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Communication de crise : les réactions de la Commission européenne face à la polémique contre une vidéo sexiste

Réagir ou pas ? Comment et sur quel terrain ? Face à la polémique suscitée par la sortie d’une vidéo « Science, it’s a girl thing ! » jugée sexiste, la Commission européenne s’est montrée relativement réactive, jouant même de manière inédite le jeu de la conversation dans les médias sociaux…

Première réaction sur Twitter : la création d’une liste « real woman in science » face à #sciencegirlthing

Alors que la vidéo critiquée circule d’abord sur Twitter (via le hashtag #sciencegirlthing), la Commission européenne s’est lancée dans la constitution d’une liste de « real woman in science » : « EC tries to fix offensive #sciencegirlthing campaign with #realwomeninscience fix« . En quelques jours, la liste a atteint la limite maximale des 500 membres et une seconde liste est constituée en renfort.

Cette première réaction sur Twitter illustre une relative maturité de la Commission qui s’est emparée des fonctionnalités de la plateforme pour contrer le « bad buzz » avec une démarche d’écoute et de considération tout à fait inédite.

Deuxième réaction : la publication d’un communiqué de questions/réponses expliquant le retrait de la vidéo

Alors que lors de la précédente polémique à cause d’une vidéo jugée raciste, la Commission s’était contentée de retirer la vidéo et de quelques commentaires du porte-parole dans la presse, aujourd’hui, un communiqué de questions/réponses a été publié.

Le communiqué répond aux interrogations sur le coût de la vidéo (102 000 €) ainsi que sur la conception de la vidéo, en s’excusant, ce qui est là encore une démarche tout à fait inédite :

La Commission européenne endosse toute la responsabilité pour cette vidéo. Nous comprenons les réactions et présentons des excuses à ceux qui se sont sentis offensés. Il n’a jamais été notre intention d’offenser des professionnels qui travaillent déjà dans la science.

Selon les focus groupes (réalisés pour tester la campagne), les adolescentes associent les sciences à des gens isolés dans leur laboratoire ayant des contacts limités avec la société. Elles pensent aussi qu’elles manquent d’intérêt et / ou de capacité à faire de la science, beaucoup préférant l’idée d’un travail créatif ou social.

Le clip de 45 secondes est destiné à mettre les choses dans un contexte plus léger pour attirer l’attention des adolescentes âgées de 13 à 18 ans qui ont jusqu’à présent été très difficiles à atteindre avec des messages sur la science. L’objectif est d’attirer leur attention afin qu’elles puissent s’intéresser à la campagne en détail.

Le concept de la vidéo trailer est de combiner des images de la science avec des images de cosmétiques et de mode pour montrer aux adolescentes que la science fait déjà partie de leur vie.

L’idée d’écrire le slogan avec le rouge à lèvres est considérée comme amusante et originale.

Finalement, avec cette vidéo montrant très maladroitement que la science, c’est aussi un « truc de fille », la Commission européenne est parvenue à la fois à attirer – pour le pire – l’attention de la communauté scientifique et des adolescentes mais également à réaliser une démarche de transparence et de conversation – pour le meilleur.

Comment la DG Elargissement à gérer sa communication de crise face aux critiques d’une vidéo ?

Quelques jours après la sortie d’une vidéo « So similar, so different, so European » unanimement saluée, la Direction générale à l’Elargissement vient de s’excuser et retire une autre vidéo « The more, the stronger » largement critiquée, notamment dans la presse britannique. Retour sur la communication de crise…

La crise : vives critiques d’une vidéo inspirée de Kill Bill sur l’élargissement

Plutôt mal accueillie dans le milieu européen, la vidéo publiée par la DG Elargissement s’inspire de Kill Bill. Destinée à encourager de nouveaux pays à adhérer à l’UE, le scénario consiste à montrer une jolie femme blanche vêtue d’une combinaison jaune vif (qui représente une Europe pacifique) qui réussit à calmer trois agresseurs costauds vêtus de tenues stéréotypées (qui sont censés représenter les pays non européens).

Le Daily mail publie ce matin un article exhaustif « Just what is the EU doing making this video? Accusations of racism over ‘propaganda’ film showing white woman facing ethnic minority ‘attackers’ » des critiques publiées dans les commentaires sur Youtube : « La vidéo est stigmatisée comme raciste, sexiste et impérialiste par les internautes You Tube qui l’ont regardé plus de 3000 fois ».

La gestion de crise : retrait de la vidéo et communiqué d’excuses

Face à ces critiques relayées sur Twitter dans la matinée, la DG Elargissement décide de retirer la vidéo et publie un communiqué signé du directeur général pour « regretter que le clip ait été perçu comme raciste » et « s’excuser auprès de tous ceux qui ont pu se sentir offensé ».

Il s’agissait d’un clip viral ciblant un public jeune (16-24 ans) à travers une diffusion dans les réseaux sociaux en détournant les codes de leurs univers, les films d’arts martiaux et les jeux vidéo. Les réactions furent d’ailleurs positives lors des focus groupes de test. Ces partis-pris avaient été choisi pour attirer les jeunes et augmenter leur curiosité sur une politique importante de l’UE.

Ainsi, la communication de crise de la DG Elargissement par la rapidité de réaction et la diffusion ciblée via Twitter semble plutôt bien gérée. Reste le prix élevé de toute l’opération, tant au niveau budgétaire qu’en termes d’image.

Le référendum sur l’Europe, un dérapage en communication européenne de crise ?

En l’espace d’une semaine – entre l’accord du Conseil européen sur la gestion de la crise de la dette dans la zone euro et les péripéties du référendum en Grèce – les affaires européennes ont fait l’actualité comme rarement avec un enchaînement des figures de style en communication européenne de crise…

Accord du Conseil européen : la communication européenne de crise classique pour sortir de la crise

S’appuyant une stratégie de pleine reconnaissance de faits et d’exercice entier des responsabilités, la dramaturgie des Conseils européens consiste à rédiger les scénarios de sortie de crise autour des éléments suivants :

  • concentration des sujets afin de canaliser l’énergie des parties prenantes ;
  • dramatisation des enjeux afin notamment de capter l’attention des médias ;
  • accentuation des accords collectifs dans un communiqué final négocié.

Le sommet des chefs d’Etats et de gouvernements qui se réunit à échéance plus ou moins régulière permet par cette technique de communication de sortir des crises liées aux tensions portées sur un ou des Etats-membres et/ou sur une ou des politiques publiques européenne au point qu’il fait dorénavant partie de la vulgate que « l’Europe progresse dans les crises ».

Annonce d’un référendum sur l’Europe : le dérapage d’une communication européenne de crise en situation d’échec

À rebours, partant d’une posture de refus de reconnaissance des faits et de défausse de l’exercice des responsabilités incombant au pouvoir exécutif, l’annonce d’une référendum sur l’Europe – comme l’a proposé le Premier ministre grec – ouvre une période de dérapage dans la communication européenne de crise.

La stratégie du référendum dans le cadre d’une communication de crise à l’échelle européenne est un acte d’instrumentalisation de la crise plutôt que de bonne gestion, notamment en raison de :

  • approche « samouraï » du « ça passe ou ça casse » qui ne correspond pas à la complexité multi-acteur et multi-niveau ;
  • démarche de démocratie directe qui renvoie le peuple à une fausse alternative « la peste ou le choléra » proprement démagogique ;
  • tactique « arche de Noë » de « tout mettre dans la balance » qui ne permet pas de sérier les problèmes et les solutions à trouver ;
  • stratégie machiavélique de prise d’otage à la fois des autres peuples européens et sur la scène nationale puisque l’idée est de faire porter la décision sur le dos de l’opposition parlementaire.

L’annonce d’un référendum sur l’Europe en période de crise s’analyse comme le scénario du pire, un symptôme de la communication de l’une des parties prenantes, incapable de prendre une décision :

  • frénésie du référendum : il s’agit d’une décision précipitée, qui déstabilisent le système et se trouve plutôt inadaptée pour résorber durablement la crise ;
  • tétanie du référendum : il s’agit d’une décision qui consiste justement à ne pas prendre de décision alors que l’impérieuse nécessité des faits impose une décision ferme et rapide ;
  • catatonie du référendum : inertie et négation du monde extérieur contraire au principe de réalité…

La stratégie du « projet latéral » ou comment réussir un projet de changement quand les forces politiques et sociales doutent ou s’y opposent ?

Cette solution répondant à cette interrogation sont justement développées par Olivier d’Herbemont & Bruno César dans « La stratégie du projet latéral » :

Pour réussir un projet difficile, il faut que les alliés soient plus organisés que leurs opposants. La clé principale réside dans la stratégie du projet latéral qui évite de heurter de front les oppositions en proposant une action décalée dans pour autant changer d’axe stratégique.

Comment un tel projet latéral pourrait être envisagé dans une stratégie de communication de sortie de crise pour la Grèce aujourd’hui ?

Parmi les nombreuses propositions – résumées dans une fiche de lecture du CNAM – plusieurs actions sont particulièrement éclairantes, au-delà de l’intervention d’un tiers pour identifier les synergies et les oppositions, de la dynamisation avec de nouvelles méthodes de travail ou de la redéfinition du périmètre de la négociation :

  • oser la rupture : annoncer les choses qu’il faut changer: qui pourrait porter ce discours de vérité ?
  • passer de la sanction au bénéfice mérité : mettre en valeur les bénéfices attendus plutôt que les sanctions en cas de refus ou d’échec.

Ainsi, l’épisode de l’annonce d’un référendum sur l’Europe dans le cadre d’une communication européenne de crise semble correspondre à un dérapage qu’une stratégie de « projet latéral » qui reste à définir pourrait remplacer.

Communication de crise de la Commission européenne après la publication d’une enquête du Financial Times sur les fonds structurels

Alors que les institutions européennes ne sont pas particulièrement connues pour leur réactivité lorsqu’elles se trouvent mises en cause par la presse – au point que certains fonctionnaires européens réclamaient récemment la création d’une cellule de « riposte » contre les « attaques diffamatoires par des médias et des lobbys anti-européens » – ces dernières heures tendraient à prouver le contraire…

Vaste enquête à charge du Financial Times sur les fonds structurels européens

Durant toute la semaine, le Financial Times publie une série d’articles correspondant à une vaste enquête sur les fonds structurels européens, menée pendant 8 mois par Cynthia O’Murchu, la reporter d’investigation du FT, en collaboration avec le « Bureau of Investigative Journalism ».

Un dispositif éditorial complet :

  • la une du FT papier mardi 30 novembre : « EU growth funds lie idle under red tape – FT investigation : only 10% of €347bn programme paid out » (traduction approximative : les fonds structurels européens inexploités à cause de la paperasserie – enquête FT: seulement 10% des 347 milliards d’euros des programmes ont été versés) ;
  • une vidéo « EU funding problems exposed » avec l’interview de la reporter qui revient sur les problèmes de transparence, de destination des fonds et les réformes nécessaires ;
  • un moteur de recherche « Where do the EU Structural Funds go? » avec une base de 646 929 documents mis en ligne (malheureusement un seul champ pour effectuer une requête) ;
  • un suivi régulièrement mis à jour dans la journée sur le FT Brussel blog : « UPDATE: EU Commission tackles FT structural funds expose » (traduction : La Commission européenne répond aux révélations du FT sur les fonds structurels).

Réactions conventionnelles et exceptionnelles de la Commission européenne

À partir des informations fournies par les journalistes du FT :

  • Première réaction conventionnelle lors du point presse quotidien à midi : Pia Ahrenkilde-Hanssen, porte-parole à la Commission européenne a passé un quart d’heure pour répondre aux révélations, complété ensuite par la distribution d’un dossier de presse détaillant des « success stories » par pays ;
  • Deuxième réaction plus exceptionnelle aux alentours de 18h : les Commissaires européens à la politique régionale (Johannes Hahn) et à l’emploi, les affaires sociales et l’inclusion (László Andor) ont réagi, Johannes Hahn avec une déclaration générale sur l’efficacité globale des fonds européens, signalant moins de 5% de fraude et d’irrégularités.

Tandis que les prochaines publications du Financial Times devraient relancer la polémique, force est de constater que la Commission européenne semble sinon d’emblée convaincante du moins plutôt réactive. A suivre…

Quels sont les effets d’opinion de la crise européenne autour des Roms ?

Alors que la crise autour des Roms n’a cessé ces derniers jours d’occuper le devant de la scène, quels en sont les effets sur l’opinion ?

Effet d’exposition : la crise autour des Roms focalise l’attention médiatique dans les sphères publiques nationales

Premier effet immédiat, la crise autour des Roms entraîne une mobilisation importante des médias :

  • en France, une visibilité de l’UE renforcée, notamment pour la Commission européenne au cœur de la tourmente ;
  • dans les autres États membres, une dégradation de l’image de la France au sein du Conseil européen et plus largement sur la scène internationale, avec Nicolas Sarkozy comme principale victime.

Effet de conformation : la crise autour des Roms conforme les interprétations politiques préétablies sur l’UE

Second effet, la crise de Roms fait l’objet d’une polémique forte au sein de la classe politique, avec de nombreuses déclarations politiques à l’emporte-pièce – qu’il n’est nul besoin de citer : Pierre Lellouche, Chantal Brunel, Philippe Marini…

Au-delà de ces raccourcis partisans, s’opèrent des interprétations politiques conformes aux schématisations préexistantes sur l’Europe :

  • pour les pro-européens convaincus, qu’ils soient dans la majorité ou l’opposition : l’intervention de la Commission européenne – quoique indélicate sur la forme – est légitime quant au fond de l’affaire ; seule une solution européenne doit permettre de trouver une issue à la crise ;
  • pour les anti-européens de tous bords : la Commission européenne est sinon incapable de trouver une solution du moins illégitime à critiquer la France.

Au total, la crise autour des Roms marque une préemption temporaire des enjeux européens par la politique nationale dans une sorte de prise d’otage politicienne de l’Europe, dont les effets sont davantage à rechercher dans la mobilisation des partisans pro- ou anti- européens que dans un quelconque progrès de la compréhension durable de l’UE.