Archives mensuelles : mars 2012

Eurobaromètre : « Union européenne, journalistes et médias sociaux » : fantasmes et réalités des usages

De plus en plus, les services de presse des institutions européennes cherchent à exploiter les médias sociaux afin de s’adapter aux évolutions de l’exercice du métier de journaliste, à l’ère des médias sociaux. Basée sur des entretiens approfondis avec 5 journalistes de chacun des 27 États membres, l’étude menée auprès de 135 journalistes poursuit un double objectif :

  • d’une part, fournir des informations qualitatives détaillées sur les opinions, attitudes et pratiques des journalistes vis-à-vis des médias sociaux dans le cadre de leur travail ;
  • d’autre part, recueillir des informations précises sur les opportunités, modalités et efficacité d’une utilisation approfondie des médias sociaux par les institutions européennes.

Comment les journalistes utilisent-ils les médias sociaux ?

Au-delà des sources traditionnelles les plus couramment utilisées telles que les discussions avec des personnes, Internet et les agences de presse nationales et internationales, la plupart des journalistes interrogés utilisent les médias sociaux dans leur travail. Les sources les plus importantes sont sans conteste Facebook, Twitter, YouTube et les blogs.

La plupart des journalistes sont partagés quant à la question de savoir s’ils séparent leur utilisation professionnelle et privée des médias sociaux. Un grand nombre de journalistes appliquent une distinction, mais la majorité ne le fait pas, pour des raisons de facilité, d’authenticité (c’est plus crédible et naturel) et de commodité personnelle.

Pratiquement toutes les rédactions pour lesquelles les journalistes interrogés travaillent utilisent les médias sociaux. Mais, les journalistes de plus de deux tiers des États membres affirment que leur rédaction n’a pas de lignes directrices formelles sur la manière dont les médias sociaux doivent être utilisés.

Les journalistes sont divisés pratiquement à parts égales entre ceux qui pensent que les personnes qui contribuent aux médias sociaux sont à « l’avant garde de l’opinion publique » et peuvent influencer une majorité et ceux qui ne le pensent pas.

Activités réalisées pour leur travail à l’aide des médias sociaux :

  • rechercher des informations précises ;
  • se tenir informés de l’actualité d’une manière générale ;
  • identifier et approcher certaines personnes difficiles à trouver par ailleurs.

Avantages des médias sociaux par rapport aux médias plus traditionnels :

  • rapidité/accès instantané ;
  • accès plus facile à l’information ;
  • accès à une plus grande diversité de sources, de personnes et d’opinions.

Bilan :

  • Le principal usage des médias sociaux concerne le processus global de recherche de sujets d’actualité, de promotion de ces sujets et de collecte de réactions auprès du public.
  • Les médias sociaux sont perçus comme étant extrêmement utiles et faciles à utiliser. La seule préoccupation soulevée concerne la crédibilité et la fiabilité des informations.

Comment les journalistes conseillent-ils l’UE d’utiliser les médias sociaux ?

Sur un plan théorique, la majorité des journalistes apprécient les avantages effectifs ou potentiels liés à la communication de la Commission européenne par le biais des médias sociaux et sont ouverts à leur utilisation.

En pratique, un grand nombre de journalistes ont déjà acquis certaines habitudes de recherche d’informations par d’autres moyens et estiment que ces sources suffisent à leur usage.

Au total, plus de la moitié des journalistes savent que la Commission européenne utilise les médias sociaux, mais bien peu les pratiquent et ils se décideraient à davantage y recourir s’ils en retiraient un avantage supplémentaire.

Interrogés sur la manière dont la Commission européenne pourrait utiliser davantage et mieux les médias sociaux, les journalistes émettent une multitude de propositions :

  • modifier le ton et l’image de la communication,
  • améliorer le contenu des médias sociaux,
  • accroître la notoriété des activités de la Commission dans les médias sociaux,
  • augmenter la fréquence à laquelle les médias sociaux sont actualisés,
  • intensifier les interactions avec les journalistes,
  • renforcer les informations,
  • apporter une valeur ajoutée.

Lorsqu’elle s’adresse au grand public à travers les médias sociaux, la Commission européenne doit garder à l’esprit trois points essentiels :

  • l’identité du groupe cible auquel la Commission s’adresse et son utilisation ou non des médias sociaux ;
  • les informations doivent être pertinentes pour la vie des personnes avec lesquelles la Commission souhaite communiquer ;
  • le langage de la communication doit être clair et pas excessivement technique.

Dans la communication destinée à des groupes difficiles à atteindre, tels que les jeunes, les points les plus importants à garder à l’esprit sont que la communication doit être claire et concise et que les sujets présentés aux jeunes doivent être importants à leurs yeux.

La majorité des journalistes interrogés pensent que les médias sociaux peuvent être utilisés, mais expriment certaines réserves, notamment que les avis publiés dans les médias sociaux ne sont pas représentatifs de l’opinion publique dans son ensemble.

Bilan :

  • Un grand nombre de journalistes se montrent sceptiques à propos d’une intensification de l’utilisation des médias sociaux.
  • Le principal frein tient à ce que les journalistes jouissent déjà d’abondantes sources d’informations sur la Commission et jugent ces sources satisfaisantes.

Au final, l’Eurobaromètre sur l’Union européenne, les journalistes et les médias sociaux indique qu’une majorité des journalistes utilisera davantage les médias sociaux mais qu’une minorité utiliserait davantage les médias sociaux de l’UE, sous réserve d’une vraie plus-value.

Conflit d’interprétation sur la raison du retrait d’une vidéo controversée

La Commission européenne a déjà connu des polémiques quant à ses productions audiovisuelles (cf. le clip « Film Lovers will love this » vu près de 8,5 millions de fois et largement critiqué car composé de scènes d’amour issus de films financés par le programme européenne Media.

Pourtant, cette semaine, la Commission européenne a officiellement retiré une vidéo controversée « The more, the stronger » encore visible grâce à un screener réalisé par un journaliste. Au-delà de la communication de crise, les réactions à la suite du retrait font l’objet d’un conflit d’interprétation…

La raison « officielle » du retrait porte sur un problème de test exclusivement porté sur un public jeune

Le communiqué officiel signé par le Directeur général de la DG Élargissement justifie la diffusion de la vidéo en expliquant que la cible a laquelle la vidéo était destinée avait réagi positivement lors des tests de pré-lancement :

C’était un clip viral, ciblant à travers les réseaux sociaux, un public jeune (16-24) qui comprend l’intrigue et les thèmes des films d’arts martiaux et de jeux vidéo. Les réactions de ces publics ciblés ont en effet été positives, tout comme celles des focus groupes sur lesquels le concept avait été testé.

Cette analyse d’une erreur de test est confirmée sur Twitter par une communicante ayant débriefé en interne la polémique : « les principaux coupables : un focus groupe sur une seule cible (les jeunes), pas assez d’anticipation des réactions possibles ».

Edit : Sandra Cavallo, communicante au sein de la Commission européenne précise, en commentaire, que le débat où elle se trouvait ne constitue pas l’analyse officielle de l’UE. Il s’agissait juste d’une conversation dans le cadre d’une formation sur le suivi et l’évaluation de la communication qui était organisée peu de temps après les événements, et aucun de ceux présents étaient impliqués dans la production ou la diffusion de la vidéo.

Par ailleurs, dans l’article de EUObserver : « EU learns perils of viral communication », Peter Stano, le porte-parole de la DG Elargissement confirme l’analyse officielle : « il a indiqué que ceux qui n’étaient « pas visés comme le public cible » étaient ceux qui se plaignaient avec le plus de véhémence ».

La raison unanimement reprise dans les médias porte sur une lecture potentiellement raciste

Une revue de presse des réactions dans les médias en ligne indique une convergence d’analyse autour d’une possible lecture raciste de la vidéo :

  • Sur Flucuat.net : « L’incroyable clip censuré de l’Union européen en mode Kill Bill » : « en mettant en scène un affrontement entre continents et en usant d’une imagerie empruntée à Kill Bill (film américain de Quentin Tarantino), ce clip offre une étrange version du choc des civilisations, que la domestication finale et le slogan « Plus nous sommes nombreux, plus nous sommes forts » ne viennent pas arranger. »
  • Sur 24heures.ch : « Un clip de l’Union européenne retiré pour offense raciste » : « L’incroyable de cette histoire, c’est qu’il y a eu probablement plusieurs hauts-fonctionnaires bruxellois qui n’ont simplement rien vu d’offensant dans ces images. »
  • Sur BBC : « EU withdraws ‘racist’ video clip »
  • Sur The Guardian : « European commission criticised for ‘racist’ ad »
  • Sur hln.be : « Europa moet ‘racistische’ video intrekken »
  • Sur ElMondo.es : « El vídeo ‘racista e imperialista’ de la Unión Europea »
  • Sur DeMorgen.be : « Europa moet ‘racistische’ video intrekken »
  • Sur Adevarul.ro : « Uniunea Europeană retrage un videoclip considerat “rasist”. Vezi aici de ce »
  • Sur La Tribune de Genève : « Un clip de l’UE retiré pour offense raciste »
  • Sur Jeune Afrique : «UE : accusé de racisme, un clip de la Commission créé la polémique »
  • Sur L’Express : « Une vidéo de l’UE jugée raciste »
  • Sur CyberPress.ca : « Kill Bill, l’Europe et le choc des civilisations »
  • Sur Atlantico : « La vidéo « raciste » de la Commission européenne »
  • Sur Libération : « L’UE se prend les pieds dans le kung-fu »
  • Sur 20Minutes.fr : « La Commission européenne diffuse une vidéo jugée raciste avant de la retirer »
  • Sur FranceTV.fr : « La Commission européenne copie « Kill Bill » et est accusée de racisme »
  • Sur RTBF : « Une vidéo de l’UE sur l’élargissement jugée raciste retirée de la Toile »
  • Sur Europe1 : « Un clip de l’UE jugé raciste retiré »

Quoique la Commission européenne ait reconnu qu’il y avait un problème avec la vidéo controversée en choisissant de la retirer ; la divergence d’interprétation avec les médias sur la raison du retrait montre que la Commission reste sourde à l’accusation d’absence de clairvoyance quant à la potentielle lecture raciste de la vidéo.

Comment la DG Elargissement à gérer sa communication de crise face aux critiques d’une vidéo ?

Quelques jours après la sortie d’une vidéo « So similar, so different, so European » unanimement saluée, la Direction générale à l’Elargissement vient de s’excuser et retire une autre vidéo « The more, the stronger » largement critiquée, notamment dans la presse britannique. Retour sur la communication de crise…

La crise : vives critiques d’une vidéo inspirée de Kill Bill sur l’élargissement

Plutôt mal accueillie dans le milieu européen, la vidéo publiée par la DG Elargissement s’inspire de Kill Bill. Destinée à encourager de nouveaux pays à adhérer à l’UE, le scénario consiste à montrer une jolie femme blanche vêtue d’une combinaison jaune vif (qui représente une Europe pacifique) qui réussit à calmer trois agresseurs costauds vêtus de tenues stéréotypées (qui sont censés représenter les pays non européens).

Le Daily mail publie ce matin un article exhaustif « Just what is the EU doing making this video? Accusations of racism over ‘propaganda’ film showing white woman facing ethnic minority ‘attackers’ » des critiques publiées dans les commentaires sur Youtube : « La vidéo est stigmatisée comme raciste, sexiste et impérialiste par les internautes You Tube qui l’ont regardé plus de 3000 fois ».

La gestion de crise : retrait de la vidéo et communiqué d’excuses

Face à ces critiques relayées sur Twitter dans la matinée, la DG Elargissement décide de retirer la vidéo et publie un communiqué signé du directeur général pour « regretter que le clip ait été perçu comme raciste » et « s’excuser auprès de tous ceux qui ont pu se sentir offensé ».

Il s’agissait d’un clip viral ciblant un public jeune (16-24 ans) à travers une diffusion dans les réseaux sociaux en détournant les codes de leurs univers, les films d’arts martiaux et les jeux vidéo. Les réactions furent d’ailleurs positives lors des focus groupes de test. Ces partis-pris avaient été choisi pour attirer les jeunes et augmenter leur curiosité sur une politique importante de l’UE.

Ainsi, la communication de crise de la DG Elargissement par la rapidité de réaction et la diffusion ciblée via Twitter semble plutôt bien gérée. Reste le prix élevé de toute l’opération, tant au niveau budgétaire qu’en termes d’image.

Année européenne du vieillissement actif : comment la communication caricature les seniors ?

Pour la 2e fois – ce qui est inédit depuis la création des Années européennes en 1983 – les « seniors » font l’objet d’une attention particulière : après l’Année européenne des personnes âgées et de la solidarité entre les générations en 1993, place à l’Année européenne du vieillissement actif et de la solidarité intergénérationnelle en 2012 (cf. timeline des Années européennes). L’enjeu de la place et du rôle des plus de 65 ans dans la société et l’économie est effectivement important en Europe. Dommage qu’il soit gâché par une communication caricaturale…

Qu’est-ce qu’un senior ? Comment le représenter ?

Selon l’Eurobaromètre spécial 378 « Vieillissement actif » publié en janvier 2012, les définitions entre « jeune » et « vieux » diffèrent selon les pays. En moyenne, les Européens croient que les gens commencent à êtres considérés comme vieux juste avant 64 ans et ne sont plus considérés comme jeune dès l’âge de 42 ans.

La question de la représentation de la population des plus de 65 ans est un défi pour toute communication qui veut aider à ne plus percevoir les personnes âgées comme un fardeau pour la société et qui met en valeur les potentiels et les opportunités plutôt que les limites et les obstacles.

« Il n’est jamais trop tard pour… » : la communication caricaturale de la Commission européenne

Les outils promotionnels de la campagne de communication officielle de l’Année européenne du vieillissement actif interpellent tant leur volonté de changer les perceptions que par leur respect du politiquement correct. Certains visuels caricaturent des seniors en pleine régression infantile :

Par ailleurs, le site officiel de l’Année européenne 2012 est particulièrement pauvre en contenus. Alors que l’intention de « mettre l’accent sur les exemples de personnes âgées qui aident les jeunes et renforcent les liens entre générations » figure dans la brochure institutionnelle, aucun des « récits intergénérationnels où puiser l’inspiration » n’est visible en ligne.

site_annee_europeenne_vieilllissement_actif

Au total, la question de l’efficacité des Années européennes en tant que campagne de sensibilisation est de nouveau posée en 2012.