Plusieurs crises ayant fragilisé le projet européen et favorisé l’émergence des populismes en Europe, quel sera le futur de l’Europe et comment redonner corps à l’ensemble européen. Ivan Krastev, auteur de « After Europe » (en français Le Destin de l’Europe) est intervenu devant le groupe de réflexion organisé par le Centre d’analyse, de prévision et de stratégie du ministère de l’Europe et des affaires étrangères et le Centre de recherches internationales de Sciences Po…
Les crises européennes défient les principes fondamentaux de l’UE
Avec la crise de l’euro à partir de 2010, l’UE n’est plus ni un espace de prospérité avec la perspective automatique d’amélioration des conditions économiques par rapport aux précédentes générations pour tous les Européens, ni une « machine à converger », principal argument qui justifia l’adhésion à l’UE en particulier pour les États-membres sud- et est-européens.
Avec la crise ukrainienne de 2014, plusieurs principes de base structurant la politique étrangère européenne ont été remis en cause :
- la puissance militaire confirme son importance au sein même de l’Europe ;
- le soft power européen révèle sa vulnérabilité face à l’explosion du conflit ukrainien ;
- l’interdépendance économique des États ne réduit pas les risques de guerre.
Le Brexit en 2016 frappe psychologiquement la construction européenne qui s’est construite autour de l’idée d’une « union sans cesse plus étroite ». La question n’est plus de savoir qui va rentrer, mais qui pourrait sortir de l’UE.
La crise la plus importante que traverse encore aujourd’hui l’Union européenne est la crise des migrants. Une crise existentielle pour l’UE éminemment symbolique et subjective non pas tant en raison de la réalité des flux migratoires mais de la prise de conscience qu’il est plus facile de changer de pays que d’essayer de changer de gouvernement.
Alors que l’immigration apparaît comme une nouvelle révolution, l’Europe commence à être contre-révolutionnaire : l’Europe n’est plus une idée, donc ouverte ; mais dans les mentalités, l’Europe est considérée comme un territoire, donc limité. Du coup, la question des frontières de l’Europe – et de leur protection – fait son apparition de manière très concrète dans le débat.
Le futur de l’Union européenne et les solutions pour contrer les populismes
Aujourd’hui, la question doit être la stabilité sécuritaire et géopolitique de l’Europe. Les Européens dans leur ensemble sont très sensibles à leur place au sein de l’Europe et du monde. Nous savons que nous ne sommes pas suffisamment influents pour agir seuls. La France en tant que seule grande puissance crédible sur le plan militaire doit mener le dialogue sur la sécurité et la défense à l’échelle européenne.
La transmission et l’apprentissage de l’histoire de l’Europe peut se présenter comme un éventuel antidote contre les populismes contemporains à condition que ce soient les dirigeants politiques qui la porte et la communique sachant qu’avec les réseaux sociaux, la communication s’est accrue entre pairs mais la communication intergénérationnelle s’est affaiblie.
La première réponse pour contrer les populismes vise à identifier quel type d’idées et d’inquiétudes doivent être intégrées comme des revendications et inquiétudes consensuelles. Il faut d’abord prendre en compte les sujets qui comptent vraiment pour les populations et qui peuvent les effrayer.
Ensuite, il est important de faire la distinction entre les partis antisystèmes et les idées et les hommes et femmes politiques qui incarnent un certain type de public européen et sont ainsi des interlocuteurs crédibles : Sebastian Kurtz joue la carte de l’Europe à l’inverse de Viktor Orban menant une politique destructrice pour l’UE.
Enfin, les électeurs souhaitent le changement mais dans le même temps ils cherchent le statut quo. Pour contrer les populismes, il convient de trouver un juste milieu. L’UE ne peut pas juste défendre la « libre concurrence non faussée » mais doit se montrer prête à défendre les citoyens européens contre les abus de grandes entreprises multinationales.
Au total, les solutions pour contrer les populismes seraient plutôt gramscienne : « allier le pessimisme de l’intelligence à l’optimisme de la volonté ».