Les citoyens peuvent-ils participer aux défis politiques, parvenir à un consensus et trouver des solutions à la fois légitimes et équitables, c’est la promesse de la démocratie délibérative. Qu’en est-il en réalité, selon les intervenants à la table ronde EuropCom 2023 consacrée à cette discussion, dont on sait que cet ajout utile à l’arsenal démocratique fonctionne si les groupes de participants sont sélectionnés de manière aléatoire et que leurs propositions sont sérieusement prises en compte par les décideurs politiques, seule voie pour renforcer la confiance des citoyens dans les institutions démocratiques et dans l’Union européenne.
Les citoyens en général et lesquels en particulier sont intéressés par la participation à la démocratie participative ?
Joško Klisović, Président de l’Assemblée à la ville de Zagreb tire une leçon du référendum croate sur l’adhésion à l’UE : il est très difficile de transmettre un message aux citoyens s’ils ne sont pas intéressés par le sujet.
Pourquoi il est nécessaire d’impliquer les citoyens dans les « affaires de l’État » s’il y a déjà des représentants démocratiques habilités en place, parce que les citoyens peuvent impacter la démocratie à la fois en influençant les décisions et en surveillant l’élaboration des politiques.
Les données collectées à Zagreb révélé les types de citoyens ou de participants qui interagissaient avec les plateformes : ceux qui proposent des solutions constructives ; les perdants des élections précédentes, ceux qui essayent d’utiliser les plateformes à leurs propres fins ; ceux qui promeuvent des groupes d’intérêt (privés) ; et les fauteurs de troubles.
Le fossé particulièrement important porte entre ceux qui promeuvent des initiatives ou des décisions dans l’intérêt public et ceux qui le font dans l’intérêt privé.
Comment la Commission européenne intègre la démocratie délibérative dans le processus d’élaboration des politiques publiques européennes ?
Colin Scicluna, Chef de cabinet du Vice-Président de la Commission chargé de la démocratie et de la démographie précise d’emblée que la démocratie délibérative n’implique pas de remplacer l’ancien système par le nouveau système.
La démocratie est actuellement menacée car les citoyens ont moins confiance dans les institutions qui les représentent. Lors de l’organisation d’événements de démocratie délibérative, cela permet précisément de s’adresser aux personnes qui pensent que leur opinion n’a aucune valeur. Nous devons entendre l’opinion, en fait, je dirais, des personnes qui pensent qu’elles n’ont pas une opinion valable mais qui en réalité en ont une.
Il est très important de fournir des retours d’informations et de faire suite aux sessions consultatives/participatives, sinon la confiance des gens dans ces actions flanche. Jusqu’à présent, 1 200 personnes de tous les États membres ont participé à un panel de citoyens européens.
Quelles expériences et évaluations des projets de participation citoyenne ?
Anna Renkamp, Chef de projet senior à la Fondation Bertelsmann met en avant trois leçons apprises :
Le discours est central (à la fois entre citoyens et entre institutions et citoyens, et vice versa). Les résultats ont montré que les gens apprécient ces réunions participatives et l’échange d’idées pour trouver des solutions communes, montrant qu’ils étaient capables de trouver des compromis sur des questions difficiles. Les politiciens peuvent apprendre de ces résultats et mettre en œuvre de meilleures politiques.
Cependant, cela nécessite une bonne connaissance des techniques participatives et une large inclusion et diversité. Pour contacter les groupes marginalisés, il est conseillé de contacter des multiplicateurs (intermédiaires ayant de bons liens avec ces groupes) ou d’aller là où ils se trouvent. Il est utile d’adopter une approche multi-angles (par exemple, en plus des groupes aléatoires sur les panels, il est bon d’avoir une participation en ligne et des événements parallèles pour toucher un public plus large).
La volonté politique doit être présente (les propositions des citoyens doivent être prises au sérieux). Sinon, cela aura un effet très négatif sur la confiance des citoyens dans la démocratie délibérative. Ces processus de participation citoyenne délibérative ne fonctionnent que si la qualité des délibérations est bonne et si les processus sont inclusifs, interactifs et efficaces.
Quelles synergies potentielles entre les initiatives citoyennes européennes en matière de démocratie participative/panels de citoyens ?
Simona Pronckutė, experte externe des initiatives citoyennes européennes et membre du conseil de campagne des initiatives citoyennes européennes calcule que, depuis 2012, seules 10 initiatives citoyennes européennes (sur 125 soumises) ont recueilli le million de signatures nécessaires dans toute l’UE pour réussir.
Les 10 initiatives citoyennes européennes réussies – avaient recueillies au moins quelques milliers de followers sur les réseaux sociaux et de grands partenaires comme PETA ou Greenpeace – il était plus facile pour ces initiatives de recueillir des signatures car les citoyens en avaient entendu un peu parler.
Il devrait être plus facile pour les initiatives citoyennes européennes d’atteindre leurs objectifs et il serait particulièrement souhaitable qu’elles puissent avoir une plus grande présence au sein des institutions européennes.