Archives de catégorie : Médias et Europe

Billets sur les enjeux d’information européenne

En Europe, qui fait confiance aux médias et qui est prêt à payer l’information ?

Le festival Médias en Seine offre une perspective contemporaine, grâce à des experts du Reuters Institute, sur la relation compliquée autour de l’information entre l’audience et les médias d’information…

Poids de la défiance dans l’information en Europe

Rasmus Kleis Nielsen estime que nous vivons dans la culture du scepticisme, car la confiance est perturbée tant parce qu’elle est fragile mais surtout parce que la confiance peut être dangereuse si elle est placée dans des institutions qui n’en sont pas dignes. La confiance correspond à la réputation obtenue en fonction de l’attachement émotionnel, de la relation de proximité et de la familiarité dans les connaissances.

Principaux indicateurs de la confiance dans les médias d’information en Europe :

Fortes variations en Europe, entre une forte confiance en Europe du Nord, une confiance minoritaire dans les médias en Europe de l’Est et une situation dégradée propre à la France ;

Majoritairement, les citoyens européens accordent une confiance sélective dans quelques médias de « référence », ceux qui n’accordent pas leur confiance s’intéressent peu à la politique et n’ont pas d’intérêt pour l’actualité.

Plusieurs pistes sont dessinées pour regagner la confiance, qu’il s’agisse d’un nouveau contrat en termes de transparence du média, d’une nouvelle forme de présence du média sur les plateformes digitales, voire de nouvelles voies de dialogue.

Faiblesse de l’abonnement à l’information en Europe

Nic Newman observe des disparités importantes entre les pays européens en termes d’abonnement aux médias d’information, entre les pays nordiques les plus exemplaires avec une moyenne de 28% et les grands pays comme l’Allemagne et la France autour de 10%.

Néanmoins, la tendance est plutôt à une évolution progressive, marquée par des événements nationaux, même si quelques éditeurs raflent souvent l’essentiel des abonnements, quoique l’accès à l’information locale soit également appréciée. En général, la moyenne des abonnés est de 50 ans et le nombre d’abonnement est en moyenne d’un seul.

Raisons de ceux qui s’abonnent : les valeurs, l’exclusivité des contenus ; le prix et la praticité de l’info ; la diversité des points de vue

Raisons de ce qui peut convaincra ceux qui ne paient pas : des contenus de meilleure qualité, une expérience sans pub

Tandis que 50% des citoyens estime que rien ne pourrait être fait pour les convaincre de s’abonner à un média d’information, la même proportion se retrouve du côté des journalistes convaincus du modèle économique de l’abonnement pour le financement des médias.

Pour les médias d’information, la diversification des sources de revenus – via en moyenne 4 ou 5 canaux comme la publicité, les micro-dons, les événements en ligne, le e-commerce – représente une nécessité pour assurer leur pérénnité.

Quels sont les défis de la Conférence sur l’avenir de l’Europe ?

Afin d’embarquer les citoyens européens dans la démarche inédite de démocratie participative à l’échelle paneuropéenne avec la Conférence sur l’avenir de l’Europe, les défis de la participation citoyenne à relever sont nombreux. Quels sont-ils à l’écoute de l’événement de la Maison de l’Europe de Paris consacré au sujet en juin dernier ?

Le défi de l’information et de la communication

Premier défi pour le succès de la Conférence sur l’avenir de l’Europe, la mobilisation des citoyens reposera sur une démarche complète.

Pour la première fois dans ces proportions, toutes les institutions européennes travaillent ensemble à une entreprise collective d’information et de communication avec des actions à l’échelle bruxelloise et surtout dans les États-membres, de concert avec les gouvernements nationaux.

La mobilisation des multiplicateurs, des relais, des médias en particulier audiovisuels, des influenceurs, des acteurs de la société civile sera déterminante pour attirer les publics les moins représentés : les jeunes, les femmes, les moins diplômés, les ruraux, etc.

Les défis institutionnels

Pour le Parlement européen, selon Isabelle Coustet, chef du bureau du Parlement européen à Paris, l’institution motrice de la Conférence sur l’avenir de l’Europe sera représentée par un président et des observateurs des groupes politiques dans le conseil exécutif et par 108 eurodéputés sélectionnés pour participer à l’assemblée plénière de la Conférence.

L’enjeu du calendrier est sensible puisque la Conférence étant prévue sur 2 ans, mais les échéances électorales notamment en France pèsent pour accélérer la démarche.

Pour la Commission européenne, selon Sixtine Bouygues, Adjointe au Directeur général à la Direction de la communication, la plateforme digitale, véritable hub où convergent les propositions des citoyens en direct et des conclusions des événements décentralisés est crucial, en proposant une traduction automatique de toutes les contributions dans les 24 langues de l’UE.

L’enjeu de donner le même poids à toute les idées est clé pour la participation. De même, l’enjeu des conclusions, l’engagement formel pris par les autorités, est le plus important. Une première analyse avec une intelligence artificielle fera le tri des propositions et des équipes d’analystes rédigeront 2 rapports intermédiaires et un rapport final. Les participants aux panels et les représentants dans la plénière s’appuieront sur ces éléments pour débattre et adopter les conclusions finales.

Les défis de la société civile

Pour Guillaume Klossa d’Europanova, la nécessité d’associer les citoyens européens à la réflexion européenne doit aussi répondre au besoin de comprendre les transformations en cours pour faire émerger des idées nouvelles. La participation sera d’autant plus importante que l’on consulte directement les citoyens au niveau européen et la consultation sera d’autant plus crédible qu’elle ne reposera pas uniquement sur la volonté des institutions.

Comment faire de la Conférence sur l’avenir de l’Europe un succès ?

Timing : on ne fait pas boire un âne qui n’a pas soif, il n’y a pas cette soif aujourd’hui avec la pandémie.

Méthodologie : on questionne les gens sans que la prospective ne soit maîtrisée, il faut un énorme travail de pédagogie pour faire connaître les potentialités européennes.

  • Communication : on doit mettre sur la table des moyens budgétaires conséquents pour crédibiliser la démarche et l’implication des gouvernements nationaux.
  • Outils : dans les débats publics, les vraies bonnes idées murissent et arrivent vers la fin quand le sujet est à maturité. Faire passer des attentes de protection actuelles à des besoins de projection prendra du temps.
  • Gouvernance : le leadership politique n’est pas assez incarné et la co-construction avec la société civile n’est pas suffisante, il faut davantage de collaboration et des rencontres entre les médias et les leaders d’opinion.
  • Instrumentalisation : le sentiment d’un risque d’instrumentalisation doit être maîtrisé.
  • Médiatisation : pour que la communication auprès des journalistes marche, il faut pouvoir raconter de belles histoires, ce critère n’a pas été intégré dans la sélection des participants.

Pour Thomas Dorget, de Confrontation Europe, la réflexion sur de nouveaux biens communs européens doit toucher les non convaincus, ce qui pose la question des défis suivants :

  • Collectivités territoriales : améliorer l’implication des territoires comme acteur de la délibération, surtout pour évaluer l’impact des politiques publiques européenne dans la vie quotidienne afin de revitaliser la vie politique.
  • Associations : impliquer le tissu de la société civile comme contributeur aux panels, surtout les associations de consommateurs, sur l’environnement, etc. afin d’élargir la participation.
  • Entreprises et syndicats

La finalité est d’arrimer un processus démocratique participatif pérenne au système européen et la France a un rôle particulier à jouer pour faire bouger la capacité réformatrice afin de changer de manière durable l’Europe. 

Afin de reconnecter les citoyens européens éloignés de l’Europe, celle-ci doit prendre son risque pour trouver de nouvelles façons originales et surprenantes de parler d’Europe.

Pour une charte de la formation et de l’information des citoyens de l’Europe

Lors d’une conférence sur la Conférence sur l’avenir de l’Europe : enjeux, méthodes et impact de la maison de l’Europe de Paris le 23 juin dernier, Alain Lamassoure recommande une idée utile à creuser…

Le moment de la démocratie participative européenne

Pour Alain Lamassoure, même si ce n’est jamais le bon moment opportun pour prendre des décisions décisives et même si le calendrier est compliqué par les campagnes électorales dans les deux plus grands États-membres de l’UE avec l’Allemagne en septembre prochain et la France en avril 2022, l’occasion est à saisir, surtout que l’on sait que l’Europe avance dans les crises et que la pandémie a été un sacré accélérateur.

Alors que des majorités se dessinent dans les Eurobaromètres pour traiter d’abord au niveau européen de nombreux enjeux comme la défense, la sécurité, la recherche, le climat, etc., le problème de l’Europe est de traduire le sentiment européen des citoyens en politiques publiques européennes. L’enjeu de la conférence sur l’avenir de l’Europe est de mener un débat authentiquement européen à l’échelle de l’Union européenne, ce que les élections européenne ne sont pas parvenues à faire jusqu’à présent.

L’échec de la formation et de l’information européennes

Du côté de la formation, sujet de prédilection pour Alain Lamassoure, la construction européenne n’est pas enseignée dans le cadre des cours d’histoire dans la moitié des États-membres à l’heure actuelle. Cet échec est essentiellement du fait des politiques nationales.

Du côté de l’information, la question est particulièrement problématique en France qui se situe en queue de peloton sur la médiatisation de l’actualité de l’Union européenne dans les journaux télévisés des principales chaînes de télévision et de radio nationales.

La réussite d’une charte sur la formation et l’information européennes

La proposition d’Alain Lamassoure serait de rédiger une charte d’engagement sur la formation et l’information des citoyens sur l’Europe afin de mobiliser les institutions européennes, les ministères nationaux, les grands médias d’information, voir les principaux réseaux sociaux.

Cette charte viserait à poser les bases d’une approche commune afin de corriger les insuffisances trop nombreuses de la formation scolaire à l’Europe, en passant par l’information générale sur les décisions de l’Union européenne et la médiatisation plus large des problématiques européennes dans les sociétés.

« Ne demandez pas ce que l’Europe pourrait faire pour vous, mais ce que vous pouvez faire pour l’Europe », c’est avec cette fameuse citation de John Fitzgerald Kennedy que conclut Alain Lamassoure.

Comment assurer plus d’Europe dans les médias ?

Problématique majeure en France, l’information sur l’Europe est le parent pauvre dans les médias. L’association Sauvons l’Europe pose la question qui fait mal lors d’un webinar : « Ce creux médiatique n’est-il pas un point aveugle du débat démocratique, sur un échelon majeur de nos institutions ? »

L’exception française de l’invisibilité de l’information européenne dans les médias audiovisuels

Directeur de la communication et porte-parole du Parlement européen, Jaume Duch reconnaît que la situation n’est pas à la hauteur de l’importance de l’UE dans la réalité de la vie des citoyens.

Certes, la spécificité française est un fait. Sur les grands pays de l’UE, la France est dernière sur la place du Parlement européen à la télévision et avant-dernière pour la radio. Les Eurobaromètres interrogent les Européens s’ils ont lu/vu/écouté dans les médias des sujets sur l’UE, les Français ne sont qu’un tiers, la dernière place de tous les Européens.

Mais, la visibilité ne fait pas tout, la preuve. Entre 2019, année électorale européenne, où la France se place 22e sur 27 États-membres pour la couverture du Parlement européen dans les médias et 2020, année de pandémie, la visibilité du Parlement européen progresse de +30%, mais après France 24, c’est Russia Today qui devient la 2e TV en langue française. La 1e chaine TF1 arrive à la 9e place, France 2 à 12e et France 3 à la 17e

Si l’on prend le débat sur la stratégie vaccinale de la Commission européenne, sans doute l’annonce la plus importante de l’année dernière, seules 8 chaînes TV l’ont couverte pour une durée total de 43 minutes, dont 22 minutes pour Russia Today, 46 secondes sur France 2 et zéro sur la première chaîne privée TF1 ; alors que l’Allemagne en a fait 10 fois plus.

Pourquoi ? Du côté des causes objectives, le nombre réduit de correspondants de presse français à Bruxelles est une partie de l’explication. Seuls 3 correspondants permanents pour la TV sont présents à Bruxelles en ce moment !

Les raisons subjectives évoquées par le dircom Jaume Duch sont que le narratifs de la politique est très ancré dans le national en France, on a l’impression que ce qui ne se passe pas à Paris n’a pas beaucoup d’importance et que le discours traditionnel des responsables des médias c’est que l’Europe est ennuyeuse et inintéressante. Le place de l’Assemblée nationale, plus minorée dans la Ve République peut expliquer aussi la perception française du Parlement européen.

Pour Théo Verdier, spécialiste de l’état de l’information européenne en France, l’échelon européen est le blind spot de la couverture médiatique et pour le débat public parce que ça ne va pas de soi de traiter l’actualité de l’UE comme un sujet politique. Le constat objectivé avec une étude menée à partir des données de l’INA est sans appel : le temps d’antenne de l’Europe est en moyenne de 3% dans les journaux d’informations radio et télévision qu’il s’agisse des chaînes privées ou de l’audiovisuel public, on en est même à seulement 1,9% sans Arte. La prochaine enquête sur l’année 2020 s’annonce terrible avec un black-out complet de l’Europe pendant la pandémie avec des premières estimations à 1,5% de temps d’antenne pour l’Europe.

Le mirage d’une charte sur la visibilité de l’information européenne dans l’audiovisuel public

Véronique Auger, la présidente de l’association des journalistes européens raconte les mésaventures du projet de charte entre l’autorité de régulation le CSA et les chaînes TV et radio de l’audiovisuel public :

  1. Dans une lettre ouverte publiée dans Les Echos, en novembre, la demande de charte, sur le modèle de la diversité, du handicap ou de l’Outre-Mer est formulée en novembre dernier.
  2. Lors d’une réunion avec le président du CSA dans la foulée, la charte est plutôt bien accueillie.
  3. Dans un papier du Monde, en janvier, Virginie Malingre publie une info sur « les rédacteurs en chef de France Télévisions incités à parler davantage d’Europe » avec une partie variable de leur rémunération dépendant de leurs efforts de renforcement de la couverture des sujets européens en janvier dernier.
  4. Les réactions des professionnels sont très fortes, la période de glaciation, la chappe de plomb qui s’est installée depuis l’échec du référendum en 2005 et l’accusation d’un discours trop positif des médias sur l’Europe semblent encore très présente. Sur Twitter, Sputnik et Russia Today évoque « la propagande sur l’Europe ».
  5. Lors d’une rencontre avec Clément Beaune, le Secrétaire d’État aux Affaires européennes, le soutien au projet de charte est abandonné. Le comité citoyen sur l’environnement avait fait pression pour introduire une charte sur l’environnement dans le service public audiovisuel et des élus poussaient pour une autre charte pour renforcer la couverture médiatique des élections régionales faute de pouvoir mener campagne de manière traditionnelle. Le temps des chartes a vécu.

Véronique Auger revient sur le fait que la séquence de la présidence française du Conseil de l’UE au premier semestre 2022 va se percuter avec les élections présidentielles, entrainant un retrait mécanique de l’information sur l’Europe lors de la campagne. Puisqu’on comptabilise les temps de parole des différents candidats, on ne parlera plus des sujets qui fâchent pour ne pas donner le même temps d’antenne sur un même sujet à tous les candidats.

L’espoir de la dramaturgie et de la mise en scène par l’incarnation de l’Europe

Les échanges entre intervenants convergent vers une relative nécessité de mieux incarner les enjeux européens pour faciliter leur traitement médiatique et encourager les débats. La preuve ? L’apparition de Thierry Breton, le Monsieur vaccin au sein de la Commission européenne après des mois de débats intenses a permis d’incarner le sujet et de rendre plus audible les positions européennes. Mais le plus souvent, on n’a pas le « bon » Commissaire ou député européen pour un problème de multilinguisme. Et attention, la presse française peut parfois déformer les personnalités européennes, leur donner une image de puissance ou d’impuissance souvent loin des règles des traités européens.

L’anecdote relative à la signature du traité commercial avec le Mercosur en négociation depuis des années (et la même chose pour l’accord avec la Chine signé entre Noël et le jour de l’An) est révélatrice : les personnalités européennes s’expriment un vendredi soir dans un silence médiatique total tandis que les jours suivants les polémistes et les populistes tombent sur l’accord sans l’avoir consulté. On casse du sucre sur le dos de l’Europe sans jamais lui tendre la culière.

Entre Véronique Auger qui pointe la rupture entre le président Macron le plus europhile depuis Mitterrand alors que tout ce qui vient de la Commission européenne est considéré comme de la propagande par une population eurosceptique et Jaume Duch qui estime qu’il est de plus en plus difficile de faire croire que l’UE n’existe pas quel que soit l’origine idéologique des responsables politiques, les vraies batailles deviennent européennes (climat, numérique, migration, covid). La défense de la démocratie et de la qualité démocratique de nos sociétés sera européenne ou la démocratie ne sera plus.

Décryptage des communiqués de presse de la Commission européenne

La Commission européenne n’a cessé de se féliciter d’une « meilleure communication avec les citoyens européens », investissant dans des ressources, des stratégies et du personnel professionnel. Pourtant et toujours, l’image d’une technocratie détachée semble imprimer. Pourquoi ?

C’est la question que se pose le chercheur Christian Rauh qui s’est plongé dans l’analyse des 44 978 communiqués de presse que la Commission européenne a publié entre 1985 et 2020 : « From the Berlaymont to the citizen? The language of European Commission press releases 1985-2020 ».

La communication de la Commission européenne fait partie du problème

Face à la demande croissante de communication de la Commission vers le citoyen européen, l’offre abondante de communication de la Commission n’y répond guère. La communication de la Commission européenne semble fortement liée à son identité institutionnelle ambiguë. Ayant commencé comme une technocratie plutôt détachée au service des gouvernements nationaux, le dorénavant « exécutif » supranational relativement puissant, visible dans la sphère publique n’a pas suffisamment fait évoluer ses pratiques.

Non seulement, les tâches de communication sont de plus en plus institutionnalisées à cause de la politisation générant des incitations stratégiques à communiquer de manière plus proactive avec le citoyen européen, mais surtout, un état d’esprit technocratique omniprésent, des responsabilités peu claires et multiples, et la prudence stratégique qui en résulte réduisent les capacités de parler plus efficacement aux citoyens européens au cours des dernières décennies.

C’est à dessein que le service des porte-parole du président Juncker a réduit le nombre de communiqués de presse afin d’aider les journalistes qui couvrent l’UE à identifier ce qui est pertinent parmi les centaines d’infos qui sortent quotidiennement et aussi afin de mieux cibler les journalistes autour de sujets susceptibles d’attirer leur attention.

Le volume injustifié des communiqués de presse de la Commission européenne

European_Commission_press_releases_over_timeLa quantité d’informations publiques observée ici n’est pas proportionnelle à la croissance des compétences politiques ni corrélée à la production législative de la Commission européenne.

Il est frappant de voir que les baisses majeures de la production de communiqués de presse se sont produites dans des périodes de forte politisation de l’UE, par exemple à la suite de l’eurocrise, de la crise de Schengen ou du débat sur le Brexit.

Une communication plus proactive ne reflète donc pas nécessairement plus ou une meilleure information pour l’ensemble des citoyens. Au contraire, davantage de communication pourrait également créer une confusion politique ou brouiller, désamorcer ou même obscurcir les responsabilités politiques.

La langue technocratique des communiqués de presse de la Commission européenne

Les communiqués de presse sont très pertinents à analyser :

  1. Des efforts de communication conscients uniquement produits pour transmettre un message au grand public ;
  2. Une sélection des messages préférés de la Commission avant la sélection ou l’encadrement journalistique et par d’autres acteurs politiques ;
  3. La forme la plus classique de communication avec une vaste expérience sur une longue période.

Le langage extrêmement technique, beaucoup plus proche du discours scientifique que du langage des cadres nationaux ou des médias publics, n’est pas motivé par les sujets politiques sur lesquels la Commission communique et, de manière frappante, sans guère changé au cours des près de 35 ans d’intégration européenne observés ici – notamment une période au cours de laquelle les compétences politiques de la Commission et la politisation publique de l’UE se sont nettement accrues. Par conséquent, le jugement du chercheur est sans appel, la Commission souffre d’un remarquable « déficit de communication » comportemental.

Le langage que la Commission européenne alimente dans le débat public est significativement moins accessible que le langage que les citoyens éprouvent habituellement lorsqu’ils consomment des informations politiques. En fait, la manière dont la Commission communique avec le public est plus proche de la manière dont les politologues communiquent entre eux.

Ce que la Commission nourrit dans le débat public est très différent du langage politique que les citoyens européens rencontrent habituellement. En fait, cela ressemble plutôt à une prose académique spécialisée.

Même lorsque la Commission européenne couvre des sujets similaires à ceux des exécutifs nationaux, la communication est presque toujours moins accessible : complexité du langage, familiarité du vocabulaire ou expression de l’action.

Au final, la communication de la Commission européenne doit être qualifiée d’extrêmement technocratique. Le style de communication se caractérise par un langage grammaticalement complexe, par un jargon très spécialisé et par un style inhabituellement nominal qui brouille les actions et les choix de la prise de décision supranationale. En plus de 35 ans d’intégration européenne, cela ne s’est guère amélioré.

Pourquoi le style de communication technocratique de la Commission européenne perdure

Dans le contexte actuel où les compétences politiques de la Commission européenne affectent les citoyens européens dans une intégration européenne de plus en plus politisée et contestée dans les débats publics, ce style de communication est au mieux risqué ; au pire, dangereux. Le discours technocratique que cultive la Commission fait trop facilement le jeu de ceux qui veulent construire l’image d’une élite bruxelloise largement détachée du citoyen européen.

Les raisons invoquées sont certainement correctes quoique décevantes. Certaines preuves anecdotiques suggèrent que les querelles bureaucratiques peuvent expliquer l’inefficacité. Une communication hésitante peut indiquer une prudence stratégique et une gestion des risques institutionnels. L’enracinement dans un langage technocratique peut refléter une stratégie de gestion de la politisation qui vise à désamorcer les débats publics critiques en cachant délibérément les décisions prises à Bruxelles.

Au total, les messages hautement technocratiques du Berlaymont aux citoyens européens qui ne sont pas synchronisés avec les débats publics politisés dans l’Union européenne révèle que l’institution n’est pas encore parvenue à intégrer la mission de communiquer au cœur de son action dès l’élaboration des politiques.