Conférence sur l’avenir de l’Europe : quel avenir pour la démocratie participative européenne ?

À quelle suite de cette grande entreprise de la Conférence sur l’avenir de l’Europe les citoyens peuvent-ils s’attendre alors que le processus entre dans sa phase finale, selon Ward Den Dooven ?

La participation des citoyens désormais au cœur de la démocratie européenne

La démocratie participative poursuit un triple objectif : accorder aux citoyens une meilleure satisfaction (participation inclusive, représentation directe et égalité), donner une réactivité aux demandes des citoyens et offrir de nouvelles façons de légitimer la politique et ainsi rapprocher nos systèmes de gouvernance de l’idéal d’une démocratie de, par et pour le peuple.

Pourtant, de nombreux dispositifs participatifs ne sont pas nécessairement meilleurs, car leur ouverture les rend vulnérables aux abus de certaines parties ou leur nature technique limite effectivement la participation. De plus, les résultats n’alimentent pas toujours correctement ou ne sont pas correctement pris en compte par le système de démocratie représentative.

Ces problèmes recèlent des opportunités. Les panels de citoyens offrent la possibilité de recueillir les contributions et les commentaires des citoyens représentant un échantillon représentatif de la société à n’importe quelle étape du cycle politique, que ce soit la mise à l’agenda ou pour évaluer une proposition de politique, et permettent ainsi à la politique d’être plus légitime et plus alignée sur les opinions des citoyens.

En liant la contribution des citoyens aux décisions prises par les représentants élus, les représentants sont tenus responsables de leur suivi de la contribution des citoyens, non seulement lorsqu’ils décident de mettre en œuvre les recommandations, mais aussi lorsqu’ils ignorent complètement la contribution. Des organismes hybrides, réunissant des élus et des citoyens, peuvent garantir que les élus comprennent effectivement les demandes des citoyens et ne peuvent pas ignorer leur contribution sans être tenus pour responsables.

L’innovation participative désormais en vigueur dans l’UE

L’UE a organisé le tout premier panel de citoyens européens dans le cadre de ses consultations de citoyens européens en 2019. Bien que leur résultat n’ait pas toujours été à la hauteur des attentes, le processus délibératif européen fonctionne.

Lorsqu’ils donnent aux citoyens leur mot à dire sur leur avenir, ces dispositifs méritent soit des explications lorsque leurs recommandations ne mènent pas à l’action, soit que leurs efforts soient traduits en politiques publiques. La sous-exécution conduira à encore plus de frustration vis-à-vis de la politique, un phénomène déjà préoccupant.

Le futur de la Conférence sur l’avenir de l’Europe

Deux sujets viennent souvent à l’esprit concernant les résultats : la modification du traité de l’UE et l’attribution d’un caractère structurel ou institutionnalisé aux outils de la Conférence tels que la plate-forme numérique et les panels de citoyens.

Est-il réaliste d’imaginer une réouverture des traités après presque 20 ans ? Soit une convention, soit une « simple » conférence intergouvernementale doit précéder la modification du traité. Dans les deux cas, ces procédures de modification des traités ne nécessitent pas la participation des citoyens. L’échec de projet de Constitution pour l’Europe s’explique sans doute pour le défaut à chercher le soutien de la majorité dans plusieurs États membres. Cette fois-ci cependant, l’implication des citoyens est là et le soutien à une éventuelle modification du traité ressort clairement de leurs recommandations. Il y a certainement un élan politique pour ne pas exclure la possibilité d’avoir un débat.

Les outils participatifs offrant aux citoyens un rôle dans la prise de décision politique pourraient-ils devenir une pratique institutionnalisée dans un espace post-conférence sur l’avenir de l’Europe pour « attribuer un caractère structurant à l’implication des citoyens » ?

Une plate-forme numérique pour observer les grandes tendances est un outil intéressant et innovant et, en théorie, peut être ouvert à tous. Cependant, il a encore des difficultés d’aller au-delà des « suspects habituels ».

Les panels de citoyens, bien que plus restrictifs dans le nombre de participants, peuvent constituer un environnement vraiment inclusif en raison de leur méthode de sélection aléatoire. Les citoyens qui ont participé le signalent généralement comme une expérience positive, leur permettant d’apprendre, d’échanger des idées et, surtout, de faire entendre leur voix. Les représentants de la sphère politique apprécient la qualité des recommandations formulées. Le Parlement européen a déjà adopté une résolution appelant les panels organisés dans le cadre de la Conférence de « pilote pour leur futur institutionnalisation en tant que mécanisme permanent de la participation des citoyens à des débats clés ».

Cela aurait certainement du sens au début d’une nouvelle législature lorsque la Commission et le Conseil définissent les priorités pour les années à venir ou dans le contexte d’un éventuel changement de traité. Ceci est toutefois une approche fondée sur des événements et ne permet pas la participation des citoyens entre les élections, sur une base plus récurrente.

Une première étape pourrait être de structurer les délibérations autour de certaines propositions législatives cruciales telles que la mise en œuvre des priorités stratégiques. Une autre pourrait être de permettre aux citoyens eux-mêmes de pouvoir demander un processus délibératif, peut-être par le succès d’une initiative citoyenne européenne ou d’une pétition.

Les citoyens devraient-ils délibérer eux-mêmes entre eux ou sous une forme hybride avec des élus, comme c’est le cas lors de la plénière ? Bien que les premiers puissent mettre des citoyens plus à l’aise tout au long du processus, l’option de la plénière offre la possibilité de relier les contributions des citoyens avec la responsabilisation des élus.

La présidence semestrielle de la Belgique pour porter la participation citoyenne

La Belgique est pionnière en matière d’expérience de la démocratie délibérative institutionnalisante, comme on peut le voir à la fois à Bruxelles et à Ostbelgien, où deux types différents d’assemblées de citoyens permanentes sont établies. Dans le cadre de la conférence sur l’avenir de l’Europe, la Belgique a été l’un des seuls États membres de l’UE à organiser des panels des citoyens nationaux dans le cadre de sa contribution.

La Belgique détient la présidence du premier semestre en 2024, son programme pourrait prendre la tête de la couture de la participation des citoyens dans le tissu démocratique de l’UE en soutenant l’institutionnalisation durable de la participation des citoyens à l’UE. La Belgique pourrait également prendre l’initiative d’accueillir les discussions citoyennes en vue de sa propre présidence via une plate-forme numérique et des panels de citoyens pour définir les priorités adressées à la présidence qui ne vient qu’une fois tous les 14 ans.

En somme, faire progresser l’intégration européenne, c’est aujourd’hui faire progresser la démocratie délibérative à l’échelle de l’UE.

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