Vers quoi s’oriente la stratégie de communication de l’Union européenne ?

Maintenant que les institutions européennes sont bien en place – après le renouvellement du Parlement européen et les entrées en fonction de la Commission Juncker et du président du Conseil européen Donald Tusk – il est important de saisir quelles seront les orientations de la stratégie de communication de l’Union européenne dans son ensemble…

4 priorités inter-institutionnelles « holistiques » de communication pour 2016

Point de départ de l’orientation de la stratégie de communication de l’UE, les priorités interinstitutionnelles de communication, élaborées et normalement respectées dans toute communication européenne par toutes les institutions européennes et les Etats-membres.

Après la période électorale focalisée sur les citoyens, de nouvelles ambitions apparaissent dorénavant portant sur des messages dont l’échelle planétaire est récurrente :

  • a. Soutien de l’UE en faveur de la croissance durable, l’innovation, la compétitivité et l’emploi ;
  • b. Liberté, sécurité et justice (y compris « immigration / intégration », avec une attention particulière au développement durable et aux politiques coordonnées) ;
  • c. Energie et changement climatique ;
  • d. Rôle de l’UE dans le monde, en mettant l’accent sur sa contribution à la stabilité de la région.

Au-delà de toutes les questions économiques toujours au cœur de l’action de l’UE, les autres priorités se distinguent par leur dimension « holistique », c’est-à-dire visant à démontrer que l’action de l’UE couvre totalement les principaux enjeux contemporains et répond aux principales valeurs liberté/justice et de protection attribuées à la construction européenne.

3 enjeux « interinstitutionnels » pour la communication de l’UE en 2016 : coopération, société civile et synergies

Au-delà des priorités, quelques dossiers vont occuper le devant de la scène pour ce qui concerne la communication européenne en 2016 :

D’abord, la question de la coopération entre les institutions européennes et les Etats-membres. La stratégie « Communiquer l’Europe en partenariat » est actuellement au point mort, mais les perspectives de renouvellement au niveau intergouvernemental et infra étatique peuvent être prometteuses pour rééquilibrer la communication européenne depuis Bruxelles et la communication sur l’Europe depuis les Etats-membres et les collectivités locales.

Ensuite, l’enjeu des relations entre les institutions européens avec les gouvernements nationaux et la société civile, en particulier les acteurs actifs tels que les ONGs. Le sujet qui va occuper les conversations en 2016 portera immanquablement sur le partenariat commerce et l’investissement transatlantique (TTIP). Le challenge de communication pour l’UE est immense tant la méfiance et les oppositions sont grandes. L’issue est d’autant plus incertaine que transparence, dialogue renforcé avec les citoyens et investissement des responsables politiques ne suffiront pas à inverser des tendances lourdes de rejet.

Enfin, les défis pour la communication européenne continueront de manière encore plus pressante de porter sur les synergies possibles tant au niveau des moyens qu’au niveau des messages, notamment pour la communication gouvernementale nationale et institutionnelle européenne sur les questions d’intégration / d’immigration, sachant que les missions des Etats-membres et des institutions européennes sont partagées.

1 inconnue : l’importance et l’impact du « European Political Strategy Centre »

Véritable think tank interne à la Commission européenne, placé directement auprès du président Juncker, le Centre de la stratégie politique européenne fournit des analyses et des conseils stratégiques sur les questions liées aux priorités des politiques publiques définie par le Président dans ses orientations politiques présentées au Parlement européen en début de mandat.

Ce think tank est doté d’une « task force » dédiée à « Outreach and Communications ». L’importance de leurs recommandations en matière de communication européenne, ainsi que leurs impacts sur les décisions de la Commission européenne demeure l’inconnue de l’année 2016.

La responsable de la task force est Elisabeth Ardaillon-Poirier, ancien Directeur de la Communication de la BCE et Présidente du Comité des Communications Externes du réseau des 27 Banques Centrales du Système Européen et des 17 Banques Centrales de la zone Euro pendant près de 10 ans, avant d’avoir été Directeur de la Communication de la Banque de France (1994-2003). Une indication sur une éventuelle orientation des travaux ?

Au total, la stratégie de communication européenne en 2016 peut se déployer dans plusieurs directions en fonction des circonstances externes et de la force des personnalités.

Comment les institutions européennes adressent leurs publics en ligne sur mobile ?

Aujourd’hui, l’accès depuis un mobile aux sites est devenu tellement incontournable que Google vient de modifier son algorithme de recherche pour prendre mieux en compte les sites optimisés. Comment les principales institutions européennes communiquent en ligne auprès des mobinautes ?

Des versions mobiles pour quasiment toutes les institutions européennes

Hormis le Parlement européen, qui ne propose pas encore un site optimisé pour une navigation sur mobile, la Commission européenne et les Conseils (européens et de l’UE) offrent des versions mobiles tout à fait adaptées.

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En matière de contenu, le choix semble établi de proposer la même architecture et les mêmes pages aux internautes et aux mobinautes. Il en va de même pour le multilinguisme intégral.

Tandis que le site mobile de la Commission européenne semble s’efforcer de s’adresser à tout public, le Parlement européen s’adresse aux parties prenantes élargies tandis que les Conseils (européen et de l’UE) visent les journalistes et un public plus spécialisé.

Un référencement naturel de qualité pour toutes les institutions européennes

À partir de l’application Google, l’accès aux sites est extrêmement bien référencé puisqu’il s’agit à chaque fois du premier résultat proposé à partir d’une requête sur le nom de l’institution.

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De même, l’espace « Actualités » de l’UE – la newsroom européenne – est également très bien référencée puisque la requête « european press » débouche en premier résultat sur une version trilingue (français, anglais, allemand).

Au total, l’effort des institutions européennes, hormis le Parlement européen, est aujourd’hui à la hauteur des enjeux de la consultation sur mobile des sites web.

Lobbying : les cabinets français en affaires publiques jouent-ils le jeu de la transparence européenne ?

À partir de la liste des 27 cabinets, membres de l’Association des Conseils en Lobbying et Affaires Publiques (AFCL), une petite majorité (14 contre 13) sont inscrits sur le registre de la transparence de l’UE pour un budget estimé à près de 5 millions d’euros en 2014…

Une majorité des cabinets français en affaires publiques inscrite dans le registre de la transparence de l’UE

Premier enseignement, une majorité des membres de l’AFCL, dont l’« objectif de structurer une profession émergente autour d’une approche déontologique rigoureuse et innovante » du lobbying est dorénavant inscrite dans le registre de la transparence de l’UE.

cabinets_français_lobbying_registre_transparence_UEIl s’agit d’une évolution positive par rapport à 2013, lorsqu’une minorité des cabinets (12 inscrits contre 14) seulement étaient inscrite sur le registre de la transparence de l’UE. Des cabinets comme « Euro2C » ou « EuroMédiations » auraient tout intérêt compte tenu de leur nom de s’y inscrire.

Un marché européen pour les cabinets français en lobbying d’environ 5 millions d’euros déclarés

Sans compter les agences en France d’un réseau représenté largement à Bruxelles et inscrit uniquement pour leur antenne dans la capitale européenne comme Burson-Marsteller, Grayling, Interel ou Publicis Consultants, le budget déclaré se chiffre dans la fourchette haute à environ 5 millions d’euros, en légère progression.

Les chiffres d’affaires varient de manière significative :

  • Petite activité à moins de 100K€ : Affaires Publiques Consultants, ANTHENOR Public Affairs, communication & institutions et Séance Publique ;
  • Moyenne activité entre 100 et 500K€ : FairValue Corporate & Public Affairs, Luc Domergue Consultants et Lysios Public Affairs ;
  • Grande activité entre 500 et 1 000K€ : Athenora Consulting et Lobbsonn ;
  • Très grande activité à plus d’un million d’euros : ARCTURUS GROUP.

Au total, la transparence européenne progresse au sein des cabinets français en affaires publiques et lobbying même si l’exemplarité de la profession dans son ensemble reste perfectible.

Quelle est l’évaluation officielle de l’initiative citoyenne européenne ?

Deux chiffres clés sont mis en exergue du rapport de la Commission européenne sur l’application de l’initiative citoyenne européenne : 0,01% des Européens ont signés des déclarations de soutien et 10 % des initiatives enregistrées ont réussi à atteindre le seuil d’un million de signataires…

Bilan officiel chiffré de l’initiative citoyenne européenne

Depuis avril 2012, la Commission a reçu 51 demandes d’enregistrement d’une proposition d’initiative citoyenne, 31 ont été enregistrées (16 enregistrements en 2012, 9 en 2013, 5 en 2014 et 1 en 2015) tandis que 20 propositions d’initiatives ne remplissaient pas les critères d’enregistrement, 18 ont atteint la fin de leur période de collecte (10 autres ont été retirées), 3 ont atteint le nombre requis de déclarations de soutien et ont été soumises à la Commission, 2 ont déjà reçu une réponse formelle et 1 est en cours d’examen (réponse pour le 3 juin 2015).

En matière de litige, 6 comités de citoyens ont décidé d’intenter un recours devant le Tribunal contre les décisions de la Commission refusant l’enregistrement de leur proposition d’initiative et 1 réponse à été contesté. Toutes ces affaires sont en cours.

Par ailleurs, le Médiateur européen a été saisi de 2 plaintes émanant d’organisateurs d’initiatives. Il en a déjà clôturé une, concluant qu’il n’y avait pas eu de mauvaise administration de la part de la Commission. La seconde affaire est encore en cours d’examen.

Enfin, dans l’ensemble, près de 90 % de toutes les déclarations de soutien recueillies par les 3 initiatives ayant atteint 1 million de signatures ont été déclarées valables par les autorités compétentes.

Évaluation officielle de la mise en œuvre de l’initiative citoyenne européenne

Considérant sans doute qu’une seule aurait suffit, la Commission estime très sérieusement « que le dispositif relatif à l’initiative citoyenne européenne a été pleinement mis en œuvre ».

Heureusement, la litote du rapport confirme que « la Commission est toutefois consciente que des améliorations restent possibles » :

  • l’absence de personnalité juridique des comités des citoyens est problématique, notamment pour lever des fonds ou gérer la protection des données ;
  • l’enregistrement des propositions est problématique, puisqu’une majorité s’est située manifestement en dehors du domaine de compétence de la Commission ;
  • les exigences divergentes applicables aux signataires sont problématique, faut d’uniformiser et de simplifier les exigences ;
  • le calendrier du parcours, notamment les seuls 12 mois pour la collecte et l’absence de délai pour présenter une initiative couronnée de succès à la Commission est source de confusion et d’incertitude.

Par ailleurs, le rapport précise que « certains organisateurs (ainsi que d’autres parties prenantes) déplorent l’insuffisance de dialogue et d’interaction avec la Commission au cours des étapes successives et souhaiteraient que le processus d’examen et de suivi soit plus structuré et les associe davantage ».

En conclusion, la Commission estime naturellement qu’« il est encore trop tôt pour évaluer les incidences à long terme de l’initiative citoyenne européenne sur le processus institutionnel et législatif de l’UE ». C’est dommage, même si l’institution se dit « déterminée à continuer de suivre de près et de débattre un certain nombre de questions (…) le but étant d’améliorer cet instrument ».

Comment les citoyens s’expriment et perçoivent l’intégration européenne ?

À travers des entretiens collectifs réalisés en Belgique, France et Grande-Bretagne, Virginie Van Ingelgom étudie dans « Les perceptions citoyennes de l’intégration européenne à travers l’expression de focus groups » la légitimité de l’intégration européenne « par le bas », c’est-à-dire la légitimité perçue à partir du point de vue des citoyens…

Quels sont les principaux cadres de perception et d’évaluation de l’intégration européenne par les citoyens ?

Le marché commun : entre bénéfices et critiques

Les bénéfices liés au marché commun – traditionnellement en pôle position – n’est plus que le troisième avantage avancé pour justifier du processus d’intégration européenne.

Malgré la foi partagée dans ses avantages économiques, cette vision optimiste de l’intégration européenne est fortement contrebalancée par une anxiété palpable par rapport aux effets néfastes de la compétition intra-européenne issus des différences de salaires et de bénéfices sociaux.

Par ailleurs, les avantages de l’Euro sont reconnus, pour la mobilité facilitée par l’absence de change, mais l’Euro est aussi souvent synonyme d’inflation et de perte du pouvoir d’achat des citoyens.

Les États sont trop petits

Thème le plus mobilisateur, dans un monde globalisé, les États européens sont devenus trop petits : s’unir serait donc devenu indispensable.

À cette perception relative à l’interdépendance économique sur la scène internationale correspond également une représentation de la globalisation des problèmes qui affectent nos sociétés : environnement, réchauffement climatique, mais aussi catastrophes ou maladies.

Cependant, l’unité de la puissance européenne, fusse-t-elle économique, politique ou militaire, apparaît comme fragile en raison du désaccord entre pays européens, d’autant plus probables à mesure que le nombre d’États augmente et que les différences s’agrandissent.

La suppression des frontières

Le troisième attribut positif largement présent est d’une nature non-économique. La suppression des frontières constitue un élément essentiel dans la manière dont les gens conçoivent l’intégration européenne.

Possibilité de voyager sans obstacles, mobilité facilitée par les passeports, utilisation de la monnaie unique et absence de contrôles aux frontières et à terme, pour une partie, suppression des frontières permettent de renforcer la compréhension entre les peuples européens.

Les arguments positifs liés à l’ouverture des frontières intra-européennes devancent largement les critiques, même si le cadre commun se heurte ici à l’expérience vécue, ou plus précisément à l’absence d’expérience vécue.

Gouvernance et déficit démocratique

La principale critique porte sur une évaluation négative de la plupart des aspects liés à la gouvernance et à la démocratie au niveau européen.

L’UE est dépeinte comme opaque, distante, inefficace, inadaptée, paralysée par les égoïsmes nationaux et obsédée par la régulation du moindre petit aspect.

Par ailleurs, l’opacité du système politique européen est également dénoncée, les lobbies étant perçus comme les véritables détenteurs du pouvoir au niveau européen, soumettant la construction européenne à la suprématie de l’économie de marché.

Des façons différentes de voir l’Europe : persistance des cadres nationaux de perception et d’évaluation de l’intégration européenne

L’État-nation joue un rôle primordial dans la formation des cadres de perception et d’évaluation de l’Europe.

Derrière l’importance globale du cadre de perception et des évaluations liées au marché commun se cachent des différences nationales significatives :

  • Les anglais partagent davantage les bénéfices attendus du marché commun et critiquent l’ouverture des frontières européennes, un problème de sécurité et d’immigration illégale ;
  • Les français et les belges dénoncent davantage les méfaits de la compétition intra-communautaire sur le marché du travail, des délocalisations et de l’inflation.

Au-delà des différences liées aux cadres communs de perception et d’évaluation de l’intégration européenne, existe une série d’arguments spécifiques :

  • Les belges mettent en scène le futur et en particulier les bénéfices de l’intégration pour les générations futures ;
  • Les anglais se montrent plus préoccupés par la question de la souveraineté nationale et la perte de l’identité nationale ;
  • Les français avancent la mobilité et l’échange comme principal fondement à une valorisation de l’Europe sur le plan non-économique.

Au total, les discours des citoyens ordinaires sur l’intégration européenne permettent de mieux saisir la construction cognitive de l’UE ou dit autrement la légitimité « empirique » de l’UE où les arguments économiques jouent un rôle dominant dans les images de l’unification européenne.