La relation des Français à l’Europe 10 ans après le référendum : « c’est compliqué »

À l’occasion du dixième anniversaire de l’échec du référendum sur un projet de Constitution pour l’Europe, l’IFOP publie un sondage sur la relation compliquée des Français à l’Europe 

Un regard contrasté sur les conditions d’appartenance à l’Union Européenne

Encore une bonne majorité des Français juge l’appartenance de la France à l’Union européenne « plutôt une bonne chose », comme d’habitude à fortiori chez les jeunes, les CSP+.

Surtout, les Français adhèrent à certaines avancées de la construction européenne, comme la création d’une armée européenne (71%), l’élection d’un président de l’Europe au suffrage universel direct (60%) ou la création d’un poste de ministre de l’Economie et des Finances européen (59%).

En revanche, les Français sont majoritairement favorables à une remise en cause des accords de Schengen pour restreindre les conditions de circulation et d’installation des citoyens européens sur son territoire.

Une tendance négative après la crise de la dette de la zone Euro

Dorénavant, les Français formulent le souhait majoritaire (62%) de moins d’intégration européenne et de politiques économiques et budgétaires propres à chaque Etat.

Pire au cours de ces cinq dernières années de crise économique et financière, l’Euro, est davantage perçu comme un handicap (47%) que comme un atout (28%), même si les Français ne veulent pas pour autant un retour au Franc.

Retour de flamme sur le référendum sur le traité établissant une Constitution pour l’Europe

Enfin, si c’était à refaire, 10 ans après, l’intention de vote pour le référendum sur le TCE des Français est encore plus claire et nette avec 62% favorable au non, tandis que le non n’avait atteint « que » 55% des suffrages en 2005.

Au total, les Français nouent une relation complexe avec une Europe qui leur échappent et dont ses résultats leur déplaisent.

Quels sont les enjeux démocratiques de la communication européenne ?

À l’occasion du colloque international  « L’Europe dans les médias en ligne » organisé les 26 et 27 mai derniers à l’Institut des Sciences de la Communication à Paris, Romain Badouard, maître de conférences à l’Université de Cergy-Pontoise a présenté les principaux enseignements de l’étude paneuropéenne de l’Europe dans les médias en ligne…

1. Montée en puissance de nouveaux mouvements de la société civile

De nouvelles formes de mobilisation collective se développent un peu partout en Europe autour de mouvements de la société civile (Podemos, Syriza, etc.). Cette effervescence se caractérise d’une part par une revendication pour plus de démocratie : transparence, responsabilité, et surtout une volonté d’auto-détermination, et d’autre part par une hostilité aux politiques économiques austéritaires de l’UE, se traduisant par un sentiment de dépossession.

2. Aggravation du déficit démocratique européen

Auto-détermination et dépossession sont les deux vecteurs d’un fossé qui s’agrandit entre des citoyens mobilisés en dehors des arènes politiques traditionnelles et les décideurs publics européens.

Trois indicateurs illustrent cette tendance paneuropéenne :

  • Montée des partis eurosceptiques et antieuropéens, représentés actuellement par 140 eurodéputés ;
  • Rejet dans l’opinion publique de l’orientation de la construction européenne, l’UE est de plus en plus perçue de manière négative même si l’attachement des populations demeure encore ;
  • Abstention électorale aux européennes en hausse constante, la barre symbolique des 50% est allègrement franchie à chaque scrutin depuis 1999.

3. Une crise de confiance qui est aussi une crise de communication

La communication auprès des citoyens ne fait partie de l’ADN de la construction européenne, puisque l’adhésion des citoyens au projet, forcément acquise, ne comptait pas à l’origine.

La mise en place du marché unique et de l’euro a révélé le besoin tardif d’un soutien des citoyens qui s’est traduit par une réforme de la gouvernance de l’UE.

4. Une approche expérimentale et participative de la communication politique et publique

Afin de créer de l’adhésion et d’associer les citoyens aux décisions, une approche participative des politiques publiques à l’échelle de l’UE est mise en œuvre.

Les institutions européennes se lancent également dans une communication politique fondée sur des expérimentations, en particulier dans le numérique, depuis maintenant 20 ans.

5. Le rôle des médias dans la progression de l’euroscepticisme

Dans les médias nationaux et/ou généralistes, le désintérêt pour les affaires européennes n’est malheureusement plus à prouver.

De nouvelles dynamiques émergent, comme par exemple de nouveaux médias européens comme Politico Europe, Euronews, Contexte, MyEurop ou Café Babel ou de nouvelles collaborations européennes, comme les accords LENA entre des grands titres de la presse ou des collaborations ponctuelles autour des LuxLeaks.

L’enjeu de la prise de parole sur l’Europe dans les médias est également clé lorsque l’on sait que 80% de ceux qui s’expriment à la télévision appartiennent aux élites (politiques, experts et fonctionnaires) tandis que la société civile ne peut pas faire entendre sa voix, à part sur les questions environnementales ou sociales.

6. Le nouveau contexte démocratique dans les Etats-membres de l’UE

Au total, l’étude de l’Europe dans les médias en ligne trace de nouvelles perspectives reposant sur une demande de plus de respect et d’égalité des prises de parole dans le débat public et sur une attente d’une meilleure prise en compte des différents points de vue dans la décision publique.

En définitive, respect des prises de parole de la société civile et prise en compte des particularités dans la décision constituent aujourd’hui les deux enjeux démocratiques majeurs de la communication européenne.

Pourquoi la stratégie de communication de l’UE est illisible ?

Aujourd’hui – c’est-à-dire sous la nouvelle Commission Juncker à la suite du renouvellement du Parlement européen en 2014 – la stratégie de communication de l’UE devient de plus en plus illisible. Pourquoi ?

La communication incarnée / personnelle des Commissaires ne fait pas une politique de communication européenne

La Commission européenne ne dispose plus de Commissaire titulaire d’un portefeuille à la communication ; le président s’est octroyé la tutelle directe sur la DG COMM mais jusqu’à présent n’a pas formulé de stratégie, au-delà d’une note de quelques pages sur le rôle des Commissaires comme porte-parole de l’institution et la réorganisation du service des porte-parole.

La communication institutionnelle / corporate de la Commission européenne ne fait pas la communication de l’UE

L’approche inter-institutionnelle définie dans la stratégie « Communiquer l’Europe en partenariat » est également au point mort, après le retrait unilatéral de la Commission européenne au profit d’une action de communication institutionnelle « corporate » unilatérale dont l’évaluation peine à convaincre.

En outre, le projet d’un plan de communication interinstitutionnel et pluriannuel de l’UE développé par le CoR, visant notamment à décentraliser la communication, quoiqu’ambitieux et fédérateur, est resté dans les limbes.

La communication auprès des citoyens ne fait pas une stratégie de communication européenne

Par ailleurs, la stratégie de communication de l’UE, à force de se concentrer sur la priorité de résorber le déficit démocratique de l’UE, semble s’être enfermée dans une démarche quasi mono-tâche de mieux communiquer auprès des citoyens. Toutes les actions, tous les discours ne semblent plus viser que ce seul objectif, quelque soit l’importance de le poursuivre.

Au total, la stratégie de communication de l’UE souffre actuellement d’une double faiblesse :

  • d’une part, une conceptualisation déficiante qui ne fédère pas les faibles moyens consacrés par les institutions européennes pour communiquer et ;
  • d’autre part, une formulation simplificatrice qui déséquilibre les messages au profit unilatéral des citoyens.

En une phrase, la stratégie de communication de l’UE correspond actuellement à un orchestre dont les instruments seraient désaccordés, chacun jouant sa partition et du coup la mélodie n’est pas harmonieuse et audible.

Quelles sont les priorités en 2015 du programme « L’Europe pour les citoyens » ?

Avec pour double objectif d’une part de contribuer à ce que les citoyens comprennent mieux l’UE, son histoire et sa diversité et d’autre part de promouvoir la citoyenneté européenne et d’améliorer les conditions de la participation civique et démocratique au niveau de l’UE, le programme « L’Europe pour les citoyens » pour 2015 définit des priorités annuelles…

Travail de mémoire européen : la commémoration du 70e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale

Puisque 2015 correspond à la commémoration du 70e anniversaire de la fin de la Seconde Guerre mondiale, qui a eu une influence considérable sur l’histoire moderne de l’Europe, la priorité est accordée aux projets axés sur la montée de l’intolérance qui en a découlé et qui a permis que des crimes contre l’humanité soient perpétrés, ainsi que sur ses conséquences sur l’architecture de l’Europe de l’après-guerre.

En particulier, seront financés des projets destinés à se pencher sur les causes des régimes totalitaires de l’histoire moderne de l’Europe (notamment, mais pas exclusivement, le nazisme, qui a conduit à l’Holocauste, le fascisme, le stalinisme et les autres régimes communistes totalitaires) et à commémorer les victimes de leurs crimes.

De même, seront choisies des actions qui favorisent la tolérance, la compréhension mutuelle, le dialogue interculturel et la réconciliation, dans la perspective de transcender le passé et de bâtir l’avenir, notamment afin de trouver un écho auprès de la jeune génération.

Volet n° 1 – Travail de mémoire européen: 4 502 867 EUR

Engagement démocratique et participation civique : le débat sur l’avenir de l’Europe

Dans le cadre du débat actuel sur l’UE en période de crise économique et après les élections européennes de mai 2014, la priorité porte en 2015 sur un approfondissement de la discussion sur l’avenir de l’Europe, en tenant compte des leçons tirées de l’histoire et en examinant en particulier les réalisations concrètes de l’UE.

Le débat devrait viser à trouver des moyens de faire en sorte que les citoyens européens se réengagent dans le projet européen et de renforcer la démocratie dans l’UE. Les citoyens devraient être encouragés à réfléchir au type d’Europe qu’ils veulent et à la manière de créer une UE plus démocratique, en vue de parvenir à un nouveau consensus sur la politique à mener et de favoriser l’émergence de nouvelles formes de participation civique tout en renforçant et en améliorant celles qui existent déjà.

Le débat ne devrait pas se limiter aux citoyens qui soutiennent déjà l’idée de l’UE, mais toucher ceux qui n’y ont pas été associés jusqu’à présent, ou qui rejettent fermement l’Union ou remettent ses réalisations en cause.

En participant au débat sur l’avenir de l’Europe, le programme «L’Europe pour les citoyens» peut contribuer à la constitution, pour les citoyens de l’Union, d’une identité commune qui pourrait être plus attrayante, en particulier pour les jeunes, tout en étant à la fois tournée vers l’avenir et fondée sur l’histoire.

Volet n° 2 – Engagement démocratique et participation civique: 16 091 133 EUR

Action horizontale de valorisation : la communication institutionnelle de l’UE en 2015

Cette action contribue aux initiatives destinées à accroître la transférabilité des résultats, à fournir un meilleur retour sur investissement et à renforcer l’apprentissage par l’expérience.

La raison d’être de cette action est de poursuivre la « valorisation » et l’exploitation des résultats des initiatives lancées pour qu’elles aient des effets durables.

Le programme «L’Europe pour les citoyens» contribue financièrement à la communication institutionnelle en 2015 sur les priorités politiques de l’UE.

Cette action finance en outre les structures d’information dans les États membres et les pays participants — les points de contact « L’Europe pour les citoyens ».

Volet n° 3 – Action horizontale de valorisation: 1 300 000 EUR

Au total, force est de reconnaître la créativité limitée du programme « L’Europe pour les citoyens » en 2015 entre le volet mémoire axé sur la Seconde guerre mondiale et le volet débat sur l’avenir de l’UE après l’Année européenne des citoyens sur ce même thème il y a 2 ans.

Quelles sont les bases juridiques de la politique de communication de l’UE ?

Avec la publication de la fiche technique sur le site du Parlement européen consacré à la « Politique de communication de l’UE », l’enjeu majeur des bases juridiques de cette action récente et fragile de l’Union européenne est précisément abordé. Qu’en est-il en l’état des textes européens ?

Un fondement juridique limité à la marge des traités pour la politique de communication de l’UE

L’introduction de la fiche synthétique est explicite sur le caractère limité des bases juridiques sur lesquelles s’appuie toutes les actions de communication de l’UE : « les traités ne contiennent aucun chapitre ni article spécifique au sujet de la politique de communication » :

La politique de communication n’est pas régie par les dispositions des traités mais découle naturellement de l’obligation qui incombe à l’Union d’expliciter son fonctionnement et ses politiques ainsi que la signification plus large de ce qu’est l’intégration européenne aux citoyens.

Autrement dit, et encore à ce jour, contrairement à toutes les autres politiques de l’Union européenne, la politique de communication est une action dont les fondements ne sont pas inscrits « dans le marbre » des traités.

Le Parlement européen précise donc que les actions de communication de l’UE ne disposant pas d’une base juridique dans le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne nécessitent un renvoi à l’article 352, qui laisse ouvert la possibilité d’agir dans le cadre de l’unanimité entre les institutions européennes :

Article 352 du TFUE : Si une action de l’Union paraît nécessaire, dans le cadre des politiques définies par les traités, pour atteindre l’un des objectifs visés par les traités, sans que ceux-ci n’aient prévu les pouvoirs d’action requis à cet effet, le Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission et après approbation du Parlement européen, adopte les dispositions appropriées. Lorsque les dispositions en question sont adoptées par le Conseil conformément à une procédure législative spéciale, il statue également à l’unanimité, sur proposition de la Commission et après approbation du Parlement européen.

Un fondement juridique récent via la Charte des droits fondamentaux de l’UE

Autre intérêt de la fiche de synthèse du Parlement européen, l’argument développé suivant lequel la politique de communication de l’UE repose sur les principes définis par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, devenue contraignante et jouissant du même statut juridique que les traités européens en vertu du Traité de Lisbonne :

La politique de communication de l’UE se fonde juridiquement sur la Charte des droits fondamentaux de l’Union, qui garantit à tous les citoyens de l’Union le droit d’être informé sur les politiques européennes.

Avec la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, toutes les institutions européennes disposent d’un cadre commun pour leurs activités de communication auprès du grand public, grâce aux principaux articles traitant de l’information et de la communication :

  • article 11 : droit à l’information et à la liberté d’expression, ainsi que la liberté des médias et leur pluralisme ;
  • article 41 : droit d’être entendu et droit d’accès de toute personne au dossier qui la concerne ;
  • article 42 : droit d’accès aux documents des institutions européennes ;
  • article 44 : droit de pétition.

Au total, la politique de communication de l’UE se voit fondée à la marge des traités européens, ce qui révèle sa fragilité, mais également confortée avec les grands principes consacrés par la Charte des droits fondamentaux de l’UE appartenant depuis peu au « bloc de constitutionnalité » européen.