour réfuter rapidement et systématiquement toutes les attaques indignes dont la fonction publique européenne est le bouc émissaire » marque là encore un tournant, avec des accusations graves contre des « allégations des médias basées sur des généralisations hâtives et mal documentées ».

Ainsi, l’heure de la radicalisation des prises de position en matière de communication européenne semble sonner.

Quel est l’ADN de la marque UE ?

En vue de véritablement manager la marque UE, il convient de mieux connaître l’ADN de la marque UE. Petite tentative en 3 étapes à partir de la récente étude « La marque France vue par les Français : Radioscopie d’un complexe »…

Étape 1 : identifier les avantages compétitifs et recenser les codes signifiants

D’une part, il n’y a pas de grande marque sans fierté d’appartenance, qui ne peut reposer ni sur l’imitation ni sur l’occultation. Il faut donc identifier les avantages compétitifs de la marque, notamment à travers une enquête d’opinion sur les points forts et les points faibles.

Pour l’UE, les critiques n’ont jamais été aussi bien décrites que dans le rapport Herbillon « La fracture européenne – Après le référendum du 29 mai 2005 : 40 propositions concrètes pour mieux informer les français sur l’Europe » :

  • Pour les citoyens, « l’Europe, c’est compliqué et loin »
  • Pour les élus, « l’Europe ne fait l’élection »
  • Pour les médias, « l’Europe ne fait pas vendre »

Plus largement, les enjeux de la marque UE peuvent se résumer à :

  • L’Europe, une nécessité économique, voire même une fatalité ?
  • L’Europe, un bouclier culturel, voire même un contre-modèle ?
  • L’Europe, une perte d’identité, voire même une menace technocratique ?
  • L’Europe, une valeur d’usage et d’échange pour le voyageur-consommateur ?

D’autre part, il n’y pas de grande marque sans des codes puissants. Il faut donc recenser la diversité des signes de la marque, notamment à travers une veille.

Pour l’UE, les symboles – pourtant retirés du texte du traité de Lisbonne – sont pour la plupart connus et reconnus :

  • Le drapeau, représentant un cercle de 12 étoiles d’or sur fond bleu ;
  • La devise, « unie dans la diversité » ;
  • L’hymne, tiré de l' »Ode à la joie » de la Neuvième symphonie de Beethoven ;
  • La Journée de l’Europe, le 9 mai ;
  • L’euro, la monnaie commune…

Étape 2 : formuler et expliciter les fondamentaux de la marque = la plateforme de marque

La plateforme de marque précise :

  • Vision : comment la marque voit le monde qui l’entoure et les grands enjeux aujourd’hui et demain ?
  • Mission : quel est le rôle que la marque se donne pour incarner cette vision ?
  • Ambition : quel est le projet associé à cette mission ?
  • Valeurs : quel est ce sur quoi la marque ne transigera pas ?

Pour l’UE – à ce stade de la réflexion – nous n’en sommes qu’à des conjectures :

  • Vision « française » d’un monde multipolaire ou « anglo-saxonne » d’un marché mondialisé ?
  • Mission régulatrice faite d’harmonisation intérieure et de pacification internationale ?
  • Ambition : une Europe puissance ou une Europe marché, grande Suisse libre-échangiste et pacifiste ou une Europe concrète, intervenant dans la vie quotidienne des citoyens ?
  • Valeurs : aucune valeur en propre mais les valeurs de l’humanité : la paix, les droits de l’homme…

Étape 3 : codifier et créer un territoire de communication non préempté = le concept créatif

Inspirer la création : faire rayonner la marque avec ses symboles (charte graphique : couleurs, images, signes, typographies…) Dynamiser l’expression : raconter la marque avec ses messages clés (charte de langage, plan éditorial…)

Pour l’UE – à ce stade – les chartes de communication sont encore trop différentes entre les différents émetteurs européens, nationaux ou locaux.

Ainsi, un travail approfondi sur l’ADN de la marque UE serait particulièrement utile pour mieux communiquer sur l’UE.

Correspondants de presse : Bruxelles souffre de la comparaison avec Washington

Le débat sur la chute du nombre de correspondants de presse à Bruxelles vient de franchir l’Atlantique avec un article du New York Times du 21 mars dernier : “As the E.U. Does More, Fewer Tell About It”. Une occasion de comparer les centres de Bruxelles et de Washington sous l’angle des correspondants de presse…

Bruxelles : 969 correspondants de presse selon les derniers comptages du New York Times

A Bruxelles, le nombre de correspondants est passé de 1 300 en 2005 à 752 journalistes accrédités en 2010, selon l’Association des professionnels de l’information ; quoique ce chiffre exclue environ 50 cartes de presse approuvées récemment et 167 octroyées en janvier mais pas encore retirées selon la Commission européenne, soit au final 969 correspondants à Bruxelles.

Washington : 1 550 journalistes étrangers accrédités (en plus des « localiers ») selon le New York Times

A Washington, le nombre total des bureaux de presse a chuté à 50 en 2009 contre 88 en 2005, selon l’annuaire des médias de l’Hudson’s Washington News. Malgré cela, le nombre de journalistes étrangers à Washington reste élevé : il y aurait (encore) environ 1 550 journalistes étrangers accrédités à Washington, à comparer avec les 1 490 recensés en Octobre 2008, selon Gordon Duguid, directeur du Centre de la presse étrangère à Washington et New York

Double enseignement : les médias européens davantage frappés par la crise économique et les chaînes TV câblées davantage attirées par le pouvoir américain

D’une part, les effets combinés du ralentissement économique et du web menacent la viabilité des organisations médiatiques traditionnelles, qui réduisent les emplois de correspondants étrangers. Une tendance visible autant à Washington qu’à Bruxelles. Selon le NYT, « à Bruxelles, la tendance est particulièrement aigu parmi les anciens pays communistes qui ont rejoint l’Union en 2004 ».

D’autre part, la croissance des chaînes de TV câblées internationales, notamment les chaînes « toute info » – un phénomène important dans les médias ces dernières années – est plus marquée auprès du centre de pouvoir américain, considéré comme plus influent dans la mondialisation, qu’auprès des institutions européennes, qui ont d’ailleurs préférées développées leur propre production de contenus audiovisuels exclusifs avec Europe by Satellite.

Ainsi, la comparaison internationale entre les centres de pouvoir de Bruxelles et de Washington se fait largement au détriment des institutions européennes.

Chute des correspondants de presse à Bruxelles : quelques propositions pour améliorer le traitement de l’information sur l’Europe

Alors que le débat sur la chute du nombre de correspondants de presse à Bruxelles – dont nous avions donné l’alerte dès le 11 mars dernier – rebondit, notamment avec l’assemblée générale extraordinaire de l’Association de la Presse Internationale le 18 mars dernier, quelles sont les propositions qui permettrait vraiment d’améliorer le traitement de l’information sur l’Europe ?

1e proposition : renforcer la transparence sur les données avec la publication intégrale des accréditations de presse auprès des institutions européennes

Tandis que la dépêche AFP du 11 mars à 18H14 : « L’Europe ne séduit plus, les journalistes fuient Bruxelles » annonce que : « de 1.300 en 2005, … les journalistes accrédités ne sont plus que 752 », un article de Philipps Leigh d’euobserver du 18 mars précise que « ces chiffres (pourtant communiquer par la Commission européenne) étaient erronées et ont été nettoyées à partir d’une base de données (qui) contenait des entrées en double », selon le fonctionnaire de l’UE en charge de l’accréditation de presse, Pier Soldati.

En définitive, « son bureau a imprimé 935 cartes de presse (…) 160 journalistes n’ont pas pris leurs cartes pour le moment ».

Comme Julien Frisch le suggère, il faut renforcer la transparence et publier toutes les données relatives aux accréditations pour toutes les institutions communautaires et pas seulement pour la Commission, même si : par année, par pays (permet de mesurer le poids de medias exclusivement bruxellois) par type de presse (écrite, audio visuel, pure player web) et par professions de presse (journalistes et personnel technique : cameramen, photographes).

Ainsi, la querelle sur les chiffres qui n’intéresse personne et qui en définitive doit être largement relativisée serait levée et laisserait place aux véritables enjeux.

2e proposition : renouveler les relations presse des institutions européennes en s’appuyant davantage sur les contacts personnels

Parmi les résolutions adoptées à l’unanimité lors de l’Assemblée Générale extraordinaire de l’Association de la Presse Internationale le 18 mars dernier, selon Marianne, certaines doivent êtres salués tandis que d’autres soulèvent davantage d’interrogations.

La 1e résolution adoptée vise à ce que « davantage d’informations soient fournies à l’avance par le biais de briefings on the record, off the record et de background » avec « la possibilité d’utiliser davantage le système de l’embargo pour ce qui relève des informations écrites ».

Quoique les journalistes soient revenus sur leur intention initiale d’« appeler les institutions à faire des communiqués de presse disponibles seulement pour les journalistes accrédités à Bruxelles », comme le signale Philipps Leigh ; cette résolution qui permettrait aux journalistes de disposer de suffisamment de temps pour préparer leurs papiers en amont de la publication des communiqués semble davantage une solution de confort – à rebours de la demande du public d’information en temps réel – qu’un véritable moyen de mieux traiter l’actualité européenne.

La 2e résolution adoptée vise à « créer un statut des correspondants de presse permanents auprès des institutions de l’UE » afin de leur « permettre un accès approprié à tous les bâtiments des institutions européennes et à toutes les réunions ».

Quoique les journalistes tirent également conclusion que ce nouveau statut « devrait apporter des solutions satisfaisantes pour les éternelles questions de la double imposition et de la sécurité sociale en Belgique », des préoccupations éminemment légitimes mais relativement secondes dans le travail des correspondants de presse auprès de l’UE ; cette résolution semble judicieuse pour permettre aux journalistes de mener davantage d’enquêtes et d’investigations au cœur même des institutions européennes et de nouer des contacts personnels avec les acteurs européens.

Ainsi, le travail des journalistes accrédités seraient davantage favorisé par un accès durablement garanti aux bâtiments européens qu’avec un accès temporairement exclusif aux documents de l’UE.

En définitive, le débat sur la chute du nombre de correspondants de presse à Bruxelles aura permis d’une part, d’attirer l’attention sur les conditions des correspondants de presse à Bruxelles dans la couverture de l’information sur l’UE et d’autre part, de dégager une proposition pratique, simple et utile – la carte de presse unique – à même d’améliorer le traitement de l’UE dans les médias.

Pour une communication européenne par le jeu

Parce que le jeu est considéré par certains comme l’avenir de la communication, notamment pour ses qualités ludiques et pédagogiques permettant de sensibiliser des publics par des expériences amusantes et séduisantes ; la communication européenne devrait se saisir des nouvelles façons de jouer…

Le casual game – jeu solitaire, rapide, simple et portatif – pour sensibiliser à l’existence de l’UE

Parce qu’il n’y a pas que les « jeux de société » pour toucher les « 7 à 77 ans », le casual game cherche à toucher tout type de joueurs qui ne se considèrent pas comme des « gamers » à part entière, de tout âge et de tout profil avec des mécaniques extrêmement simples de jeux souvent très courts sur ordinateur ou téléphone portable qui se jouent dans n’importe quel endroit (chez soi, dans les transports en commun, au bureau).

Un casual game, sous la forme d’une application sur smart phone, lié à l’UE permettrait d’installer l’existence de l’UE dans le cadre d’une activité de divertissement au cœur de la vie quotidienne.

Le serious game – jeu en équipe éducatif et pédagogique de simulation – pour contribuer à l’acquisition de connaissances ou de compétences relatives à l’UE

Parce qu’il n’y a pas que les « jeux vidéos » pour toucher les jeunes, le serious game cherche à toucher des joueurs en leur faisant endosser des rôles en équipe dans le cadre d’une simulation grandeur nature, qui rend attrayante la dimension sérieuse par une forme et des règles et éventuellement des objectifs et des interactions ludiques.

Un « live serious game » lié au fonctionnement de l’UE tels qu’Eurechos, la simulation d’un Conseil européen organisée par les associations Nouvelle Europe, Franchement Europe et l’Association du Master Affaires européennes de Sciences po (AMAE) correspond à cette démarche.

L’Alternate Reality Game (ARG) – aventures et fictions interactives et ludiques – pour raconter l’histoire et le projet de l’UE

Il y a une forme de jeu nouvelle qui se vit autant qu’elle se joue, l’ARG, un jeu dans lequel les créateurs dissimulent des indices un peu partout sur la toile et dans la vraie vie, souvent augmentée par des technologies issues des mobiles et des objets intelligents.

Selon l’article Wikipédia : l’Alternate Reality Game – illustré par le film The Game de David Fincher – est décrit comme :

  • une chasse au trésor en grandeur nature sous la forme d’un jeu de piste qui se mêle très vite dans la vie quotidienne, impliquant le déroulement interactif d’une histoire et l’utilisation du web ;
  • une fiction immersive qui entretient de manière délibérée le flou entre les expériences perçues lors du jeu et hors du jeu.

Un ARG pour l’UE serait une nouvelle manière d’intéresser et de scénariser le « gameplay » autour de l’histoire et du projet européen pour en faire une expérience interactive, ludique et amusante sur la base d’une communication à 360° qui peut très bien être utilisé pour renouveler les jeux concours, à la mode dans les institutions européennes.

Ainsi, les jeux – casual game, serious game ou alternate reality game pour ne prendre que les plus innovants – seraient autant de puissants outils de communication sur l’UE que l’essor des nouvelles technologies devraient permettre de voir se développer.