Archives annuelles : 2014

Quels sont les facteurs de coopération entre les correspondants de presse à Bruxelles ?

Bruxelles représente un des centres de presse les plus grands au monde. Dans une étude qualitative des correspondants de presse à Bruxelles « Covering the EU : Alone or Together ? Cooperation Patterns of Brussels Press Corps », Alena Sobotova estime que la coopération est une partie essentielle du travail, par delà les nationalités…

La coopération intensive, l’élément distinctif du corps de presse à Bruxelles

Le « networking » intensif est l’un des traits distinctifs du « milieu » des correspondants de presse à Bruxelles, par rapport à d’autres endroits où être un correspondant dans un pays étranger est généralement un travail solitaire.

Forte concentration des lieux de pouvoir, la condition matérielle de la coopération

La coopération est rendue possible par l’extrême concentration des journalistes, qui travaillent ensemble tous les jours, dans les mêmes lieux :

  • Le « Midday-Briefing » à la Commission européenne devient une rencontre institutionnalisée, certes pas particulièrement appréciée par les journalistes pour l’information officielle, mais considérée comme un hub permettant d’effectuer « échange d’informations », « reality check » et « networking ».
  • Les diverses réunions du Conseil de l’UE et du Conseil européen permettent également aux journalistes de se livrer à l’échange d’informations en attendant les résultats des négociations politiques qui filtrent derrière des portes closes et surtout à l’interprétation de ces infos, souvent d’ailleurs l’objet d’une réflexion collective.
  • Last but not least, les voyages de presse organisés deux fois par an par les présidences tournantes sont favorables à la formation de contacts sociaux.

Isolation des journalistes et complexité des informations, le cocktail de la coopération

Une grande partie des journalistes est envoyée à Bruxelles seuls. L’isolement de la plupart des correspondants de leur rédaction, sans l’appui éditorial de leurs collègues les conduits à rechercher des liens sociaux et professionnels en dehors de leur média afin de compenser le manque d’infrastructures qui va de pair avec des ressources éditoriales limitées.

La complexité des questions à traiter dans les affaires européennes implique nécessairement le recoupement pour vérifier si l’information est bien comprise, mais aussi pour neutraliser l’influence des institutions qui fournissent beaucoup d’informations aux journalistes.

En ce sens, la coopération est un moyen de garantir une plus grande objectivité. C’est également un outil d’analyse comparative, pour voir ce qui est pertinent pour les autres est utile à l’angle de ses propres histoires.

L’information européenne étant par nature transnationale, il est également nécessaire de recueillir des informations sur les positions des autres pays, sur l’impact potentiel des décisions politiques prévues. Les autres journalistes sont une source importante à cet égard, car ils fournissent un raccourci utile pour résumer la position et les réalités d’un pays. Les collègues sont ainsi souvent contactés sur la base de leur nationalité, en tant qu’experts sur leur pays d’origine.

La nationalité reste centrale dans le choix des partenaires de coopération

Tous les journalistes s’accordent sur l’absence relative de concurrence à Bruxelles comme l’un des principaux facteurs qui rendent toute coopération possible.

La coopération « naturelle » avec les co-nationaux

Certes, une légère concurrence affecte les relations avec ses compatriotes, mais beaucoup plus petite que celle qui règne à la maison. Les co-nationaux forment le premier cercle « naturel » des contacts sociaux et reste le principal point de référence et de contact social pour la plupart des journalistes, qui se retrouvent à couvrir les mêmes sujets, d’intérêt pour leur public national.

La coopération avec les autres nationalités

Puisque les espaces publics nationaux restent très isolés, il n’y a pratiquement pas de concurrence avec des journalistes étrangers. Les collègues d’autres nationalités sont également pour tous les journalistes des sources potentielles de coopération.

L’influence du pays entre petits et « nouveaux » États-membres ayant moins de correspondants et leurs homologues des « anciens » et grands Etats-membres est un critère important dans le choix de ses collègues d’autres nationalités.

D’autres critères existent, le simple fait de partager une frontière commune ne constitute pas une condition suffisante pour initier une coopération, des affinitiés culturelles sont nécessaires.

De même, la grande taille du pays joue un double rôle : un plus grand nombre de correspondants à Bruxelles et des grands pays généralement considérés comme plus influents expliquent pourquoi « leurs » journalistes peuvent être considérés comme potentiellement des contacts utiles.

Les compétences linguistiques sont un facteur important de coopération. Les langues sont des outils de base de coopération. La sympathie personnelle et le hasard sont au total des facteurs qui influencent de manière décisive le choix de leurs partenaires de coopération.

Le double rôle des collègues étrangers

La coopération du corps de presse à Bruxelles est à la fois une nécessité matérielle et une conséquence très appréciée de la nature cosmopolite de l’UE permettant aux journalistes de comparer leurs points de vue et perspectives nationales afin d’obtenir une image plus équilibrée de l’entreprise complexe qui est de l’UE.

La coopération donne un nouvel éclairage sur le rôle que joue la presse à Bruxelles dans la formulation de l’information européenne :

  • Les collègues étrangers agissent souvent comme des experts, des informateurs nationaux n’impliquant aucune adhésion à la position gouvernementale de leur pays mais offrant leur point de vue potentiellement critique (et idéalement objectif) – l’une de ses principales valeurs ajoutées recherchées par leurs collègues.
  • Les collègues étrangers agissent comme des interprètes de leur opinion publique nationale, ils parlent aussi au nom de leurs publics, en expliquant quelles sont les opinions de leurs compatriotes sur les questions politiques. Cela n’est pas considéré comme de la spéculation, mais offre des informations contextuelles utiles à ceux qui connaissent les réalités de leur pays moins bien.

La valeur ajoutée de la coopération : une couverture plus équilibrée de l’actualité européenne, au moins partiellement européanisée

S’appuyer sur un collègue d’une autre nationalité pour compléter ses propres sources d’information est utile pour nuancer le caractère fortement ethnocentrique du discours présenté par les responsables politiques nationaux et passer ainsi d’un point de vue strictement national à quelque chose de plus équilibré, au moins avec une partie internationale.

Tenir compte des différents points de vue des pays est également utile pour politiser l’information européenne que la nature consensuelle a tendance à être exagéré par les différents services de communication des institutions européennes qui ont tendance à faire taire les désaccords Etats membres potentiels.

Last but not least, le recoupement des faits avec d’autres collègues étrangers va à l’encontre de la tendance générale des politiques nationales de rejeter constamment la faute de toutes les décisions impopulaires sur « Bruxelles » et d’autres Etats membres.

Ainsi, le corps de presse à Bruxelles se caractérise par des mécanismes de coopération intensive. Toutefois, le contact social et professionnel avec des collègues étrangers est toujours dominé par l’appartenance nationale et les pratiques de coopération transnationale ne se traduisent pas directement par plus de contenus transnationaux, les médias étant toujours dominés par les cadres essentiellement nationaux.

Quelles sont les clés du succès du lobbying des groupes d’intérêts au Parlement européen ?

Puisque l’information est souvent regardée comme la monnaie principale des groupes d’intérêt pour influencer les politiques publiques, Laura Andreea Baroni analyse – de manière assez inédite – les effets de l’information, qu’il s’agisse d’information technique « policy expertise » ou d’information politique « political intelligence », sur le succès du lobbying au Parlement européen dans « Information Supply and Interest Groups’ Success in the European Parliament ».

Fournir des informations techniques au Parlement européen, une condition indispensable du succès du lobbying

L’enquête démontre que la réalisation des préférences de groupes d’intérêt au Parlement européen est en partie attribuable à leur information davantage technique de leur lobbying par rapport à leurs adversaires.

Le projet de rapport du rapporteur, le rapport issu de la commission parlementaire, et le résultat final adopté en séance plénière ont tendance à refléter les préférences des acteurs qui donnent davantage d’informations techniques au Parlement européen.

Cela confirme d’une part, l’importance de la prise de décision fondée sur des données probantes, et d’autre part, la contribution positive des groupes d’intérêts dans l’élaboration des politiques grâce à leur expertise.

Fournir des informations politiques au Parlement européen, une condition parfois nécessaire mais jamais suffisante du lobbying

En revanche, la mise à disposition d’information politique influe sur les niveaux de réussite seulement au stade de projet de rapport, donc très en amont et son effet est inférieur à l’information technique.

Le niveau d’information des eurodéputés, même avec diverses sources, est déterminant

Contrairement aux attentes théoriques, il n’y a pas de corrélation entre besoin d’information ou source de l’information et influence des groups d’intérêts :

  • l’information des groupes d’intérêt n’a pas un effet plus important sur la réussite quand la demande d’information des eurodéputés est élevée ;
  • la disponibilité des informations techniques provenant d’autres sources n’influence pas l’effet de l’information des groupes d’intérêt sur les documents adoptés par les eurodéputés.

Autrement dit, l’effet de l’information technique est plus faible lorsque la disponibilité de ces informations provenant d’autres sources est faible. Les eurodéputés sont plus réticents à agir sur les informations reçues de groupes d’intérêts quand ils ne disposent pas d’informations suffisantes provenant d’autres sources institutionnelles.

Le niveau des ressources des groupes d’intérêts est indifférent

En outre, le nombre d’employés travaillant sur les affaires européennes – considéré comme un indicateur des ressources allouées au lobbying – n’affecte pas les niveaux de réussite des groupes d’intérêts.

Ces résultats suggèrent que le Parlement européen n’est pas biaisé en faveur des entreprises ou des groupes dotés de plus de ressources matérielles.

Au total, l’analyse empirique du succès du lobbying des groupes d’intérêt au Parlement européen se révèle particulièrement instructive : l’information technique « policy expertise » est plus efficace que l’information politique « political intelligence », d’autant plus si les sources institutionnelles informent également les eurodéputés.

Quels sont les chantiers qui attendent la communication européenne à la rentrée ?

Plus encore qu’auparavant, entre la future Commission et la nouvelle législature du Parlement européen, les attentes seront importantes et le rôle de la communication, sous toutes ses formes, jouera de fait un rôle politique de plus en plus prépondérant.

En vue de concilier l’efficacité de la communication et son objectivité, autrement dit la substance des décisions politiques et leur présentation au public, retour sur le dossier de l’été consacré aux futurs grands travaux de la communication européenne ?

 

Développer une capacité de communication de l’entité politique « Union européenne » 1/4

Le chantier le plus prioritaire, c’est évidemment de faire en sorte que l’Union européenne soit une puissance « communicante », c’est-à-dire que ce qu’elle a à dire au monde soit intelligible (un gros travail pour simplifier) et audible (un gros travail pour intéresser). Comment procéder ?

 

Développer une « gouvernance éditoriale », à savoir, le content mastering, le mail mastering et le community mastering 2/4

Le 2e chantier, là encore considérable – ce qui laisse voir le chemin parcouru, assez limité et la longue route qui reste à faire – porte sur toute la gouvernance éditoriale de l’UE, c’est-à-dire tout ce qui est conçu, écrit ou dit par les institutions européennes. Que devrait contenir ce contenu pas si facile à définir ?

 

Développer une formalisation de la politique de communication de l’UE 3/4

A force de ne pas faire les travaux de fondation, toute construction finit par s’effondrer, et logiquement c’est le risque qu’encoure la communication européenne à ne pas coucher dans un texte ayant un minimum de force contraignante. Encore faut-il savoir quoi inscrire dans le marbre ?

 

Développer une identité et une appartenance commune à un groupe professionnel de « communicateurs publics européens » 4/4

Dernier chantier, certains diront inutiles, et pourtant, le facteur humain est essentiel dans le succès de n’importe quelle entreprise. La professionnalisation et l’organisation de cette profession au sein d’un groupe cohérent et fluide, ce devrait être une préoccupation pour tout « communicateurs publics européens » en responsabilité. Mais, que faudrait-il au juste faire ?

Bonne lecture et bonne rentrée à tous.

Chantiers prioritaires de la communication européenne : développer une identité et une appartenance commune à un groupe professionnel de « communicateurs publics européens » 4/4

Avant la rentrée, Lacomeuropéenne propose une série d’été sur les chantiers prioritaires qui attendent la communication de l’UE…

La fluidité des échanges, condition indispensable pour une communication complexe

Parmi toutes les configurations possibles de communication entre un émetteur et un public, la communication européenne se distingue par sa complexité à la fois liée au multilinguisme et à l’échelle multi-niveau (local, national, européen) donc pluri-institutionnel (collectivités locales, Etats-membres et Union européenne).

Aussi, la fluidité de l’information sur les affaires européennes doit être un objectif prioritaire. Chacun au sein de l’écosystème de la communication européenne doit y jouer sa partition : les fonctionnaires, les parlementaires européens élus en France, les parlementaires nationaux, les journalistes européens, les fédérations professionnelles, les associations et les organisations non gouvernementales, les autorités administratives indépendantes, les associations d’élus locaux, les ministres, le Premier ministre et le Président de la République.

L’identité partagée, la reconnaissance professionnelle comme gage d’efficacité de la communication

Pour parvenir à fluidifier les échanges d’informations, et d’ailleurs parvenir à mener les autres chantiers de la communication de l’UE, les différents professionnels qui participent de cet exercice doivent se reconnaître comme membres d’une même communauté d’intérêt.

Bien davantage, ces « communicateurs publics européens » doivent participer à une saine émulation au sein de leur profession pour favoriser l’innovation et le perfectionnement en vue d’une meilleure communication européenne.

Evidemment, ce chantier apparaît comme plus accessoire et secondaire, mais des changements structurels permettant de durablement améliorer la communication européenne ne peuvent pas reposer uniquement sur de meilleurs outils, des intentions généreuses ou une impulsion politique.

Dernier chantier prioritaire, l’animation d’une dynamique professionnelle partagée par les « communicateurs publics européens » représente sur le long terme un gage solide d’efficacité.

Chantiers prioritaires de la communication européenne : développer une formalisation de la politique de communication de l’UE 3/4

Avant la rentrée, Lacomeuropéenne propose une série d’été sur les chantiers prioritaires qui attendent la communication de l’UE…

L’absence de norme contraignante, une fragilité préjudicielle

A ce jour, la base légale aux milliers de recrutements et aux millions de dépenses pour couvrir toutes les missions de communication des institutions européenne repose, on l’oublie trop souvent, sur un texte extrêmement fragile puisqu’il s’agit d’une simple déclaration politique sans effet contraignant.

Pour les temples de la norme et de la régulation juridique que sont la Commission et le Parlement, l’absence de formalisation de la politique de communication devrait être un motif sinon d’inquiétude du moins d’insatisfaction.

Il est plus que temps, compte tenu de l’importance des enjeux de reprendre le chantier de la formalisation de la politique de communication de l’UE.

Faut-il rappeler que la procédure d’adoption de la déclaration politique « Communiquer l’Europe en partenariat » aura été un exemple de rapidité et de concorde. Sans que n’ait été apporté d’amendement substantiel au texte de la communication de la Commission européenne, la future déclaration aura été très promptement adoptée en première lecture au Conseil de l’Union et votée également en première lecture par le Parlement européen.

Mais il faut aussi se rappeler que ce partenariat n’a finalement pris la forme que d’une déclaration politique, un cadre souple, souhaité par les Etats membre du Conseil, alors que la Commission proposait initialement que soit signé un Accord Interinstitutionnel, beaucoup plus contraignant en termes législatifs.

Pour un « Accord Interinstitutionnel sur la communication de l’UE »

Même si la négociation qui s’engage risque d’être longue et compliquée, il faut placer les différents acteurs, en particulier les Etats-membres devant leurs responsabilités. La communication de l’UE sera institutionnalisée ou ne sera pas.

Tandis que l’apport principal de la déclaration « Communiquer sur l’Europe en partenariat » aura été de formaliser le rôle et les attributions du Groupe Interinstitutionnel de l’Information (GII), l’Accord Interinstitutionnel, si l’on se donne de l’ambition, serait de lui donner des pouvoirs de décisions et des moyens de mettre en œuvre ses décisions.

Aujourd’hui, indépendamment des propres politiques de communication de chacune des trois institutions du partenariat et en respectant leur autonomie sur les moyens et instruments de leurs politiques d’information, le GII constitue un cadre dans lequel elles peuvent dialoguer et prendre des décisions sur un pied d’égalité et dans un environnement coopératif et non contraignant.

Demain, le GII aurait un rôle plus surplombant de définition de la politique commune de communication de l’UE que chaque institution serait chargée de mettre en œuvre dans une logique qui repose notamment sur la mutualisation des moyens autant que possible, notamment dans le cadre de campagnes de communication prioritaires pluriannuelles et paneuropéennes.

Quoiqu’il s’agisse d’une chantier chronophage et dont les résultats ont peu d’effets immédiats et de visibilité, la formalisation de la communication de l’UE constitue néanmoins une priorité dans une perspective de pérennisation et de légitimation de la communication européenne.