Dans le cadre du projet « Supporting Engagement in European Elections and Democratic Societies » (SEEEDS), une discussion des différents facteurs, qui influenceront le déroulement et le résultat des prochaines élections européennes permet de faire le tour des enjeux du scrutin.
Challenges et menaces
Pour faire le tour des problématiques, c’est Ingibjörg Sólrún Gísladóttir, ancienne ministre des Affaires étrangères d’Islande et ancienne directrice du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’OSCE qui mentionne le risque de « backsliding », de rétrograder qui pourrait être une menace existentielle mobilisant les électorats européens :
- Participation électorale : premier enjeu, le risque de déconnexion entre l’UE et les citoyens
- Manque de confiance dans les élus européens, en particulier après le scandale du QuatarGate
- Mobilisation des partis populistes face aux solutions insatisfaisantes de l’UE, en particulier sur les migrations
- Interférences étrangères en matière de désinformation, dont l’arsenal s’est encore renforcé avec les deepfakes, les contenus générés par les IA ou encore les fake websites
- Coût politique de la guerre en Ukraine après le coût économique avec l’inflation
- Intégrité du scrutin en termes de cybersécurité
- Paysage médiatique, indifférent, polarisé ou parfois menacé selon les États-membres, entre « slap lawsuits » d’un côté mais « cross-border journalism » de l’autre
- Impact incertain du Brexit
Vision optimiste
Pour défendre une autre vision, Camino Mortera-Martinez, Responsable du bureau de Bruxelles du Centre for European Reform se charge de plaider les arguments en faveur d’une mise en question du statut d’élections de second rang en raison de la plus faible participation et de la moindre importance en termes politiques :
- Les premières élections après une pandémie et une guerre, qui ont l’une et l’autre changé pour toujours l’UE vers davantage de décisions décisives et d’unité solidaire.
- Des nouveaux biens communs publics européens à défendre comme la santé, l’énergie ou la sécurité.
Résorber le déficit d’intelligibilité
Alberto Alemanno, Professeur de droit de l’Union européenne à la chaire Jean Monnet de HEC Paris, souligne que le traité de Lisbonne prévoit un modèle de démocratie parlementaire majoritaire qui fait l’objet d’incertitude, c’est ce déficit d’intelligibilité qui doit être corriger.
La préoccupation principale porte sur la participation électorale, dont l’érosion inéluctable a été corrigée lors du dernier scrutin, mais qui risque de se dégrader en raison du manque d’européanisation du process politique – les élections européennes demeurent des élections nationales dans leurs organisations de la compétition des candidats nationaux.
La réponse de l’UE qui manque d’ambition en réponse au scandale du QuatarGate, risque d’impacter à la baisse la confiance des citoyens dans les institutions européennes.
Le statut d’agent étranger, prévu dans le « package démocratique » en vue des élections européennes pour lutter contre les manipulations étrangères de l’opinion, risque d’entretenir un état d’esprit anti-ONG.
La gestion des entorses à l’état de droit, qui met en question le système de la justice de manière plus sensible pour les citoyens, n’est là encore pas à la hauteur avec des mécanismes de conditionnalités qui n’envoient pas le bon signal aux gouvernements.
Certes, un vent d’opportunité sans précédent souffle sur l’Europe, avec une demande de connaissance accrue et des expériences de vie partagées autour de la gestion de la pandémie ou du conflit en Ukraine. Les citoyens regardent dorénavant l’Union européenne comme un apporteur de solutions.
Mais, le narratif autour du scrutin européen est encore trop trivial et banal, en ne reflétant pas assez les vrais enjeux des élections européennes. La responsabilité en incombe particulièrement aux partis politiques européens pour rendre plus intelligible les choix de politiques publiques et européaniser les débats politiques ainsi qu’à la sphère médiatique qui pourrait davantage reporter les mouvements venant de la société, en particulier de la jeunesse plutôt que de se concentrer sur les partis populistes ; sans oublier le rôle de la communication du Parlement européen qui donne des capacités aux acteurs de la société civile de jouer un rôle dans la mobilisation et pour humaniser les élections.
Dorénavant, l’UE joue sa peau dans la vie quotidienne des Européens, aux futures élections européennes d’en confirmer l’impact et l’importance.