Initiative citoyenne : vers un scénario inédit d’européanisation des actions collectives ?

Didier Chabenet dans son article « Vers une européanisation de l’action collective » dans l’ouvrage collectif « Vers un espace public européen ? » identifie deux formes d’action collective européenne : le lobbying et la protestation. L’initiative citoyenne européenne parviendrait-elle à faire émerger un scénario inédit d’européanisation des actions collectives ?

De jure, l’initiative citoyenne est une action de lobbying

Selon l’article 11 du TUE : « Des citoyens de l’Union, au nombre d’un million au moins, ressortissants d’un nombre significatif d’États membres, peuvent prendre l’initiative d’inviter la Commission européenne, dans le cadre de ses attributions, à soumettre une proposition appropriée sur des questions pour lesquelles ces citoyens considèrent qu’un acte juridique de l’Union est nécessaire aux fins de l’application des traités. »

Si, la question est posée de savoir qui détient vraiment le « pouvoir » de l’initiative citoyenne entre les citoyens européens et la Commission européenne qui en contrôle intégralement la procédure : du contrôle ex ante des initiatives autorisées à l’opportunité ex post de décider ou non de donner une suite.

Il n’en demeure pas moins que les citoyens européens disposent d’un droit d’influer en amont sur les futures décisions européennes en exerçant une pression – publique contrairement au lobbying traditionnel – sur l’agenda politique de la Commission européenne.

Le lobbying reposant sur la défense d’intérêts, la principale difficulté de l’initiative citoyenne sera de parvenir à rendre plus perceptibles les intérêts « européens », qui, selon les enquêtes Eurobaromètres, ne sont vraiment identifiés que par les couches les plus favorisées de la population.

Comment les initiatives citoyennes européennes parviendront à mobiliser ce nouvel outil de lobbying des citoyens alors que les citoyens, dans leur plus grande majorité, méconnaissent ou sont indifférents à leurs intérêts « européens » ?

De fait, l’initiative citoyenne sera une action de protestation

Afin de rassembler les conditions techniques du million de signataires en moins d’un an :

  • Nombre minimal d’Etats membres dont doivent provenir les signataires : un quart, soit 7 Etats membres ;
  • Nombre minimal de citoyens par Etats membres : nombre de députés au Parlement européen x 750 ;
  • Vérification et authentification des déclarations de soutien, notamment en ligne, à la charge des Etats membres ;

l’initiative citoyenne doit être une action de protestation collective.

La protestation repose sur le conflit, qui est un vecteur et un producteur fort d’identité.

Jusqu’à présent, force est de constater qu’il y a peu de protestation collective d’envergure dont l’objet principal est pour l’Europe. L’identité européenne est faible : les citoyens se définissant comme seulement Européens sont seulement 4% dans l’UE, selon l’Eurobaromètre consacré au Futur de l’Europe.

De même, les actions collectives les plus mobilisatrices et les plus visibles sont rarement à titre principal anti-européennes, sinon comme une fenêtre d’opportunité prolongeant des protestations nationales sous l’angle des conséquences néfastes des décisions des Etats-membres à l’échelle de l’UE et donc par le biais de manifestations devant le Conseil de l’UE qui réunit les gouvernements ou le Conseil européen réunissant les chefs d’Etat et de gouvernement.

A l’heure de la volatilité de l’engagement civique et du rapport critique croissant à toute institution, la principale difficulté de l’initiative citoyenne sera de mobiliser les citoyens pour s’engager dans une action collective qui mobilise et vise à construire une solution institutionnelle.

Comment les initiatives citoyennes européennes parviendront à mobiliser ce nouvel outil de protestation des citoyens alors que les citoyens, dans leur plus grande majorité, sont volatiles et critiques face à tout engagement institutionnel, à fortiori européen ?

« Outil de dynamisation et de démocratisation du circuit décisionnel européen qui participe à une meilleure prise en compte des aspirations des citoyens européens par la chaîne institutionnelle, nationale et européenne » selon Jean-Luc Sauron dans « L’initiative citoyenne européenne : une fausse bonne idée ? », l’initiative citoyenne parviendra-elle à être un outil d’action collective européanisée ?

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