Guide de survie pour porte-parole d’une Présidence tournante du Conseil de l’UE

Les porte-parole de la présidence hongroise du Conseil de l’UE – Gergely Polner et Marton Hajdu – publient sur leur blog « Kovács and Kováts » une série de billets très francs sur les leçons qu’ils tirent de leur expérience…

1. Porte-parole de la présidence ou d’un État-membre ?

Les médias ne font pas la distinction entre la présidence du Conseil de l’UE et l’État qui la détient pendant 6 mois tandis que dans l’exercice de la fonction officielle de porte-parole de la Présidence du Conseil de l’UE implique d’oublier « on the record » les points de vue nationaux.

Ainsi, les porte-paroles doivent parler en tant que Présidence et en respecter les contraintes, tout en reconnaissant qu’il n’est pas possible de rejeter le fait qu’ils sont identifiés et attachés à un pays particulier.

2. L’UE parle-t-elle d’une seule voix ?

Que ce soit la Présidence ou l’UE, c’est toujours perçu comme un tout, « l’Europe », alors que c’est toujours la cacophonie. Il est presque impossible d’expliquer les subtilités et les conflits institutionnels de la prise de décision de l’UE.

Ainsi, les porte-parole sont aux prises avec cette cacophonie et doivent essayer « de montrer un visage courageux aux gifles de la communication d’autres institutions et de ne pas riposter ». Il n’en demeure pas moins que cette cacophonie dans les communications nuit à l’UE.

3. Les correspondants de presse à Bruxelles, une espèce particulière ?

Les correspondants de presse à Bruxelles ont une attitude légèrement différente de celle de la presse nationale en se montrant la plupart du temps moins politiques mais meilleurs techniciens. Il s’agit d’un défi pour les porte-parole d’une présidence semestrielle de se confronter à des journalistes qui ont « une mémoire institutionnelle incroyable » et parfois travaillent à Bruxelles depuis des décennies et connaissent les dossiers sur la table mieux que certains experts.

Ainsi, les porte-parole doivent apprendre à travailler très vite et pour une courte durée avec des correspondants de presse à Bruxelles aguerris et forts d’une maîtrise qui leur permet de «contrôler la relation de travail avec des mises en garde amicales ou du « double-fact-checking ».

4. Qu’est ce qui fait un bon porte-parole ?

La crédibilité d’un porte-parole repose-t-elle sur une connaissance approfondie de leur sujet ou une longue expérience de la communication et des médias ?

Ainsi, les porte-parole de la Présidence tournante du Conseil de l’UE estiment qu’il faut doivent davantage mettre l’accent sur la compréhension de la structure institutionnelle européenne très complexe par rapport à une vaste expérience avec les médias.

5. On ou off the record ?

La scène bruxelloise des médias est différente de beaucoup d’autres notamment par l’utilisation extensive des briefings « off the record ». Il y a un complexe d’arrangements tacites dans la façon dont l’information donnée aux journalistes peut être utilisée : infos de background, infos de l’UE, infos de la présidence, etc.

La raison en est la nature complexe des négociations, où les informations les plus précieuses ne peuvent généralement pas être attribuées à leur source, et où personne n’a le monopole de l’information. Dans le Conseil, il y a au moins 27 délégations nationales que les journalistes peuvent contacter pour obtenir des renseignements.

Ainsi, alors que la plupart des spécialistes de la communication déconseillerait de parler librement avec les journalistes, la vie à Bruxelles s’arrêterait probablement sans ces briefings « off the record » et sans la confiance entre les journalistes et les diplomates qui permet à un tel système de fonctionner.

Bilan, le métier de porte-parole d’une présidence tournante du Conseil de l’UE est périlleux, notamment en raison de nombreux dilemmes liés à la communication de l’UE à Bruxelles.

La principale leçon des porte-parole : les échanges avec les journalistes européens sont surtout centrés sur le fond des dossiers et non sur les controverses politiques.

De la distinction entre information européenne et communication européenne

Tandis que la distinction structurante entre « information de presse » sur l’UE et « communication des institutions européennes » semblait solidement établie – la structure qui réalise et diffuse le contenu étant le moyen de faire la part des choses – plusieurs exemples récents justifient de réaffirmer l’importance de la distinction entre ces deux notions…

Actualités d’une confusion entre information européenne et communication européenne

Premier exemple, avec Le Taurillon qui publie « L’Europe en gros plan », une enquête en deux volets l’un sur la place de l’Europe dans les médias français et l’autre sur la liberté des médias en Albanie. Alors que l’ensemble de l’article porte sur des enjeux liés à l’information européenne, avec des verbatims de Marie-Christine Vallet, journaliste et directrice déléguée à Radio France pour la section Europe , le châpo ainsi que le Tweet publié mettent l’accent sur la communication : « Comment l’Europe des 27 peut-elle harmoniser sa communication ? ». Autrement dit, rien à voir.

Autre exemple, avec le « Prix du Parlement européen pour le journalisme » – une récompense qui n’est pas sans soulevée un certain malaise. En effet, le communiqué sur le projet luxembourgeois, publié sur le site du Parlement européen, stipule que « l’article contribue à améliorer la communication entre les institutions de l’Union européenne et les citoyens européens ». De nouveau, confusion.

Pourquoi il est important de distinguer entre information européenne et communication européenne ?

Aucune différence dans les contenus ne semble vraiment irréductible entre information et communication :

  • finalité : les deux visent à la fois connaissance et influence ;
  • objectivité/véracité : les deux tendent vers un même équilibre entre faits et opinions ;
  • qualité/crédibilité : les deux se réclament d’une hiérarchisation des actualités.

Pourtant, la distinction fondamentale entre information et communication demeure au moins pour quelques raisons :

  • la structure qui réalise et diffuse les contenus entre d’une part les médias et d’autre part les institutions européennes ;
  • le statut de l’auteur avec un devoir d’informer pour des journalistes s’adressant potentiellement à tous les publics et un devoir de réserve pour des communicants publics visant prioritairement des cibles ;
  • la relation aux sources entre le réflexe professionnel de recouper et de vérifier les infos pour les journalistes et l’obéissance légitime à l’employeur chez les communicants.

Au total, la distinction entre information européenne et communication européenne porterait sur :

  • des enjeux d’image : cohérence, consistance et continuité principalement pour la communication européenne,
  • des enjeux de réalité : complexité, contradiction et critique essentiellement pour l’information européenne.

Communication de l’UE : qui doit maîtriser la prise de parole dans le web social ?

Le web social soulève de nouvelles pratiques pour toutes les organisations, notamment en matière de prise de parole. L’enjeu schématiquement (cf. « Comment la communication européenne peut-elle répondre à la révolution du web social ? ») consiste à passer :

  • d’une communication few-to-many qui repose sur la maîtrise d’une offre de contenus et l’utilisation de canaux de diffusion dans une logique top-down ;
  • à une communication many-to-few qui repose sur l’interaction permanente entre les internautes-citoyens et les « porte-parole » dans une logique bottom-up.

Dans cette transformation, comment s’organise la communication de la Commission européenne et particulièrement la « prise de parole » dans le web social ?

Le service du porte-parole : une légitimité auprès des journalistes mais une culture du web social à acquérir

Créé il y moins d’une décennie, le service du porte-parole de la Commission européenne est l’organe légitime pour maîtriser la parole officielle de l’institution, tout spécialement auprès des journalistes.

Organisé de manière sectorielle en fonction des politiques publiques de l’UE, chaque porte-parole maîtrise dans son champ d’intervention les « éléments de langage » transmis aux médias traditionnels.

Doté récemment de comptes Twitter – 22 porte-parole quasiment tous identifiés par leurs noms « ECspokes » – le service du porte-parole semble avoir été choisi pour porter la voix de la Commission européenne sur ce réseau particulièrement utilisé par les journalistes.

Quoique la présence des porte-parole de la Commission européenne sur Twitter apparaisse plutôt comme une démarche judicieuse – nonobstant la période d’apprentissage plus ou moins longue – il s’agit d’une ouverture aux médias sociaux relativement réduite, puisque les usages envisagés sur cette plateforme se réduiront à un prolongement de l’activité auprès des journalistes, éventuellement élargie à une sphère de bloggeurs-experts-influents…

Les éditeurs et webmasters du portail Europa : une légitimité liée à la présence sur le web mais une mission réduite en matière de web social

Conscient des « potentiels » liés au web social, une poignée d’éditeurs et de webmasters à la Commission européenne interpelle dans une lettre ouverte José Manuel Barroso afin d’« exploiter la puissance d’Internet pour une meilleure communication ».

Inscrit dans une démarche davantage ouverte tant au niveau des émetteurs européens que des plateformes et outils sociaux : « encourager / autonomiser le personnel de la Commission dans l’utilisation des réseaux sociaux pour communiquer aussi sur leurs travail via blogs, réseaux sociaux etc… », l’enjeu d’« offrir de nouvelles possibilités d’engagement du public » est également posé.

Néanmoins, le plan d’actions de la Commissaire à la communication, Viviane Reding préconise la mise en place d’un réseau défensif de « 10 à 15 experts en médias sociaux au sein de la Commission » pour assurer « une surveillance des blogs et les réseaux sociaux et une réfutation instantanée » (mesure 10).

Ainsi, alors que les éditeurs et webmasters semblaient envisager une parole plus ouverte (en termes de médias sociaux et de public), les porte-parole apparaissent comme les « avant-garde » timides pour la communication de l’UE dans le web social.

« Rapporteur de crise » : comment informer sur l’activité de l’UE de manière didactique et interactive avec un web-documentaire ?

Coproduit par France Télévisions et diffusé sur Curiosphère.tv, « Rapporteur de crise » est l’un des tous premiers web-documentaires consacrés à l’UE.

Selon le synopsis, il s’agit d’un « huis clos au cœur du Parlement européen » auprès de la députée européenne Pervenche Berès, rapporteur de la commission spéciale sur la crise financière, économique et sociale entre ses négociations avec les groupes politiques et les séances de vote en commission puis en plénière.

Comment cette nouvelle forme d’écriture journalistique parvient-elle à informer de manière plutôt didactique et interactive sur l’activité technique de l’eurodéputée ?

Une forme ludique au service d’un contenu éducatif : les recettes du web-documentaire pour informer, notamment un public jeune

Afin de s’adresser efficacement à un public « lecteur / acteur / spectateur / internaute », les auteurs d’un web-documentaire doivent faire évoluer leurs pratiques et créer de nouvelles relations avec leur audience :

Plaire : Une attention portée à la navigation de l’utilisateur à la manière des jeux vidéo, à l’interactivité et à l’esthétisme pour établir la connivence.

Pour Samuel Bollendorff, l’un des auteurs de « Rapporteur de crise » : « Le Web […] permet d’intéresser les jeunes générations qui lisent peu, qui considèrent que la télé n’est pas crédible et qui vont directement chercher sur Internet » . D’ailleurs, une enquête menée en 2007 par L’EIAA (European Interactive Advertising Association) confirme que les Européens de 16 à 24 ans sont 82% à consulter Internet contre 77% la télévision. « C’est auprès d’eux qu’il faut pousser de l’information de qualité », estime Samuel Bollendorff.

Instruire : La forme doit être au service du contenu de qualité en vue de délivrer une information de qualité, fouillée, documentée, propre à l’enquête journalistique voire de susciter et de nourrir la réflexion de l’internaute.

Ainsi, plaire et instruire seraient les recettes du web-documentaire pour informer de manière ludique et interactive.

« Parlement en action » : comment informer les Européens sur les activités du Parlement européen ?

Touteleurope, le portail français d’information sur l’Europe, lance aujourd’hui « Parlement en action » : europarliament.touteleurope.eu (aujourd’hui archivé) – un « nouvel espace entièrement dédié à l’activité du Parlement européen » en réponse à un appel d’offre de l’institution européenne correspondant à un budget total de 180 000 euros.

Une connaissance toujours limitée des activités du Parlement européen chez les Européens, notamment les jeunes

Selon l’enquête « Parlemètre » sur le Parlement européen réalisée pendant l’hiver 2010, le niveau d’information déclaré par les Européens est très défavorables : 28% des répondants seulement considèrent être bien informés sur les activités du Parlement européen :

  • les hommes se déclarent plus au courant que les femmes des sujets relatifs au Parlement européen ;
  • les milieux les plus aisés sont ceux qui ont une meilleure connaissance du Parlement européen et de ses activités ;
  • les plus jeunes restent la catégorie d’âge qui se déclare les moins informés, alors que les 40-54 ans l’est le plus.

Par ailleurs, le Parlement européen est jugé « à l’écoute des citoyens européens » par seulement 35% des répondants alors que 50% ne partagent pas cette opinion.

Ainsi, un effort pour mieux informer les Européens et plus particulièrement les jeunes tout en renforçant le sentiment que le Parlement européen est à l’écoute des citoyens apparaît comme particulièrement urgent.

« Parlement en action » : un portail d’information à la fois pédagogique, participatif et d’actualités sur les activités du Parlement européen

Disponible en 3 langues (anglais, français et allemand), le portail est organisé autour de 4 principales rubriques s’adressant directement à l’internaute :

  • Comprenez : dimension pédagogique pour « donner les clés » sur le fonctionnement du Parlement européen, les grands dossiers et le vocabulaire européen ;
  • Suivez : dimension documentaire pour « analyser les enjeux » liés au travail des parlementaires en commissions et un focus mensuel et un chat avec un eurodéputé en lien avec un rapport important ;
  • Vivez : dimension actualité pour « partager les moments forts de la vie parlementaire, notamment la retransmission en direct des débats et votes au sein de l’hémicycle ;
  • Exprimez : dimension participative pour « échanger et partager avec la communauté » avec « le mur des internautes ».

europarliament_touteleurope

Ainsi, fort d’une animation éditoriale particulièrement riche mixant des contenus de stocks à teneur pédagogique ou d’analyse et des contenus de flux via les directs, les chats et les contributions des internautes, « Parlement en action » propose un complément d’information par rapport au site officiel du Parlement européen.