Communiquer l’Europe : Mission impossible?

Voici un compte-rendu synthétique de mes prises de notes lors de la conférence « Communiquer l’Europe: Mission Impossible? » organisée lundi 6 juillet à la Représentation de la Commission européenne en Belgique par le Forum 311 (la distance entre le centre de Paris et les institutions européennes à Bruxelles), une association basée à Bruxelles réunissant de jeunes francophones et francophiles travaillant sur des questions européennes…

Certes, communiquer l’Europe, c’est une mission suicide…

Communiquer l’Europe se révèle particulièrement difficile au-delà des obstacles linguistiques ou culturels en raison d’une série d’apories (1) et des controverses (2) :

1. Ce qui fait défaut pour communiquer :

Il n’y a pas de politique partisane à l’échelle européenne :

  • aucun parti politique vraiment transeuropéen présentant des listes de candidats multinationaux aux élections européennes ou un programme de travail pour la législature ;
  • aucune incarnation politique vraiment convaincante tant au niveau des présidences tournantes que des présidents de la Commission ou du Parlement.

Il n’y a pas d’espace public européen :

  • ni média vraiment européen, la presse lue dans les milieux bruxellois (The Economist ou Financial Times) restant très élitiste ;
  • ni opinion publique vraiment européenne, les Eurobaromètres commandée par les institutions communautaires restant très abstraits.

2. Ce qui fait débat pour communiquer :

Quelles sont les valeurs de l’Europe ?

  • Certes, la paix reste la pierre angulaire de la construction européenne. Mais la paix peine à mobiliser des générations – de plus en plus nombreuses – n’ayant pas connu de conflit sur le continent.
  • Si l’Europe défend les mêmes valeurs que l’humanité (la protection des droits de l’homme, la régulation de la mondialisation…) alors l’Europe n’a pas de valeurs propres.

Quel est le projet de l’UE ?

  • S’agit-il de la vision française d’une Europe puissance, acteur d’un monde multipolaire ?
  • S’agit-il de la vision d’une Europe marché, grande Suisse libre-échangiste et pacifiste ?
  • S’agit-il de la vision d’une Europe concrète, intervenant dans la vie quotidienne des citoyens ?

… mais, communiquer l’Europe, c’est une mission indispensable

Communiquer l’Europe se révèle particulièrement nécessaire au-delà des actions réalisées au service des journalistes ou par les relais et réseaux de l’UE sur le terrain en raison d’une série d’exigences :

1. Il faudrait créer un sentiment européen

Parce que l’« on ne créé pas de sentiment d’appartenance avec des bons sentiments » Jean Quatremer, il faut créer un une adhésion à la construction européenne par le sentiment d’urgence, par l’impératif de l’Europe pour survivre.

2. Il faudrait créer une formation civique européenne

Parce que les jeunes représentent l’avenir de l’Europe, il faut créer des cours d’éducation civique européenne dispensés par les enseignants dans les écoles, permettant de créer des connaissances durables, une compréhension voire l’adhésion à l’Europe.

Conclusion : La morale qui conclut la fable de La Fontaine intitulée Le Lion et le Rat s’applique parfaitement à la communication sur l’Europe : « Patience et longueur de temps / Font plus que force ni que rage ».

Débat avec :

  • Willy Hélin, Chef de la Représentation de la Commission européenne en Belgique, ancien Porte-parole de la Commission ;
  • Jean Quatremer, Correspondant à Bruxelles du quotidien français Libération ;
  • Christophe Thévignot, Consultant en communication, Publicis Consultants ;
  • Michaël Malherbe, Intervenant à Sciences-Po Lille, Créateur du blog  » Se former à la communication européenne ».

European Union Public Services 2.0 : une initiative du European Union Public Services 2.0 pour renforcer la transparence des services publics par le web

L’initiative du « European Union Public Services 2.0 » : « European Union Public Services 2.0 » est une démarche 100% web visant à rédiger collectivement la future déclaration sur le e-gouvernement présentant ce que les gouvernements pourraient faire pour renforcer la transparence de leurs services publics par l’usage du web…

Une démarche 100% 2.0 : e-contribution des citoyens à toutes les étapes du brainstorming collectif à la pétition online

En vue de la présentation en Conseil des ministres de l’UE d’un projet de déclaration sur le e-gouvernment, le European Union Public Services 2.0 définit ainsi une démarche originale :

  • brainstorming collectif : discussions sur Twitter ou dans les blogs via le tag “eups20″ et agrégation des contributions sur une « idea-storm platform » – jusqu’au 15 juillet ;
  • consolidation : synthèse des contributions et rédaction d’un projet de déclaration – du 15 juillet au 31 août ;
  • modification : wiki et commentaires – septembre et octobre ;
  • pétition : signature de la déclaration par les citoyens – octobre et novembre ;
  • présentation : ratification de la déclaration par les gouvernements – novembre ou décembre.

Des propositions innovantes pour des services publics plus transparents par l’usage du web

Sur la plateforme, voici quelques « tops » du moment :

  • Publier les données publiques dans des formats gratuits, standards, accessibles aisément et directement disponibles ;
  • Publier toutes les propositions de règlementations sur le web ;
  • Mesurer formellement la performance des services publics en utilisant des mesures choisies par les citoyens et orientées vers les citoyens ;
  • Laisser les administrés personnaliser leurs services publics en ligne ;
  • Donner aux fonctionnaires des incitations pour qu’ils participent aux réseaux sociaux.

Ainsi, avec cette initiative, une double contribution est proposée :

  • d’une part, contribution pour des services publics plus transparents en Europe grâce à l’usage du web ;
  • d’autre part, méthode de participation des citoyens à la définition des politiques publiques, grâce à au web 2.0.

Quelles sont les stratégies d’affaires publiques européennes des entreprises représentées à Bruxelles ?

Face à l’importance des institutions communautaires dans la vie économique, les entreprises mettent en place des bureaux de représentation à Bruxelles eux-mêmes chargés de mettre en œuvre des « stratégies d’affaires publiques européennes »…

2 enquêtes en 2 ans sur les pratiques de lobbying des entreprises représentées à Bruxelles

Etudiées en 2007 par Euractiv et synthétisées dans notre billet du 16 octobre 2007 : « Communication paneuropéenne d’entreprise : l’Union européenne prend de l’importance dans les stratégies des entreprises »), les pratiques de lobbying des entreprises représentées à Bruxelles évoluent vers une utilisation croissante d’Internet et des nouvelles technologies, selon l’enquête réalisée en mai 2009 par Euractiv.

Principaux résultats de l’enquête de 2007 : les affaires publiques européennes des entreprises représentées à Bruxelles se développent progressivement

Les ressources sont principalement destinées à la communication d’entreprise au siège européen plutôt qu’à la communication des bureaux de représentation à Bruxelles. Les contacts personnels dans les réunions et les événements organisés par des réseaux de connaissances, les mises à jour de sites web et les prises de positions restent les moyens de communication privilégiés par les entreprises.

Principaux résultats de l’enquête de 2009 : « les nouveaux médias font leur nid dans les stratégies d’affaires publiques européennes » (des entreprises représentées à Bruxelles) selon Euractiv

Certes, en tête des budgets affaires publiques arrivent toujours les adhésions à des fédérations (78%), les événements (67%), la communication (48%) et le recours à des cabinets de consultants (46%).

Mais, les nouveaux médias commencent également à trouver leur place :

  • 11% déclarent modérer des blogs et 17% utilisent ou envisagent d’utiliser des blogs ;
  • 41% utilisent des vidéos de façon proactive, contre 13% dans la précédente enquête réalisée en 2007 ;
  • 51% utilisent la syndication de contenu (fils RSS), contre 35% en 2007.

Ainsi, les affaires publiques européennes s’inscrivent également dans la tendance récente consistant à utiliser les innovations technologiques.

Lancement de la Présidence suédoise de l’UE : regard sous l’angle de la communication

Alors que la Suède, pays membre de l’UE depuis 1995, prend la présidence du Conseil de l’UE – pour la seconde fois – quel regard peut-on porter sur la communication ?

Un contexte favorable : un espoir suédois après l’échec tchèque et dans la tempête mondiale

Après les six mois de présidence tchèque unanimement décriés (voir le billet de Jean Quatremer qui résume l’état d’esprit : « Délivrance: la présidence tchèque est terminée! »)

et en pleine tempête mondiale (crise économique majeure, crise géopolitique en Iran, négociations climatiques),

le contexte de lancement de la présidence suédoise est particulièrement favorable au sein :

  • des milieux bruxellois : échaudés par l’euroscepticisme du président tchèque ;
  • des capitales européennes : glacées par le libéralisme du gouvernement tchèque.

Un positionnement pragmatique : un programme de travail : « Relevons le défi » autour de quelques priorités

Face à l’ampleur des défis, la présidence suédoise – suivant la culture scandinave de rigueur et de pragmatisme – se fixe quelques priorités dans son programme de travail: « Relevons le défi » :

  1. Économie et emploi – une UE renforcée au sortir de la crise économique ;
  2. Le climat – un nouvel accord sur le climat est en place ;
  3. Justice et affaires intérieures (JAI) – un Programme de Stockholm permettant de sauvegarder la sécurité et les droits des particuliers ;
  4. La stratégie pour la Mer Baltique de l’UE, un milieu marin plus propre et une région plus Compétitive ;
  5. L’UE, son voisinage et le monde ;
  6. Un nouveau Parlement, une nouvelle Commission et le Traité de Lisbonne.

En résumé, selon les Euros du village, les défis sont de 3 ordres :

  • répondre aux crises mondiales (économique et climatique),
  • préparer les changements intérieurs (projet écologique en mer Baltique, vie institutionnelle de l’Union) ;
  • approfondir les stratégies existantes (politique de voisinage et d’élargissement, JAI).

Un budget réduit : 90 millions d’euros pour la présidence suédoise de l’UE

Le coût de préparation et de mise en œuvre de la Présidence suédoise est estimé à 971 millions de couronnes soit 90 millions d’euros :

  • la moitié pour organiser une centaine de réunions qui ont lieu en Suède ;
  • les autres dépenses concernent les efforts faits pour les médias et la culture, le développement de compétence et un renforcement du personnel dans les ministères et quelques administrations importantes à l’étranger.

A titre de comparaison, la Présidence française de l’UE disposait d’un budget de 190 millions d’euros tandis que la Présidence tchèque aurait dépensé à hauteur de 124,5 millions d’euros.

Un site Internet novateur : des fonctionnalités renforçant la culture de transparence

Le site Internet de la présidence suédoise www.se2009.eu est largement inspiré des présidences antérieures dans son arborescence, ses traductions en français et en anglais, ses contenus audio ou vidéo.

Fort de la culture de transparence de l’administration suédoise, le site propose des nouveautés :

  • live blogging des différentes formations du Conseil de l’UE ;
  • accès direct via e-mail et téléphone portable pour tous les intervenants suédois.

Des opérations originales:

  • Campagne grass-root « Me – We: Ton effort multiplié par 500 millions, quelle force! » pour mobiliser individuellement les citoyens de l’UE aux priorités de la présidence ;
  • Campagne auprès des lycéens suédois : « Les Jeunes reporters couvrent la Présidence » afin que les jeunes soient impliqués dans les événements de la présidence.

Nomination de Pierre Lellouche, Secrétaire d’Etat aux Affaires européennes : quelles perspectives pour la communication européenne ?

Au-delà des commentaires de la nomination d’un atlantiste affirmé, pro-Turquie en Europe et expert en défense sur le message délivré par la France à ses partenaires, la perspective d’un recentrement de la communication européenne autour de la dimension stratégique de l’Union européenne pourrait se dessiner…

Vers un renversement de paradigme pour la communication européenne : de l’adhésion citoyenne à la négociation internationale

Quelle est la continuité en matière de communication entre les deux précédents Secrétaire d’Etat aux Affaires européennes depuis 2007 ? En un mot, l’impératif de la dimension citoyenne de la communication européenne afin de réduire le déficit démocratique :

  • Jean-Pierre Jouyet eut pour mission d’organiser la Présidence française de l’UE avec notamment un accent sur l’adhésion populaire de l’événement ;
  • Bruno Le Maire fut chargé d’organiser les échéances électorales européennes avec évidemment une mission de susciter la participation civique au scrutin.

La rupture en matière de communication du nouveau Secrétaire d’Etat aux Affaires européennes, Pierre Lellouche, peut consister à renverser la stratégie, qui ne serait plus orientée vers les citoyens mais plutôt vers les partenaires de l’UE. Voir ainsi l’article dans Le Monde daté du 25 juin : « Pierre Lellouche souhaite que l’Europe s’empare des questions stratégiques ».

Ainsi, l’Europe ne serait plus amenée à justifier son existence auprès des citoyens européens mais plutôt à renforcer sa légitimité sur la scène internationale.

Vers un nouveau programme de travail autour de nouvelles priorités : l’UE, un acteur dans le monde

Afin de positionner l’Europe comme un acteur légitime dans le monde, plusieurs dossiers prioritaires, que le nouveau Secrétaire d’Etat sera amené à traiter, semblent se dessiner :

  • la régulation financière dans le prolongement du G20 de Londres en avril ;
  • la lutte contre le changement climatique en vue de la conférence de Copenhague en décembre ;
  • la relance de l’Europe de la défense à la suite de la décision de la France de rejoindre le commandement intégré de l’Otan ;
  • la politique de voisinage de l’UE et les « stratégies macro-régionales » (partenariat Euro-méditerranéen, partenarial oriental, stratégie de la Baltique, partenariat privilégié avec la Turquie…).

Ainsi, pour surprenante qu’elle soit, la nomination de Pierre Lellouche, Secrétaire d’Etat aux Affaires européennes ouvre de nouvelles perspectives à la communication européenne en offrant un ciment commun aux priorités européennes. Par ses prochaines réalisations certes lointaines mais au combien stratégiques pour l’avenir, l’UE s’offre les preuves susceptibles de refonder sa communication lors des cérémonies des 20 ans de la chute du Mur de Berlin (et de la réunification de l’Europe) ou des 60 ans de la déclaration Schuman, le 9 mai prochain.