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Le plan de communication pour l’UE recommandé par la conférence sur l’avenir de l’Europe

Dans les annexes du rapport final de la conférence sur l’avenir de l’Europe, toute une réflexion relative à la communication européenne est développée, de quoi s’agit-il ?

1. La communication sur l’UE n’est pas satisfaisante.

1.1 Des enseignements sur l’Union européenne devraient être intégrés dans le programme scolaire dès le troisième cycle de l’école primaire afin d’atteindre tous les citoyens et d’améliorer la connaissance de l’Union européenne.

1.2 L’Union européenne, et en particulier la Commission, devrait fournir du matériel pédagogique sur le fonctionnement de l’Europe et les pouvoirs des institutions aux ministères de l’éducation des États membres. Une attention particulière doit être portée à l’utilisation d’un langage clair, compréhensible et accessible, ainsi qu’aux outils pédagogiques tels que documentaires, clips ou émissions télévisées scolaires, dans les 24 langues.

2. Le projet européen reste étranger aux citoyens.

2.1 Les institutions européennes devraient veiller à ce que leur communication explique mieux ce qui relève des compétences de l’UE, mais aussi ce qui ne relève pas de ses compétences.

2.2 L’Union européenne devrait intégrer dans sa communication des exemples familiers de la vie quotidienne des Européens. Ces explications devraient être diffusées au sein des États membres par le biais d’accords entre les institutions européennes et les télévisions publiques nationales afin d’atteindre un large public.

2.3 Les ressortissants de tous les États membres devraient être régulièrement informés du rôle de l’Union européenne dans les autres États membres. Les avantages et les inconvénients de l’Europe seraient ainsi mieux mis en perspective dans les débats sur l’avenir de l’Europe.

2.4 Afin de renforcer l’identité européenne, des informations devraient être mises à disposition et régulièrement communiquées sur ce que serait la vie des Européens sans l’UE et ses réalisations concrètes.

2.5 La Journée de l’Europe (9 mai) devrait devenir un jour férié européen pour tous les citoyens de l’UE.

2.6 Les institutions européennes devraient accorder encore plus d’attention à la simplification, à la compréhensibilité et à l’accessibilité des informations sur les sujets prioritaires traités au niveau européen.

2.7 L’Union européenne devrait fournir un tableau de bord indiquant les ressources allouées par l’UE par pays et par thème prioritaire. Toutes ces informations devraient être disponibles sur les sites web de l’UE.

2.8 L’UE devrait fournir une présentation claire des travaux législatifs en cours. Toutes ces informations devraient être disponibles sur les sites web de l’UE.

2.9 Les institutions européennes devraient être plus accessibles aux Européens. Leur participation aux débats lors des sessions du Parlement européen devrait être facilitée.

2.10 La participation au programme Erasmus devrait être étendue à tous les étudiants quel que soit leur parcours scolaire (formation professionnelle et technique, alternance). Tout le monde devrait pouvoir participer aux échanges européens.

2.11 La population active devrait pouvoir bénéficier des programmes d’échanges européens, quel que soit le secteur d’activité, y compris pour les entreprises locales. Tout le monde devrait pouvoir participer aux échanges européens.

2.12 Créer des cours de citoyenneté européenne pour tous les citoyens européens.

3. La législation européenne n’est pas appliquée de la même manière dans tous les États membres.

Nous recommandons à l’Union européenne de recourir plus fréquemment à la législation directement applicable dans les États membres. Cela réduirait les différences nationales dans la mise en œuvre de la législation européenne, ce qui fragilise le projet européen. De cette façon, l’UE sera mieux à même de sauvegarder et de promouvoir l’intégrité des réalisations telles que le marché intérieur, l’euro et l’espace Schengen.

4. La démocratie européenne est menacée.

4.1 La communication de l’UE sur la démocratie européenne devrait rappeller constamment et sans ambiguïté ce que signifie l’Europe pour les Européens.

4.2 Les valeurs et les principes des traités de l’UE, auxquels les États membres ont souscrit lors de l’adhésion, sont irréversibles. Leur protection doit continuer à être assurée.

4.3 La protection des valeurs et des principes des traités est assurée par la Cour européenne et ne peut être remise en cause par les États membres.

5. Les informations sur l’UE ne sont pas facilement accessibles et compréhensibles.

5.1 Renforcer le fact-checking sur les questions européennes ; des informations, diffusées et vérifiées par les institutions, devraient être facilement accessibles au public européen et aux médias nationaux de chaque État membre.

6. Les médias nationaux véhiculent souvent une image négative de l’UE.

6.1 L’UE doit également être plus présente dans la vie quotidienne des Européens en communiquant de manière plus proactive. (Par exemple, en parrainant des événements, notamment culturels, qui rassemblent les citoyens et les rendent fiers d’être citoyens de l’UE. La production de reportages et de teasers permettrait également aux Européens d’avoir accès à des informations contextualisées sur l’UE).

7. Les citoyens ne connaissent pas les personnes qui les représentent au Parlement européen.

7.1 Les députés européens devraient mieux se faire connaître dans leur pays d’origine, notamment en dehors des périodes électorales. Ils doivent être plus accessibles. Les motivations de leurs votes au Parlement européen devraient être rendues plus facilement accessibles aux citoyens européens sur le site internet du Parlement européen.

7.2 Les partis politiques nationaux devraient veiller à ce que des candidats plus jeunes soient également inscrits sur leurs listes pour les élections au Parlement européen. Un tel mandat ne doit pas être considéré comme une récompense pour de bons et loyaux services dans la politique nationale.

8. La communication de l’UE est trop uniforme ; elle ne tient pas compte de la diversité de la population.

8.1 Pour s’adresser à un public suffisamment large et varié, l’UE devrait tenir compte du niveau d’éducation de ses groupes cibles et de leurs éventuels handicaps, au moyen d’une communication inclusive, dès la phase de conception. De plus, les personnes et les organisations (éducateurs de rue, agents de quartier, travailleurs sociaux, société civile) devraient être impliquées dans la transmission de cette communication.

8.2 Pour atteindre la population active, investir davantage dans l’utilisation des canaux de communication existants pour fournir régulièrement des informations appropriées sur l’UE, par exemple par le biais de programmes explicatifs et compter sur des ambassadeurs (individuels et organisations) qui promeuvent le projet européen.

8.3 Pour atteindre les jeunes et les étudiants, en plus des canaux existants tels que l’éducation et les mouvements de jeunesse pertinents, des ambassadeurs devraient être utilisés, en particulier pour cibler les influenceurs qui peuvent atteindre les jeunes via les médias sociaux. Organiser un concours paneuropéen pour créer un personnage de bande dessinée qui attire les jeunes et leur apporte des messages européens.

8.4 Pour les seniors, utiliser les mêmes canaux que ceux proposés pour la population active en trouvant le juste équilibre entre communication digitale et non digitale (presse écrite, radio, événementiel présentiel) pour répondre aux besoins de chacun, y compris ceux qui sont moins à l’aise dans un environnement numérique comme ceux qui sont moins mobiles dans la société.

8.5 A travers les cours d’intégration qui existent déjà dans de nombreux États membres, l’UE devrait s’engager à inclure les « nouveaux Européens » (personnes qui, par l’une ou l’autre des procédures d’immigration légale, résident dans l’UE) et les sensibiliser aux canaux par lesquels l’UE communique et aussi donner un rôle aux associations locales.

8.6 Faire descendre l’UE dans la rue avec une communication inclusive. Par exemple, des panneaux d’affichage (numériques) pourraient être utilisés, ainsi que des moyens de communication traditionnels et nouveaux comme les QR codes.

8.7 Rendre l’UE plus visuelle (via des courts métrages ou des infographies), la création d’un mouvement sportif européen pour créer un lien/sentiment d’appartenance, et mieux faire connaître l’hymne européen.

Construire une infrastructure de participation citoyenne dans l’Union européenne

Bien que l’UE ait élargi sa boîte à outils participative au fil du temps, la participation des citoyens ressemble toujours à un patchwork d’instruments individuels sans influence visible et significative sur l’élaboration des politiques de l’UE. Toute démocratie qui fonctionne dépend d’une infrastructure institutionnelle qui fonctionne, l’UE doit évoluer vers une infrastructure de participation plus complète et plus cohérente, selon une vaste étude de la Fondation Bertelsmann…

Stratégie : la base d’une infrastructure de participation complète

Pour passer d’une mosaïque de participation à une infrastructure de participation, les institutions de l’UE et les États membres doivent élaborer et convenir d’une stratégie commune, d’une vision partagée et d’une compréhension partagée de la signification, de l’objectif et des avantages de l’infrastructure de participation de l’Union et d’une action coordonnée sur la manière dont améliorer et développer davantage la boîte à outils de participation de l’Union.

Les critères clés d’une bonne participation : visibilité, accessibilité, représentativité, capacité de délibération, transnationalité et impact sont les fondements essentiels d’une infrastructure de participation de l’UE et doivent tous être reflétés dans une stratégie globale de participation de l’UE.

Dans tous les cas, l’UE ne peut pas simplement copier n’importe quel système national : en tant que système politique unique, elle a besoin de sa propre approche pour impliquer les citoyens et leur donner une voix effective dans l’élaboration des politiques européennes grâce à une stratégie de participation sui generis.

Pleins feux : plus de visibilité pour la participation de l’UE

L’UE a besoin d’un effort de communication conjoint pour faire connaître l’infrastructure de participation au grand public : les citoyens de toute l’Europe doivent être mieux informés de leur capacité à s’impliquer dans l’élaboration des politiques de l’UE.

Ce n’est que lorsque les citoyens seront conscients des opportunités qui leur sont offertes et convaincus de leurs avantages qu’ils les utiliseront dans la pratique. Accroître la connaissance des instruments et leur visibilité nécessite une volonté politique et des ressources suffisantes pour promouvoir le système participatif de l’UE dans son ensemble.

Une stratégie de participation efficace nécessite une stratégie de communication efficace.

Orientation : une plateforme centrale pour la participation des citoyens de l’UE

Une infrastructure de participation de l’UE a besoin d’un hub central en ligne pour tous les instruments de participation afin de fournir des opportunités de mise en réseau, une communication efficace et une éducation civique sur la participation des citoyens de l’UE.

Une infrastructure de participation a besoin d’un point d’entrée central, y compris un site web convivial permettant aux citoyens d’explorer leurs possibilités de participation au niveau de l’UE, en s’appuyant sur les expériences existantes de l’UE, en particulier avec le portail Donnez votre avis, ainsi que la plate-forme numérique de la Conférence sur l’avenir de l’Europe et s’inspirer des bonnes pratiques des États membres.

Une plate-forme centrale au niveau de l’UE doit remplir quatre fonctions de base :

  1. Renforcement de la cohérence : la plate-forme pousse les institutions de l’UE à organiser tous les instruments de participation selon une logique centrale ;
  2. Mise en réseau : les citoyens doivent pouvoir interagir (de manière transnationale) entre eux et avec la plateforme dans n’importe quelle langue grâce à la traduction automatisée, partager leurs expériences avec les instruments et demander de l’aide pour être guidés vers un instrument pertinent ;
  3. Communication efficace : communiquer sur les opportunités de participation et les instruments ;
  4. Éducation civique : créer la possibilité de montrer le dynamisme et le fonctionnement de la démocratie européenne dans un format accessible, tout en transmettant des informations sur le fonctionnement de l’UE à un public plus large.

Aller de l’avant : potentiel numérique et nouveaux formats de participation

La participation citoyenne moderne a besoin de composantes numériques fortes. Les moyens numériques peuvent améliorer la visibilité et l’efficacité des instruments existants en les amenant à de nouveaux publics plus larges via les médias sociaux. Dans le même temps, l’utilisation accrue de nouveaux formats peut montrer la voie à suivre pour rendre la participation des citoyens à l’UE plus représentative, transnationale et délibérative. L’espace numérique ouvre de nouvelles possibilités pour accroître la visibilité et l’efficacité potentielle des instruments de participation existants.

Des opportunités de participation numérique nouvelles et en constante évolution avec des procédures interactives et délibératives permettent à davantage de citoyens qui n’ont jamais participé à la politique européenne de se connecter et de s’impliquer de manière intensive via l’apport de leur expertise personnelle ou rapidement pour partager leur opinion dans un processus de discussion et ainsi influencer l’élaboration des politiques de l’UE.

Créer une dynamique : changement culturel et volonté politique de Bruxelles et des États membres

Accroître et améliorer la participation citoyenne n’est plus seulement une note marginale à Bruxelles. Le débat sur la démocratie participative au niveau de l’UE s’est intensifié. Mais les institutions de l’UE et les États membres n’ont pas encore intégré la participation comme une caractéristique régulière de la démocratie de l’UE. Ils doivent surmonter leurs hésitations – voire leurs peurs – s’ils veulent que la démocratie européenne s’adapte aux besoins et aux évolutions du XXIe siècle.

La tendance est claire : la participation citoyenne n’est plus simplement utilisée à des fins de communication ; lorsqu’ils en ont l’occasion, les citoyens de l’UE montrent leur volonté et leur capacité à s’engager dans des processus qui façonnent l’élaboration des politiques de l’UE.

Pourtant, l’un des principaux problèmes tient au fait que l’UE et ses États membres n’ont toujours pas une compréhension commune de la nature, des potentiels et des différents formats de participation citoyenne. Personne ne peut s’attendre à ce que cela change du jour au lendemain. Mais pour renforcer les instruments de participation individuelle et l’infrastructure de participation, il faut plus de leadership politique dans les institutions de l’UE.

L’UE ne pourra maintenir et renforcer sa légitimité que si les citoyens ont le sentiment que leur voix compte. Plus de leadership et un engagement plus fort en faveur de la participation citoyenne sont nécessaires – non seulement à Bruxelles mais aussi dans les capitales nationales.

Quelles seront la forme et la structure futures de la démocratie européenne ?

La conférence sur l’avenir de l’Europe a-t-elle tenue ses promesses ?

Décryptage des résultats de la conférence sur l’avenir de l’Europe par Alberto Alemanno, professeur de droit européen à HEC Paris et titulaire de la chaire Jean Monnet…

Où réside le vrai succès ?

La réussite dépend beaucoup de la façon dont vous mesurez le succès. S’il s’agit que vous regardiez l’intérêt médiatique, comme pour tous les sujets européens, il n’a pas été là non plus au rendez-vous, mais ce n’était non plus la finalité.

Si vous faites partie de ceux qui s’attendaient à ce que la conférence délivre comme par magie une réouverture du traité, vous risquez d’être déçu. Aucune majorité n’existe pour approuver la demande du Parlement européen qui a poussé lors des échanges préparatifs pour son droit d’initiative, ses listes transnationales ou sa journée d’élection commune. La révision des traités, pour la beauté du geste disons ne pourrait ne jamais se matérialiser, même s’il faudra attendre le Conseil européen en juin. Mais, là encore, ce n’était peut-être pas le but par la conférence.

Si, au lieu de cela, vous considérez la conférence sur l’avenir de l’Europe comme un processus ouvert (non lié aux résultats), vous serez peut-être satisfait. Dorénavant, nous disposons d’un mécanisme potentiellement permanent de délibération citoyenne dans le processus décisionnel de l’UE, et cela peut se faire sans modification du traité. Mais il y a plus.

Comme prévu, la conférence sur l’avenir de l’Europe a agi – comme la plupart des exercices délibératifs – comme un cheval de Troie dans la conversation politique dominante. Les recommandations brisant les tabous avancés par les citoyens montrent comment l’exercice participatif a en quelque sorte ouvert la fenêtre Overton de la réforme politique de l’UE. Un nouveau cadrage des possibilités, des potentialités de l’Europe est à l’ordre du jour, c’est une sacrée réussite.

Certes, ce n’est pas seule la conférence sur l’avenir de l’Europe, mais les événements extraordinaires tels que la pandémie et la guerre en Ukraine qui ont révélé au plus grand nombre la nature incomplète de l’intégration européenne. Pourtant, c’est bien le modèle délibératif de la conférence qui aura été propice à faire le point sur ce grand calcul et c’est sur la base de ce contexte que la conférence a capitalisé pour ses réflexions et recommandations finales.

Quelle est LA vraie légitimité ?

La question est maintenant de savoir s’il faut se contenter de réponses fragmentaires de l’UE aux nouvelles urgences – comme l’exigent les 12 pays qui résistent au hasard du traité – ou plutôt s’engager dans un « saut quantique » pour faire évoluer l’Union vers le « meilleur des mondes » dans lequel nous nous retrouverions avec la mise en œuvre des recommandations de la conférence.

La réponse à cette question définira non seulement le cours de l’histoire de l’UE, mais aussi celui de ses 450 millions de citoyens, et potentiellement de nombreux autres qui attendent à ses portes (demandez aux Ukrainiens, aux Moldaves, etc.).

De ce point de vue, la conférence sur l’avenir de l’Europe est sur le point de marquer un tournant décisif dans l’intégration de l’UE, car elle obligera tous les dirigeants politiques à se positionner PUBLIQUEMENT sur l’orientation future de l’UE contre les préférences RÉVÉLÉES des citoyens.

Autrement dit, la conférence sur l’avenir de l’Europe représente la 1ère reconnaissance que l’autorité ultime de l’UE n’appartient pas aux institutions ni aux États membres, mais à ses citoyens. En raison de son importance constitutionnelle, cela affectera de manière irréversible la nature de l’intégration européenne.

Les recommandations qui ont émergé des citoyens étaient plus le sous-produit de la véritable expérience transnationale (quasi constituante) acquise par les participants à la conférence, que le résultat inévitable d’une initiative prétendument pro-UE.

Reste à savoir quelles seront les grandes idées sur la manière de capitaliser sur ce « moment constitutionnel » dans lequel l’UE pourrait entrer.

Conférence sur l’avenir de l’Europe : quel avenir pour la démocratie participative européenne ?

À quelle suite de cette grande entreprise de la Conférence sur l’avenir de l’Europe les citoyens peuvent-ils s’attendre alors que le processus entre dans sa phase finale, selon Ward Den Dooven ?

La participation des citoyens désormais au cœur de la démocratie européenne

La démocratie participative poursuit un triple objectif : accorder aux citoyens une meilleure satisfaction (participation inclusive, représentation directe et égalité), donner une réactivité aux demandes des citoyens et offrir de nouvelles façons de légitimer la politique et ainsi rapprocher nos systèmes de gouvernance de l’idéal d’une démocratie de, par et pour le peuple.

Pourtant, de nombreux dispositifs participatifs ne sont pas nécessairement meilleurs, car leur ouverture les rend vulnérables aux abus de certaines parties ou leur nature technique limite effectivement la participation. De plus, les résultats n’alimentent pas toujours correctement ou ne sont pas correctement pris en compte par le système de démocratie représentative.

Ces problèmes recèlent des opportunités. Les panels de citoyens offrent la possibilité de recueillir les contributions et les commentaires des citoyens représentant un échantillon représentatif de la société à n’importe quelle étape du cycle politique, que ce soit la mise à l’agenda ou pour évaluer une proposition de politique, et permettent ainsi à la politique d’être plus légitime et plus alignée sur les opinions des citoyens.

En liant la contribution des citoyens aux décisions prises par les représentants élus, les représentants sont tenus responsables de leur suivi de la contribution des citoyens, non seulement lorsqu’ils décident de mettre en œuvre les recommandations, mais aussi lorsqu’ils ignorent complètement la contribution. Des organismes hybrides, réunissant des élus et des citoyens, peuvent garantir que les élus comprennent effectivement les demandes des citoyens et ne peuvent pas ignorer leur contribution sans être tenus pour responsables.

L’innovation participative désormais en vigueur dans l’UE

L’UE a organisé le tout premier panel de citoyens européens dans le cadre de ses consultations de citoyens européens en 2019. Bien que leur résultat n’ait pas toujours été à la hauteur des attentes, le processus délibératif européen fonctionne.

Lorsqu’ils donnent aux citoyens leur mot à dire sur leur avenir, ces dispositifs méritent soit des explications lorsque leurs recommandations ne mènent pas à l’action, soit que leurs efforts soient traduits en politiques publiques. La sous-exécution conduira à encore plus de frustration vis-à-vis de la politique, un phénomène déjà préoccupant.

Le futur de la Conférence sur l’avenir de l’Europe

Deux sujets viennent souvent à l’esprit concernant les résultats : la modification du traité de l’UE et l’attribution d’un caractère structurel ou institutionnalisé aux outils de la Conférence tels que la plate-forme numérique et les panels de citoyens.

Est-il réaliste d’imaginer une réouverture des traités après presque 20 ans ? Soit une convention, soit une « simple » conférence intergouvernementale doit précéder la modification du traité. Dans les deux cas, ces procédures de modification des traités ne nécessitent pas la participation des citoyens. L’échec de projet de Constitution pour l’Europe s’explique sans doute pour le défaut à chercher le soutien de la majorité dans plusieurs États membres. Cette fois-ci cependant, l’implication des citoyens est là et le soutien à une éventuelle modification du traité ressort clairement de leurs recommandations. Il y a certainement un élan politique pour ne pas exclure la possibilité d’avoir un débat.

Les outils participatifs offrant aux citoyens un rôle dans la prise de décision politique pourraient-ils devenir une pratique institutionnalisée dans un espace post-conférence sur l’avenir de l’Europe pour « attribuer un caractère structurant à l’implication des citoyens » ?

Une plate-forme numérique pour observer les grandes tendances est un outil intéressant et innovant et, en théorie, peut être ouvert à tous. Cependant, il a encore des difficultés d’aller au-delà des « suspects habituels ».

Les panels de citoyens, bien que plus restrictifs dans le nombre de participants, peuvent constituer un environnement vraiment inclusif en raison de leur méthode de sélection aléatoire. Les citoyens qui ont participé le signalent généralement comme une expérience positive, leur permettant d’apprendre, d’échanger des idées et, surtout, de faire entendre leur voix. Les représentants de la sphère politique apprécient la qualité des recommandations formulées. Le Parlement européen a déjà adopté une résolution appelant les panels organisés dans le cadre de la Conférence de « pilote pour leur futur institutionnalisation en tant que mécanisme permanent de la participation des citoyens à des débats clés ».

Cela aurait certainement du sens au début d’une nouvelle législature lorsque la Commission et le Conseil définissent les priorités pour les années à venir ou dans le contexte d’un éventuel changement de traité. Ceci est toutefois une approche fondée sur des événements et ne permet pas la participation des citoyens entre les élections, sur une base plus récurrente.

Une première étape pourrait être de structurer les délibérations autour de certaines propositions législatives cruciales telles que la mise en œuvre des priorités stratégiques. Une autre pourrait être de permettre aux citoyens eux-mêmes de pouvoir demander un processus délibératif, peut-être par le succès d’une initiative citoyenne européenne ou d’une pétition.

Les citoyens devraient-ils délibérer eux-mêmes entre eux ou sous une forme hybride avec des élus, comme c’est le cas lors de la plénière ? Bien que les premiers puissent mettre des citoyens plus à l’aise tout au long du processus, l’option de la plénière offre la possibilité de relier les contributions des citoyens avec la responsabilisation des élus.

La présidence semestrielle de la Belgique pour porter la participation citoyenne

La Belgique est pionnière en matière d’expérience de la démocratie délibérative institutionnalisante, comme on peut le voir à la fois à Bruxelles et à Ostbelgien, où deux types différents d’assemblées de citoyens permanentes sont établies. Dans le cadre de la conférence sur l’avenir de l’Europe, la Belgique a été l’un des seuls États membres de l’UE à organiser des panels des citoyens nationaux dans le cadre de sa contribution.

La Belgique détient la présidence du premier semestre en 2024, son programme pourrait prendre la tête de la couture de la participation des citoyens dans le tissu démocratique de l’UE en soutenant l’institutionnalisation durable de la participation des citoyens à l’UE. La Belgique pourrait également prendre l’initiative d’accueillir les discussions citoyennes en vue de sa propre présidence via une plate-forme numérique et des panels de citoyens pour définir les priorités adressées à la présidence qui ne vient qu’une fois tous les 14 ans.

En somme, faire progresser l’intégration européenne, c’est aujourd’hui faire progresser la démocratie délibérative à l’échelle de l’UE.

Quels modèles pour institutionnaliser la démocratie délibérative en Europe ?

Après une première analyse « Catching the deliberative wave », l’OCDE récidive avec un policy paper consacré à l’intelligence collective de la démocratie délibérative dans le monde, ces nouveaux espaces démocratiques permettant à des groupes de personnes largement représentatifs d’apprendre ensemble, de lutter contre la complexité en se fondant sur des preuves, de s’écouter les uns les autres dans une vraie logique de dialogue et de trouver un terrain d’entente afin de recueillir des jugements publics collectifs sur des questions complexes pour les décisions publiques. Existe-t-il des modèles pour relever certains des défis sociétaux les plus urgents et les plus difficiles de notre époque que les systèmes de gouvernance démocratique actuels ne parviennent pas à résoudre ?

1. Combiner une assemblée citoyenne permanente avec des panels de citoyens ponctuels

Le modèle Ostbelgien

  • Il fonctionne mieux avec un accord multipartite afin d’assurer la pérennité et d’éviter l’association avec le gouvernement ou seulement un/certains partis.
  • La rotation d’une partie des membres du conseil de citoyens tous les six mois permet de garantir que l’organe délibérant représentatif reste dépolitisée et ne devient pas soumis aux mêmes enjeux qu’une chambre élue dont le mandat est plus long.
  • La séparation des rôles entre le conseil des citoyens (fixation de l’ordre du jour et suivi) et les panels de citoyens (élaboration des recommandations politiques) assure que le travail de chacun est ciblé et qu’il y a suffisamment de temps pour chaque tâche respective.
  • Il est important que l’évaluation ne soit pas politisée.
  • La durée du panel de citoyens est décidée en fonction de la complexité de la question soulevée par le conseil des citoyens.
  • La taille du conseil des citoyens doit être relative à la taille de l’organe parlementaire.

La Convention citoyenne en France :

  • Impliquer tous les groupes politiques dans la conception du modèle pour assurer la pérennité et éviter l’association avec le gouvernement ou seulement un/des partis et aussi qu’il y a suffisamment de temps pour chaque tâche respective.
  • L’évaluation ne soit pas politisée.
  • La capacité de l’assemblée des citoyens à s’auto-organiser doit permettre de travailler en sous-groupes et démocratise le fonctionnement, mais présente également un risque pour l’émergence de dynamiques inégales parmi les membres.
  • Le secrétariat doit suivre l’évolution et introduire potentiellement de nouvelles règles pour empêcher que ce risque ne se produise.

2. Relier la démocratie délibérative aux commissions parlementaires

Les Commissions délibérantes à Bruxelles

  • Rassembler un groupe largement représentatif et diversifié de citoyens ordinaires et leur permettre de comprendre la complexité d’un problème offre une vision collective éclairée aux membres de la commission – une source manquante dans le travail parlementaire.
  • Mélanger les députés et les citoyens ordinaires aura ses avantages et ses défis.
  • Fonctionne mieux s’il existe un accord de tous les partis pour établir les comités mixtes dès le départ (pas une initiative purement gouvernementale) pour assurer la longévité et encourager les députés à délibérer ouvertement plutôt que de défendre une ligne de parti.
  • La participation d’élus de tous les partis faisant partie du processus augmentent le potentiel de mise en œuvre des recommandations au parlement.
  • Un examen attentif de la proportion d’élus par rapport aux citoyens est nécessaire.
  • La facilitation par des professionnels qualifiés est particulièrement importante dans ce modèle, étant donné que les députés auront une plus grande confiance pour s’exprimer que la plupart des gens.
  • Trouver un moyen d’imposer la mise en œuvre de règles et normes fixées dans un vade-mecum (lignes directrices).
  • L’évaluation ne doit pas être politisée.
  • En travaillant directement ensemble, les députés en viennent à valoriser la compétence et la perspicacité des gens, et les gens développent une plus grande empathie pour la difficulté de prendre des décisions publiques qui nécessitent des échanges.

3. Combiner démocratie délibérative et démocratie directe

Le Citizens’Initiative Review :

  • Produit des informations précises pour aider les électeurs à prendre une décision plus éclairée avant de voter sur un bulletin de vote de la Déclaration citoyenne.
  • Dans sa conception actuelle, il s’agit d’un processus réactif (un CIR se produit après qu’une mesure de vote a été proposée) plutôt que proactif ou créatif.
  • Les Citizens’Initiative Review se limitent aux problèmes de choix binaires.

4. Les Groupes consultatifs permanents de citoyens

Le Planning Review Panel à Toronto :

  • Nécessite un leadership soutenu au sein des panels.
  • Le processus a besoin d’une connexion et du soutien de la haute administration, ainsi qu’une gestion de projet cohérente.
  • Identifier les problèmes que le panel permanent abordera pendant au moins une première année à l’avance peut contribuer à garantir son importance stratégique et son utilité.
  • Maintenir l’engagement des membres pendant deux ans nécessite un effort continu de la part du « concierge civique » de l’organisation de mise en œuvre, et est aussi important que l’impact politique.
  • Compte tenu du délai de deux ans d’engagement, il y a plus de temps pour apprendre et aller « dans les coulisses » de la politique.
  • Les membres du panel permanent sont bien informés et il y a un dividende démocratique élevé.

5. Les processus délibératifs représentatifs séquencés tout au long du cycle politique

L’Assemblée citoyenne itinérante à Bogotá :

  • Permet aux gens ordinaires de jouer un rôle significatif dans toutes les phases du cycle politique, et donne aux gens d’autres rôles à jouer dans la prise de décision publique au-delà de fournir des recommandations sur une question politique spécifique.
  • La séparation du travail en une série d’assemblées de citoyens, dont chacune implique un nouveau groupe de personnes sélectionnées par loterie civique, permet à de nombreuses personnes d’être impliquées dans la prise de décision publique au fil du temps.
  • Encourage un dialogue plus récursif entre les membres et les décideurs.
  • L’approche séquencée introduit également une nouvelle forme de responsabilité entre les gens ordinaires impliqués en tant que membres dans les assemblées.
  • Les organisateurs de chaque chapitre d’assemblée peuvent adopter une conception itérative, en s’adaptant à ce qui a bien fonctionné et à ce qui pourrait être amélioré.

6. Donner aux citoyens le droit d’exiger un processus délibératif représentatif

Le Vorarlberg Citizens’ Council on Land Use Rights :

  • Un moyen alternatif pour que les gens puissent définir l’agenda du modèle ostbelgien, en leur permettant d’exiger un processus délibératif représentatif si suffisamment de signatures sont atteintes parmi la population.
  • Une demande ascendante concernant une certaine politique en question à traiter par le biais d’une délibération publique représentative (par opposition aux résultats plus courants des pétitions débattues par les élus).
  • Les règlements doivent spécifier que les questions soulevées doivent relever de la compétence de l’autorité publique pour agir.
  • Nécessite un engagement politique à établir le Conseil des citoyens si suffisamment de signatures sont obtenues.

7. Exiger une délibération publique représentative avant certains types de décisions publiques

La loi française sur la bioéthique :

  • Garantir une délibération publique solide avant les nouvelles lois et amendements concernant la bioéthique aide les décideurs publics à s’assurer qu’avant de prendre des décisions sur cette question difficile et controversée, ils ont entendu un point de vue collectif informé de la part des gens ordinaires.
  • L’enchaînement du processus délibératif représentatif avec d’autres formes de consultation et participation citoyennes sont importantes.

8. Intégrer les processus délibératifs représentatifs dans la planification stratégique locale

La Victorian Local Government Act de 2020 en Australie :

  • Avec l’évaluation, un cycle positif d’apprentissage et d’amélioration continus peut émerger.
  • Changer la culture parmi les conseillers et l’administration municipale autour du rôle positif que les gens ordinaires peuvent jouer dans le façonnement de leurs communautés.
  • Inculque une culture de participation et de délibération, et aide les pouvoirs publics à considérer le public comme une ressource plutôt que comme un risque.
  • Le caractère récurrent de la délibération peut aider à construire une infrastructure délibérative dans le temps.

Principales raisons pour lesquelles ces modèles aident les décideurs publics à prendre des décisions difficiles et à renforcer la confiance :

  • Réaliser de meilleurs résultats politiques parce que la délibération aboutit à des jugements publics réfléchis plutôt qu’à des opinions publiques. La plupart des processus de participation du public ne sont pas conçus pour être représentatifs ou collaboratifs. Par conséquent, ils peuvent être accusatoires – une chance d’exprimer des griefs plutôt que de trouver des solutions ou un terrain d’entente. Les processus délibératifs créent un espace pour l’apprentissage, la délibération et l’élaboration de recommandations éclairées, qui sont plus utiles aux décideurs et aux décideurs.
  • Donner une plus grande légitimité pour faire des choix difficiles. Ces processus aident les décideurs à mieux comprendre les priorités publiques, les valeurs et les raisons qui les sous-tendent, et à identifier où le consensus est et n’est pas réalisable. Les preuves suggèrent qu’ils sont particulièrement utiles dans les situations où il est nécessaire de surmonter une impasse politique et de peser les compromis.
  • Renforcer la confiance du public dans le gouvernement et les institutions démocratiques en donnant aux citoyens un rôle important dans la prise de décision publique. Les gens sont plus susceptibles de faire confiance à une décision qui a été influencée par des gens ordinaires qu’à une décision prise uniquement par le gouvernement.
  • Signaler le respect civique et responsabiliser les gens. Engager les gens dans la délibération renforce leur efficacité politique (la croyance que l’on peut comprendre et influencer les affaires politiques).
  • Rendre la gouvernance plus inclusive en ouvrant la porte à un groupe de personnes beaucoup plus diversifié. Les processus délibératifs, avec leur utilisation de loteries civiques, attirent des personnes qui ne contribueraient généralement pas aux politiques publiques et à la prise de décision.
  • Renforcer l’intégrité et prévenir la corruption (ainsi que la perception publique de la corruption) en veillant à ce que ceux qui ont de l’argent et du pouvoir ne puissent avoir une influence indue sur une décision publique.
  • Aider à contrer la polarisation et la désinformation. Des recherches empiriques ont montré que les « chambres d’écho » qui se concentrent sur la culture, la réaffirmation de l’identité et la polarisation ne survivent pas dans des conditions délibératives, même dans des groupes de personnes partageant les mêmes idées.
  • Respecter l’indépendance : En raison de la procédure de sélection, les membres d’un organe délibérant peuvent éviter d’être « capturés » par des groupes d’intérêt ou influencés par des personnes et des organisations puissantes ou riches. Il n’y a pas d’élections, pas de campagnes et pas de collecte de fonds.
  • Renforcer la diversité cognitive : Le processus atteint des personnes qui n’ont peut-être jamais voté ou contribué à une consultation. La recherche montré que, pour développer des idées réussies, une telle diversité est plus importante que la capacité moyenne d’un groupe.
  • Développer collectivement des recommandations pour le bien commun afin de permettre aux décideurs publics de mieux prendre des décisions plus difficiles, ainsi que plus de décisions ayant des impacts à long terme telles que sur le changement climatique, la biodiversité, les technologies émergentes, la planification urbaine, les investissements dans les infrastructures et d’autres questions.
  • Renforcer la confiance du public. Un processus délibératif ponctuel peut faire la différence, mais c’est la pratique régulière de la délibération publique qui donne aux citoyens et aux décideurs l’opportunité de construire une confiance mutuelle au quotidien à des « gens comme eux ». Au terme d’un processus délibératif, ce sont ses membres – un microcosme de la population – qui expliqueront leurs recommandations au public.
  • Renforcer l’aptitude démocratique de la société. L’ajout de la délibération publique étend le privilège de la représentation à un groupe de personnes beaucoup plus large. Il augmente également de façon exponentielle le dividende démocratique positif de la participation. Ces processus renforcent le libre arbitre des personnes, exploitent les capacités collectives et éveillent une conscience collective qui relie les personnes les unes aux autres et à quelque chose de plus grand qu’elles-mêmes. Il existe de nombreuses preuves que la participation à un processus délibératif a un effet transformateur sur les personnes impliquées. Elle conduit souvent à des niveaux accrus d’efficacité politique non seulement parmi les membres des organes délibérants, mais aussi dans le grand public. Les gens renforcent leurs « muscles démocratiques » par la participation. Voir des « personnes comme moi » participer à une prise de décision publique complexe peut avoir un effet similaire sur ceux qui ne sont pas directement impliqués mais qui sont conscients du processus.

Au total, des changements structurels pour faire de la démocratie délibérative une partie intégrante de l’architecture démocratique des pays est un moyen de promouvoir efficacement une véritable transformation, car l’institutionnalisation ancre les mécanismes de suivi et de réponse et crée des opportunités régulières pour améliorer non seulement les politiques et les services, mais augmenter également l’impact positif de la participation sur la perception qu’ont les gens d’eux-mêmes et des autres, renforçant ainsi la confiance et la cohésion sociétales.

L’institutionnalisation de la démocratie délibérative crée plus d’opportunités pour que plus de personnes puissent vivre une telle expérience transformatrice.