Archives mensuelles : juillet 2013

Série d’été : l’information européenne dans tous ses états

La période estivale est toujours plus propice pour prendre un peu de recul et faire le point sur des évolutions de moyen terme. S’agissant de l’information européenne, quelles sont les tendances qui frappent tant la profession des journalistes européens que le traitement de l’actualité européenne ?

Dégradation de la profession « correspondant de presse auprès de l’UE »

Première tendance – la plus prosaïque – l’évolution préoccupante de la situation du corps de presse des journalistes accrédités auprès de l’UE à Bruxelles. En effet, les informations brutes des institutions européennes sont de plus en plus accessibles en ligne mais le pluralisme de la presse et les conditions de production de l’information par les journalistes régressent.

Européanisation marginale de l’information dans les médias dominants

Deuxième tendance – la plus durable – l’européanisation des informations ne vient pas des « voix dominantes » – les médias d’information nationaux généralistes – mais plutôt des médias marginalisés (et donc la presse spécialisée et professionnelle), qui ne s’expriment pas avec les discours médiatiques dominants.

Editocratisation d’un certain journalisme européen

Face à la faible place laissée à l’information européenne à proprement parler – fruit des 2 tendances précédentes – c’est de plus en plus le traitement politique de l’actualité européenne qui prend le dessus. La mission traditionnelle des journalistes européens principalement destinée à informer et à éduquer le public est en train d’évoluer avec des journalistes qui agissent plus ouvertement comme des commentateurs d’opinions.

Fait-diversification de l’information européenne

Pour autant, ce traitement éditocratisé est largement minoritaire, le plus souvent, afin de se conformer aux canons de production et de diffusion de « fast news », l’information européenne doit de plus en plus se transformer en « fait-divers » – ces informations spectaculaires et simplifiées qui peuvent passer en boucle sur les chaînes d’info TV et les médias audiovisuels.

En bref, l’information européenne est en profonde mutation avec une plus grande segmentation des manières de pratiquer le métier entre correspondants à Bruxelles précarisés, spécialistes européens marginalisés et éditocrates européens installés

Communication politique européenne : quelle est la future campagne rêvée par les eurodéputés pour les élections européennes ?

En session plénière, le Parlement européen a adopté, jeudi 4 juillet, une résolution (texte non contraignant) formulant « des recommandations sur l’amélioration, par les États membres et les partis politiques, de l’organisation des prochaines élections européennes ». Quels sont les rêves des députés européens et quelles en seraient les conséquences en matière de communication ?

Les rêves-réalités d’une « campagne publique d’incitation au vote »

Parmi les idées approuvées par les eurodéputés, la recommandation pour que « les États membres mènent une campagne publique d’incitation au vote afin de lutter contre la baisse du taux de participation » correspond sans doute le plus à la réalité de la communication européenne.

Il est en effet, plus que prévisible, qu’en complément de la campagne de communication du Parlement européen sur les élections européennes, la plupart des Etats-membres devraient mener leur propre action de communication auprès des citoyens européens, notamment dans le cadre des partenariats de gestion avec les institutions européennes.

Les rêves mi éveillés de « primaires » pour choisir les « candidats des partis européens à la présidence de la Commission »

Tandis qu’aujourd’hui, les tractations pour le choix du président de la Commission européenne se font en catimini entre les chefs d’Etat et de gouvernement de quelques Etats-membres, les eurodéputés :

invitent les partis politiques nationaux à informer les citoyens, avant et pendant la campagne électorale, de leur affiliation à un parti politique européen et de leur soutien au candidat de ce parti à la présidence de la Commission et à son programme politique ;

insistent pour que les partis politiques à tous les niveaux adoptent des procédures démocratiques et transparentes pour la sélection de leurs candidats aux élections au Parlement européen et à la présidence de la Commission.

De ces rêves devraient rester de nombreux candidats au poste de Commissaire européen en ordre dispersé – grâce à la pression médiatique et aux ambitions personnelles. Par ailleurs, quelques petits partis politiques européens, comme les Verts, devraient s’orienter vers des primaires.

Les doux rêves de« campagne électorale paneuropéenne » avec des « débats publics entre les candidats désignés à la présidence de la Commission »

Alors que les campagnes électorales européennes – jusqu’à présent – se sont toutes déroulées à l’échelle nationale, avec parfois des candidats issus d’autres Etats-membres de l’UE, les députés européens :

invitent les partis politiques européens à désigner leur candidat à la présidence de la Commission suffisamment tôt pour leur permettre de monter une campagne électorale efficace à l’échelle européenne qui soit axée sur des questions européennes et basée sur leur propre programme et sur le programme de leur candidat à la présidence de la Commission ;

prient instamment les partis politiques européens d’organiser plusieurs débats publics entre les candidats désignés à la présidence de la Commission.

La campagne paneuropéenne sur la base de programmes électoraux européens apparaît particulièrement ambitieuse au vu des divergences partisanes aux échelles nationales. L’organisation de débats publics entre disons des « têtes de liste » pourraient être envisageable – au-delà des règles établies dans chaque pays – soit en ligne soit sur Euronews – quoique dans les deux cas l’audience ne sera pas au rendez-vous.

Au total, la résolution du Parlement européen consiste un canevas idéal de la future campagne électorale européenne – même si la réalité se trouve plus ou moins loin des rêves.

Quels sont les intérêts pour la communication européenne des présidences tournantes du Conseil de l’UE ?

Quoique régulièrement décriées – car elles seraient devenues superflues avec la présidence stable du Conseil européen – les présidences tournantes, chaque semestre, du Conseil de l’UE sont des opportunités pour la communication européenne. Et la présidence lituanienne qui vient de commencer l’illustre de manière emblématique…

Intérêt n°1 : « l’agenda institutionnel européen » ou comment faire connaître les priorités politiques européennes d’un pays à l’ensemble de la communauté

Avec la Lituanie – 1er pays balte à exercer une présidence semestrielle européenne – l’effet « découverte » est garanti, comme le confirme le ministre lituanien des affaires étrangères, Linas Linkevičius, cité par Euractiv.com : « La Lituanie est une brise fraîche, une voix innovante et essentielle à la famille de l’UE ».

Plusieurs éléments incontournables d’une présidence à l’autre permettent au pays qui exerce la présidence du Conseil de l’UE de se faire connaître mais surtout de faire connaître ses priorités politiques pendant les 6 mois :

D’abord, le programme de travail (très institutionnel et factuel) qui précise les priorités et les textes législatifs soumis à l’agenda. En l’occurrence, l’approche en trois tiroirs – par les termes choisis – est révélatrice : « l’Europe crédible », « l’Europe qui croît » et « l’Europe ouverte ».

Ensuite, le guide de la présidence du Conseil de l’UE qui rassemble des points de vue (plus programmatique et intentionnel). En l’occurrence, un sondage mené conjointement à Bruxelles et Vilnius détermine le niveau perçu de l’influence de la Lituanie sur les affaires de l’UE.

Enfin, la communication en ligne (le site de la présidence), dans les médias sociaux (le compte Twitter : @EU2013LT) et mobile (l’application smartphone). Toute la communication numérique est devenue aujourd’hui incontournable pour assurer l’appariement de la présidence avec les institutions européennes et les parties prenantes.

Intérêt n°2 : « l’attention médiatique et le programme culturel » ou comment faire connaître le peuple et la culture du pays à l’ensemble de l’UE pendant un semestre

Au-delà de l’agenda institutionnel et politique, un programme culturel – d’un niveau d’engagement très différent d’une présidence à l’autre – complète la communication de la présidence tournante du Conseil de l’UE pour toucher les citoyens. Là encore, exemplaire, la Lituanie fait le choix d’un « programme culturel abondant » (…) avec plus cent cinquante événements – concerts, expositions, pièces et films –en Lituanie et dans le monde.

PrintPlus largement, la présidence semestrielle du Conseil de l’UE, c’est également une opportunité médiatique au sens ou l’attention des médias se porte pendant un semestre plus particulièrement sur l’Etat-membre au centre de l’échiquier européen. L’exemple de la Lituanie confirme ces reportages de la presse sur place – ainsi des articles écrits sur Euractiv.fr par un envoyé spécial : « Lituanie : le vertige de la présidence européenne, le pays où l’austérité est populaire, le combat contre l’insularité énergétique ».

De manière plus accessoire – quoique la pression sur les budgets pèse en sa faveur – « la présidence, est aussi une excellente occasion pour les entreprises de présenter leurs produits et services », comme l’écrit sans fausse pudeur le site de la présidence lituanienne du Conseil de l’UE.

Au total, les intérêts en termes de communication d’une présidence semestrielle du Conseil de l’UE sont nombreux en termes d’influence sur l’agenda institutionnel européen, sur l’attention médiatique et potentiellement auprès de chaque citoyen – la preuve avec la communication exemplaire de la présidence lituanienne du Conseil de l’UE.

Service minimum pour la communication européenne à l’occasion de l’adhésion de la Croatie à l’UE

La Croatie devient le 28e État membre de l’Union européenne aujourd’hui 1er juillet 2013. A défaut d’une campagne de communication de l’UE partout en Europe, quelques actions de communication précisent néanmoins comment la communication de l’UE s’organise en « service minimum » pour accueillir sans fanfare la Croatie…

Une fantomatique campagne de communication de l’UE pour l’adhésion de la Croatie

Alors que les célébrations officielles de l’adhésion de la Croatie à l’UE se sont déroulées sans la présence d’Angela Merkel et de François Hollande, il n’y a pas beaucoup d’informations sur ce que prévoient les institutions européennes en termes de communication –une activité sans doute peu prioritaire, quoiqu’elle constitue une occasion trop rare en ce moment de communication positive sur la construction européenne.

Seule la réunion, le 4 juin dernier, du groupe de travail sur l’information – réunissant les responsables communication des institutions européennes – annonce à l’agenda « des activités de communication pour l’accession de la Croatie » menées à la fois par la DG Elargissement et la DG Communication de la Commission européenne.

Un site vitrine « La Croatie dans l’UE : grandir ensemble »

Du côté de la DG Elargissement, un site internet vitrine « croatia-in-the-eu.eu » est en place dans les 24 langues de l’UE pour présenter les porte-paroles croates de la campagne, les événements (aucun événement spécifiquement dédié) et le désormais traditionnel concours photos… « et bien d’autres choses encore ».

Croatia_EU_Growing_Together

Le traité d’adhésion de la Croatie à l’UE a été signé en décembre 2011 mais il semble que la communication de la DG Elargissement ou bien use d’un art consommé du teasing ou alors peine à proposer des démarches vraiment innovantes.

Une vidéo très institutionnelle des Commissaires accueillant la Croatie

Sur Youtube, une vidéo assez terne rassemblant un message de bienvenue de l’ensemble des Commissaires semble davantage servir à faire connaître les membres de la Commission européenne qu’à faire découvrir la Croatie à l’ensemble des Européens.

Cette vidéo à susciter une réaction plus conviviale de la part des membres du gouvernement croate pour remercier l’UE. Une démarche de communication par vidéo interposée intéressante – quoique les peuples soient totalement absents de cet échange.

Une nouvelle Représentation de la Commission en Croatie

Pour la DG Communication, la délégation de l’UE est remplacée par une Représentation dont les fonctions essentielles sont notamment de « communiquer avec les médias et fournir des services d’information et de communication aux citoyens et aux parties prenantes dans les États membres ».

Par ailleurs, le centre de contact « Europe Direct » destiné à répondre aux questions des citoyens est également opérationnel en langue croate.

Au total, la communication de l’UE – en service minimum – à l’occasion de l’adhésion de la Croatie se distingue par son peu d’enthousiasme et son fort classicisme.