Communication européenne décomplexée pour la présidence polonaise du Conseil de l’UE

Hier et aujourd’hui (23 et 24 juin) se tient le dernier Conseil européen – le sommet diplomatique des chefs d’État et de gouvernement – sous présidence hongroise.

Une occasion pour saluer les avancées de la présidence hongroise qui restera marquée – sous l’angle de la communication – par son ouverture au web social :

Une occasion également pour présenter les premiers pas de la future présidence polonaise du Conseil de l’UE – leur première – en matière de communication : une démarche plutôt décomplexée…

Communication décomplexée vis-à-vis de l’histoire de la Pologne : un logo inspiré du logo de « Solidarnosc »

Premier signe que la Pologne n’a aucun tabou, notamment s’agissant de sa relation à l’UE et à son histoire nationale : le logo.

Pour la première présidence polonaise du Conseil de l’UE, « le gouvernement polonais a décidé de manière délibérée que le logo de la présidence devait faire référence à la grande tradition historique de Solidarnosc ». L’intention est de manifester la valeur symbolique appropriée à un événement (la présidence) de quasi égale importance au mouvement de Solidarnosc dans l’histoire du pays.

Ainsi, le logo de la Présidence du Conseil de l’UE est conçu par Jerzy Janiszewski, celui qui, à l’occasion des grèves du mois d’août 1980, avait conçu le logo de « Solidarnosc ».

Communication décomplexée vis-à-vis du peuple polonais : un groupe Facebook dédié au dialogue avec les citoyens

Autre signe que la Pologne communique sans crainte des opinions exprimées – contrairement, par exemple, à la France qui hésitait lors de sa présidence en 2008 entre un message sur le retour de la France en Europe après l’échec du référendum sur le traité constitutionnel en 2005 et un accent sur le retour de l’Europe en France avec une dimension populaire plus forte – la tenue d’une présence active sur Facebook.

Avec près de 19 000 personnes qui « like », une moyenne d’une centaine de like et d’une trentaine de commentaires par post, le groupe Facebook « Polska Prezydencja 2011 » exclusivement en polonais est un franc succès, d’autant plus que la présidence n’est pas encore officiellement lancée.

Communication décomplexée vis-à-vis de l’argent privé : des entreprises, partenaires de la présidence polonaise

Dernier signe que la Pologne réalise sa présidence du Conseil de l’UE sans la retenue traditionnelle des États vis-à-vis de l’argent privé : des entreprises sont officiellement partenaires de l’événement, comme s’il s’agissait d’un exercice de promotion nationale quasi « commercial ». Les logos des entreprises partenaires sont ainsi visibles dans le footer du site officiel : pl2011.eu. Par ailleurs, une page est étonnement dédiée à la flotte automobile officielle.

Dans cette même logique, la présidence polonaise n’hésite pas à communiquer sur les « chiffres » pour « dimensionner » l’événement, notamment dans sa dimension culturelle :

  • 1 000 projets artistiques seront réalisés en Pologne dans le cadre du programme culturel de la présidence ;
  • 400  événements culturels seront organisés à l’étranger dans le cadre du programme culturel de la présidence.

Ainsi, les premiers pas de la présidence polonaise du Conseil de l’UE révèle une communication décomplexée tant vis-à-vis de l’héritage historique, du peuple national que des partenaires privés.

« Les ex-fumeurs, rien ne les arrête » : la nouvelle campagne de communication européenne contre le tabagisme

Après la campagne « Help » de 2005 à 2010 qui portait surtout sur la prévention auprès des jeunes Européens de 15 à 25 ans, la Commission européenne lance une nouvelle campagne destinée aux fumeurs âgés de 25 à 34 ans, qui représentent près de 28 millions de personnes dans l’UE…

Renversements des campagnes antérieures de communication européenne anti-tabac : de l’interpellation autoritaire à l’humour connivent

Depuis 2002, des campagnes de sensibilisation sont organisées dans toute l’Union européenne par la Commission européenne. Chaque campagne marque une évolution dans la manière d’appréhender la lutte anti-tabac :

  • 1e campagne « Osez dire non » : la stratégie repose classiquement sur l’interpellation, l’objectif étant de déranger la cible dans ses certitudes ou ses habitudes pour finalement la pousser à la réflexion. Une approche relativement abandonnée aujourd’hui car jugée trop distanciée et trop moralisatrice.
  • campagne « Help » : la stratégie s’oriente vers la recherche de la connivence et de l’humour afin de se rapprocher le plus possible du point de vue de la cible pour chercher à la distraire pour mieux faire passer le message. Une approche « culturelle » exigeante en termes de créativité et d’authenticité pour nourrir la relation complice avec la cible. (cf. notre billet d’octobre 2009 : « Communication européenne anti-tabac : une démarche résolument 2.0 prescriptrice de comportements par la connivence »).

Positionnement reposant à la fois sur la responsabilisation personnelle et la valorisation entre pairs pour la nouvelle campagne

La nouvelle campagne « Les ex-fumeurs, rien ne les arrête » s’articule autour d’une double stratégie :

  • d’une part, une dimension ludique-sérieuse via une approche individualisante-responsabilisante. Il s’agit d’amener les publics jeunes à prendre/reprendre le contrôle de leur existence, notamment par un discours pédagogique, pour provoquer une prise de conscience et à terme un changement de comportement.
  • d’autre part, une exploitation de l’estime de soi et du jugement positif des pairs grâce au web social afin de compenser le registre « rationnel » trop « adulte ». L’idée est ici de jouer sur le jugement des pairs redoutés ou sur les codes d’appartenance censé être partagés par un groupe pour favoriser des comportements mimétiques plus conforme à l’intérêt général.

Le dispositif de communication en ligne : un coach numérique (iCoach) pour responsabiliser et des pages Facebook pour valoriser les bénéficiaires

L’innovation principale de la campagne repose sur la mise en ligne d’une plateforme numérique « stopsmokingcoach.eu » destiné à aider concrètement les personnes à arrêter de fumer et qui « s’adresse aussi aux récalcitrants et aux personnes présentant un risque élevé de récidive », selon le communiqué. La dimension responsabilisante se traduisant par la mise à disposition de conseils réguliers et d’informations concrètes pour aider les individus dans leur vie personnelle.

La dimension sociale jouant davantage sur la valorisation des bénéficiaires, notamment à travers le regard de leurs pairs se réalise sur Facebook qui utilisent l’expérience d’anciens fumeurs pour encourager ceux qui le souhaitent à se libérer du tabac et incluent des contributions « terrain » illustrant le slogan de la campagne : « les ex-fumeurs, rien ne les arrête ».

Alors que le tabagisme est la première cause unique de maladie évitable dans l’UE, avec plus de 650 000 décès chaque année, la nouvelle campagne de communication grâce à ce positionnement inédit parviendra-t-elle à augmenter le nombre d’ex-fumeurs ?

Une vidéo de l’UE fait le buzz

Avec plus de 7 000 vues en à peine 24 heures, l’Union européenne vient de publier une vidéo qui fait le buzz…

Ce n’est pas la première fois. Déjà pendant l’été 2007, la vidéo « Film Lovers Will Love This« , diffusée sur la chaîne Youtube de la Commission européenne « EuTube » avait fait grand bruit :

  • Jugée « érotique » par certains qui regrettaient que la promotion du programme MEDIA finançant notamment le cinéma soit faite en diffusant des extraits « chauds » de productions subventionnées par l’UE.
  • Appréciée par d’autres – plutôt nombreux – à en juger par les plus de 8 millions de vues…

« Hot summer holidays! », une publicité pour promouvoir la carte européenne d’assurance maladie

Découvrez la dernière production de l’UE, disons franchement décalée avec une dose de parodie des codes publicitaires et un twist final inattendu :

Comment les étudiants en école de journalisme traitent-ils l’information européenne ?

Alors que l’information européenne est un défi pour les journalistes, notamment en raison des carences de leur formation initiale sur le sujet ou de l’absence supposée d’une demande de la part du public – au point que l’on s’interrogeait : « Le « journalisme européen » existe-t-il ? » – plusieurs écoles de journalisme demandent à leurs étudiants de réaliser un projet autour de l’information sur l’Europe…

« Les parlements nationaux dans la tourmente » : un webzine très institutionnel, une enquête plutôt analytique, des contenus un peu enrichis

C’est un site dédié aux rapports entre parlements nationaux et institutions européennes en temps de crise que les étudiants en deuxième année de Master « journalisme » du Centre universitaire d’enseignement du journalisme (CUEJ) de l’Université de Strasbourg ont réalisé sur eurocuej.com :

Un sujet très institutionnel : les rapports entre parlements en Europe sont appréhendés selon l’édito « En route pour l’imprévu » sous les prismes de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, de la crise de l’euro, des discussions budgétaires et du protocole… Par ailleurs, la barre de navigation : Eurocrise / Gouvernance économique / la Défense / Libertés publiques / Politique renforce la focale institutionnelle.

Une approche éditoriale plutôt analytique : les articles – pour la plupart no ouverts aux commentaires – sont composés de papiers d’angle sur des sujets très précis et d’interviews d’experts tel que Richard Corbett, chargé des relations avec les parlements (nationaux et européen) dans le cabinet du président du Conseil européen, Herman Van Rompuy.

Un traitement enrichi par des cartographies et des infographies interactives :
Les cartographies sont très réussies :

  • « L’Europe, une mosaïque de systèmes politiques » : présentation des pays selon : régimes parlementaires/monarchiques ; Constitutions fédérale/unitaire ; Parlements monocaméral/bicaméral ;
  • « 27 Parlements, 40 chambres, la droite domine l’Europe » : présentation des pays selon majorités politiques droite/centre/gauche.

Les infographies quoique très informatives sont peu lisibles :

  • les nouveaux droits des parlements nationaux : information, participation, objection, véto et sortie ;
  • les formules de coopération parlements nationaux/Parlement européen.

Par ailleurs, une timeline « Le rôle des parlements nationaux dans l’Union européenne » complète le dispositif en matière de contenus enrichis :

« Trans-Europe-Extrêmes » : un sujet et une ligne éditoriale très politique, une enquête plutôt de terrain, des contenus un peu sociaux

C’est un site dédié à des « reportages et décryptages des extrêmes sous toutes leurs formes en Europe » que les étudiants de la 86ème promotion de l’École Supérieure de Journalisme de Lille ont réalisé sur transeuropeextremes.com.

Un sujet et une ligne éditoriale très politique : la ligne éditoriale est clairement précisée : « En ligne de mire : les extrêmes sous toutes leurs formes, qu’ils soient politiques, religieux ou culturels (…) L’objectif : trouver, montrer, décrypter les nouvelles formes prises par l’extrémisme sur le Vieux continent ».

Une approche éditoriale autour de reportages-terrain : grâce à une Google Map, l’ensemble des articles sont autant de voyages immersifs au cœur de l’extrémisme partout en Europe. D’ailleurs, certaines rubriques illustrent cette volonté d’une « pensée à l’épreuve du terrain » : Sur le terrain / Vide-poche / Photomaton.

Des contenus un peu ouverts aux médias sociaux : Non seulement les articles ouverts aux commentaires peuvent être partagés sur Twitter et likés sur Facebook, mais surtout un compte Twitter, une page Facebook et une chaîne vidéo sur Dailymotion complètent la présence en ligne.

Ainsi, entre le projet « Les parlements nationaux dans la tourmente » plutôt d’inspiration magazine des étudiants du CUEJ (de l’info analytique relativement froide) et le projet « Trans-Europe-Extrêmes » des étudiants de l’ESJ de Lille plus Fanzine dans l’âme (de l’info libre relativement passionnée), le traitement de l’information européenne se renouvelle.

« Ask the President » : à quoi sert la plateforme relationnelle du Président du Conseil européen ?

Ballon d’essai lors de la journée de l’Europe le 9 mai dernier, le Président du Conseil européen réalise une page Facebook « Ask your question » qui s’est transformée en pétard mouillé, selon Cédric Puisney dans « Herman Van Rompuy ou l’éloge du monologue 2.0 », avec seulement 38 questions et 10 réponses dans l’ensemble du week end. Las, une plateforme relationnelle « Ask the President » vient d’être lancée…

Un précédent américain riche d’enseignements

En mars 2009, un projet américain mené conjointement par des médias traditionnels et nouveaux (The Nation, The Washington Times and the Personal Democracy Forum) selon Mashable porte déjà le nom de “Ask the President” Obama, en l’occurrence.

Une participation filtrée par des journalistes : L’idée est de solliciter les internautes pour poser des questions qui sont ensuite reprises – pour les plus populaires d’entre elles (57 179 votes réalisés par 8 056 voteurs) – par des journalistes lors d’une conference de presse spéciale avec le Président américain : “the people’s press conference”.

Une plateforme ouverte aux médias sociaux : Chaque contribution – au-delà du système de vote – peut être partagée sur la plupart des médias sociaux, dispose d’un lien et d’un code dynamique pour être “embedded” dans un blog par exemple. Autant de fonctionnalités que ne propose pas – pour le moment – le site du Président du Conseil européen.

Une valorisation relative des contributeurs : Plusieurs fonctionnalités permettent de rétribuer symboliquement les contributeurs (dépôt anonyme également possible) : géolocalisation, historique des contributions par auteur, liens vers le comptes personnels sur les réseaux sociaux. Par ailleurs, un affichage aléatoire des contributions sur la page d’accueil renforce la visibilité des contributeurs, même occasionnel. Autant de fonctionnalités que ne propose pas – pour le moment – le site du Président du Conseil européen.

Une posture d’écoute plutôt satisfaisante

Normalement conçue par des organisations (entreprises ou institutions) qui souffrent d’un gros bruit négatif sur le web avec des publics qui expriment leurs insatisfactions disséminées dans les réseaux sociaux, la mise en place d’une plateforme relationnelle conduit à canaliser l’énergie des internautes dans une posture constructive visant à assainir le territoire relationnel.

Quoique le Président du Conseil européen souffre plutôt d’une absence de bruit le concernant, la posture d’écoute affirmée sur www.askthepresident.eu : “I am ready to answer your questions.” est plutôt satisfaisante – notamment parce qu’elle laisse entendre qu’il se rend disponible et accepte la remise en cause et la critique.

Une promesse de réponse relativement déceptive

Néanmoins, la promesse d’un dialogue est à exclure. Il s’agit davantage d’un cahier de doléances pour lequel les internautes sont invités à participer et à voter sur les questions qui leur importent le plus pour aiguiller Herman van Rompuy qui se concentrera sur ces sujets dans ses réponses : “I will concentrate on those matters in my answers”.

De plus, comme le remarque Kosmopolito dans “Ask Herman ‘the communicator’ Van Rompuy”, dans la video de presentation – d’une durée inférieure à 30 secondes – la formulation se révèle décevante puisqu’au lieu d’encourager la participation et d’annoncer un effort pour répondre à un maximum de questions intéressante, l’accent est mis sur “maybe not all your questions will be answered”.

Ainsi, la plateforme relationnelle du Président du Conseil européen se révèle difficile à juger de prime abord. Seule la prise en main éventuelle par un public qui reste encore à vraiment définir – l’intégralité de la plateforme étant exclusivement en anglais – permettra de juger de la pertinence de la démarche.