Archives mensuelles : juillet 2012

2013, année européenne des citoyens : comment communiquer sur la citoyenneté européenne ?

« Mieux les Européens connaîtront leurs droits en tant que citoyens de l’Union européenne, plus ils pourront prendre des décisions en toute connaissance de cause dans le cadre de leur vie privée, et plus la vie démocratique européenne sera riche à tous les niveaux ».

Cette présentation de l’année européenne 2013 résume parfaitement l’ambivalence d’un double message : l’année européenne sera-t-elle l’année où la citoyenneté devient participative à l’échelle de l’UE ou bien l’année où l’UE entre de plein pied dans la vie quotidienne des citoyens ?

Communiquer sur la citoyenneté européenne en tant que participation à la vie démocratique

La première orientation possible de la communication sur l’année européenne des citoyens consiste à faire que la campagne soit dirigée par les citoyens au niveau national et local (approche bottom-up) et soit axée autour d’une « Année de l’écoute des citoyens de l’UE ».

Recommander de communiquer sur la citoyenneté participative, c’est aider l’UE à :

  • être plus en phase avec l’évolution des besoins au niveau local et national ;
  • utiliser concrètement l’« expertise citoyenne » afin d’adapter les politiques européennes ;
  • réconcilier pratique et rhétorique.

Cette conviction est la principale conclusion d’un rapport sur la citoyenneté participative dans l’UE, qui après consultation des Etats-membres stipule que « l’année européenne 2013 pourrait échouer, causer des dommages et exacerber les sentiments anti-UE », si les projets et initiatives dans les différents pays n’auraient pas pour but d’écouter les citoyens et de se concentrer sur les formes participatives de la citoyenneté.

La communication sur l’année européenne des citoyens pourrait s’incarner dans des « journées européennes de la citoyenneté participative », des événements de formation sur la démocratie européenne organisés autour de groupes de discussion dans tous les pays avec des auditoires clés, tels que les jeunes ou les ONG.

Par ailleurs, les usages et pratiques issus des médias sociaux sont de plus en plus répandus dans les sociétés européennes et pourraient être judicieusement utilisés pour illustrer la citoyenneté participative européenne.

Communiquer sur la citoyenneté européenne en tant que réalité concrète dans la vie quotidienne

La seconde orientation de la communication sur l’année européenne des citoyens s’oriente plutôt sur la valorisation de la citoyenneté civile européenne correspondant aux libertés fondamentales : les droits de vivre, de circuler et de travailler dans toute l’Union. (La citoyenneté sociale européenne résultant de la création de « droits à » socio-économiques ne peut pas être valorisée faute d’arguments suffisants.)

Cette approche semble clairement privilégiée par Viviane Reding, la Vice-présidente de la Commission européenne, qui affirme que son mandat en matière de citoyenneté consiste à « montrer la voie en matière de promotion de la citoyenneté européenne (…) mettre l’accent sur des mesures concrètes destinées à promouvoir et à protéger les droits des citoyens dans leur vie quotidienne ».

La communication sur la citoyenneté européenne en tant que réalité concrète semble privilégiée dans l’opinion publique européenne. Selon un Eurobaromètre flash 294 sur « La citoyenneté européenne », les Européens portent un intérêt à l’UE non pas pour apporter leur contribution mais en fonction de ce qu’ils reçoivent de l’UE.

De plus, les Européens qui reconnaissent l’impact de l’UE sur leur vie quotidienne ont plus tendance à trouver les informations sur l’UE utiles (73 % contre 59 %) et intéressantes (69 % contre 55 %). Ils sont également plus enclins à les trouver intelligibles que ceux qui perçoivent l’UE comme plus éloignée de leur vie quotidienne (54 % contre 49 %).

Ainsi, alors que 2013, année européenne des citoyens représente une opportunité pour faire avancer la citoyenneté participative, force est de constater que tant les Européens que la Commission européenne privilégient la citoyenneté concrète.

Quelle est la meilleure stratégie de communication sur l’Union européenne ?

Des années européennes de ceci aux journées européennes de cela en passant par des campagnes sur telle et telle politiques publiques européennes, les institutions de l’Union communiquent – avec plus ou moins de réussite – sur leurs actions. Mais, qu’en est-il de la communication sur l’Union européenne à proprement parlé ? Quelle serait la meilleure stratégie pour toucher le grand public ?

Communiquer sur les valeurs de l’Union européenne

Comment mieux communiquer sur l’UE sinon sur ses valeurs ? C’est la stratégie que le Parlement européen compte articuler en montrant que les membres élus du Parlement européen – et à travers eux, les citoyens – sont des acteurs clés en Europe dans la défense des droits de l’homme et de la protection de la diversité culturelle.

Dès 2013, le Parlement européen prévoit de lancer une fois par an 4 campagnes majeures de communication, centralisées, et dans les 27 États membres, en mettant en lumière :

  • les questions relatives aux droits de l’homme, notamment l’attribution du Prix Sakharov « pour la liberté de l’esprit » ;
  • la diversité culturelle, notamment l’attribution du Prix cinématographique LUX ;
  • l’égalité de genre et la non-discrimination, en particulier à l’occasion de la Journée internationale de la femme ;
  • toute autre valeur fondamentale parmi celles que défend le Parlement européen, notamment l’année européenne des citoyens en 2013.

Quoique cette communication sur les valeurs place d’emblée la construction européenne sur un terrain symbolique essentiel, l’approche du Parlement européen peut paraître abstraite en s’adressant aux Européens principalement en tant que citoyens de l’Union.

Communiquer sur la valeur ajoutée de l’Union européenne

Le ministère fédéral allemand des Affaires étrangères envisage une communication européenne qui s’articule autour de l’idée qu’il faut « réexpliquer la valeur de l’Europe en tant que communauté de valeurs garante de notre prospérité qui nous offre l’opportunité de faire valoir nos valeurs et nos intérêts dans le monde de demain en participant à sa construction ». Cette approche complète la stratégie du Parlement européen sur les valeurs en ne mésestimant pas l’importance des intérêts.

Communiquer à la fois sur les valeurs et les intérêts, c’est en quelque sorte la recommandation formulée dans la 3e priorité interinstitutionnelle de communication européenne pour 2012 : « Tirer le meilleur parti des politiques de l’UE », notamment en maximisant la valeur ajoutée des politiques de l’UE et le coût de la non-Europe.

Quoique la communication sur la valeur ajoutée soit plus adaptée à la réalité géopolitique et socio-économique des Européens, une telle approche risque d’être trop « négative » en justifiant la plus value de l’UE.

Communiquer sur les raisons de l’action de l’Union européenne

Comment communiquer sur l’Union européenne en combinant à la fois valeurs et intérêts tout en évitant un débat sur la « non-Europe » ? C’est d’une certaine manière ce que propose Gregory Paulger, le nouveau directeur général de la Direction générale à la communication au sein de la Commission européenne.

Lors d’une réunion du comité communication du Comité économique et social européen (CESE), Martin Westlake, Secrétaire général du CESE rapporte sur son blog les propos du nouveau patron de la DG COMM – l’une des premières et seules indications de ses intentions à ce jour :

Gregory Paulger décrit avec éloquence comment, dans cette période d’austérité, avec des mesures de crise décidées et mises en œuvre rapidement, il y a un danger que le messager soit puni pour le message. Cela signifie un changement de tactique pour la Commission européenne et de ses activités de communication, en mettant moins l’accent sur le « quoi » et le « comment » et plus sur le « pourquoi ».

Ainsi, communiquer sur l’Union européenne consiste à expliquer les raisons de l’action à l’échelle européenne sans forcément insister sur la seule valeur ajoutée des institutions européennes, une position qui paradoxalement risque de fragiliser l’UE.

Quelle est la stratégie de communication européenne de l’Allemagne ?

Face au renforcement de l’intégration européenne et à la confiance en berne des citoyens, l’enjeu est à la fois d’imaginer l’Europe au-delà de la crise et d’assurer l’avenir du projet politique européen. Comment ? Le ministère fédéral des Affaires étrangères publie une stratégie de communication européenne qui s’appuie sur 2 idées : expliquer l’Europe et débattre de l’Europe…

Expliquer l’Europe pour instaurer une nouvelle confiance : la valeur de l’Europe, une communauté de valeurs et d’intérêts garante de la prospérité

Conscient que « le projet européen traverse actuellement la crise de confiance la plus grave de son histoire » et que « des doutes sont apparus au sujet de l’idée européenne », la première mission de la stratégie de communication européenne de l’Allemagne consiste à « réassurer sur ce qui fait la valeur de l’Europe (…) si elle y arrive, elle arrivera également à maîtriser la crise ».

Afin de faire « naître une nouvelle confiance en Europe », l’Allemagne estime qu’il faut prendre « conscience que l’Europe est un projet d’avenir » pour « préserver nos valeurs et nos intérêts ».

I. L’Europe, force créative dans la mondialisation

L’ordre mondial est en mutation, avec de nouveaux pôles de puissance économiques et politiques. Seuls, les États européens ne parviendront pas à dominer la mondialisation.

Il s’agit « d’élaborer un modèle présentant l’Europe comme une force créative à l’échelle mondiale (…) un moteur de progrès ».

L’Europe a la capacité de devenir un acteur mondial. L’Europe reflète la capacité des États et des sociétés à partager leur souveraineté dans leur propre intérêt et à parvenir à des solutions communes :

  • l’UE encourage d’ores et déjà la démocratie et la croissance dans les pays voisins ;
  • l’UE est le plus grand fournisseur d’aide humanitaire et d’aide au développement à l’échelle mondiale ;
  • l’UE assume des responsabilités de politique étrangère et de sécurité au-delà du continent ;
  • l’UE est à la pointe des grands dossiers de l’avenir (énergies renouvelables et hautes technologies).

II. L’Europe, une communauté de valeurs

Une Europe puissante n’est pas une fin en soi. C’est « un facteur essentiel de l’attractivité que l’UE exerce par-delà ses frontières. Cette attractivité est fonction de la crédibilité de la communauté de valeurs européenne ».

Il s’agit de « continuer à l’avenir à affirmer les valeurs de l’Europe, à l’intérieur comme à l’extérieur » :

  • les valeurs en Europe : une cohabitation pacifique et tolérante, synonyme de chances équitables dans une économie sociale et durable de marché performante ;
  • les valeurs européennes sont universelles : « l’Europe ne réussira pas à convaincre ses partenaires en leur donnant des leçons mais plutôt en montrant elle-même l’exemple ».

III. L’Europe, puissance économique

L’Europe permet de défendre efficacement nos intérêts dans le monde. L’UE est devenue l’espace économique le plus performant du monde. L’Europe comptera encore dans 20 ans parmi les 3 plus grandes puissances économiques du monde.

Il s’agit d’affirmer la puissance économique et la prospérité de l’UE :

  • un rôle prépondérant dans l’agencement du commerce mondial de demain ;
  • un marché unique, catalyseur indispensable pour la croissance et la compétitivité ;
  • une monnaie commune , l’euro facilite le commerce en Europe en empêchant les fluctuations des cours de change.

IV. Dire non à l’Europe serait faire fausse route

Cette Europe a son prix. Mais elle a surtout une valeur indéniable : « il n’y a pas de solution convaincante susceptible de remplacer l’intégration ». Tourner le dos à l’Europe signifierait capituler face aux défis mondiaux. Sans l’Europe, les Européens se condamnent à l’insignifiance dans le monde de demain.

Débattre de l’Europe : écouter, convaincre et promouvoir

Conscient que « le langage pour parler aujourd’hui de l’Europe aura des répercussions considérables », la stratégie de communication ne doit pas consister uniquement à « faire en sorte que les citoyens reprennent conscience de la valeur de l’Europe ».

La priorité, de la stratégie de communication européenne, c’est de « rechercher le dialogue avec les citoyens et non pas faire de grandes déclarations ». La communication européenne doit également être un travail d’équipe avec « une mise en réseau étroite des partenaires » pour « rendre plus visible l’engagement de tous ceux qui se mobilisent en faveur de l’Europe ».

La communication européenne du ministère fédéral des Affaires étrangères s’articule autour de 3 priorités complémentaires :

I. Nous plaidons en faveur de la confiance entre voisins européens

Consolider la confiance : expliquer, écarter les malentendus, éliminer « la peur que l’Allemagne fasse cavalier seul et qu’elle nourrisse des visées hégémoniques » et lutter contre les clivages à l’intérieur de l’Europe.

« Il est absolument nécessaire que nous comprenions ce qui préoccupe nos voisins. Parler de l’Europe, cela signifie pour nous en premier lieu : écouter. »

Une série de recommandations sont présentées pour améliorer la communication des ambassadeurs, consuls généraux, responsables des questions européennes et rédacteurs de presse dans les missions diplomatiques « pour diffuser la politique européenne dans les médias à travers des entretiens de fond et des manifestations publiques consacrés à la politique européenne. »

II. Nous nous faisons les avocats de l’Europe dans le monde

Un volet essentiel consiste à promouvoir auprès des partenaires stratégiques dans le monde la confiance dans le projet européen : convaincre les partenaires que l’Europe s’est engagée dans la bonne voie pour surmonter la crise et montrer que l’Europe est un partenaire d’avenir.

Une série de recommandations sont abordées pour que la communication européenne soit présente «  tout particulièrement dans les pôles de puissance politiques et économiques émergents qui jouent un rôle de plus en plus important dans le façonnement de la politique mondiale ».

III. Nous nous mobilisons pour l’Europe en Allemagne

Un rôle d’ambassadeur de l’Europe en Allemagne : défendre la valeur de l’Europe, la promouvoir comme un projet d’avenir, lutter contre les préjugés.

Une série de recommandations sont envisagées pour « encourager un débat constructif sur l’avenir de l’Europe » avec la société civile, des fondations et des partenaires européens. Le dialogue avec les jeunes, leurs attentes, leurs questions et leurs désirs à l’égard de l’Europe devient l’une des priorités de la communication européenne.

Comment communiquer sur l’initiative citoyenne européenne ?

Le centre d’information sur l’Europe en France, Touteleurope a organisé une journée de réflexion sur « comment communiquer sur l’initiative citoyenne européenne » (ICE). Les échanges de vue ont porté à la fois sur les manières de faire connaître l’ICE auprès du grand public et sur des recommandations pour les ICE en cours et à venir.

L’initiative citoyenne européenne : quelles nouveauté et utilité pour les citoyens européens ?

À côté de la démocratie représentative européenne – moribonde au vue de l’abstention aux scrutins européennes – une démocratie participative européenne s’est peu à peu développée :

  • droit de pétition des citoyens auprès du Parlement européen pour formuler une plainte, une observation concernant l’application du droit communautaire ou une incitation lancée au PE pour qu’il prenne position sur un sujet ;
  • possibilité indirecte de pression sur le Parlement européen via les « déclarations écrites », qui lorsqu’elles recueillent une majorité de signatures d’eurodéputés, deviennent des actes officiels du PE et sont alors transmises aux destinataires mentionnés ;
  • participation des citoyens aux consultations de la Commission européenne organisées en amont de l’élaboration des politiques européennes.

Au-delà de la définition de l’ICE comme un moyen de lever le blocage dans l’imaginaire de l’UE entre l’idéalisme de peuples qui se donnent « une union sans cesse plus étroite » et le réalisme de l’« eurocratie bruxelloise », selon les termes du sociologue Thomas Séguin, quelles sont la nouveauté et l’utilité de l’ICE pour les citoyens européens :

  • d’une part, le pouvoir d’initiative confié aux citoyens permet de briser l’exclusivité de la Commission européenne dans la définition de « l’intérêt communautaire », quoique les objets des ICE doivent respecter un « bloc de constitutionnalité » issus des traités européens ;
  • d’autre part, le devoir d’une communication transeuropéennes – tant dans la constitution du comité organisateur (composé d’au moins sept ressortissants d’Etats-membres résidant dans au moins sept États membres différents) que dans la collecte du million de signatures de citoyens (issus d’au moins un quart des États membres de l’UE) – permet de développer l’interactivité entre toutes les parties prenantes des ICE, via une activation de l’expertise citoyenne en ligne, du crowdsourcing des compétences, du networking, de la dissémination dans les espaces publiques spécialisés voire du crowdfunding.

Les initiatives citoyennes européennes : quelles recommandations pour une meilleure communication ?

A partir des workshops, une recommandation globale de créer un « help desk de la société civile » – une sorte d’incubateur des ICE – se dégage des propositions :

  • une plateforme de crowdsourcing pour faire émerger les meilleures idées et forger des compromis majoritaires – idéalement un fond européen permettrait de financer des enquêtes publiques exploratoires pour tester la pertinence des ICE potentielles ;
  • une plateforme de networking pour faire rencontrer les porteurs de projets ou de compétences afin de créer des alliances – idéalement la Commission européenne faciliterait les démarches des comités organisateur d’ICE collaborativement et collectivement choisis en prenant en charge leur frais de déplacement à Bruxelles pour présenter l’ICE et les frais de traduction dans les 23 langues officielles de l’UE ;
  • une plateforme de micro-crowdfunding, idéalement les Etats-membres adopteraient des exonérations fiscales pour les donateurs.

Souhaitons qu’avant l’échéance de la révision du règlement de l’ICE prévue en 2015, des avancées soient réalisées pour mieux communiquer sur l’initiative citoyenne européenne.