Eurobaromètre : les fissures de l’opinion des Français vis-à-vis de l’Union européenne

Après des enquêtes d’opinion inquiétantes quant à l’évolution de l’opinion des Français sur l’Europe : « malentendu », perplexité »… le dernier Eurobaromètre flash consacré aux attitudes des Français vis-à-vis de l’UE confirme le décrochage des Français avec l’UE…

Nouveau recul des opinions favorables aux apports de la construction européenne

Première fissure dans l’opinion publique française, la construction européenne est moins créditée qu’auparavant dans sa capacité à garantir la paix sur le continent (73%) et à nous rendre plus forts face au reste du monde (63%) ou à contribuer à la prospérité de la France (50%).

Bien que majoritairement positifs, ces indicateurs, sont en repli sensible par rapport aux enquêtes de février 2012 et surtout d’avril-mai 2009.

Souhait désormais majoritaire de repli sur l’échelon national pour trouver des solutions face à la crise

Deuxième fissure dans l’opinion publique française, les Français souhaitent dorénavant que face à la crise économique actuelle, les solutions soient apportées au niveau national (52%), et non au niveau européen (39%) –alors que la proportion était inverse en 2012 (38% et 52% respectivement).

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Derrière cette évolution spectaculaire, c’est l’opinion des Français les plus diplômés – qui sont traditionnellement plus enclins à soutenir l’UE – qui basculent vers des solutions à la crise apportées au niveau national (49%, +19 points par rapport à l’enquête de 2012).

Recul du souhait de voir les hommes politiques et les médias parler de l’UE

Quoique les élections européennes soient programmées dans quelques mois, le souhait que les hommes politiques et les médias parlent davantage de l’UE est en recul par rapport à l’année dernière :

  • 68% seulement contre 76% en 2012 souhaitent entendre davantage les hommes politiques sur l’UE : moins 8 points ;
  • 70% contre 76% en 2012 souhaitent entendre davantage les médias sur l’UE : moins 6 points.

Au total, l’Eurobaromètre réalisé par la Commission européenne confirme que les fissures entre les Français et l’UE prennent des proportions alarmantes à quelques mois des élections européennes.

Vers une communication européenne décentralisée reposant sur les autorités locales et régionales

Tandis que la stratégie de partenariat entre les institutions européennes exécutives (Commission, Conseil et Parlement) et les Etats-membres est placée sur la sellette dès 2014, le Comité des Régions publie une recommandation pour davantage exploiter le potentiel de communication des autorités régionales et locales

Les autorités locales et régionales, nouveau pivot d’une communication européenne décentralisée ?

Après une revue exhaustive de l’état de la communication européenne aujourd’hui, les auteurs de l’enquête estiment que communiquer sur l’UE devrait être dans l’intérêt des collectivités locales et régionales en tant qu’elles appartiennent à l’ensemble du système de gouvernance de l’UE.

En outre, les organes et institutions de l’UE doivent investir dans des efforts de communication en temps de crise et donc établir des liens avec d’autres institutions non-publiques et publiques comme les ONG ou les autorités locales et régionales.

En somme, l’effort de coopération inter-institutionnelle et d’une stratégie de communication décentralisée devrait prendre en compte les autorités locales et régionales.

Quel potentiel de communication sur l’UE des autorités locales et régionales ?

Les résultats du rapport tendent à montrer un potentiel contrasté de communication des collectivités territoriales sur l’UE :

  • Certes, une grande majorité des collectivités locales et régionales communiquent déjà sur l’UE, principalement dans le cadre de projets financés par l’UE ;
  • Mais, même en manquant de priorités et de ressources, les autorités locales et régionales ont augmenté leurs efforts de communication sur l’UE à partir de 2009.

Autrement dit, à condition d’être accompagnées, les autorités locales et régionales peuvent déployer leur potentiel de communication au-delà des projets financés par l’UE – en particulier autour des enjeux des futures élections européennes.

Quel soutien des institutions de l’UE aux collectivités territoriales pour davantage communiquer sur l’UE ?

Pour communiquer sur les élections européennes de 2014, les collectivités territoriales mettent en évidence un besoin de plus de soutien par les institutions de l’UE :

  • plus de moyens financiers,
  • plus de collaboration et d’échange de points de vue sur comment lier la communication des institutions de l’UE aux efforts au niveau local et régional,
  • plus de connaissances sur exactement quoi doit être communiqué.

Au-delà du besoin attendu lié aux moyens financiers, un meilleur soutien implique également une meilleure compréhension au sein des institutions de l’UE de la façon dont les collectivités territoriales coordonnent leur communication en général et ce qu’elles ont besoin de communiquer plus précisément.

Au total, pour mieux et davantage communiquer sur l’UE et les élections européennes de 2014, les acteurs au niveau européen devraient prendre mieux en compte les préoccupations des autorités locales et régionales et réfléchir à la façon dont les collectivités territoriales pourraient effectivement faire partie d’une nouvelle communication européenne décentralisée.

Floraison des serious games sur l’Europe

Cette année représente un véritable « printemps des serious games sur l’Europe » avec plusieurs projets permettant de sensibiliser des publics variés, notamment jeunes, à des problématiques européennes complexes…

« CAP Odyssey » : un serious game ludique pour comprendre les évolutions de la politique agricole commune

S’inspirant du jeu Habbo City, le joueur doit relever les défis liés à la gestion d’une exploitation agricole dans le village « Abondance » au travers de 7 missions permettant de retracer les évolutions de la PAC.

cap_odysseyDestiné aux jeunes urbains européens, « CAP Odyssey » vise à faire comprendre les enjeux de l’agriculture aujourd’hui : viabilité économique, sécurité alimentaire, revenu des agriculteurs, gestion des ressources naturelles, changement climatique, volatilité des prix, maintien de l’activité dans les espaces ruraux…

Lancé en début d’année à l’occasion des 50 ans de la PAC, « Cap Odyssey » parviendra-t-il à rassembler le million de joueurs que vise le ministère de l’Agriculture, co-financeur avec la Commission européenne ?

« Mission Knut » : un serious game pédagogique pour mieux connaître les institutions européennes

Développé par la Région Bretagne, « Mission Knut » invite à se mettre dans la peau d’un Commissaire européen afin de relever le défi de faire voter un texte européen qui éviterait une nouvelle catastrophe écologique et économique.
mission_knutS’adressant plus particulièrement aux jeunes, le serious game vise à leur permettre de se familiariser avec le processus décisionnel européen, à quelques mois d’élections européennes annoncées comme difficiles en termes de participation électorale.

« Vivre l’Europe en Alsace » : un futur serious game pour renforcer l’identité européenne de l’Alsace

L’Agence de Développement Touristique du Bas-Rhin développe actuellement un serious game qui invite le joueur- consom’acteur à expérimenter véritablement le concept de tourisme européen en Alsace.

Voir la description du projet et du scénario
Voir le teaser

Au-delà des serious games français sur l’Europe, un discours sur l’utilité des « Serious Games in a European Policy Context » se développe partout dans l’UE autour de quelques piliers :

  • Une technologie avancée d’enseignement de plus en plus rentable
  • Une innovation créative de plus en plus attrayante
  • Un double intérêt en matière d’inclusion sociale et d’empowerment

En somme, les serious games sur l’Europe ont de l’avenir.

Vers une privatisation de la communication européenne ?

Qu’il s’agisse du recours de plus en plus systématique aux prestataires privés pour des missions de communication, de la généralisation d’un langage inspiré par le business ou de la « managérialisation croissante des affaires européennes » autour « d’un marché de l’expertise informationnelle », la privatisation de la communication européenne devient sans cesse une réalité plus tangible…

Structuration d’un marché des experts de l’information européenne

Première indication de la privatisation de la communication européenne, la structuration de plus en plus importante d’un marché bruxellois d’experts de l’information européenne – parfaitement décrit par Philippe Aldrin dans « Producteurs, courtiers et experts de l’information européenne. Sociogenèse d’un champ professionnel dans le monde des affaires européennes ».

Pour Philippe Aldrin, « s’est ainsi imposé un marché de l’expertise stratégique sur les façons de mieux penser les politiques européennes et, aussi, « mieux communiquer l’Europe » ; un marché où s’abolissent les distinctions fonctionnelles entre journalistes, conseillers, experts et lobbyistes ».

A l’heure de la complexification de la construction européenne, un petit monde de « producteurs, courtiers et experts de l’information européenne » se déploie au sein duquel « les compétences professionnelles de ces prescripteurs des cadres perceptifs et interprétatifs des politiques publiques et de la gouvernance européennes ne sont plus différenciées qu’en fonction de la nature du commanditaire qui les emploie ».

Systématisation de la sous-traitance des missions de communication européenne

De plus en plus systématiquement, faute de disposer des ressources humaines et des compétences techniques au sein des institutions européennes, des appels d’offre publics pour des missions de communication européenne organisent peu à peu un véritable marché de prestataires spécialisés.

Le marché de la communication de la Commission européenne apparaît – selon les chiffres disponibles datant de 2011 – comme relativement concentré avec 3 agences – toutes basées à Bruxelles – représentant chacune environ un quart des 100 millions d’euros « privatisés » pour la communication de l’UE.

Généralisation d’un discours sur l’Europe inspiré par le business

Dernière tendance confirmant la privatisation croissante de la communication européenne, la généralisation d’un discours inspiré par le business au sein même des acteurs institutionnels européens.

C’est le consultant indépendant, inventeur du concept de « nation branding » Simon Anholt qui indique récemment lors de la conférence EuropCom cette prégnance de concepts hérités de la stratégie militaire et du business : persuader des cibles, aligner les parties prenantes, délivrer un message unique.

Au total, le mouvement de privatisation dans les esprits et dans les actes de l’information et de la communication européennes n’est pas sans conséquence sur les partis-pris qui dominent actuellement la communication de l’UE.

EuropCom 2013 : les 7 erreurs de la communication européenne selon Simon Anholt

Lors d’EuropCom, la conférence annuelle consacrée à la communication européenne, Simon Anholt, consultant indépendant s’est illustré par une intervention qu’il qualifie lui-même de provocatrice voire suicidaire autour des 7 erreurs de la communication européenne…

1. La publicité, c’est du fascisme.

Le langage du commerce et de l’antagonisme (persuader des cibles, aligner les parties prenantes, délivrer un message unique) et non de la démocratie (débattre, se forger sa propre opinion entre des positions contradictoires) domine les milieux de la communication à Bruxelles, au point que Simon Anholt parle de tyrannie quand l’UE tente d’imposer sa vision aux Européens sans leur consentement.

2. La communication, c’est de la propagande.

Lorsque l’UE communique de manière unilatérale alors qu’il n’y a pas de demande et de voix contradictoires, Simon Anholt estime qu’il s’agit purement et simplement de propagande. La communication – surtout à l’heure des médias sociaux – réside dans l’échange et la diversité des messages et des opinions.

3. Le service public, ce n’est pas du business.

La privatisation de la communication européenne dans son langage et dans son approche, qui antagonise les émetteurs détenant la bonne vision et les récepteurs à capter, est une tendance dangereuse.

Par conséquent, plusieurs remarques sont issues de cette idée que l’action publique se distingue de l’action privée :

4. La diplomatie, ce n’est pas des relations publiques.

5. Le gouvernement, ce n’est pas du management.

6. Le leadership, ce n’est pas du service client.

Le leadership ne consiste pas à gouverner à partir de focus groupes pour savoir ce qu’attendent les citoyens mais plutôt à avoir une idée précise de là où il faut aller et de gagner la confiance pour y mener la société.

7. L’UE n’est pas une « corporation » mais une « communauté ».

Les Européens ne sont pas les cibles des institutions européennes. Collectivement, les Européens sont plutôt des ambassadeurs de ce que l’UE tente de faire, à savoir du multilatéralisme qui marche pour nous gouverner.

En conclusion, Simon Anholt estime que la question pour les communicants européens n’est pas de savoir ce que l’on va dire aux Européens mais plutôt ce que l’on va faire ensemble.

Au total, quoiqu’en partie injustes, partiales ou caricaturales, les 7 erreurs de la communication européenne signalées par Simon Anholt dessinent néanmoins autant d’embûches qu’il n’est pas inutiles de rappeler pour les éviter.