Europe des élites VS citoyens européens avertis : décryptage des illusions autour de la communication européenne

Lorsqu’il s’agit de débattre de communication européenne, les acteurs de la scène publique européenne semblent animés par des visions opposées :

  • pour les uns, la communication européenne ne reposerait, dans le fond, que sur un complot des élites ;
  • pour les autres, la communication européenne reposerait sur des initiatives de citoyens éclairés.

Vision technocratique-centripète de la communication européenne : la figure de l’élite

Dans la vision technocratique-centripète, la communication européenne serait forcément un projet :

  • orienté vers davantage d’intégration européenne ;
  • porté par des spécialistes de la construction européenne ;
  • destiné à mobiliser une minorité, concentrée à Bruxelles.

Cette vision repose sur le constat que les acteurs de l’Europe ne sont effectivement qu’une population réduite, multilingue, experte et modernisatrice :

  • les fonctionnaires communautaires ;
  • les eurodéputés et les membres des organes consultatifs européens ;
  • les acteurs des lobbies et des think tank européens.

Cette vision renforce le procès en élitisme fait à la construction européenne, notamment étudié par Olivier Costa et Paul Magnette en 2007 dans « Une Europe des élites ? Réflexions sur la fracture démocratique de l’Union européenne ».

Avec cette vision, la communication européenne est essentiellement du hors média (relations publiques, événementiel) : des élites parlent aux élites

Vision consumériste-centrifuge de la communication européenne : la figure du citoyen averti

Dans la vision consumériste-centrifuge, la communication européenne serait un projet :

  • orienté vers davantage de participation démocratique ;
  • porté par des relais de la société civile européenne ;
  • destiné à mobiliser, localement, les citoyens européens.

Cette vision repose sur le postulat que le «citoyen averti» serait à la démocratie ce que le «consommateur averti» est à la consommation quotidienne, c’est-à-dire que :

  • le citoyen est toujours plus important que l’élu ou l’expert ;
  • le citoyen doit se prononcer en totale connaissance de cause, il doit donc savoir déchiffrer les fausses promesses, poser les bonnes questions.

Cette vision renforce le procès en complot d’une construction européenne qui porterait atteinte à la considération des citoyens.

Avec cette vision la communication européenne est essentiellement de l’Internet : des citoyens parlent aux citoyens

Au final, force est de constater que ces visions partagent l’illusion d’une communication européenne forcément réduite à être un projet minoritaire.

Nouvelle génération du réseau européen des centres d’information « Europe Direct »

La Commission européenne vient de lancer la 2nde génération du réseau européen des centres d’information « Europe Direct » pour la période 2009 – 2012…

Un objectif pour la Commission européenne : visibilité améliorée de l’UE au niveau local

Cette génération rajeunie du réseau décentralisé et de proximité des 500 centres d’information dans les 27 États membres prenant tout particulièrement en compte les particularités locales de nature sociale, culturelle, politique et économique propose selon le communiqué « des services d’information adaptés aux besoins locaux » :

  • en apportant aux citoyens des informations, des conseils, une aide et des réponses à leurs demandes en ce qui concerne les programmes et les possibilités de financement de l’UE ;
  • en favorisant un débat éclairé sur les objectifs et les politiques de l’UE par des activités de communication et de sensibilisation ;
  • en collaborant avec les acteurs institutionnels locaux ;
  • en coopérant avec les médias locaux ;
  • en fournissant un retour d’informations aux institutions européennes en ce qui concerne les tendances et les questions intéressant les citoyens au niveau local.

Une condition pour la Commission européenne : expérience avérée en matière de communication

Les bénéficiaires potentiels doivent être « des organismes publics ou privés investis d’une mission de service public dont la compétence dans le domaine de la communication avec le public est déjà bien établie ».

Pour 2009, la Commission européenne prévoit d’allouer un montant total de 11,4 millions d’euros au co-financement des structures d’accueil sélectionnées, qui recevront jusqu’à 25 000 euros de subvention annuelle, pour la moitié de leurs dépenses.

Europe Direct en France :

  • budget de 1,2 million d’euros,
  • 57 relais Europe Direct,
  • 48 centres de documentation européenne,
  • 26 membres du Team Europe.

Communication en partenariat : les initiatives des organes consultatifs de l’UE

Alors que les institutions communautaires (la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil de l’UE) ont ratifié le 22 octobre 2008 une déclaration politique pour une politique de communication européenne en partenariat, les organes consultatifs (le Comité économique et social européen, le Comité des Régions) prennent des initiatives pour communiquer en partenariat, notamment dans le cadre de la priorité de communiquer sur les élections européennes…

Initiative du Comité des Régions pour communiquer en partenariat : une lettre ouverte à tous les élus locaux

Luc Van den Brande, de nationalité belge, président du Comité des régions depuis février 2008 a annoncé qu’il souhaite inviter le président du Parlement européenne, Hans-Gert Pöttering, a adressé une lettre ouverte conjointe à tous les élus locaux en Europe afin de leur demander de communiquer sur les élections européennes.

Organe composé de représentants des autorités régionales et locales d’Europe, le COR doit être consulté avant toute décision de l’UE portant sur les questions intéressant les pouvoirs locaux.

Initiative du Conseil économique et sociale européen pour communiquer en partenariat : un colloque pour les communicants européens

Mario Sepi, de nationalité italienne, président du Comité économique et social européen depuis octobre 2008, a organisé à Bruxelles, le 27 janvier 2009 un colloque sur le thème « Communiquer sur l’Europe en partenariat – Au-delà des frontières et des cultures ».

Souhaitant devenir une plate-forme de dialogue avec la société civile dans le domaine de la communication sur l’Europe, le CESE a invité « les attachés de presse et porte-parole des Conseils économiques et sociaux des États membres, ceux des organisations dont les conseillers sont issus, ainsi que les porte-parole et les responsables de la communication d’autres institutions européennes ».

Organe représentant « la société civile organisée » à l’échelle européenne, le CESE doit être consulté préalablement à toute décision en matière de politique économique et sociale.

Tendance : vers une communication européenne collaborative

Face au constat d’une ligne de fracture profonde de finalités, de cultures et de pratiques, entre la sphère journalistique de l’information et le monde de la communication, la politique de communication européenne encourage une collaboration plus étroite avec les médias…

I. Les médias peuvent-ils vraiment informer sur l’Europe ?

Cette question posée par Yves Bertoncini, lors d’un cours à Sciences Po Paris le 15 janvier dernier, reprend le constat du rapport Herbillon : les médias ne parlent pas ou peu d’Europe et tente d’expliquer cette défaillance.

Des difficultés structurelles pour s’intéresser à l’Europe

Les médias nationaux ont des difficultés structurelles limitant leur intérêt à parler de l’Union européenne :

  • l’information sur le fonctionnement de l’UE est pour le moins complexe ;
  • la formation des journalistes sur l’UE révèle une carence en matière de repères ;
  • la question des attentes profondes des citoyens en matière d’Europe : ya t-il un manque de demande ?

Un traitement médiatique ponctuel de l’Europe

Le traitement des enjeux européens et de l’actualité communautaire fait cependant l’objet d’une prise en charge ponctuelle de la part des médias nationaux notamment :

  • lors des Conseils européens, ces sommets diplomatiques des chefs d’Etat ou de gouvernement ;
  • lors des « crises », particulièrement « médiatisées » par exemple lors de la Présidence française de l’UE ;
  • lors des votes sur « l’Europe » : scrutin pour les eurodéputés ou référendum de ratification de traités.

II. La communication européenne peut-elle vraiment collaborer avec les médias ?

Les institutions de l’UE déploient des efforts importants pour mieux comprendre les acteurs du secteur des médias et mieux les aider dans leur mission d’informer, différente selon les besoins des États membres et segments de population.

Une information transparence sans cesse accrue

Afin de fournir aux médias des informations et données d’actualité de grande qualité en utilisant les nouvelles technologies de façon pro-active, les institutions communautaires ont notamment mis en place :

  • une nouvelle organisation adaptée aux médias avec la création d’un service du porte-parole organisant quotidiennement des conférences de presse ;
  • une nouvelle offre de produits audiovisuels avec EuropebySatellite, un service d’images brutes et montées, une médiathèque et un studio TV permettant de fournir des interviews vidéo et des reportages montés ;
  • un projet de service de presse capable de fournir des informations de proximité susceptible d’intéresser les 25 000 journalistes dans l’UE qui ne sont pas proche de l’UE comme les 1 100 journalistes accrédités à Bruxelles.

Un soutien à la formation et aux activités des journalistes

Afin d’accompagner les médias dans leur mission d’informer sur l’Europe, les institutions communautaires financent notamment :

  • des formations auprès des journalistes afin de leur permettre de mieux comprendre les institutions communautaires ;
  • Presseurop, un site d’information européen d’informations multilingues ;
  • Euranet, un réseau de diffusion radiophonique de programmes sur l’actualité européenne ;
  • appel d’offre en cours pour un réseau de diffusion télévisuel de programmes sur l’actualité européenne. A ce propos, l’avis du Conseil économique et social européen adopté le 10 juillet dernier, dont le rapporteur était Béatrice Ouin, propose que l’Europe fasse partie des obligations de service public des médias audiovisuels.

Considérant d’une part, la nature des médias, très fragmentée par États membres, complexe selon les populations et en constante évolution et d’autre part, en tenant compte des ressources financières et humaines limitées, les institutions communautaires tendent vers l’objectif d’améliorer la couverture de l’actualité de l’Union européenne par une meilleure collaboration avec les médias.

Tendance : vers une communication européenne décentralisée

L’efficacité de la communication des institutions communautaires doit reposer sur le principe de subsidiarité qui doit s’appliquer à la communication plus qu’à toute autre politique européenne…

Les freins liés à la distance entre les institutions et les citoyens européens

La distance entre les institutions communautaires, essentiellement basées à Bruxelles et les 500 millions d’Européens répartis dans les 27 États membres limite l’efficacité de la mission de communication, notamment en raison de :

  • la distance culturelle liés aux différences de pratiques entre les nations européennes ;
  • la barrière linguistique entre les 23 langues officielles de l’UE ;
  • l’obstacle structurel correspondant aux canaux de communication propre à chaque espace national (réseaux d’affichage, de radios et de télévision).

Les leviers créés par des réseaux de proximité

Afin de communiquer auprès des citoyens sur les enjeux européens et les activités communautaires qui ont des implications directes et quotidiennes pour les citoyens, les institutions communautaires ont développé des réseaux de proximité ayant pour mission – outre les fonctions de représentation des institutions – d’informer la presse sur l’actualité européenne et d’apporter des informations aux citoyens :

  • des bureaux d’information du Parlement européen présents dans les Etats membres (3 sites en France : Paris, Marseille et Strasbourg) ;
  • une Représentation de la Commission européenne dans la capitale de chacun des Etats membres de l’Union (2 sites en France ; Paris et Marseille) ;
  • des relais « Europe direct » implantés dans les régions (environ 470 relais répartis dans les 27 États membres de l’Union, 45 relais Europe direct en France) ;
  • un réseau de plus de 700 conférenciers dans 25 États membres appelé « Team Europe » pouvant être être sollicités pour intervenir dans le cadre de conférences, séminaires, débats ou sessions de formation ;
  • un réseau à la portée des acteurs économiques « Enterprise Europe Network » qui fournit aux petites et moyennes entreprises des informations notamment sur l’accès aux financements européens ;
  • les centres de documentation européenne présents dans les universités, des Etats membres (48 aujourd’hui en France).

Le relais comme stratégie, vers une communication européenne décentralisée

Au-delà des réseaux financés par les institutions communautaires, des relais d’opinion sont également informés et formés pour décentraliser la mission de communication européenne. Les élus des collectivités territoriales (élus ou agents publics des mairies, conseils régionaux et conseils généraux en France), les mieux placÈs pour exprimer les aspirations des citoyens concernant l’Europe, concourent à cette stratégie, avec notamment en France :

  • Placedeurope, une plate-forme participative d’information et de débat sur l’Europe conçue pour et par les élus locaux permet l’échanger d’expériences et la diffusion d’approches et démarches innovantes ;
  • Guid’Europe, un réseau de plus de 60 responsables « Europe » des collectivités départementales dont un espace « club » sur placedeurope leur est réservé pour entrer en contact et se retrouver pour débattre, échanger leurs bonnes pratiques.

place_europe

Ainsi, la communication européenne tend à s’opérer au plus proche des citoyens, sur le terrain, afin de renouer avec les résultats.