Quelles sont les sphères de la communication européenne ?

La lecture des 3 sphères (externe, interne et intermédiaire) proposées par Luuk van Middelaar dans le « Passage à l’Europe : histoire d’un commencement sous l’angle de la communication offre un nouveau regard sur la diversité des discours des Etats, des bureaux et des citoyens sur l’Europe. Alors, comment s’organise la communication européenne au sein de ces 3 sphères ?

La sphère externe de l’Europe : la communication sur l’Europe des Etats et des citoyens

Délimitée par la géographie et l’histoire, au sein de la sphère externe règne le « concert européen », fait de jeux diplomatiques et de conflits militaires.

Sous l’angle de la communication, cette sphère externe correspond à plusieurs réalités :

  • D’une part, le discours intergouvernemental des Etats-membres de l’UE qui parle de l’Europe le plus souvent à travers un prisme national ;
  • D’autre part, les discours des citoyens sur l’Europe, qui s’expriment sur leur réalité européenne, fruit de leur propre expérience et de leur conviction politique.

Indéniablement, cette sphère externe rassemble la plus grande diversité des discours portés sur l’Europe et aussi la plus faible technicité sur l’Europe. C’est le règne de la communication « populaire » au double sens de communication pour et par le peuple.

La sphère interne de l’Europe : la communication des institutions et des experts

Au centre, la sphère interne de l’Europe se délimite par les traités, c’est le règne de l’« esprit d’avant-garde ».

Sous l’angle de la communication, cette sphère interne correspond là encore à plusieurs réalités :

  • D’une part, les discours des institutions européennes, qui s’expriment dans un langage inaccessible au grand public, avec des références issues des règles européennes ;
  • D’autre part, les discours des experts, qui sont de plus en plus visibles avec le développement des médias sociaux, Twitter en particulier.

Incontestablement, cette sphère interne rassemble la plus faible diversité des discours portés sur l’Europe, et aussi la plus grande technicité sur l’Europe. C’est l’espace public européen fait de visions intégrationnistes et de convictions fédéralistes. L’absence de pédagogie limite – comme un plafond de verre – l’accès du plus grand nombre.

La sphère intermédiaire de l’Europe : la communication politique européenne

Dernière sphère, la « découverte » la plus inédite de Luuk van Middelaar, c’est la « sphère intermédiaire de l’Europe » issue du « club » des chefs d’État et de gouvernement, définie d’abord par les autres qui veulent y entrer et ensuite par le poids des responsabilités communes et collectives.

Sous l’angle de la communication, cette sphère intermédiaire est sans conteste la sphère qui progresse le plus :

  • D’abord, une « voix de l’Europe » se manifeste de plus en plus régulièrement – aussi auprès du grand public à travers la couverture médiatique importante – lors des Conseils européens rassemblant les chefs d’Etat et de gouvernement ;
  • Ensuite, une « incarnation du corps politique de l’Europe » émerge avec la présidence du Conseil de l’UE, exercée successivement tous les 6 mois par un Etat-membre – une rare occasion de sensibilisation accrue aux affaires européennes ;
  • Enfin – et il s’agit d’un ajout personnel – une manifestation de la démocratie européenne à l’occasion des élections européennes tous les 5 ans – un événement récurrent qui offre l’occasion de débats nationaux et transeuropéens sur l’Europe.

Manifestement, cette sphère intermédiaire est le lieu de la communication politique européenne, c’est-à-dire de discours articulés entre les réalités nationales de la sphère externe et les réalités (ou fantasmes) de la sphère interne.

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Au total, la lecture des 3 sphères de l’Europe sous l’angle de la communication européenne permet de constater que la principale évolution réside dans le constant d’une progression de la communication politique européenne au sein de la sphère intermédiaire tandis que les sphères internes et externes et leurs communications évoluent en parallèle – hélas sans interconnexion.

10 raisons expliquant la fin du déficit démocratique de l’UE

Abondamment dénoncé à l’époque des référendums de ratification du projet de Constitution pour l’Europe (2 échecs en France et aux Pays-Bas) puis du traité de Lisbonne en Irlande, le déficit démocratique de l’UE ne peut sérieusement plus être aujourd’hui invoqué – quoique l’UE ne soit pas exempte de tout reproche – sauf à plaider pour un deux poids, deux mesures entre les principes démocratiques européens et nationaux. Pourquoi l’exemplarité démocratique de l’UE est au moins telle que celle de ses Etats-membres ?

1. Participation électorale : normalité de l’abstention aux élections européennes

Comparé aux élections présidentielles américaines – tant commentées – ou à certains scrutins dans les Etats-membres, le taux d’abstention aux élections européennes qui dépasse les 50% ne constitue pas en soi un argument décisif justifiant un déficit démocratique de l’UE plus ample que le déficit démocratique d’un maire ou d’un député élu avec une participation encore plus faible.

2. Transparence du lobbying : banalité du registre de la transparence

Comparé aux pratiques nationales, l’avancement du Parlement européen en matière de régulation du lobbying est incontestable. La centaine de représentants d’intérêt sur le registre de l’Assemblée nationale est sans commune mesure avec les plus de 6000 inscrits sur le registre non obligatoire de l’UE.

3. Accès aux documents : ancienneté de la limitation du secret administratif

Depuis 2001, un règlement régule l’accès du public aux documents de l’UE. A quatre exceptions près [lorsque la divulgation des documents peut porter atteinte à la sécurité publique, à la défense et aux affaires militaires, aux relations internationales ou à la politique monétaire, financière ou économique], tous les documents des institutions européennes sont par définition publics.

4. Transparence de l’argent public européen : exhaustivité des données

La destination des fonds publics européens et les bénéficiaires des marchés publics de la Commission européenne font l’objet d’une abondante documentation en ligne, pour ce qui concerne les dernières années.

5. Open data : nouveauté de l’action européenne

Depuis 2003, une directive porte sur la réutilisation des informations du secteur public destinée à faciliter le mouvement d’ouverture des données publiques de l’Union européenne. Un portail rassemblant plus de 6000 jeux de données est disponible en ligne.

6. Régulation des conflits d’intérêt : démission préventive d’un Commissaire

L’affaire du Dalligate, ce Commissaire maltais John Dalli obligé de démissionner à cause d’une simple présomption de conflits d’intérêt en lien avec la directive sur le tabac illustre même jusque dans ses excès la régulation des conflits d’intérêt au sein des institutions européennes.

7. Contrôle démocratique : motion de censure du Parlement européen

Non seulement, le Parlement européen donne son accord lors de la désignation d’une nouvelle Commission – les députés européens  peuvent désapprouver le choix d’un Commissaire, comme ce fut le cas avec l’italien Rocco Buttiglione en 2004 – mais en plus le Parlement européen peut également forcer la Commission à démissionner en cours de mandat, ce qui ne fut pas nécessaire à la démission de la Commission Santer en 1999.

8. Responsabilité politique : innovation dans le choix du Président de la Commission

Depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, le choix du Président de la Commission européenne « doit prendre en compte le résultat des dernières élections européennes » – ce qui constitue tout l’enjeu du prochain scrutin et l’importance des têtes de liste de chaque formation politique européenne.

9. Droit d’initiative : intégration des avis des citoyens

Les citoyens peuvent influer sur les propositions de futures législations européennes, dont l’initiative est entre les mains de la Commission. Là encore grâce à une innovation introduite dans le traité de Lisbonne donnant un droit d’initiative politique à au moins un million de citoyens de l’Union.

10. Consultation publique : participation des citoyens

En amont de nouvelle législation, la Commission réalise régulièrement des consultations publiques, qui permettent aux parties prenantes, i.e. aux groupes d’intérêt le plus souvent de faire connaître leurs positions. Ces consultations sont également accessibles et ouvertes aux citoyens.

Au total, l’exemplarité démocratique de l’UE, sans pour autant être exceptionnelle et sans difficulté n’en demeure pas moins aussi exigeante sinon davantage que celle de la plupart des Etats-membres.

Petit manuel pour sortir du cercle vicieux de la communication européenne

Face à un contexte défavorable constitué d’une baisse des budgets de communication corrélative à une accélération des évolutions tant de l’environnement concurrentiel médiatique que des pratiques de recherche et de partage de l’information, comment sortir du cercle vicieux ?

L’enchaînement du cercle vicieux

Pour la communication européenne, le contexte défavorable dégrade pèse avec d’une part, une plus grande contradiction entre les besoins de communication et les moyens disponibles et d’autre part, un plus fort décalage entre l’offre d’information et les attentes et usages des citoyens.

L’enchaînement du cercle vicieux est dorénavant bien établi :

  1. Des campagnes de communication trop peu visibles, car trop nombreuses et dotées de moyens saupoudrés pour couvrir trop de priorités et contenter divers publics ;
  2. Des campagnes jugées peu efficaces tant en termes d’impact quantitatif et qualitatif qu’en termes de reconnaissance auprès des publics ;
  3. Une perception de non utilité des campagnes auprès des commanditaires dans les institutions européennes ;
  4. Une poursuite de la baisse des budgets ;
  5. Des budgets insuffisants pour des campagnes – la boucle est ainsi bouclée.

Une communication performante avec les moyens disponibles

Optimiser les campagnes de communication européenne :

  • Positionner les thématiques prioritaires transversales, i.e. les priorités inter-institutionnelles de communication comme socle de quelques campagnes cofinancées par les institutions européennes ;
  • Développer des analyses d’impact, des seuils d’émergence minimum et des indicateurs d’efficacité ;
  • Activer le déploiement uniquement lors d’adoption de mesures d’envergure touchant directement le grand public.

Favoriser la « transition numérique » de la communication européenne :

  • Placer le digital au cœur de la communication des institutions européennes avec des contenus adaptés et serviciels plutôt que promotionnels ;
  • Développer l’interactivité et les formes participatives ;
  • Développer la communication d’influence auprès des relais d’opinion avec du fact et contre-fact checking ;

Moderniser les moyens :

  • Développer les mutualisations : études et sondages, revues de presse, hébergement des sites, production de produits web…
  • Adapter la dématérialisation des publications avec des contenus web enrichis ;
  • Accompagner les échanges de bonnes pratiques et les formations aux nouvelles compétences.

Au total, le cercle vicieux de la communication européenne n’est pas une fatalité à condition de prendre conscience de la gravité de la situation et de mettre en œuvre des solutions.

Information et Union européenne : quelles sont les habitudes médiatiques des citoyens européens sur l’Europe ?

Puisque l’année 2014 sera largement dominée par les élections européennes, il n’est pas inutile d’analyser – avant la campagne électorale – les « habitudes médiatiques » selon Eurobaromètre des citoyens en matière d’affaires européennes

Niveau d’information : un sentiment dominant d’être mal informé sur les questions européennes

Les Européens se déclarent très majoritairement très mal informés :

  • Sentiment collectif : trois quart des Européens jugent que dans leur pays, les gens sont mal informés sur les questions européennes ;
  • Sentiment individuel : un tiers des Européens estiment être personnellement bien informés sur les questions européennes.

Les « clientèles » traditionnelles de l’Europe (les plus diplômés et les cadres) se classent parmi les mieux informées – de même logiquement pour les personnes ayant une image positive de l’UE.

Source d’information : les médias traditionnels privilégiés pour s’informer sur les affaires politiques européennes

La hiérarchie des sources d’information sur les affaires politiques européennes est identique aux affaires politiques nationales.

La nouveauté concerne  la « première » source d’information citée, Internet (12%) devance désormais de justesse la presse écrite (11%).

Les Européens privilégient – toute catégorie confondue – la télévision pour s’informer sur les affaires politiques européennes (78%), la presse (44%) plutôt pour les cadres et les seniors, la radio (34%) et Internet (28%) auprès des jeunes, notamment les étudiants.

Source d’information en ligne : les médias en ligne dominent et les médias sociaux progressent

En ligne, la hiérarchie des sources d’information sur l’Europe se rééquilibre :

  • les sites d’information restent largement en tête (66%), malgré un recul sensible (-6 points en un an) ;
  • les sites institutionnels et officiels sont également beaucoup moins cités (24%, -10) ;
  • les réseaux sociaux talonnent (23%, +4) ;
  • les blogs progressent également (12%, +3), devant les plateformes de partage de vidéos (7%, +1).

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La diversification des sources d’information en ligne et la progression du web social ne devraient pas être sans conséquence sur la campagne des prochaines élections européennes.

Recherche active d’information sur l’Europe : un tiers des Européens privilégie Internet

La hiérarchie des sources privilégiées en cas de recherche active d’informations sur l’UE se modifie :

  • la TV reste citée en priorité (49%), mais beaucoup moins ;
  • Internet arrive désormais en deuxième position (33%) ;
  • les journaux quotidiens passent au troisième rang (30%) ;
  • les discussions avec les amis, la famille, les collègues apparaissent (20%) ;
  • les autres médias peu « utiles » : la radio (20%), les « autres journaux et magazines » (11%), les livres, brochures et fiches d’information (6%) et les conférences (3%).

Voilà une donnée qui devrait être étudiée par tous les acteurs de la prochaine campagne européenne, notamment au regard des moyens traditionnellement privilégiés (tracts et réunions publiques).

Au total, l’enquête Eurobaromètre portant sur les habitudes médiatiques des Européens en matière d’information sur l’Europe mesure à l’échelle des Vingt-Huit les continuités (prégnance de la TV) et les ruptures (émergence d’Internet). Autant de données qui ne seront pas sans conséquence sur la future campagne des élections européennes.

Quelles sont les grandes tendances de la communication européenne ?

Avec la nouvelle année, les exercices de prospection et/ou de prédiction se multiplient en ligne. C’est l’occasion pour tenter de dresser un panorama des grandes tendances qui « impriment » la communication européenne…

La présidence tournante du Conseil de l’UE : une opération de relations publiques du « pays qui préside l’Europe »

Au fil des dernières années, la présidence semestrielle du Conseil des ministres est devenu une opération de relations publiques pour l’Etat-membre qui exerce la présidence au point de se soucier autant de son programme de travail législatif que de son image auprès de ses partenaires.

Chaque Etat-membre se saisit de cet exercice institutionnel technique pour se raconter au travers d’un savant cocktail de communication, dont la Grèce, actuel titulaire illustre parfaitement les différents ingrédients :

  • les priorités représentent une opportunité pour mettre à l’agenda des enjeux locaux forts, telle que la politique maritime, 4e priorité pour la présidence grecque ;
  • le programme culturel s’est peu à peu imposé comme une figure de style quasi imposée permettant d’illustrer les valeurs de l’Etat-membre ;
  • le logo (et éventuellement la baseline) font l’objet d’un dévoilement et d’une présentation soignés ;
  • le budget et l’organisation de la présidence sont également des indicateurs de l’état d’esprit et de la culture nationale, la Grèce se positionne comme une présidence modérée avec un budget de 50 millions d’€ que la presse aura vite fait de qualifier de « spartiate ».

Le « problème » de la communication de l’UE : de moins en mois jugé en aval (techniques/outils) mais de plus en plus critiqué en amont (actions et messages)

Entre la dégradation de l’image de l’UE et la perte de confiance des citoyens en plein période de crise, la communication de l’UE est perçue comme problématique, car elle ne parvient pas – le pourrait-elle à elle seule ? – à rétablir ces indicateurs.

Au-delà de ce constat trop convenu, une prise de conscience s’établit que ce problème de la communication de l’UE n’est pas tellement à juger en fonction des techniques et outils qui ont largement progressé ces dernières années. La critique de la communication de l’UE porte davantage sur les actions (ou les non actions) des institutions et donc sur les messages liés à ces actions.

Autrement dit, le « problème » de la communication de l’UE ne tient pas tellement à ce que le disque soit rayé, mais au fait qu’il devient impérieux de changer de disque.

Dans les médias nationaux : de plus en plus d’enjeux européens

De manière imperceptible et/ou intermittente, les sujets à la une des débats publics et des médias au sein de chaque Etat-membre de l’UE tendent à contenir davantage d’enjeux européens.

Cette réalité tient d’abord à la période de crise où l’euro n’a plus été seulement une monnaie dans toutes les bourses mais également une préoccupation dans toutes les têtes, avec de nombreux sommets européens « de la dernière chance ».

Comme l’analyse Ron Patz dans « the genesis of a European public sphere: economic crisis, Lapedusa, European elections and cross-border migration » d’autres thèmes comme les questions de migrations et d’emplois – des sujets éminemment européens – ont été largement abordés en même temps dans différents médias nationaux.

Ainsi pour Ron Patz, « il ne fait aucun doute que la synchronisation des sphères politiques nationales autour de thèmes politiques très saillants montrent qu’il y a une genèse d’une sphère publique européenne ».

Les « grandes » élections nationales : quasiment des élections aussi européennes que les élections européennes

En forçant un peu le trait, il n’est pas totalement inexact de constater que les élections législatives récemment en Italie, en France et surtout en Allemagne ont été des scrutins dont les enjeux et les résultats ont porté bien au-delà de leur pays.

Cette évolution d’« hyper-élection » – comme on peut parler d’hyper-texte – devrait se traduire par une plus grande européanisation des prochaines élections européennes : le choix des têtes de liste, des programmes mais également le poids des populismes concourront à renforcer les lectures croisées de la campagne.

Les médias sociaux : de mieux en mieux « apprivoisés » par les personnalités politiques européennes

Avec le grand mercato des postes au sein des institutions européennes – dont la compétition est d’ailleurs plus largement couverte par la presse – les personnalités politiques européennes se saisissent de mieux en mieux des médias sociaux pour mobiliser leur base et partager leur opinion.

Ainsi par exemple, la Vice-Présidente de la Commission, responsable de la communication, Viviane Reding s’est récemment illustrée en participant au premier « Online Citizens’ Dialogue » : un Google Hangout organisé avec 5 bloggeurs européens.

Au total, l’année électorale 2014 s’annonce intense pour la communication européenne.