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Succès incidentiel d’une initiative citoyenne européenne : vers un lobbying citoyen ?

Alors que l’initiative citoyenne européenne célébrait récemment sa 1e année dans une relative indifférence, la décision ce week-end de la Commission européenne de retirer l’eau de sa future directive sur les concessions donne un nouvel éclairage sur cette innovation participative européenne…

1e initiative citoyenne européenne toujours en cours à influer une décision de la Commission européenne

Seule initiative citoyenne européenne à parvenir à rassembler plus d’un million de signatures de citoyens en moins d’un an (1 472 811 à ce jour), « l’eau, un droit humain » (right2water.eu) est pourtant une démarche formellement menacée pour ne pas avoir collectée les quotas minimum dans certains pays de l’UE.

right2water

Bousculant les procédures (la validation formelle de l’initiative citoyenne européenne et la formalisation d’une réponse par la Commission européenne), le Commissaire Michel Barnier s’offre un joli coup de comm’ en annoncant ce week-end qu’il retire le « domaine de l’eau du cadre de la directive sur les concessions » actuellement en préparation par ses services.

Les initiatives citoyennes européennes : des outils de lobbying citoyen ?

Cette réaction prématurée de la Commission, afin de montrer que l’institution est à l’écoute des citoyens, renouvelle les cadres d’interprétation sur ce que l’initiative citoyenne européenne peut apporter à la démocratie européenne.

Dans l’indétermination de l’initiative citoyenne européenne entre un nouveau pouvoir d’interpellation entre les mains des citoyens ou un autre pouvoir détenu par la Commission européenne pour instrumentaliser sa relation avec les citoyens, la récente décision de la Commission européenne ne renverse pas la table :

  • D’une part, la Commission européenne confirme qu’elle maîtrise intégralement la procédure jusqu’à ce coup de théâtre qui démontre à contrario que l’initiative citoyenne européenne est sans doute trop lente et trop lourde pour être dans le bon tempo des décisions ;
  • D’autre part, la mobilisation massive des citoyens autour d’une idée basique (l’eau est un bien public et un droit humain) indique qu’une pression puissante de la société ne peut pas rester sans réponse, même si les formes de l’initiative ne sont pas forcément les meilleures voies d’expression.

Au total, le 1e succès d’une initiative citoyenne européenne lié à une réaction conforme à la Commission européenne – en dépit d’une procédure qui justifie plus que jamais une réforme – confirme que le lobbying citoyen est en marche.

L’initiative citoyenne européenne est-elle un instrument de « démocratie directe » ?

L’initiative citoyenne européenne fête son 1er anniversaire. Plutôt que disserter sur les nombreuses « imperfections » techniques, qui ne seront de toute façon pas corrigées avant l’évaluation prévue en 2015, il faut s’interroger sur l’apport démocratique. S’agit-il vraiment d’un instrument de « démocratie directe » ?

De manière schématique, il faut distinguer entre le meilleur et le pire de la « démocratie directe » : la démocratie directe, c’est à la fois le mythe autogestionnaire et les pleins pouvoirs par les urnes.

Du côté du meilleur, l’initiative citoyenne est une innovation positive en matière de démocratie participative. Les citoyens participent à la décision publique européenne, qui complète avec intérêt, quoique de manière réduite, l’action politique traditionnelle du vote dans le cadre de la démocratie représentative.

Du côté du pire en matière de démocratie directe, c’est l’exercice d’une pression plébiscitaire sur les peuples que semble reprendre l’initiative citoyenne qui rappelons-le se contente de la dimension pétitionnaire. Seule une solution est soumise aux citoyens, sans aucun débat sur les orientations prescrites.

D’une certaine manière, cette ambiguïté d’un outil de démocratie directe pour le moins imparfait, on la retrouve dès la conception puisque l’initiative citoyenne européenne n’a ni été voulue par les citoyens ni soutenue par les organisations non gouvernementales de la société civile promouvant la démocratie.

Au total, l’initiative citoyenne européenne est un peu au milieu du gué.

Par son appel à la souscription des citoyens, l’initiative citoyenne européenne dispose d’un potentiel de légitimation renforcée de la démocratie européenne mais justement par le fait qu’il ne s’agit pas d’une délibération au sens où les citoyens auraient à juger entre des propositions contradictoires, l’innovation est un peu courte pour en faire un instrument de démocratie directe pleinement satisfaisant.

Quel bilan pour l’initiative citoyenne européenne après 1 an ?

C’est le 1er avril 2012 que l’initiative citoyenne européenne – ce nouveau droit pour les citoyens européens – est entrée en vigueur. Que faut-il retenir de cette année d’expérimentation démocratique européenne ?

Paradoxes de la naissance de l’initiative citoyenne européenne

L’initiative citoyenne européenne est née avec un double paradoxe intéressant :

Bien que l’initiative citoyenne soit l’objet d’un éloge public quasi unanime en tant que dispositif important pour la démocratisation de l’UE, la plupart des acteurs influents sont sceptiques quant à ses effets potentiels sur les affaires européennes ;

Bien que l’initiative citoyenne vise à habiliter un grand nombre de citoyens à participer aux affaires européennes, le projet n’a pas été le résultat d’une mobilisation active des citoyens, mais de l’efficacité de quelques conventionnels, lors de la Convention sur le projet de constitution européenne.

Ces deux paradoxes sont remarqués par Louis Bouza Garcia dans « Anticipating the Attitudes of European Civil Society Organisations to the European Citizens’ Initiative: Which Public Sphere may it Promote? »

Intentions initiales de l’initiative citoyenne européenne

Malgré les insuffisances initiales d’un projet ni voulu par les citoyens ni soutenu par les organisations non gouvernementales, l’initiative citoyenne pourrait néanmoins apporter une contribution pertinente :

  • D’une part, il s’agit incontestablement d’un pas de plus de l’activisme de l’UE dans la lutte contre des accusations de déficit démocratique par la promotion d’une innovation participative complétant la démocratie représentative ;
  • D’autre part, il s’agit éventuellement d’une possibilité de permettre aux groupes organisés, qui ont de plus en plus investis attention, temps et ressources dans les affaires européennes d’influencer la processus de prise de décision politique de l’UE.

Bilan statistique après 1 an : 14 initiatives citoyennes européennes en cours et une seule en voie de succès

A défaut d’une véritable concurrence entre les organisations de la société civile européenne et d’une profonde politisation des affaires européennes au sein des sociétés européennes, les quelques initiatives citoyennes européennes actuellement en cours parviennent difficilement à remplir leur objectif du million de signatures.

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Sur 14 initiatives citoyennes européennes actuellement en cours (5 ont déjà abandonnés), seule le projet de « faire de l’eau et de l’assainissement un droit humain et un bien public » est parvenu à récolter plus d’un million de signatures. Toutes les autres sont largement en retard et sauf surprise ne devraient pas y parvenir.

Assistance technique de la Commission à la mise en œuvre des initiatives citoyennes européennes

Un budget d’un million d’euros semble avoir été négocié par la Commission européenne auprès du Parlement européen pour faciliter la mise en œuvre des initiatives citoyennes européennes (cf. page 7).

Ces crédits permettraient de se doter « de systèmes de collecte en ligne d’hébergement et d’accès aux plates-formes de logiciels pré-installés afin de permettre aux organisateurs de recueillir les déclarations de soutien en ligne » et « également de couvrir les coûts liés à un service d’assistance pour des problèmes techniques ou des « kits de démarrage » pour les organisateurs ».

Au total, le bilan des initiatives citoyennes européennes est en demi-teinte : tandis que l’année écoulée ne permet pas de conclure à un franc succès, l’assistance technique en répondant aux besoins des organisateurs pourrait débloquer certains obstacles. Cela suffira-t-il ?

Initiative citoyenne européenne : comment renforcer le pouvoir des citoyens ?

Pendant le mandat de Margot Wallström, l’UE s’est lancée dans de nombreuses innovations démocratiques avec des expérimentations délibératives transnationales. A défaut d’en tirer des leçons pour les inclure dans le système politique européen, l’initiative citoyenne européenne d’inspiration plébiscitaire a été institutionnalisée. Comment compléter la mécanique pétitionnaire/plébiscitaire avec de la démocratie délibérative/participative ?

Quelle légitimité démocratique pour les initiatives citoyennes européennes ?

Il est à craindre – compte tenu des contraintes liées à la collecte d’un million de signatures dans un minimum de 7 États-membres en un an – que les initiatives citoyennes européennes qui réussissent tendent à représenter les intérêts d’organisations déjà existantes.

La pratique des initiatives citoyennes européennes risque de réaliser une forme faible de participation citoyenne :

Quoique l’impact sur l’agenda institutionnel de l’UE soit limité puisque la Commission conserve la faculté de négliger une initiative, les organisations représentant des intérêts seront toujours plus mobilisées que les citoyens de base.

L’expérience des pétitions en Californie où le seuil du million de signatures est exigé prouve la dérive au profit d’organisations capable de dépenser le million de dollars nécessaire au succès.

Il n’y a pas de « citoyen mythique » qui pétitionnerait et s’auto-organiserait. La participation des citoyens sera donc canalisée par des organisations disposant de moyens puissants.

De plus, le terme même d’initiative est trompeur. Quoique confondu avec les référendums, les initiatives dans le langage courant signifient que les citoyens peuvent soumettre à un vote une mesure législative ou un amendement constitutionnel dans une forme de démocratie directe.

Avec l’initiative citoyenne européenne, seule la dimension « pétitionnaire » est conservée. La capacité de peser sur les formes traditionnelles de prises de décision n’existe pas, puisqu’il n’y a pas d’effet disciplinaire/obligatoire/contraignant sur les acteurs publics européens.

Enfin, sous l’angle du débat public que peuvent générer les initiatives citoyennes européennes, là encore il ne s’agit pas d’un débat contradictoire argumenté entre plusieurs solutions comme lors d’un vote mais plutôt d’une campagne unidirectionnelle en faveur d’une préconisation, ce qui en limite grandement la dimension civique/éducative auprès du grand public et ne permet de connaître la mobilisation contraire que pourrait soulever l’initiative.

Au total, la légitimité démocratique des initiatives citoyennes européennes peut être mise en doute.

Quel complément délibératif pour accroitre la légitimité démocratique des initiatives citoyennes européennes ?

Graham Smith dans “Trans-national democratic innovation in the European Union: Flirting with deliberative and plebiscitary design” formule une proposition séduisante, tirant les leçons des expérimentations menées sous le mandat de Margot Wallström.

Toute proposition d’initiative citoyenne européenne qui aurait atteint les prérequis se verrait soumise à un forum délibératif européen constitué par un échantillon représentatif de citoyens européens qui devraient considérer le sujet en question.

Cela pourrait prendre la forme d’un sondage délibératif transnational qui permettrait de dégager des préférences claires ou alors une assemblée de citoyens plus institutionnalisée qui se réunirait pour mener un « mini débat public ».

La Commission européenne – ainsi que le grand public européen – disposerait ainsi d’un jugement représentatif de la diversité des perspectives et des solutions. L’initiative citoyenne européenne aurait alors une force normative plus significative et plus légitime.

Au total, les initiatives citoyennes européens actuelles proposent une manière de réaliser la citoyenneté transnationale, qui faute de légitimité ne peut parvenir à répondre au déficit démocratique de l’UE.

Bien que les initiatives citoyennes européennes sont susceptibles d’avoir un impact sur le processus de prise de décision de l’UE, leur absence de légitimité faut d’une véritable délibération des citoyens indique que les élites politiques européennes semblent craindre de confier un engagement complet des citoyens à l’échelle européenne.

Il n’est pas clair que les initiatives citoyennes européennes dans leur forme actuelle représentent un boulevard participatif pour les citoyens de base mais plutôt un chemin de traverse pour les organisations disposant déjà de relais d’influence auprès de l’UE.

Ainsi, contrairement à la rhétorique induite par le terme « initiative » et faute d’un complément délibératif, les citoyens européens sont encore à bonne distance de disposer du pouvoir dans l’UE.

Initiative citoyenne européenne : premier bilan et améliorations pour un instrument de démocratie participative

Les citoyens du monde entier attendent de plus en plus que la démocratie soit transparente et demandent une voix et une implication directe dans les affaires qui les concernent. L’initiative citoyenne européenne a été conçue pour « faire le pont entre l’UE et les citoyens » selon Marcel Sangsari, qui en propose une « évaluation précoce ». Les initiatives citoyennes européennes vont-elles rendre plus participatives les affaires européennes ou ne servir qu’à augmenter la méfiance des citoyens européens ?

Bilan des 9 premiers mois : moins d’un million de signatures collectées… pour l’ensemble des 15 initiatives citoyennes européennes en cours

A ce jour, 23 initiatives citoyennes européennes ont été soumises. Seulement 15 sont ouvertes à la collecte des signatures, tandis que 7 ont été rejetées par la Commission européenne. Une dernière sur le bien-être des vaches laitières a été retirée par ses organisateurs.

Principales informations relatives aux initiatives citoyennes européennes en cours :

  • la plus avancée avec 776 980 signatures revendiquées porte sur l’eau et l’assainissement pour en faire un bien public ;
  • la plus dotée avec 150 000 €  de soutien vise à la résiliation du contrat de libre circulation des personnes avec la Suisse ;
  • la première « Fraternité 2020 – Mobilité. Progrès. Europe. » affiche 58 480 signatures et se voit traduite dans toutes les langues de l’UE ;
  • une seule ICE ne dispose pas de site Internet tandis que toutes (sauf 3) ont été déposées en anglais.

ICE_liste_janv2013Pour Marcel Sangsari, « il est trop tôt pour juger, mais il est clair que les organisateurs devraient chercher des conseils juridiques avant de proposer leur initiative citoyenne, la base juridique utilisée et la langue peut faire la différence ».

Un autre élément du bilan concerne l’expertise technique. L’un des problèmes majeurs concerne la difficulté de faire face à la mise en place d’un système de collecte en ligne. Le coût d’un serveur sécurisé « aux normes » est estimé de 20.000 à 30.000 €, un montant au-delà des moyens de la plupart des organisateurs. D’ailleurs, il y a même une initiative citoyenne européenne pour les rendre plus conviviales aux citoyens dans la collecte des signatures.

Comment faire des initiatives citoyennes européennes une vraie opportunité pour les citoyens et une réelle innovation de démocratie participative pour l’UE ?

Le seuil d’un million de signatures est une tâche complexe et difficile, qui consiste à collecter une moyenne de 2.740 signatures par jour !

Les organisateurs voient la nécessité pour la Commission de fournir une infrastructure de soutien et d’assistance. Par exemple, alors que la Commission fournit un point de contact pour obtenir des informations et de l’aide, et utilise ses 800 bureaux Europe Direct dans les États membres pour les demandes des citoyens de base, les ressources dédiées aux initiatives sont limitées.

Les outils nécessaires sont un centre d’aide (une hotline) à Bruxelles ainsi que d’une plateforme centralisée et permanente (un serveur) pour la collecte en ligne permettrait de faciliter la capacité des citoyens à faire usage de leur nouveau droit.

Les évolutions apportées au règlement des initiatives citoyennes européennes, dont la révision est prévue en 2015, devraient mettre l’accent sur les besoins des différents publics :

  • Besoin de soutien pour les organisateurs, y compris leur nécessité d’une collecte de fonds ;
  • Besoin d’une infrastructure plus proche et plus conviviale des citoyens au sein des autorités de l’UE ;
  • Besoin de relais dans les États membres, notamment dans la compréhension des procédures et la diffusion des ressources disponibles.

L’optimisme laisse voir que les citoyens peuvent désormais prendre le siège du conducteur pour, peut-être, surmonter la paralysie institutionnelle dans des domaines importants tels que l’aide au développement de l’UE, sa politique énergétique, ou pour faire pression sur l’UE sur un sujet comme la taxe sur les transactions financières, comme l’a récemment suggéré le président du Parlement européen, Martin Schulz.

Le réalisme oblige à considérer que le citoyen lambda de l’UE n’est pas encore au courant de l’existence ou du potentiel des initiatives citoyennes européennes. Les institutions de l’UE feraient bien de mettre en place une stratégie de communication et une campagne paneuropéenne pour informer les citoyens de l’Union : l’Année européenne des citoyens en 2013 et la course aux élections européennes en 2014 offrent d’excellentes possibilités.

Au total, les initiatives citoyennes européennes peuvent tout à la fois faire avancer l’UE ou l’affaiblir en ajoutant de la frustration. Le potentiel d’engagement des citoyens repose sur des évolutions qui feront des initiatives citoyennes européennes un catalyseur pour une plus grande participation démocratique participative.