Dans l’ouvrage collectif « Vers un espace public européen ? », Didier Chabenet envisage dans son article « Vers une européanisation de l’action collective » deux registres à l’échelle de l’UE : le lobbying ou la protestation.
En raison de la configuration de l’action collective à l’échelle de l’UE :
- multiplicité et fragmentation des centres de décisions entre les institutions de l’UE et les États-membres ;
- cloisonnement élevé entre des arènes politiques et/ou administratives sectoriellement définies ;
- faiblesse des modes de représentation politique européen ;
les comportements de mobilisation, de représentation, de négociation qui tentent de faire valoir des intérêts par le rapport de forces et le jeu des acteurs sont marqués à l’échelle de l’UE par la prédominance du lobbying, en particulier économique et la progression limitée des euro-protestations, surtout lorsque la source ou la résolution est européenne…
Scénario n°1 : prédominance du lobbying et fragmentation de l’espace public européen
« L’Europe des couloirs » : action proactive en amont de la décision, influence d’expertise, technicité des débats, confidentialité du processus.
Exemples d’action collective par le lobbying :
- syndicat : choix de l’influence par l’intégration aux processus de concertation mis en œuvre par la Commission européenne ;
- mouvement féministe : choix de l’influence par la pression sur les milieux décisions européens, plus ouverts que les sphères de pouvoirs nationales ;
- cause environnementale : choix de l’influence par l’installation de représentants supranationaux implantés à Bruxelles.
« Une minorité d’organisations agissent dans une perspective supranationale, pouvant obtenir des résultats remarquables, en étroite collaboration avec les institutions européennes, devenant parfois des interlocuteurs/partenaires officiels. »
L’espace public européen est caractérisé par :
- un rôle charnière des gouvernements pour traiter au sein de l’UE les actions collectives issues de la société civile ;
- une fragmentation croissante entre un espace européen intégré autonome des espaces nationaux ;
- une confirmation de la place et de l’influence déterminantes des institutions administratives de l’UE dans la faculté de structurer les activités de lobbying et la capacité décisionnelle.
Pour ce 1er scénario, une consolidation de l’intégration européenne devrait se traduire par une intensification et une extension du lobbying au sein d’un espace public européen fragmenté.
Scénario n°2 : conflictualisation de l’action collective et intégration de l’espace européen
« L’Europe des manifestations » : action réactive en aval de la décision, influence de conflit, publicité des débats, médiatisation du processus
Exemples d’action collective par le conflit :
- la vache folle : choix de l’influence par le débat public autour d’enjeux de santé publique ;
- les Marches de chômeurs : choix de l’influence par l’occupation du domaine public autour d’enjeux sociaux.
Les conditions de généralisation des situations conflictuelles et politisées à l’échelle européenne :
- une amélioration significative de l’exercice des pouvoirs et du contrôle du Parlement européen ;
- un intérêt renforcé des médias nationaux pour les affaires européennes ;
- une émergence d’euro-protestations symboliquement fortes dans les médias, auprès des classes politiques et du grand public (exemple : les Indignés d’Europe convergeant à Bruxelles).
Pour ce 2e scénario « s’il est extrêmement délicat de prévoir l’évolution que ce dernier prendra, on peut au moins faire l’hypothèse qu’il gagnera en effectivité et en stabilité en investissant préférenciellement (…) les réseaux d’information/de communication ».
Les mobilisations collectives en ligne telles que les pétitions de Greenpeace pour un moratoire sur les OGN (plus d’un million de signatures) ou d’Avaaz contre ACTA (près de 3 millions) illustrent les potentiels du web.
Ainsi, entre lobbying – majoritaire actuellement – et protestation – généralisable sous conditions – les actions collectives à l’échelle de l’UE sont relativement balisées, quoique les potentiels du web sont sous exploités…
Ah zut, l’article qui arrive quelques jours après que j’ai rendu mon projet de recherche sur cette question ! Damnation.
Pas grave, je note la référence tout de même 🙂
…. et l’action collective instrumentalisée par les lobbies? Et le lobbying direct des organisations au coeur des actions collectives (associations consommateurs, ONG…)?
Cette dichotomie me semble bien peu pertinente! Une bonne stratégie d’influence doit jouer sur les deux tableaux.
Par ailleurs, toute mobilisation collective n’est pas de la protestation (cela peut-être de la proposition, la volonté de mettre un sujet à l’agenda par exemple).
Bonjour Olga,
Merci pour votre commentaire.
Je vous invite à lire l’article dans son intégralité pour que vous saisissiez en détail l’intérêt de cette réflexion qui ne consiste pas à envisager toutes les hypothèses d’actions collectives mais plutôt à mieux comprendre comment les actions collectives s’européanisent.
S’agissant du terme « protestation », il faut l’entendre comme toute action en aval de la décision publique européenne.