Face à l’omniprésence de la communication, qui semble caractériser la politique depuis l’élection de Nicolas Sarkozy, Laurent Wauquiez, porte-parole du gouvernement, s’interroge dans la revue Commentaire de cet hiver (N°120) pour savoir si « derrière de simples changements de technique politique » ne se joue pas « en réalité une mutation profonde de notre démocratie ».
Contestant l’idée que la pratique politique contemporaine aurait sombrer dans la communication face à une période ancienne où la politique aurait été dans l’action, Laurent Wauquiez apporte une démonstration historique que la communication politique est une tension permanente entre la parole politique, fruit d’une aspiration à la vérité et de l’habilité sophistique ou démagogique et le secret.
- La Grèce serait ainsi à la fois le berceau des joutes oratoires et le lieu du secret mystique lié au sacré ;
- Machiavel aurait enseigné la pratique de la vérité et de l’artifice ;
- Louis XIV aurait pratiqué à la fois la représentation de la Cour et le secret d’Etat ;
- La IIIe République aurait été le régime de l’éloquence parlementaire et du secret de la conquête coloniale ;
- De Gaulle aurait été à la fois l’homme de l’ORTF et des négociations secrètes sur l’indépendance de l’Algérie…
Mais alors, qu’y aurait-il de nouveau aujourd’hui ? Avec les chaînes d’information en continu, les blogs et les Wikis sur Internet… nous entrons dans « l’ère de la transparence ». En politique, le secret est dorénavant impossible : « le politique est en permanence dans l’œil des médias ».
Par ailleurs, les citoyens n’ont jamais été autant informés (même si la « mal info » renforce la confusion) et leur désir d’interaction n’a jamais été aussi fort.
Ainsi, Laurent Wauquiez établit comme un fait que le pouvoir ne peut plus maintenir une gestion asymétrique de la parole : ce serait la fin du machiavélisme, davantage par nécessité que par vertu…
Comment le politique peut-il alors retrouver des marges de manœuvre dans sa communication ? Comment faire entendre sa voix – sans craindre « la dictature de la formule » qui réduit le discours à des mots – pour faire émerger une ligne politique ?
Il convient pour le politique de se recréer des espaces d’action, notamment au travers de la gestion de son calendrier pour imposer ses propres problématiques aux médias.
Le politique doit également favoriser la hiérarchisation des informations pour éviter que les citoyens se transforment en consommateur d’information.
Dans les réformes, la communication doit être engagée très en amont afin de suivre le schéma suivant :
- lancer la réflexion en produisant un Livre Vert rassemblant les pistes de réflexion des experts ;
- soumettre à consultation publique par le biais d’Internet afin de connaître les avis des citoyens ;
- rédiger un Livre Blanc contenant des propositions concrètes, inspirées des apports précédents et donc issues du dialogue et de la négociation ;
- discuter au Parlement et laisser la décision finale au chef de l’exécutif.
Le politique doit adopter « une posture d’écoute et d’ouverture » sur « le terrain » afin d’être un véritable accoucheur d’idées.
Il faut laisser toute sa place à l’interactivité pour que les citoyens participent à la décision politique.
Afin d’éviter le morcellement de la société en tribu communautaire, le politique doit créer du lien (et donc adapter sa communication à sa cible) pour concilier les intérêts et faire émerger l’intérêt général.
Face au déclin des idéologies, le politique doit « oxygéner le débat avec des idées nouvelles » et explorer des territoires entachés par le confort des tabous ou l’immobilisme.
Conclusion : Reste avec la pratique quotidienne une manière de trouver une voie pour que cette nouvelle communication ne stérilise pas l’action et ne se résume pas par le triomphe du politiquement correct.