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Pourquoi il faut une refondation de la communication de l’UE ?

Alors que la période actuelle est consacrée à la publication d’une série de documents de réflexion en vue de refonder l’Europe, Stavros Papagianneas publie « Rebranding Europe. Fundamentals for Leadership Communication » – le regard sans concession d’un professionnel afin de refonder la communication de l’UE…

Une lucidité indispensable pour le diagnostic

Au cours des dernières années, l’UE a consacré beaucoup de temps et d’argent à communiquer avec ses citoyens, en tenant d’expliquer ses politiques et son but. Néanmoins, cette communication a été marquée par un fort jargon et un faible impact. Personne ne comprend ce qui se passe à Bruxelles.

De nombreux facteurs contribuent à cette inefficacité de la communication :

  • Le manque de leadership et le penchant technocratique ;
  • La crise de l’identité européenne et le multilinguisme ;
  • L’absence d’une vision partagée et d’une sphère publique européenne commune ;
  • La mauvaise connaissance de l’UE et on pourrait ajouter l’apprentissage déficient ;
  • Des médias hostiles et les fake news ;
  • Des pratiques contraires à l’éthique en politique ;
  • Le jeu de culpabilité sur l’Europe ;
  • Les derniers développements : austérité et populisme…

Tous ces facteurs contribuent à l’incapacité de l’UE à communiquer ses politiques et ses réalisations de manière transparente et équitable.

D’autant plus, à l’heure des réseaux sociaux où les gens ne s’y laissent pas compter, que la communication de l’UE est trop souvent basée sur des informations unidirectionnelles, et pas sur un véritable dialogue.

Le Parlement, la Commission et le Conseil expriment souvent des opinions divergentes et même contradictoires, faisant que l’Europe est plus souvent la soustraction de ses différentes parties que la construction d’un projet fédérateur.

Un professionnalisme indispensable pour les propositions

Stavros Papagianneas propose un vadémécum qui constitue une base solide pour reconstruire les fondations de la communication de l’UE, qui en a tant besoin :

1. Communiquer l’Europe en partenariat et aux niveaux européen et national

La centralisation de la communication à Bruxelles est contre-productive. La logique de partenariat, abandonnée unilatéralement par Viviane Reding, doit être reprise autour des valeurs (transparence et honnêteté) et d’une volonté politique communes.

Les acteurs clés devraient fonctionner sur un pied d’égalité. La centralisation excessive du processus de communication à Bruxelles est contre-productive. Les autorités locales et régionales devraient être davantage chargées et être considérées comme des partenaires clés pour fournir des communications visant à établir des ponts entre l’UE et ses citoyens.

Un partenariat public-privé novateur et durable devrait impliquer les institutions de l’UE, les États membres, la société civile, les médias, les partis politiques et le secteur privé. Tous, s’engageraient à adapter le message à l’échelle de chaque pays pour présenter l’UE comme un projet qui cherche à collaborer avec les citoyens et à faire une différence significative dans leur vie quotidienne.

S’engager au niveau de la base peut aider les gens dans différents pays à comprendre qu’ils ne sont pas aussi différents de leurs voisins qu’ils pensent. Le succès peut commencer par une cause que les gens peuvent soutenir, comme un objectif spécifique que la coopération économique, sociale, politique et culturelle européenne faciliterait.

2. Faire de la communication de l’UE une priorité stratégique

La planification d’une communication stratégique est une activité à insuffler plus clairement pour identifier les problèmes, définir les priorités et déterminer les benchmarks de performance. Malheureusement, seule la première Commission Barroso, de 2004 à 2009, a donné la priorité à la communication avec un Commissaire dédié.

La marque et la réputation doivent être considérées dès le début du processus décisionnel et doivent être gérés comme des capitaux à faire fructifier.

3. Envoyer un message d’unité et de refondation

L’UE devrait montrer qu’elle sort de la crise et qu’elle se concentre sur ce qui compte pour l’avenir des gens : emploi, éducation, sécurité, etc. Les institutions de l’UE ont été trop lentes à réagir et pas assez créatives dans leurs efforts pour montrer aux populations locales pourquoi une Europe unie est pertinente et bénéfique.

4. Arrêter de stigmatiser les États membres économiquement les plus faibles

La crise de la zone euro, et tout particulièrement le traitement de la Grèce, symbolise un échec, que les populistes ont largement su exploiter pour faire campagne parfois à raison, contre l’UE. Ce type d’actions contre les États membres économiquement les plus faibles a un effet boomerang délétère pour l’ensemble de l’Union.

5. Reconnaître l’importance de la communication

Pour réussir, le message européen doit être intéressant pour les médias et compréhensible pour les citoyens. Il reste encore beaucoup à faire pour transférer les compétences et l’expertise du secteur privé vers le secteur public. L’UE devrait investir dans la fonction de communication et élargir le mandat des agents de communication.

L’UE doit renforcer le professionnalisme de la communication, encore trop souvent considérée comme une tâche administrative secondaire, ce qui implique une faible reconnaissance et un faible investissement dans la communication.

6. Soutenir le journalisme de qualité et l’indépendance de la presse contre les mythes et le populisme

Les médias de qualité et l’indépendance de la presse jouent un rôle important dans la communication de l’Europe. L’UE devrait apporter un meilleur soutien aux médias, car les informations distribuées à la presse sont très techniques et pas toujours faciles à comprendre. L’adaptation des communiqués de presse aux contextes spécifiques des États membres ou des groupes de citoyens et la création d’un service d’assistance pour les journalistes en recherche d’antécédents pourraient être des solutions.

En outre, l’UE devrait organiser et financer une formation spécialisée pour les journalistes dans tous les pays de l’UE, car il existe un besoin urgent de formation qui permette à la presse locale de communiquer la pertinence de l’UE de manière compréhensible et de l’expliquer de manière claire la langue. Les fonds des programme de recherche et d’innovation pourraient être utilisés à cette fin.

7. Créer la transparence autour des choses importantes et pertinentes pour les parties prenantes

Une bonne communication aide à créer un dialogue et constitue la base d’une prise de décision bénéfique. Il est nécessaire de rendre les messages cohérents, clairs, concrets et sans jargon, et de les relier à des besoins et des attentes humaines spécifiques aux niveaux européen, local et régional. Parler d’une seule voix à tous les niveaux est fondamental.

Au total, il n’y a pas de temps à perdre. Du Brexit à Trump, les alarmes doivent être entendues pour façonner une approche plus sérieuse de la communication visant à stimuler l’engagement des citoyens et à rétablir l’approbation du public. Si la communication de l’UE n’évolue pas, c’est tout le projet européen qui menace d’imploser.

Top 10 de ce que les institutions européennes feraient en s’inspirant de la communication corporate des entreprises

Après l’analyse de ce que les institutions de l’UE auraient à apprendre de la façon dont les entreprises communiquent, place aux actions que les institutions européennes pourraient entreprendre pour faire évoluer la communication de l’UE, suivant les recommandations de Konrad Niklewicz dans « We Need to Talk about the EU – European Political Advertising in the Post-Truth Era »…

1. Raconter une « big idea », à l’échelle nationale

L’UE devrait suivre l’exemple de nombreuses entreprises et limiter ses messages. La nouvelle « Grande Idée » pour l’Union doit réunir plusieurs conditions : l’accord de tous les acteurs de l’UE, un récit positif, destiné aux Européens, étayé par des actes et lié à la vie quotidienne.

L’histoire de l’UE doit être racontée du point de vue d’un citoyen moyen, mais surtout dans un cadre national pour s’inscrire dans le juste référentiel pour raisonner avec les citoyens. Les mythes ne peuvent pas être dissipés avec des faits ennuyeux. Il faut des contre-récits qui sont puissants et émotionnels et qui sont fondés sur des faits.

2. Être visible, de façon persistante

Les entreprises qui réussissent n’arrêtent jamais le marketing et la publicité et enchaînent les campagnes. La communication doit être plus continue pour avoir un effet durable. Une campagne est efficace lorsque les gens croient en son efficacité. Et ils commencent à y croire sur la base de sa visibilité.

3. Cibler le bon public, via les bons canaux

Avant de lancer des campagnes publicitaires coûteuses, les entreprises identifient aussi précisément que possible le public principal et les canaux nécessaires pour les atteindre.

Le ciblage intelligent du public, basé sur une recherche sociale approfondie, devrait être la priorité absolue pour connaître leurs attentes, leurs habitudes de consommation de l’information, les personnes qui les influencent…

4. Être cash, mais aussi dans l’émotion

Le langage doit être sans langue de bois autour de messages factuels fondés sur la raison. Mais pour se faire respecter et gagner la confiance, l’UE doit défier les messages des populistes, qui sont chargés d’émotions négatives, avec un message imprégné d’émotions positives qui dynamisent et inspirent une identification émotionnelle et personnelle avec l’UE.

5. Communiquer sur l’Union, pas les institutions

Les citoyens ne perçoivent pas les différences entre les institutions européennes et ne comprennent pas le processus décisionnel de l’UE. La compétition intra-institutionnelle doit cesser. Les dirigeants de la Commission européenne, du Parlement européen et du Conseil devraient entamer le processus et montrer l’importance d’une telle coopération. C’est le minimum absolu de ce qui peut être fait à court terme.

6. Exploiter le big data

Collecter, stocker et analyser d’immenses quantités d’informations permet de cibler des individus avec des messages sur mesure, adaptés à la réceptivité particulière. Explorer et exploiter les tendances de recherche avec Google Trends peut notamment donner une meilleure compréhension de l’opinion publique.

7. Trouver les messagers et les relais de confiance

Le choix d’un messager crédible est crucial pour s’éloigner de l’univers des grandes entreprises (lobbying) et des élites internationales (corrompues) qui est trop souvent associé par le grand public à l’UE. Pour contourner la défiance actuelle, l’UE doit envisager d’utiliser des célébrités non politiques (sportifs, scientifiques, stars de cinéma…) pour transmettre son message.

Du côté des relais, des acteurs non gouvernementaux devraient être invités à financer des campagnes de sensibilisation pro-européennes sur une base volontaire et transparente. La responsabilité sociale des entreprises devrait se traduire par des efforts de communication pro-européens.

8. Engager des politiciens et des partis politiques au niveau européen

L’UE a besoin d’intégrer le récit positif et pro-européen dans les débats politiques nationaux via les parlements nationaux afin de renforcer sa visibilité médiatique et sa légitimité démocratique, sans craindre une polarisation des voix anti-européennes qui ont déjà une place bien établie dans le débat public.

9. Budgéter efficacement

Les institutions européennes consacrent environ 400 millions d’euros par an aux activités de communication. C’est une somme substantielle, comparable à ce que des grandes entreprises dépensent. Cependant, contrairement au monde des affaires, les institutions européennes ne procèdent pas à une évaluation sur la rentabilité des dépenses liées à la communication. Il est grand temps que les institutions de l’UE commencent à suivre une autre pratique commerciale et à mesurer le retour sur investissement, en pesant les coûts par rapport aux résultats en termes d’impact.

De manière optimale, les budgets de communication des institutions de l’UE devraient être augmentés, car une promotion sérieuse nécessite des budgets importants. Mais comme les dépenses accrues en matière de promotion sont inacceptables sur le plan politique, la meilleure solution consiste à économiser sur des projets inefficaces et à les consacrer à ceux qui ont un impact réel. Les budgets de communication actuels sont insignifiants par rapport aux quantités énormes d’argent en jeu si le projet européen s’effondre.

10. Intensifier l’utilisation des « nouveaux médias »

Les institutions européennes n’ont d’autre choix que d’apprendre à s’adapter aux nouveaux modes de communication et en particulier aux plateformes sociales, impliquant une modification de la position des porte-parole en ligne, au même niveau que les relations publiques et les relations avec les médias avec un engagement constant.

Les médias sociaux permettent d’obtenir une visibilité élevée à un coût relativement faible. Encore faut-il investir, même modestement, dans des dépenses de marketing puisque la portée organique des messages tend à se réduire. La Commission européenne dépenserait actuellement environ 100 000 euros sur les réseaux sociaux chaque année. Ce n’est pas suffisant pour avoir un impact important.

Au total, les institutions européennes devraient sérieusement remodeler la façon dont elles communiquent sur l’Europe. Non seulement leurs stratégies passées et actuelles ont échoué, mais l’environnement de communication a également changé.

Ce que les institutions de l’UE auraient à apprendre de la façon dont les entreprises communiquent

Au lieu de réinventer la roue, les institutions européennes, selon Konrad Niklewicz dans « We Need to Talk about the EU – European Political Advertising in the Post-Truth Era » auraient intérêt à utiliser des tactiques éprouvées en communication corporate, celle pratiquée par les grandes entreprises…

Similitudes et différences entre la communication corporate des entreprises et la communication institutionnelle de l’UE

L’idée de « benchmarker » les « best practices » est communément répandue, un peu comme le bon sens serait la chose du monde la mieux partagée. Mais, qu’en est-il lorsqu’il s’agit de confronter la communication institutionnelle de l’UE et la communication corporate des entreprises ?

Bien sûr, les entreprises opèrent dans un contexte différent de celui des organismes publics. Les organismes publics ne sont pas en mesure de choisir librement leurs stratégies et leurs identités.

Quelle place pour les publics ?

En effet, la nature politique de l’UE lui impose des contraintes, lui obligeant de se comporter d’une certaine manière. La stratégie et les déclarations d’une organisation publique ne peuvent pas être séparées du mandat politique en vertu duquel elle opère.

En outre, les institutions publiques ne peuvent choisir librement leurs publics ou le contexte dans lequel elles fonctionnent. En revanche, les entreprises privées peuvent discriminer leurs clients, quoique ce soit le plus souvent à leur risque et péril.

De surcroit, une organisation publique doit souvent suivre une politique perçue négativement par le grand public, voire même prendre des décisions impopulaires, ce qui crée une déception et donne lieu à une publicité négative.

Quelle place pour les faits ?

Enfin, les organisations commerciales ne doivent pas nécessairement travailler avec la vérité : elles travaillent avec leur interprétation de ce que leurs produits ou services offrent. Leur seule contrainte est que la publicité ne peut pas être trompeuse. Mais les interprétations de ce qu’un produit ou service a à offrir peuvent être assez vagues.

Au contraire, les organisations publiques sont liées par les faits et une logique de transparence beaucoup plus poussée, liée notamment au fait qu’il s’agit d’argent public.

D’ailleurs, la justification éthique du financement des activités de communication européenne doit être portée par l’éducation civique. Si l’UE doit atteindre ses objectifs, elle doit disposer d’un soutien public.

Au total, même lorsque ces différences sont prises en compte, il y a encore beaucoup que les institutions de l’UE peuvent apprendre de la façon dont les entreprises communiquent.

Futur de l’Europe : y a-t-il un soutien de l’opinion aux projets de refondation ?

Dans l’indifférence quasi générale, la Commission européenne multiplie les publications pour contribuer à la refondation de l’Union européenne. Cette réflexion en cours fait-t-elle l’objet d’un soutien de l’opinion publique européenne aux regards des résultats de l’Eurobaromètre sur « l’avenir de l’Europe » ?

Les jalons pour une refondation de l’Union européenne

L’effervescence au sein de la Commission européenne passe inaperçue et pourtant, si l’on prend le temps de regarder les initiatives, on n’assiste à une multiplication des documents de réflexion et de projection posant les jalons d’une véritable refondation de l’Union européenne :

L’Union européenne se met en ordre de bataille pour une refondation de ses missions et de son avenir : Europe sociale, mondialisation, défense, finances.

Pourtant, c’est bien le Brexit qui apparait à l’avant-scène des médias, et qui risque de consommer beaucoup de capital symbolique et politique pour négocier, sans oublier les questions de valeurs ainsi que la place et le rôle des citoyens au sein de l’Union qui font turbuler la machine médiatique à coup de pression populiste et europhobe.

Les opinions des Européens sur le futur de l’Europe

Ces initiatives bénéficient-elle de l’assentiment, au moins de principe des citoyens pour acquérir une place croissante et mieux acceptée dans la vie quotidienne de ses peuples ?

L’Eurobaromètre sur le Futur de l’Europe fournit quelques éléments de réponses :

  • Une majorité d’Européens convient que le projet européen offre des perspectives d’avenir à la jeunesse européenne, même si les personnes interrogées pensent que la vie de la jeune génération sera plus difficile que la leur ;
  • L’accent pour relever les principaux défis mondiaux devrait être mis sur l’égalité sociale et la solidarité, devant la protection de l’environnement ainsi que le progrès et l’innovation ;
  • Une majorité des personnes interrogées estime que l’élément le plus utile pour le futur de l’Europe serait des niveaux de vie comparables, loin devant des standards d’éducation comparables et des frontières extérieures de l’UE bien définies.

eurobarometre_defis_mondiaux_UE

L’opinion publique européenne semble mûre pour une refondation du projet de construction européenne. Quelques soient les domaines, une large majorité estime que davantage de décisions devraient être prises au niveau européen.

eurobarometre_soutien_projets_UEPar rapport à 2012, le soutien en matière de lutte contre le terrorisme et de promotion de la démocratie et de la paix ou la garantie de l’approvisionnement énergétique sont en baisse, quoique toujours majoritaire. A l’inverse, la gestion des questions liées à la santé et à la sécurité sociale, aux migrations et à la protection de l’environnement progressent.

Au total, tant la floraison des initiatives de l’UE pour définir son avenir que le soutien majoritaire des Européens dessine un nouveau contexte européen favorable à la rénovation. Reste plus à la communication de relayer auprès des médias et à l’influence de recueillir le soutien des responsables politiques nationaux.

Le jeu des 7 erreurs de la communication de l’Union européenne

Dans une étude rafraichissante, “We Need to Talk about the EU – European Political Advertising in the Post-Truth Era”, Konrad Niklewicz fait la liste des faiblesses de la communication européenne. Un rappel de salut public.

1. La perte de la légitimité liée aux « résultats »

Pendant longtemps, le processus d’intégration a été justifié par les résultats obtenus, faciles à identifier, en commençant par le marché unique et la libre circulation des personnes.

Malheureusement, cette légitimité « de sortie » s’est évanouie. Plus la perception est que le niveau de vie diminue, plus il est difficile d’expliquer les avantages de l’intégration européenne.

Conclusion, l’UE n’est apparemment plus en mesure de persuader les citoyens qu’elle apporte de la valeur ajoutée.

2. Le manque de la légitimité liée à la « gouvernance »

La communication de l’UE a également été incapable de défendre une autre source de la légitimité de l’Union, celle liée à la gouvernance de l’UE.

Dès le début, la communauté européenne a été considérée comme un projet d’élites. Plus les institutions et les lois européennes étaient nombreuses, plus l’élitisme perçu était un problème.

Plus des sommets européens fermés à Bruxelles ont pris des décisions unilatérales sur l’avenir des Européens, plus le sentiment que l’UE élitiste les oblige à des situations inacceptables, sans demander leur avis ou leur consentement a été partagé par de nombreux Européens.

Problème, la communication de l’UE n’a pas abordé correctement ce sujet, voire pas du tout.

3. Faible visibilité

Malgré les efforts déployés, les institutions de l’UE, malgré plus de transparence, ne sont pas parvenues à générer une couverture médiatique importante, même pendant les campagnes électorales européennes.

Les institutions de l’UE affirment qu’elles se concentrent sur les journalistes des médias « traditionnels ». Mais elles n’ont apparemment pas répondu aux besoins des médias :

D’une part, les institutions se sont trop concentrées sur les correspondants de l’UE basés à Bruxelles et ont fait trop peu d’efforts pour se connecter avec les journalistes nationaux et régionaux.

D’autre part, le contenu lui-même n’est ni attrayant ni intéressant. Dans la plupart des cas, l’UE parle de manière impartiale, neutre et transparente. Du coup, la communication de l’UE est ennuyeuse et inefficace. La prise de décision dans l’UE repose sur un compromis qui, par nature, exige le langage diplomatique et le lissage des conflits, pourtant générateur d’histoires intéressantes.

La Commission a supposé que la transparence serait la meilleure façon de lutter contre la méfiance. Mais éthiquement louable, cela s’est révélé insuffisant. Les institutions européennes ont cru qu’elles n’avaient pas besoin d’insister pour expliquer ce qu’elles font, se défendre. Mais, les faits ne parlent pas d’eux-mêmes.

4. Cibler une opinion publique européenne inexistante

Le quatrième problème de la communication de l’UE a été la présomption qu’il existe un espace public européen. Les institutions européennes communiquent comme si les problèmes étaient perçus de la même manière dans les 28 États membres. Mais ce n’est pas le cas.

Malgré plus de 60 ans d’intégration européenne, les discussions sociales sur les problèmes liés à l’UE se déroulent fermement dans les limites des frontières nationales. La plupart des communications politiques sont spécifiques au pays : le public lit et vit la politique de l’UE d’un point de vue national. Il n’y a pas de débat européen sur les sujets liés à l’UE.

Au mieux, il existe une « parallélisation » : des problèmes identiques ou similaires sont discutés en même temps, mais dans des contextes nationaux, sans référence ni liens vers les débats dans d’autres pays. Un espace public européen n’existe pas (encore) en raison des divers contextes culturels, linguistiques et historiques des différents États membres.

Mais malgré ces réalités, les institutions européennes continuent de faire appel à la notion d’opinion publique européenne dans les documents officiels.

5. Des valeurs oubliées

Il manque quelque chose d’important : des valeurs européennes universellement acceptées. Certains symboles sont mentionnés dans les traités : le drapeau étoilé bleu, l’hymne de l’UE, la standardisation des passeports et des permis de conduire, et des cartes européennes d’assurance santé.

Mais, ce n’est pas suffisant pour faire vivre de manière tangible un patriotisme européen. L’UE n’a pas été en mesure de créer un sentiment d’appartenance, une identité propre à être partagée par les citoyens des Etats membres. Surtout en période de difficultés économiques, la question de l’identité – le sentiment de faire partie d’un groupe plus important – prend de l’importance, car elle renforce le sentiment de sécurité.

L’UE n’est évidemment pas en mesure d’offrir une identité ethnique, mais elle aurait pu essayer de se concentrer sur une solidarité matérielle. Le sentiment d’appartenance aurait pu être construit autour de bénéfices concrets. Ce type d’attachement fondé sur les avantages aurait dû être développé avant la crise, en période de prospérité économique. Une autre occasion a été manquée.

6. Cacophonie et fragmentation

La persistance de la fragmentation est une autre faiblesse dans les activités de communication de l’UE qui ne sont pas pleinement efficaces par rapport aux ressources dépensées.

Le problème de base est que les activités de communication sont dispersées. Les efforts de communication des différentes institutions de l’UE ne sont pas alignés. Même dans une seule institution, il existe souvent trop d’activités incohérentes.

La fragmentation non seulement rend la voix de l’UE moins audible, mais elle déclenche également des réactions négatives car elle laisse croire que l’UE n’est pas capable de parler de manière cohérente.

Chacune des trois principales institutions décisionnelles de l’UE a son propre service de communication et, dans une large mesure, une stratégie de communication distincte. Il n’y a pas assez de coordination, bien que de nombreuses tentatives aient été faites pour l’établir, notamment via le Groupe interinstitutionnel sur l’information.

7. Un cœur de cible négligé

La septième faiblesse dans les activités de communication de l’UE est la capacité limitée à identifier et à atteindre un cœur de cible auprès duquel construire et maintenir des relations.

La relation avec les citoyens a été la moins développée. Les mesures visant à élargir la portée – par exemple, des plates-formes en ligne personnalisées telles que Debate Europe, Your Voice in Europe et Citizens Agora – n’ont pas réussi en termes de pénétration publique.

Le fait de ne pas reconnaître les besoins du public de base a abouti à un style de communication impersonnel et éloigné, trop bureaucratique, formel, technique, à long terme, orienté sur l’intérieur, abstrait et (parfois) complaisant.

Vu de loin, il semble que les dirigeants pro-européens à l’échelle européenne et nationale n’aient pas compris la vraie nature des personnes qu’ils essayent d’adresser. La communication européenne a été construite sur la photo idéaliste de citoyens bien éduqués qui parlent différentes langues européennes, sont ouverts aux différences culturelles et capables de placer leurs identités nationales dans un contexte plus large. Mais, la plupart des Européens ne parlent qu’une seule langue. Et beaucoup d’entre eux n’appartiennent pas aux élites culturelles, universitaires et commerciales, ou aux diplômés Erasmus.

Au total, les erreurs de la communication européenne sont nombreuses et s’auto-entretiennent les unes les autres : la légitimité d’un côté et le public de l’autre sont les deux grands absents pour le moment.