Alors que le premier ministre belge a été désigné président du Conseil européen (et la Britannique, actuelle commissaire au Commerce, Catherine Ashton, Haut représentant de l’UE pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité) par les 27 chefs d’État et de gouvernement, quels sont les principaux enseignements de cette désignations d’un « inconnu nommé à la tête de l’Europe », selon Le Monde ?
L’article 9 du traité de Lisbonne dispose que « le Conseil européen élit son président à la majorité qualifiée pour une durée de deux ans et demi, renouvelable une fois. »
« Le président du Conseil européen :
- a) préside et anime les travaux du Conseil européen ;
- b) assure la préparation et la continuité des travaux du Conseil européen en coopération avec le président de la Commission, et sur la base des travaux du Conseil des affaires générales ;
- c) œuvre pour faciliter la cohésion et le consensus au sein du Conseil européen ;
- d) présente au Parlement européen un rapport à la suite de chacune des réunions du Conseil européen. »
A défaut d’une planification des modalités de nomination, une séquence dominée par l’improvisation
Alors que l’innovation la plus importante du traité de Lisbonne réside dans la création d’une présidence stable au Conseil européen, « la désignation du premier président du Conseil européen va se faire dans l’improvisation ! », selon Valéry Giscard d’Estaing « Quand l’Union européenne improvise » dans Le Point.
Aucune réponse n’a été apportée aux questions suivantes :
- Doit-on faire acte de candidature ?
- Les candidats ont-ils des conditions à remplir : avoir siégé dans les institutions européennes, appartenir à un État membre qui applique toutes les politiques de l’Union ?
- Ces candidatures doivent-elles être accompagnées d’un élément de programme ?
- Le Conseil auditionnera-t-il les candidats avant de faire son choix ? Fera-t-il appel aux sondages de l’Eurobaromètre pour tester les réactions des citoyens sur les noms cités ?
A défaut d’une présentation de l’utilité du poste, une réflexion limitée au portrait robot
Alors que le débat sur la nouvelle architecture institutionnelle de l’Union soulève des enjeux considérables, selon Jacques Delors « Oui à un chairman, non à un executive président » dans Challenges :
- faut-il que le président permanent se conduise comme un chairman, c’est-à-dire s’efforce d’améliorer le processus de décision de l’Union en proposant des priorités au Conseil européen et des options claires à trancher, au besoin par vote, puis en s’assurant de leur correcte et loyale mise en œuvre ?
- s’agit-il d’une sorte d‘executive président concurrent du Président de la Commission, institution qui reste une pièce centrale de la méthode « communautaire » ?
La réponse sur le rôle du futur président du Conseil européen – un « facilitateur » ou le véritable n°1 de l’UE – dépend en grande partie de la personnalité de celle ou celui qui exercera pour la première fois la fonction : « la personne qui obtiendra le poste façonnera son rôle, plus que la description du poste ne le fait », selon Luuk van Middelaar, dans NRC.
A défaut d’une compétition entre programmes, un traitement médiatique concentré sur les négociations entre capitales
Alors que l’ambition de l’Europe pouvait être de « donner une voix et un visage à l’Union européenne », de « choisir un « George Washington pour l’Europe », i.e. l’homme le plus célèbre du continent.
Aucun candidat n’a vraiment fait campagne dans les médias. Pire les journalistes se sont attachés à décrypter l’alchimie de la décision reposant sur des critères géographique (Nord/Sud), de taille (grand pays/petit pays), d’ancienneté (les nouveaux États membres/les États fondateurs), de couleur politique (centre-droit)…
A défaut d’une mobilisation populaire des citoyens autour des personnalités candidates, une offensive des leaders d’opinion pour la parité
Seule réussite de la campagne, l’engouement pour l’ »outsider » Vaira Vike-Freiberga, promouvant un mouvement de féminisation des institutions communautaires et soutenu par :
- la fondation Robert Schuman avec un plaidoyer de Jean-Dominique Giuliani le 7 novembre et un site de soutien : unepresidentepourleurope.eu mis en ligne le 4 novembre ;
- Simone Veil dans Le Figaro du 12 novembre « Conseil européen : pourquoi je soutiens Vaira Vike-Freiberga » ;
- Jean Quatremer dans un billet du 16 novembre « Vaira Vike-Freiberga for président! Yes, they can! » ;
- Margot Wallström Vice Présidente de la Commission européenne lors d’une conférence le 19 novembre « Atteindre la parité: un moment de vérité pour la démocratie européenne ».
Ainsi, la désignation du président du Conseil européen soulève de nombreuses réserves, que seule la pratique du nominé pourra lever.