Promesse d’instiller un ferment démocratique plus fort au cœur du système de l’UE, l’innovation des Spitzenkandidaten n’est pas sans controverse sur son impact sur l’équilibre institutionnel de l’UE et la politisation de la Commission européenne. Dans la perspective des élections européennes de 2019, le débat Spitzenkandidaten est relancé.
L’expérience Spitzenkandidaten a-t-elle fonctionné en 2014 ?
L’approche Spitzenkandidaten ne doit pas être confondue avec une élection présidentielle directe, au moyen de laquelle les citoyens éliraient directement le chef du pouvoir exécutif de l’UE, mais elle est comparable aux pratiques de démocratie parlementaire qui existent dans de nombreux États membres où le chef de la coalition élue est nommé à la tête de l’exécutif.
Les Spitzenkandidaten ont renforcé la dimension européenne des éléctions, sans en surestimer l’impact sur les citoyens européens puisque les débats paneuropéens télévisés concentrés sur les trois à quatre semaines précédant les élections – du 9 avril au 20 mai 2014, neuf débats télévisés au total ont été organisés – n’ont suscité que peu d’intérêt pour les médias grand public.
Le processus Spitzenkandidaten n’est pas une solution miracle : s’il a conduit à une relation plus mature au sein du triangle institutionnel, il n’a pas été un antidote à la baisse constante du taux de participation. Il a finalement transformé la plateforme de campagne du Spitzenkandidat en programme politique de la Commission et son point de départ pour toutes les initiatives, au lieu de le soumettre aux compromis habituels fondés sur le plus petit dénominateur commun.
Certes, le contexte et le contenu de la campagne sont restés essentiellement nationaux en 2014, étant donné que les candidats à la députation du Parlement européen ont été sélectionnés au niveau national par les partis politiques et élus conformément aux différentes procédures nationales.
Mais dans le même temps, le processus Spitzenkandidaten a permis à la campagne parlementaire de gagner une dimension européenne plus forte. Chacun représentant une famille politique européenne, les candidats se sont largement concentrés sur l’agenda européen, tout en écoutant les sensibilités nationales, régionales et locales, renforçant la résonnance des débats européens avec les réalités locales.
Le processus de Spitzenkandidaten à contribuer à replacer la position de la Commission vis-à-vis des deux autres colégislateurs de manière plus équidistante entre le Parlement européen et les capitales européennes ; concrétisé, entre autres, par l’adoption de programmes de travail de la Commission européenne, signés par les trois institutions associées au processus législatif ou encore la nouvelle pratique selon laquelle les présidents des trois institutions font des déclarations communes sur les priorités législatives, sans préjudice des pouvoirs conférés aux colégislateurs par les traités.
L’expérience Spitzenkandidaten pourrait-t-elle mieux fonctionné en 2019 ?
Le rejet du système Spitzenkandidaten constituerait un pas en arrière vers un système de prise de décision plus opaque et moins inclusif au sein de l’UE. Cela ne correspondrait ni au développement progressif de l’UE au cours des dernières années, ni à la nécessité de renforcer encore son processus de légitimation dans les années à venir à condition que le multilinguisme, l’expérience de direction et la crédibilité des candidats fassent que le Conseil européen les considère comme « un de leurs pairs » – étant donné que le président de la Commission siège également au Conseil européen.
Les partis politiques européens devront jouer un rôle plus marqué dans la campagne électorale afin de garantir que les élections au Parlement européen portent sur des questions européennes. Des partis politiques plus forts, ayant des liens étroits avec les capitales, rendraient l’expérience des Spitzenkandidaten plus précieuse.
Des périodes de campagne plus longues permettraient un engagement politique accru dans les procédures de sélection des candidats la rédaction des manifestes électoraux. Le dynamisme démocratique du débat profiterait généralement aux familles politiques qui décident de leur Spitzenkandidaten à un stade précoce, permettant la tenue de primaires afin de rendre les problèmes européens plus clairs pour les citoyens.
La législation électorale devraient renforcer la visibilité des Spitzenkandidaten et garantir que les noms et logos des partis politiques européens et les noms des Spitzenkandidaten figurent sur les listes électorales et les bulletins de vote à travers l’UE, comme cela a déjà été le cas dans 9 États membres en 2014.
La capacité des Spitzenkandidaten à mener des campagnes marathon dans toute l’UE, afin d’apparaître dans les campagnes médiatiques et dans les meetings et manifestes des partis nationaux permettraient aux citoyens de mieux être en mesure de choisir leur plate-forme électorale européenne.
Le financement de la campagne des Spitzenkandidaten repose en partie sur un soutien financier aux partis politiques européens enregistrés, répondant à des critères clairs de représentativité dans les États-membres et de respect des valeurs de l’UE. Les voies de financement pourraient être complétées.
Les plates-formes des partis politiques européens, fédération de partis nationaux, sont souvent très variées, reflétant la diversité des points de vue dans l’Union. Une plus grande visibilité et un plus grand engagement autour de leurs valeurs et de leurs points de vue sur l’avenir de l’Europe bénéficieraient grandement à la démocratie européenne.
Pour passer d’une innovation à un modèle, le succès des Spitzenkandidaten est d’abord et avant tout la responsabilité des partis politiques européens afin de faire en sorte que les élections européennes portent sur des questions européennes. Plus de soixante ans après le début du projet et à un moment historique pour relancer l’Union, c’est ce que méritent à la fois l’UE et les citoyens européens.