Archives mensuelles : janvier 2008

Contre-point au point de vue de Laurent Wauquiez sur la « nouvelle communication politique » : le « storytelling » selon Christian Salmon

Dans la réflexion contemporaine sur la communication politique, Christian Salmon propose un éclairage différent du point de vue de Laurent Wauquiez avec le storytelling ou comment « l’art de raconter des histoires » devient l’art de « formater les esprits »…

Dans un article publié dans la revue Commentaire – que nous avons résumé ici – Laurent Wauquiez considère qu’avec « l’ère de la transparence » créée par les nouveaux médias, le pouvoir ne peut plus maintenir une gestion asymétrique de la parole : ce serait la fin du machiavélisme.

Ainsi, pour Laurent Wauquiez, l’homme politique doit adopter « une posture d’écoute et d’ouverture » sur « le terrain » pour laisser toute sa place à l’interactivité et oxygéner le débat avec des idées nouvelles.

Pour Christian Salmon, auteur de l’essai Storytelling* – dans le prolongement des réflexions de Jean Baudrillard, dès 1995, dans un article intitulé « Aux larmes, citoyens ! » – en lieu et place de la vieille « raison cynique » serait apparue une « raison sentimentale ».

Ainsi, comme il l’affirme dans une tribune « Serial President » publiée le 19 Janvier 2008 dans Le Monde se dessinerait peu à peu « une forme nouvelle de la realpolitik à l’âge d’Internet et des nouveaux médias, une « realpolitik des émotions » qui pousse les hommes politiques à faire un usage stratégique de leur vie privée ».

Quelles sont alors les marges de manœuvre de la communication politique aujourd’hui ?

* Tandis qu’auparavant l’art de la fiction était un art littéraire de distraction, le storytelling exploite la crédulité publique et conduit à une décrédibilisation du discours politique.

Regards croisés à l’échelle française et communautaire : quelle place pour la publicité dans l’audiovisuel ?

La télévision est notre première source d’information et de divertissement. Chacun d’entre nous passe en moyenne trois heures par jour à regarder les actualités, le sport, des films et d’autres programmes.

Le secteur de l’audiovisuel représente plus d’un million d’emplois dans l’UE. De gros intérêts commerciaux y sont liés, ainsi que des questions de diversité culturelle, de service public et de responsabilité sociale.

Chaque gouvernement mène sa propre politique audiovisuelle, tandis que l’Union définit les règles de concurrence : deux positions qui peuvent expliquer les différences de perspectives entre les enjeux français et communautaire…

En France

Vif débat depuis la conférence de presse, le 8 janvier, du président de la République autour de la suppression brutale et définitive annoncée sur les chaînes du service public de l’audiovisuel.

Quel serait l’objectif principal des pouvoirs publics :

  • redéfinir le cahier des charges afin de préserver l’« exception culturelle » de la France ?
  • protéger les téléspectateurs de l’invasion de la publicité commerciale, au moins sur l’audiovisuel public ?
  • libérer les chaînes publiques de la pression de l’audimat ?
  • assurer un financement par l’impôt (certain) plutôt que par les annonceurs (incertain) ?

A l’échelle communautaire

En décembre dernier, les Etats membres ont adopté la directive « Services de médias audiovisuels sans frontières » dont l’objectif principal est de moderniser la publicité.

Le texte prévoit de créer un échange constructif entre une obligation fondamentale de respecter des obligations (notamment la protection des mineurs et de la dignité humaine), une incitation à améliorer l’accessibilité pour les personnes souffrant de déficiences visuelles ou auditives et une plus grande souplesse de financement de contenus audiovisuels au moyen de nouvelles formes de communication commerciale : assouplissement pour insérer de publicités ou placer des produits dans les programmes.

Communication politique sur l’Europe : le choc des pratiques

L’actualité politique de la semaine est dominée par la procédure de ratification du traité de Lisbonne. En toile de fond se prépare la présidence française de l’UE et se cache un autre enjeu, la nomination de personnalités aux futurs postes clés…

Le décryptage de ces différentes séquences montre un choc des pratiques entre l’attitude française et la vie communautaire…

Sur la procédure de ratification

Alors que dans les 27 États membres, la procédure de ratification avance progressivement, la France se distingue par l’ampleur des controverses partisanes. A gauche, la stratégie de communication des socialistes est dominée par l’indétermination d’une position : boycott, abstention, vote… A droite, la stratégie semble marquée par un effet de diversion sarkozyste avec l’invitation de Tony Blair à l’UMP.

Sur le fond, les citoyens s’interrogent d’une part sur l’opportunité d’une procédure parlementaire plutôt que référendaire et d’autre part sur les changements entre le projet de constitution et le traité de Lisbonne, sans obtenir de réponses convaincantes.

Sur la définition des priorités des priorités de la Présidence française de l’UE

Comme en politique intérieure, la communication du président de la République est dominée par les effets d’annonce afin selon lui de doter l’Europe d’une politique de l’immigration, de la défense, de l’énergie et de l’environnement.

Cette démarche irrite nos partenaires européens, au point que le chroniqueur du Monde Thomas Ferenczi parle d’« Outrecuidance française » et passe sous silence les efforts laborieux entrepris pour avancer quotidiennement avec les institutions communautaires sur ces dossiers de fond.

Sur la nomination des postes clés

Une fois le traité de Lisbonne adopté par les 27, trois postes seront à pourvoir : le président du conseil, nommé pour deux ans et demi, le haut représentant pour les affaires étrangères et le président de la Commission européenne.

Là encore, Paris espère organiser les nominations aux postes-clés en avançant ouvertement ses pions, alors que comme le signale Janez Jansa, le chef du gouvernement slovène : « Les choix à faire seront très sensibles (il est nécessaire de trouver un équilibre entre les grands et les petits États membres et entre les conservateurs et les socialistes), le mieux est d’en parler le plus tard possible ».

Le point de vue de Laurent Wauquiez sur la communication politique aujourd’hui

Face à l’omniprésence de la communication, qui semble caractériser la politique depuis l’élection de Nicolas Sarkozy, Laurent Wauquiez, porte-parole du gouvernement, s’interroge dans la revue Commentaire de cet hiver (N°120) pour savoir si « derrière de simples changements de technique politique » ne se joue pas « en réalité une mutation profonde de notre démocratie ».

Contestant l’idée que la pratique politique contemporaine aurait sombrer dans la communication face à une période ancienne où la politique aurait été dans l’action, Laurent Wauquiez apporte une démonstration historique que la communication politique est une tension permanente entre la parole politique, fruit d’une aspiration à la vérité et de l’habilité sophistique ou démagogique et le secret.

  • La Grèce serait ainsi à la fois le berceau des joutes oratoires et le lieu du secret mystique lié au sacré ;
  • Machiavel aurait enseigné la pratique de la vérité et de l’artifice ;
  • Louis XIV aurait pratiqué à la fois la représentation de la Cour et le secret d’Etat ;
  • La IIIe République aurait été le régime de l’éloquence parlementaire et du secret de la conquête coloniale ;
  • De Gaulle aurait été à la fois l’homme de l’ORTF et des négociations secrètes sur l’indépendance de l’Algérie…

Mais alors, qu’y aurait-il de nouveau aujourd’hui ? Avec les chaînes d’information en continu, les blogs et les Wikis sur Internet… nous entrons dans « l’ère de la transparence ». En politique, le secret est dorénavant impossible : « le politique est en permanence dans l’œil des médias ».

Par ailleurs, les citoyens n’ont jamais été autant informés (même si la « mal info » renforce la confusion) et leur désir d’interaction n’a jamais été aussi fort.

Ainsi, Laurent Wauquiez établit comme un fait que le pouvoir ne peut plus maintenir une gestion asymétrique de la parole : ce serait la fin du machiavélisme, davantage par nécessité que par vertu…

Comment le politique peut-il alors retrouver des marges de manœuvre dans sa communication ? Comment faire entendre sa voix – sans craindre « la dictature de la formule » qui réduit le discours à des mots – pour faire émerger une ligne politique ?

Il convient pour le politique de se recréer des espaces d’action, notamment au travers de la gestion de son calendrier pour imposer ses propres problématiques aux médias.

Le politique doit également favoriser la hiérarchisation des informations pour éviter que les citoyens se transforment en consommateur d’information.

Dans les réformes, la communication doit être engagée très en amont afin de suivre le schéma suivant :

  • lancer la réflexion en produisant un Livre Vert rassemblant les pistes de réflexion des experts ;
  • soumettre à consultation publique par le biais d’Internet afin de connaître les avis des citoyens ;
  • rédiger un Livre Blanc contenant des propositions concrètes, inspirées des apports précédents et donc issues du dialogue et de la négociation ;
  • discuter au Parlement et laisser la décision finale au chef de l’exécutif.

Le politique doit adopter « une posture d’écoute et d’ouverture » sur « le terrain » afin d’être un véritable accoucheur d’idées.

Il faut laisser toute sa place à l’interactivité pour que les citoyens participent à la décision politique.

Afin d’éviter le morcellement de la société en tribu communautaire, le politique doit créer du lien (et donc adapter sa communication à sa cible) pour concilier les intérêts et faire émerger l’intérêt général.

Face au déclin des idéologies, le politique doit « oxygéner le débat avec des idées nouvelles » et explorer des territoires entachés par le confort des tabous ou l’immobilisme.

Conclusion : Reste avec la pratique quotidienne une manière de trouver une voie pour que cette nouvelle communication ne stérilise pas l’action et ne se résume pas par le triomphe du politiquement correct.

Préparation de la Présidence française de l’UE : le Secrétariat général de la présidence française du Conseil de l’Union européenne (SGPFUE) s’organise…

Mission : programmer toute la logistique de la présidence française de l’UE pendant 6 mois. Budget: 190 millions d’euros. Moyens humains: 22 personnes. La présidence portugaise – au 2nd semestre 2007 – employait à titre de comparaison plus de 70 permanents… Responsable : Claude Blanchemaison, ancien ambassadeur. Moyens techniques : Deux immeubles éloignés pour une même équipe : l’un rue La Pérouse, près de l’Etoile, l’autre rue de Lille, dans le quartier des ministères…

Les actions organisées par le SGPFUE

A la lecture du rapport du Sénat sur le budget de la PFUE :

ACTION n°1 : Activités obligatoires et traditionnelles de la Présidence (46,8 % du budget)

Cette action regroupe toutes les manifestations imposées par le calendrier européen :

  • 2 Conseils européens ;
  • 4 sommets entre l’UE et des pays tiers ;
  • l’ensemble des conseils des ministres à Bruxelles et Luxembourg ;
  • une vingtaine de réunions informelles entre les ministres des 27.

ACTION n°2 : Manifestations correspondant à l’initiative propre de la Présidence française (43,2 % du budget)

Financement des manifestations ou événements, correspondant à des initiatives de la France pendant son semestre de présidence, ainsi qu’à des manifestations labellisables « Présidence française de l’Union européenne » envisagées par les différents ministères.

  • 150 manifestations prévues dans toute la France pendant six mois (le Grand Débat dans les villes françaises évoqué par Jean-Pierre Jouyet, mais aussi le dîner du 14-Juillet organisé à l’Élysée avec les chefs d’État et de gouvernement, les états généraux du plurilinguisme, un colloque sur la biodiversité ou une conférence ministérielle sur les Droits de l’homme…) ;
  • une quarantaine de manifestations publiques organisées par les différents ministères (à l’heure actuelle, tous les budgets seraient débloqués ; chaque ministère s’est engagé à faire un point mensuel sur l’avancée des manifestations) ;
  • Nombreux partenariats privés-publics pour organiser des actions labellisées, notamment avec des ONG ou des grandes entreprises (la CPCA, Conférence Permanente des Coordinations Associatives a rencontré Jean-Pierre Jouyet, Areva sera probablement un partenaire financier…).

ACTION n°3 : Activités interministérielles (10 % du budget)

Il s’agit de dépenses interministérielles correspondant à des « biens collectifs » : les frais de fonctionnement du SGPFUE, la communication, les accréditations et les frais de représentation de la Présidence.

L’organisation du SGPFUE

Les collaborateurs du SGPFUE ont été répartis sur neuf pôles : questions financières, justice et immigration, société civile, éducation et recherche, collectivités territoriales, écologie et développement durable, culture, questions agricoles et questions sociales.

Actuellement, ils sont chargés de planifier les actions envisagées : il s’agit d’organiser les différentes actions et de coordonner les initiatives des différents acteurs publics ou privés…

Pendant la présidence, ils seront chargés de coordonner les rendez-vous thématiques. Dans l’idéal, ils devraient être présents partout sur le terrain.

Trois ou quatre mois après la fin de la présidence français, le SGPFUE disparaîtra après avoir rédigé quelques rapports d’exécution et réglé les dernières factures.

Les principaux points noirs du SGPFUE

A la lecture de l’article de MSC Info :

Une structure créée tardivement et faiblement dotée : le SGPFUE a été créé seulement en juin 2007. Seuls 22 personnes entourent le secrétaire général.

Une préparation ralentie par les élections françaises du printemps 2007 : les priorités de la PFUE n’ont été connues que fin août lors de la conférence des ambassadeurs…

Un site Internet, en cinq langues, avec une équipe éditoriale de cinq à dix personnes à lancer dans les 6 prochains mois, en intégrant un maximum de vidéos…

1000 fonctionnaires à former (800 fonctionnaires des ministères directement impliqués et plus de 200 personnes de la Représentation permanente de la France à Bruxelles)… Pour les former, une journée de sensibilisation est organisée tous les mois, depuis mars. Elle est axée autour de quatre thèmes: l’enjeu de la présidence, les relations entre Conseil, Parlement et Commission, le rôle du Parlement européen, et les aspects logistiques.

Un logo à choisir : un appel d’offres a été lancé l’été dernier pour choisir le logo de la présidence française, Nicolas Sarkozy ne semble toujours pas avoir arrêté son choix. L’appel d’offres a été doté de 60 000 €.

Rattrapés par les autres : Les Suédois en sont au même point dans leur préparation, alors que la Suède présidera le Conseil de l’UE un an après la France. Quant aux Tchèques, qui succéderont à la France, ils ont déjà un slogan «L’Europe sans barrière» et un calendrier de leurs événements.

Un temps de travail amputé : sur les 6 mois de la Présidence, en août, aucune session ne se tient à Strasbourg et l’activité gouvernementale tourne au ralenti. Quant au mois de décembre, tout le monde sera uniquement préoccupé par la tenue du Conseil européen. Il faut donc concentrer plus de 150 réunions en quatre mois et demi.