Quelles sont les leçons de la « communication transformative » pour l’UE ?

Laurent Habib – PDG de l’agence Euro RSCG C&O et DG de Havas en France – publie « la communication transformative » une réflexion pour « redonner à la communication son utilité et sa légitimité au service de la création de valeur ». Une occasion également pour en tirer des leçons pour la communication de l’UE…

La communication « d’avant-crise » où quand le règne de la « société de communication » – que l’UE tente néanmoins d’embrasser – démonétise toute parole

Sans concession sur les pratiques de communication actuelles – spectacle et cynisme – frappées par la déconnexion entre discours et réalité, Laurent Habib estime dans Les Echos :

  • « en fabriquant un monde à ce point saturé de discours, la seule chance d’exister est de parler plus vite et plus fort que les autres » ;
  • Pour quel résultat ? « la très forte démonétisation de la parole … avec pour conséquence l’affaiblissement général des figures d’autorité dans nos sociétés ».

Comment hélas ne pas inscrire la démarche récente de Viviane Reding sur les Roms dans cette logique de la surenchère : si désireuse d’assurer une présence médiatique « plus vite » et « plus forte » que son discours a été emporté par ses propos spectaculaires.

La communication « d’après-crise » où quand le règne de la « marque globale » – qui fait tant défaut à l’UE – crée de la valeur durable

Avec angélisme, Laurent Habib – également président de la Commission « valeur » de l’Association des agences-conseil en communication – envisage de rétablir une « éthique du sens » afin que la création de valeur durable repose sur la réalité de la marque :

  • « On fabrique une communication non pas en fonction de la réalité intrinsèque de la marque ou du personnage, mais des cibles que l’on vise » ;
  • Pour quel résultat ? « Au lieu de préserver la marque ou le personnage, vous les surexposez, avec tous les risques que cela comporte. »

Comment hélas ne pas regretter l’absence de « marque globale » fédérant les visions des parties prenantes de l’UE, si surexposée à toutes les critiques. Mais surtout, comment éviter la tendance de l’UE à mettre l’accent sur une conception technique de la communication dominée par l’idée de transfert d’informations au détriment de la signification et de l’intériorisation.

Proposition pour que 2013 soit déclarée « Année européenne de lutte contre les violences faites aux femmes »

Parce que de toutes les discriminations dont souffrent les femmes, les violences domestiques ou sexuelles sont les plus insupportables, prenons comme prochain thème de l’Année européenne disponible (2013) la lutte contre les violences faites aux femmes. Une proposition que la plus récente actualité européenne ne démentira pas…

Publication d’un Eurobaromètre « Violence domestique à l’égard des Femmes » : impact positif de la sensibilisation des citoyens à la violence domestique contre les femmes

Aujourd’hui, une enquête Eurobaromètre « Violence domestique à l’égard des Femmes » vient de sortir dont les principales conclusions (p. 145) indiquent que la sensibilisation des citoyens est positive dans la lutte contre la violence domestique contre les femmes :

  • De plus en plus de gens entendent parler de violence domestique contre les femmes dans les médias, un signe que cette question est maintenant de moins d’un « tabou » ;
  • Les initiatives telles que des campagnes d’information ont contribué à la prise de conscience accrue de la question ;
  • « Ces constatations prouvent hors de tout doute que l’initiative de la Commission européenne d’aborder la question est pertinente ».

Adoption par la Commission européenne d’une stratégie quinquennale pour promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes en Europe : parmi 5 priorités, la lutte contre la violence à caractère sexiste

Aujourd’hui, Viviane Reding, Vice présidente de la Commission européenne, chargée du portefeuille de la justice, des droits fondamentaux et de la citoyenneté, vient de présenter « une série d’actions axées sur cinq priorités: l’économie et le marché de l’emploi; l’égalité de rémunération; l’égalité dans les postes à responsabilité; la promotion de l’égalité en dehors de l’UE et la lutte contre la violence à caractère sexiste.

Au titre de cette dernière priorité, la Commission européenne prévoit au cours des prochaines années de lutter contre les violences encourues par les femmes du seul fait de leur appartenance à leur sexe tels que « harcèlement sexuel, viol, violence sexuelle en temps de conflit, pratiques coutumières ou traditionnelles préjudiciables comme les mutilations génitales féminines, les mariages forcés et les crimes d’honneur ».

Ainsi, l’impulsion tant à la base (cf. l’enquête d’opinion) qu’au sommet (cf. la stratégie de la Commission) est forte pour lutter contre les violences faites aux femmes. Les institutions européennes seraient ainsi bien inspirées de reprendre l’une des propositions du rapport de l’eurodéputé Marc Tarabella sur « l’égalité entre les femmes et les hommes au sein de l’Union européenne en 2009 » qui demandait la création « d’une année européenne contre la violence envers les femmes ».

Quels sont les effets d’opinion de la crise européenne autour des Roms ?

Alors que la crise autour des Roms n’a cessé ces derniers jours d’occuper le devant de la scène, quels en sont les effets sur l’opinion ?

Effet d’exposition : la crise autour des Roms focalise l’attention médiatique dans les sphères publiques nationales

Premier effet immédiat, la crise autour des Roms entraîne une mobilisation importante des médias :

  • en France, une visibilité de l’UE renforcée, notamment pour la Commission européenne au cœur de la tourmente ;
  • dans les autres États membres, une dégradation de l’image de la France au sein du Conseil européen et plus largement sur la scène internationale, avec Nicolas Sarkozy comme principale victime.

Effet de conformation : la crise autour des Roms conforme les interprétations politiques préétablies sur l’UE

Second effet, la crise de Roms fait l’objet d’une polémique forte au sein de la classe politique, avec de nombreuses déclarations politiques à l’emporte-pièce – qu’il n’est nul besoin de citer : Pierre Lellouche, Chantal Brunel, Philippe Marini…

Au-delà de ces raccourcis partisans, s’opèrent des interprétations politiques conformes aux schématisations préexistantes sur l’Europe :

  • pour les pro-européens convaincus, qu’ils soient dans la majorité ou l’opposition : l’intervention de la Commission européenne – quoique indélicate sur la forme – est légitime quant au fond de l’affaire ; seule une solution européenne doit permettre de trouver une issue à la crise ;
  • pour les anti-européens de tous bords : la Commission européenne est sinon incapable de trouver une solution du moins illégitime à critiquer la France.

Au total, la crise autour des Roms marque une préemption temporaire des enjeux européens par la politique nationale dans une sorte de prise d’otage politicienne de l’Europe, dont les effets sont davantage à rechercher dans la mobilisation des partisans pro- ou anti- européens que dans un quelconque progrès de la compréhension durable de l’UE.

Quelles sont les raisons du succès de la déclaration de Viviane Reding sur la situation des Roms en France ?

Aujourd’hui, Viviane Reding, Vice-Présidente de la Commission européenne responsable de la Justice, des droits fondamentaux et de la citoyenneté, a très vivement critiqué le gouvernement français qui ne respecte pas ses engagements européens en expulsant – sur la base d’une circulaire du ministère de l’Intérieur – des centaines de Roms en raison de leur seule origine ethnique. La Commission devrait ouvrir une procédure d’infraction à l’encontre de la France.

Une déclaration réussie en raison de la convergence entre lisibilité politique et visibilité médiatique

Trop souvent, les déclarations du Président de la Commission européenne ou des Commissaires souffrent d’un déficit de lisibilité (le jargon bruxellois reste incompréhensible) et/ou d’un défaut de visibilité (l’agenda médiatique demeure national).

Assez rarement – et c’est le cas de cette déclaration – il arrive que la voix portée par l’UE franchisse ces barrières :

  • un message lisible, exprimant une conviction profondes de la construction européenne – « la discrimination basée sur l’origine ethnique ou la race, n’a pas de place en Europe. » – très largement partagée par les citoyens ;
  • un message visible, s’inscrivant en plein dans la controverse sur les expulsions de Roms en France et suscitant l’intérêt des journalistes.

Une déclaration réussie en raison de la légitimité du positionnement

Au-delà de ces deux qualités – lisibilité et visibilité – qui aurait pu limiter la déclaration de Viviane Reding à un « coup politique et médiatique », le positionnement renforce la légitimité du message :

  • un message crédible, conforme à la mission de gardienne des Traités confiée à la Commission européenne ;
  • un message adéquat qui s’éloigne de tout parti pris partisan pour ne se concentrer que sur le respect des règles de droit adoptées par tous les États membres.

Au total, Viviane Reding réussit à porter – pour l’une des premières fois – une parole fondatrice sur le socle des valeurs de l’UE.

Comment mieux communiquer sur la politique régionale européenne ?

C’est à cette délicate question que se propose de répondre le mémoire de Marion Fadili, étudiante dans le Master professionnel « Communication Publique » de l’IEP de Lille, ainsi résumé :

Quelle problématique ?

La méconnaissance des réalisations de la politique régionale européenne risque à terme d’entamer la légitimité de cette politique.

Quels constats ?

La politique régionale européenne, des actions couronnées de succès mais occultées par de multiples facteurs :

  • Une politique en manque de reconnaissance (peu connue du grand public et difficilement identifiable) et de visibilité (peu attractive pour les médias) ;
  • Une communication insuffisante vers les bénéficiaires potentiels : une sous utilisation des fonds qui risque de mettre en péril les programmes ;
  • Les autorités de gestion des programmes, des relais d’information contestés : le personnel des collectivités est peu formé à la communication et la contribution de l’UE souvent minimisée par les filtres nationaux.

Quelles pratiques ?

La stratégie de communication actuelle autour de la politique régionale européenne :

  • Informer les citoyens : diffuser l’information aux niveaux national, régional et local, dans le respect du principe de subsidiarité pour assurer la transparence, avec des obligations en matière d’information et de publicité pour les autorités de gestion des projets ;
  • Mettre l’accent sur les résultats et développer une communication à visage humain : raconter l’Europe, mettre des histoires humaines au centre de la communication ;
  • Établir un véritable lien avec les acteurs de la politique régionale pour mieux informer, grâce aux outils de communication de la DG REGIO (Lettre InfoRegio, Magazine InfoRegioPanorama, site Internet…), au rendez-vous annuel des Regio Stars, et aux Open Days, fruit d’une collaboration réussie entre la DG REGIO et le Comité des Régions ;
  • Utiliser efficacement les relais d’information : collaborer avec les médias et activer la centrale d’information Europe Direct.

Quelles préconisations ?

Perspectives d’amélioration pour assurer la pérennité de la politique régionale européenne :

1. Informer le grand public : rapprocher davantage l’Europe des citoyens :

  • renforcer les obligations en matière d’information et de publicité pour les gestionnaires de projets : non seulement une campagne d’information en début mais également en fin de programmation budgétaire ;
  • promouvoir la participation des citoyens : organisation de consultations publiques ou de votes par Internet concernant les grandes initiatives pour la politique régionale européenne ;
  • miser sur des actions de proximité : ajouter aux obligations des autorités de gestion en matière d’information et de publicité l’organisation d’opérations « portes ouvertes » avec des sessions d’information pour les bénéficiaires potentiels ou d’« expo itinérantes ».

2. Donner de nouvelles bases à la communication médiatique :

  • décentraliser les formations aux journalistes organisés à Bruxelles et monter un partenariat avec l’UCPF, la Fédération des Clubs de la Presse de France, fédérant une trentaine de clubs régionaux de la presse ;
  • favoriser les relations presse auprès de médias hyper-locaux en ligne.

3. Développer la communication numérique pour s’adapter aux médias modernes :

  • réorganiser les contenus du site Internet Inforegio afin de scinder les parcours proposés au grand public (accent sur le rich media et les success stories), aux gestionnaires de projets (forum de discussion, fiches-action sur la législation, les programmes…) et aux bénéficiaires potentiels (informations sur les autorités de gestion, sur les financements, le contrôle financier ou l’évaluation des projets) ;
  • passer au web 2.0 : assurer une présence continue, avec un investissement fort en ressources humaines dans les réseaux sociaux, notamment professionnels tels que LinkedIn ou sur Wikipedia pour faire connaître factuellement les projets.

4. Renforcer la communication auprès des bénéficiaires potentiels des fonds structurels pour assurer la pleine consommation des budgets :

  • concevoir des organes de pilotage de la communication sur la politique régionale à l’échelle européenne, nationale, régionale et locale afin de renforcer la cohérence et les synergies entre les activités menées ;
  • mutualiser les nombreux guides et documents d’information produits au niveau national (ou entre des régions de différents pays qui partagent la même langue) ;
  • sensibiliser davantage les démultiplicateurs que sont les élus locaux, en valorisant leur fonction de porte-parole des réalisations ;
  • mieux former les gestionnaires de projets dans leur posture de communicant et mieux accompagner les professionnels de la communication dans leur mission en transformant le réseau Inform en véritable réseau social dédié.
  • développer de nouveaux relais d’information tels que les sous-préfets, les associations sectorielles et professionnelles, les fédérations d’entrepreneurs, les organisations non gouvernementales ou encore les bureaux des régions à Bruxelles.

Quelle conclusion ?

« Si la politique régionale veut continuer à bénéficier d’une enveloppe financière de premier ordre – et devenir en 2013, le premier budget européen devant la Politique Agricole Commune – il faut établir clairement sa valeur ajoutée et montrer que l’intégralité des fonds est dépensée, à bon escient. Le maintien de nombreux programmes qui facilitent la vie de millions de citoyens en dépend. »

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