Quel bilan pour l’initiative citoyenne européenne après 1 an ?

C’est le 1er avril 2012 que l’initiative citoyenne européenne – ce nouveau droit pour les citoyens européens – est entrée en vigueur. Que faut-il retenir de cette année d’expérimentation démocratique européenne ?

Paradoxes de la naissance de l’initiative citoyenne européenne

L’initiative citoyenne européenne est née avec un double paradoxe intéressant :

Bien que l’initiative citoyenne soit l’objet d’un éloge public quasi unanime en tant que dispositif important pour la démocratisation de l’UE, la plupart des acteurs influents sont sceptiques quant à ses effets potentiels sur les affaires européennes ;

Bien que l’initiative citoyenne vise à habiliter un grand nombre de citoyens à participer aux affaires européennes, le projet n’a pas été le résultat d’une mobilisation active des citoyens, mais de l’efficacité de quelques conventionnels, lors de la Convention sur le projet de constitution européenne.

Ces deux paradoxes sont remarqués par Louis Bouza Garcia dans « Anticipating the Attitudes of European Civil Society Organisations to the European Citizens’ Initiative: Which Public Sphere may it Promote? »

Intentions initiales de l’initiative citoyenne européenne

Malgré les insuffisances initiales d’un projet ni voulu par les citoyens ni soutenu par les organisations non gouvernementales, l’initiative citoyenne pourrait néanmoins apporter une contribution pertinente :

  • D’une part, il s’agit incontestablement d’un pas de plus de l’activisme de l’UE dans la lutte contre des accusations de déficit démocratique par la promotion d’une innovation participative complétant la démocratie représentative ;
  • D’autre part, il s’agit éventuellement d’une possibilité de permettre aux groupes organisés, qui ont de plus en plus investis attention, temps et ressources dans les affaires européennes d’influencer la processus de prise de décision politique de l’UE.

Bilan statistique après 1 an : 14 initiatives citoyennes européennes en cours et une seule en voie de succès

A défaut d’une véritable concurrence entre les organisations de la société civile européenne et d’une profonde politisation des affaires européennes au sein des sociétés européennes, les quelques initiatives citoyennes européennes actuellement en cours parviennent difficilement à remplir leur objectif du million de signatures.

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Sur 14 initiatives citoyennes européennes actuellement en cours (5 ont déjà abandonnés), seule le projet de « faire de l’eau et de l’assainissement un droit humain et un bien public » est parvenu à récolter plus d’un million de signatures. Toutes les autres sont largement en retard et sauf surprise ne devraient pas y parvenir.

Assistance technique de la Commission à la mise en œuvre des initiatives citoyennes européennes

Un budget d’un million d’euros semble avoir été négocié par la Commission européenne auprès du Parlement européen pour faciliter la mise en œuvre des initiatives citoyennes européennes (cf. page 7).

Ces crédits permettraient de se doter « de systèmes de collecte en ligne d’hébergement et d’accès aux plates-formes de logiciels pré-installés afin de permettre aux organisateurs de recueillir les déclarations de soutien en ligne » et « également de couvrir les coûts liés à un service d’assistance pour des problèmes techniques ou des « kits de démarrage » pour les organisateurs ».

Au total, le bilan des initiatives citoyennes européennes est en demi-teinte : tandis que l’année écoulée ne permet pas de conclure à un franc succès, l’assistance technique en répondant aux besoins des organisateurs pourrait débloquer certains obstacles. Cela suffira-t-il ?

Comment s’organise la communication corporate de l’UE à la Commission européenne ?

Au-delà des campagnes de communication propres à chaque programme ou département, la communication institutionnelle sur les valeurs de l’UE dans son ensemble vise, autant que possible, à restaurer la confiance, affirmer le leadership et motiver les réseaux de l’UE. Comment la DG Communication organise la communication corporate de l’UE ?

Depuis l’arrivé de Margot Wallström et la refonte de la DG COMM, plusieurs faiblesses tentent d’être corrigées :

  • Fragmentation et perte d’efficacité des activités de communication par manque de coordination et de planification ;
  • Mise en œuvre inadéquate car trop centralisée des actions de communication ;
  • Messages qui reflètent les priorités politiques, mais pas nécessairement liés aux intérêts besoins et préoccupations des citoyens.

« Communication Steering Board » : le pilotage interne de la DG COMM pour la communication corporate

Le premier moyen d’améliorer la communication corporate est le « Communication Steering Board » ou plus prosaïquement le conseil de direction de la DG COMM.

Quoique cette enceinte confidentielle limitée aux seuls directeurs/directrices de la DG COMM n’apparaisse pas comme d’emblée fondamentale, sa mise en œuvre tardive en 2009 avec l’arrivée de la vice-présidente Reding fut vécue comme « la plus grande déception » de Claus Sørensen, l’ancien directeur général et refondateur de la DG COMM.

Dans l’interview qu’il m’avait donné à la fin de son mandat, Claus Sørensen indiquait que cet organe de pilotage interne à la DG COMM « aurait dû être fait plus tôt » car « s’est avéré être un moyen très utile pour orienter les activités de communication de la Commission ».

En 2013, le plan de management de la DG COMM prévoit une intensification des réunions du comité de direction avec un rythme quasi-hbdomadaire avec pas moins de 35 réunions prévues à l’agenda.

« External Communication Network » : le pilotage externe de la DG COMM pour la communication corporate

Le second moyen de piloter la communication corporate est l’« External Communication Network », composé des chefs d’unité Information/Communication de toutes les DG, créé en 2002 et surtout amélioré en 2005 (voir action 4).

Selon la page qui lui est consacrée, la mission principale du réseau de communication externe est d’échanger les meilleures pratiques sur la préparation et la mise en œuvre de plans de communication et les pratiques de communication. Il vise également à faciliter l’assistance de la DG COMM à d’autres DG sur les questions techniques et tend vers une utilisation plus efficace et efficiente des outils et des méthodes d’évaluation.

Le but ultime est renforcer les synergies et l’échange des meilleures pratiques, et d’avoir des points de contact clairs entre la DG Communication et les autres directions générales afin d’en faire une courroie de transmission de la communication corporate.

Alors que ce réseau (en formation collégiale ou par groupes de travail) organisé et présidé par la DG COMM ne se réunit qu’« environ 5-6 fois par an », le plan de management 2013 de la DG COMM prévoit de le rendre mensuel.

Ainsi, coopération et coordination assurés entre les unités Information/Communication s’intensifient. Tandis qu’une synergie des moyens semble atteinte, peut-on en dire autant d’une meilleure communication de la vision et des messages de l’UE ?

Les ONG, nouveau public européen pour l’UE avec la future « maison européenne de la société civile » ?

D’ores et déjà, un guichet unique virtuel existe pour faire respecter les droits des citoyens européens et soutenir l’initiative citoyenne européenne. En 2013, un budget de 250 000 euros prévoit la mise en place d’un lieu physique : « la maison européenne de la société civile ». Que fait l’UE pour faciliter l’activité européenne des ONG ?

Un centre européen de conseils et de ressources pour les organisations de la société civile

Destiné à devenir « un espace convivial pour le brainstorming, l’échange des idées et la mise en réseau des citoyens préoccupés par l’avenir de l’Europe », la maison européenne de la société civile vise à favoriser la participation civique des citoyens et des organisations de la société civile à la construction européenne.

Au sein de la bulle européenne à Bruxelles, les citoyens et la société civile n’ont pas leur propre espace. Les organisations de la société civile se sentent exclues en termes d’accès aux financements européens, de partage des meilleures pratiques et de réseautage d’autant que les intérêts économiques sont hyper représentés avec 15 000 lobbyistes auprès de l’UE.

La maison européenne de la société civile vise à combler ce fossé et à devenir le point focal de la société civile européenne qui n’est pas encore représentée à Bruxelles, afin d’engager « les non alignés » dans la machine européenne.

Missions de la maison européenne de la société civile

Aux missions existantes d’aide pour les citoyens afin de se faire entendre et d’influencer le processus décisionnel de l’UE et de participation civique à des activités de dialogue, de réseautage et d’« inter-fécondation » de projets communs, la maison européenne de la société civile consistera également selon les termes issus de la négociation budgétaire (cf. p. 7) :

  • Élargir la base d’un partenariat avec les principales organisations de la société civile au niveau européen ;
  • Mettre en œuvre des consultations larges et des activités de sensibilisation auprès des citoyens afin de « développer les partisans » et de créer un environnement propice au fonctionnement et à la définition de services pour le bénéfice des communautés et des citoyens européens ;
  • Utiliser les locaux physiques pour les organisations de la société civile à Bruxelles en vue du partage d’équipements et de savoir-faire afin d’assurer une place à l’échelle européenne aux citoyens et débattre entre eux et avec les institutions européennes.

Au total, avec la future maison européenne de la société civile, l’UE vise à inclure davantage la société civile comme public légitime au fonctionnement institutionnel européen. Reste à savoir quels seront les bénéfices concrets pour les citoyens européens.

Quand l’UE veut faire le branding d’un nouveau récit sur l’Europe

Conscient que l’UE est au milieu d’une crise grave et que le soutien des citoyens est à son plus bas record, la Commission européenne estime qu’il y a « un besoin urgent pour un nouveau récit sur l’UE ». Le projet-pilote : «The branding of a new narrative on Europe » y répond et vise – en toute modestie et pour 500 000 euros – à faire « survivre l’UE » et « regagner la confiance des citoyens dans l’UE »…

Créer la nouvelle identité de marque de l’Europe

Le projet pilote va initier un processus de « branding » de l’UE où des personnalités éminentes et des leaders d’opinion du secteur de la création seront réunis pour élaborer un nouveau récit sur l’Europe.

La tâche sera de « réinterpréter le récit existant de la paix par le commerce au-delà des frontières » et d’« identifier une nouvelle vision de l’UE qui n’est pas seulement sur l’économie et la croissance, mais aussi sur l’unité culturelle et les valeurs.

Selon la présentation du projet-pilote, « ceci est nécessaire pour que les citoyens croient dans le projet de l’UE » et pour renforcer le soutien du public pour l’UE.

Mobiliser des professionnels de la publicité pour le re-branding de l’Europe

Le processus devrait être régie par des professionnels des marques qui s’assureront que les travaux et les résultats du groupe soient effectués de manière contrôlée.

Le groupe examinera ce que la perception actuelle de l’Europe est et fera des suggestions concrètes sur la façon de créer une nouvelle identité de marque de l’Europe contenant un nouveau récit.

Ce récit doit correspondre aux valeurs de base et à l’histoire de l’UE et décrire les aspects culturels qui unissent les citoyens en Europe.

Objectifs du projet pilote :

  1. Produire un nouveau récit sur l’Europe fondé sur le récit de la paix par le commerce.
  2. Créer un récit qui placera l’Europe dans un contexte global conforme au nouvel ordre international.
  3. Raviver l’esprit européen et rapprocher l’UE de ses citoyens.
  4. Afficher la valeur de l’UE auprès de ses citoyens.
  5. Identifier les valeurs culturelles qui unissent les citoyens au-delà des frontières.

Dans le cadre de la négociation budgétaire avec le Parlement européen (cf. p. 44), il est suggérer qu’il faudra créer un comité culturel pour l’organisation d’un événement de lancement, trois événements majeurs afin de discuter et de faire connaître le manifeste final issu des travaux.

Au total, il s’agit d’un projet-pilote un peu démiurgique qui intrigue plus qu’il ne convainc. Affaire à suivre.

Comment la communication européenne peut s’adapter au nouveau paysage médiatique et numérique ?

Lors d’un séminaire consacré à la communication publique : « s’adapter ou résister » au Conseil de l’UE le 22 mars dernier, de nombreuses pistes pour améliorer la communication de l’UE ont été évoquées. Que faut-il en retenir ?

« Social generation » : comment adapter les sites de l’UE au web social ?

Lors de sa keynote, Mischa Coster – Directeur et co-fondateur de Grey Matters – présente les 3 générations d’adaptation au web social :

  • 1e génération : « follow us » : ajout de renvois vers la présence dans les médias sociaux (comptes Twitter ou page Facebook et chaîne Youtube pour l’essentiel ) ;
  • 2e génération : « share this » : ajout de boutons de partage vers les principaux médias sociaux, notamment Google+ et LinkedIn ;
  • 3egénération : « social by design » : ajout de feeds sur l’activité des amis Facebook et abonnés Twitter sur le site lors de la visite d’un internaute.

Tandis qu’aucun site gouvernemental en Europe n’a atteint la 3e génération pour le moment, les sites sous le portail europa.eu sont davantage au stade de la 1e génération. Sans complication technique, la newsroom de l’UE pourrait ajouter les boutons « share this » à tous les communiqués, permettant ainsi le partage des contenus via les principaux réseaux sociaux.

« Social currency » : comment adapter les messages de l’UE au web social ?

La monnaie sociale est l’ensemble des facteurs qui contribuent à la valeur des messages dans les médias sociaux. Un contenu « viral » est un message à forte valeur, qui s’échange donc en ligne en faisant appel à la vie quotidienne, à l’émotion, au public…

Doté les messages européens de « social currency » consiste, pour les communicants publics de l’UE, à s’engager dans les médias sociaux pour donner un visage à l’Europe et interagir avec les citoyens.

Le potentiel de diffusion des messages dépend de la capacité d’innovation des communicants. Selon Clémentine Forissier – Rédactrice en chef d’Euractiv.fr – bonnes et mauvaises pratiques s’illustrent dans la communication de l’UE : Van Rompuy, et certains eurodéputés sont utiles sur Twitter car ils apportent des informations immédiates et des documents pertinents tandis que les comptes Twitter qui ne délivrent que des annonces d’agenda et des présences dans les médias sont moins intéressants.

« Social engagement » : comment adapter la communication de l’UE au web social ?

La différence entre médias traditionnels et médias sociaux réside dans le fait que les premiers ont une audience forte et un engagement faible, tandis que les seconds ont une plus faible audience mais un plus fort engagement.

Ce fort engagement, le plus souvent, est soi porté par les personnes les plus convaincues, soit par les plus opposées. Dans tous les cas, les opinions formulées dans les médias sociaux sont rarement représentatives de la population.

L’engagement des communicants européens doit donc être innovant et destiné à fédérer les communautés les plus engagées tout en contre-argumentant face aux oppositions.

« Sofactivism, tribalism, trivialization » : comment résister aux inerties du web social ?

Selon Luis Arroyo, le web social conduit également à plusieurs inerties :

  • Sofactivism : l’engagement des internautes dans le web social est très limité et volatile – aux Etats-Unis, moins de 1% des Américains seraient actifs sur le site de pétitions de la Maison blanche ;
  • Tribalism : le web social ne fait pas le lien entre les individus et les messages, il reproduit des tribus parallèles ;
  • Trivialization : le web social se traduit par des engagements sans intérêt ou importance.

Comment convaincre des gens désintéressés d’écouter ? Il n’y a pas de solution toute faite débloquant la participation massive des citoyens. Il faut rechercher des stratégies de participation plutôt que des outils-miracles et s’adresser aux bonnes tribus, qui sont plutôt en marge des institutions.

« Digital Divide » : quelques usages dans les Etats-membres

D’un pays européen à l’autre, les usages sont très différents :

Diane Oswald, Directrice de l’information du bureau du Premier ministre de Malte indique qu’une personne sur 4 est sur Facebook et qu’à l’occasion des dernières élections, plus de 10% ont « liké » la page officielle qu’elle tient.

Johannes Kleske, cofondateur de Third Wave donne des clés de compréhension de la sphère numérique allemande. Une schizophrénie liée à la vie privée conduit des responsables politiques à militer contre Facebook sur Facebook. En Allemagne tout le monde dit détester Facebook mais, il y a 25 millions d’utilisateurs actifs. Par ailleurs, l’arrogance et l’ignorance des partis traditionnels a poussé le parti pirate. Sinon, l’open data est largement développé dans une relative défiance des institutions publiques.

Daria Santucci, communicante à la chambre de commerce de Turin donne des tendances du numérique en Itale : Internet diminue le fossé de l’accès à l’information, mais augmente la fracture avec la presse. 43% des familles italiennes n’ont pas internet car elles ne voient pas comment elles pourraient s’en servir.

En conclusion, rappelons qu’il a fallu 38 ans pour la radio pour atteindre 50 millions d’utilisateurs, 13 ans pour la TV et 3 ans pour Facebook…