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Regards croisés sur les réseaux sociaux des visites des présidentes européennes en Ukraine

Entre la visite précoce de la présidente du Parlement européen Roberta Metsola, première représentante d’une institution européenne aux côtés des autorités publiques ukrainiennes début avril et la délégation composée de la présidente Ursula von der Leyen de la Commission européenne accompagnée du Haut-Représentant de l’Union pour les affaires étrangères Josep Borrell courant avril, la comparaison des mises en récit sur les réseaux sociaux peut être instructive

Roberta Metosla, présidente du Parlement européen : la force de l’humanité des gestes symboliques de soutien

Les codes des réseaux sociaux sont très judicieusement exploités par la nouvelle présidente du Parlement européen qui a encore un déficit de notoriété à combler dans le trio des présidences des institutions européennes.

Son capital sympathie, mis à profit au cœur de sa visite, constituée notamment d’un discours devant le parlement ukrainien et une discussion avec le Président de l’Ukraine, Volodymyr Zelensky se traduit par des clichés très travaillés pour symboliser son soutien et capturer une esthétique des sentiments forts et communicatifs.

En termes de résultats, le compte Instagram personnel de Roberta Metsola explose les compteurs avec un post iconique rassemblant plus de 53k likes pour 54k abonnés, soit un taux d’engagement extraordinaire de près de 100%. Sur le compte Twitter de la présidence du Parlement européen, le contenu le plus engageant est aussi visuellement très réussi avec le président de la Verkhovna Rada rassemblant plus de 21,5k likes pour 347.1K followers.

Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne : la force de la solidarité des gestes historiques d’union

La visite de la présidente de la Commission européenne est encore plus forte en termes d’importance et d’engagement de l’Union européenne, qui n’a pas été démenti depuis le début de l’invasion des forces armées russes en Ukraine.

Sa démarche déjà hautement symbolique, renforcée hélas encore par les atrocités commises à Bucha ; vient inscrire des engagements concrets de nouveaux financements, le renouvellement du message que les Ukrainiens appartiennent à la famille européenne, ce qu’Ursual von der Leyen fut la première à dire dans les médias, sous le coup des émotions et de convictions fortes. Sans oublier, la consultation formelle de Zelensky en vue de la future candidature de son pays à l’adhésion à l’Union européenne dont les chefs d’État et de gouvernement ont demandé à la Commission européenne de se prononcer d’ici leur prochain Conseil européen en juin prochain.

En termes de résultats, le compte Twitter partage ses différentes séquences, et la présence à Bucha récolte le maximum d’engagement avec un taux d’engagement d’environ 10% pour 1,1 millions d’abonnés, une très belle performance ; tandis que sur Instagram, c’est la vidéo de l’échange qui obtient à peu près le même niveau d’engagement.

Au total, la communication de leurs visites respectives en Ukraine des présidentes du Parlement européen et de la Commission européenne sur les réseaux sociaux montre l’importance primordial et l’impact magistral de leur démarche auprès des publics.

Deuxième discours sur l’état de l’Union européenne d’Ursula von der Leyen : l’Europe en introspection

Du 10e discours sur l’état de l’UE d’Ursula von der Leyen au Parlement européen mercredi 15 septembre, que faillait-il attendre après une telle année exceptionnelle de pandémie et à l’approche d’échéances électorales importantes, à commencer par l’Allemagne puis la France ?

Éléments de langage assez convenus et storytelling du mandat peu lisible : Europe’s soul or Europe soul-searching ?

Alors que l’élément de langage mis en avant pour angler le propos d’ensemble visait à marquer le discours du sceau de « l’âme de l’Union » (Europe’s soul), c’est plutôt le (soul-searching), l’exercice d’introspection sur l’Europe aujourd’hui qui a dominé les commentaires.

L’heure de discours nous aura offert une sorte de plongée dans les faiblesses de l’UE sur la scène mondiale autour des enjeux globaux comme le climat ou les migrations et les dissensions internes, en particulier l’état de droit et les valeurs européennes, bref, sur la façon dont Bruxelles lutte pour atteindre ses objectifs, projeter ses valeurs et délivrer ses promesses.

Peu d’effet d’annonce, beaucoup de mises à l’agenda : from protecting to delivering ?

Du nuage des mots clés du discours, peut être retenue une inflexion sensible entre la rhétorique du premier discours d’Ursula von der Leyen sur la protection d’une Europe géopolitique à une focale sur l’Europe qui « délivre » avec de nombreux rappels aux propositions, initiatives et projets législatifs.

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Sans effet d’annonce vraiment notable, les sujets s’enchaînent sans nouveauté ou prise de risque personnelle plus poussée. La gestion de la pandémie et le plan de relance sont à porter au crédit de la Commission européenne sur l’année écoulée. Les sujets relatifs à la souveraineté européenne, notamment technologique sont moins avancés. La défense, son ancien portefeuille ministériel est largement abordée. De nouveau, l’agriculture, premier budget de l’UE est totalement absente.

La jeunesse, le vrai fil rouge du mandat d’Ursula von der Leyen ?

Le marqueur de von der Leyen semble en pointillé se dessiner autour de la jeunesse. Le choix de nommer « NextGeneration » le plan de relance est largement dû à sa décision. L’annonce d’un programme ALMA, un Erasmus pour les jeunes professionnels sans formation et sans emploi ainsi que l’annonce de l’année de la jeunesse européenne en 2022 traduit son investissement personnel sur le sujet. Le fil conducteur de son mandat est peut-être à trouver de ce côté.

Que retenir ?

C’est Dacian Ciolos, le président du groupe Renew au Parlement européen qui vise sans doute le plus juste lorsqu’il dit qu’Ursula von der Leyen fait plus de diplomatie avec les États au Conseil – avec des grands enjeux absents faute de consensus – et moins de politique avec les eurodéputés – avec de nombreux sujets indispensables mais consensuels.

Au total, ce 2e discours sur l’été de l’Union européenne d’Ursula von der Leyen, dans une période de fortes incertitudes est un moment d’introspection.

Combien de temps la présidente de la Commission européenne peut-elle encore bouder la presse ?

Ursula von der Leyen incarne malheureusement à la caricature ce vieux rêve du pouvoir politique de fabriquer soi-même ses propres mots et d’édifier ses propres images. Comment sortir d’une situation mortifère pour la communication politique européenne ?

Le souffle un peu court de l’incarnation politique européenne

Le temps de Jacques Pilhan, conseiller de François Mitterrand d’une « présidence jupitérienne » qui créer du désir par la rareté est révolu. La mécanique de prises de paroles présidentielles calibrées dans des séquences médiatiques millimétrées qui privilégient un message par lieu et moment n’est plus tout à fait à l’ordre du jour, encore que parfois quelques mécaniques simplistes utilisées pourraient le laisser penser.

La communication de von der Leyen a besoin de marqueurs comme disent les communicants, de signifiants symboliques et pratiques qui véhiculent le fond du message et permettent de maîtriser des archétypes qui parlent au plus grand nombre et qui impriment dans le flot médiatique. Ces marqueurs sont le seul moment de parvenir à construire une stature médiatique et in fine une image auprès des citoyens.

La méfiance à courte vue contre les journalistes européens

La solution ne peut pas consister à faire du Pilhan 2.0, c’est-à-dire à actualiser le mélange des genres qui a tant réussi à Mitterrand avec des formats télévisés sur mesure mêlant allègrement information et divertissement. Ursula von der Leyen ne saurait pas faire des happenings avec les nouveaux créateurs de contenus, comme Macron avec les youtubeurs McFly et Carlito.

La communication de la présidente de la Commission européenne doit d’urgence normaliser ses relations avec la presse bruxelloise. Elle ne peut pas se contenter de rares apparitions dans des médias essentiellement allemands et fuir les autres, à fortiori les émissions de divertissement qui lui permettraient de dévoiler une part de sa personnalité ainsi que des traits plus dans l’empathie et l’émotion.

Aucune raison (défaut de maîtrise, désintérêt des figures de style imposées par les médias, manque de temps) ne justifie de se concentrer uniquement sur la communication sur les réseaux sociaux et l’usage hyper-intense des vidéos préenregistrées, au risque de renforcer la distance et l’absence de naturel et de spontanéité.

L’esprit de synthèse et le sens de l’opportunité

La vision du « tv-centrisme » chère à Jacques Pilhan, son dernier grand enseignement, n’est évidemment plus au goût du jour, mais elle ne doit pas faire oublier le besoin de trouver des opportunités de communier avec le public lors de rendez-vous médiatiques récurrents.

La communication d’Ursula von der Leyen a besoin de rituels qui lui permettent de fixer sa faconde publique et de poser son narratif, ce qui ne saurait se faire sans le retour d’usages plus récurrents de toute la palette à sa disposition dans la relation avec la presse :

  • interviews écrites, radio et tv ;
  • usages du « off » notamment auprès des responsables de rédaction et des éditorialistes pour exister dans le paysage des personnalités dont l’opinion est écoutée ;
  • conférences de presse évidemment au Berlaymont incluant impérativement des séquences de questions-réponses qui évitent de frustrer encore davantage les journalistes ;
  • déplacements incluant des journalistes quand cela redeviendra possible.

La rentrée est marquée par le discours sur l’état de l’union, souhaitons que le service après-vente insuffisant l’année dernière soit cette année l’occasion pour la présidente de la Commission européenne de reprendre de meilleures habitudes avec les journalistes.

Quelle est la réputation des leaders européens sur Twitter ?

Loin des seuls propos officiels souvent auscultés de près par les commentateurs, qu’observe-t-on lorsque l’on regarde ce qui se dit sur Twitter en 2020 des dirigeants européens Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne et Charles Michel, président du Conseil européen, une démarche parallèle à l’étude des chefs d’État et de gouvernement sur Twitter…

Ursula von der Leyen : les événements #Covid et #Brexit dominent l’agenda politique

Les principaux hashtags associés aux mentions d’Ursula von der Leyen portent d’abord sur le coronavirus, la pandémie que le monde entier affronte depuis un an. Le Brexit apparaît comme le second thème de discussion. Le #SOTEU, le hashtag du discours sur l’état de l’Union se place à la 12e place, ce qui relative la prise de parole officielle dans l’ensemble des mentions sur l’année.

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Les termes dans le nuage des mots clés confirment l’orientation majoritaire des conversations avec la présence bien visible du Brexit et de Boris Johnson. Les autres personnalités associées à Ursula von der Leyen sont Charles Michel, le président du Conseil européen et Angela Merkel qui a exercé la présidence semestrielle du Conseil de l’UE. Une seule politique européenne, le commerce apparaît. Dignité et humilité sont des termes manifestement associés à la présidente de la Commission européenne.

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Les pays mentionnant le plus Ursula von der Leyen sont en premier le Royaume-Uni de très loin, puis au coude à coude l’Allemagne et la France. La Belgique se classe à la 7e place, avec quelques milliers de tweets, ce qui relativise l’importance de la bulle bruxelloise hyper-active sur Twitter.

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Dans l’ensemble des plus de 405k mentions de von der Leyen sur l’année, l’agenda politique de la Commission européenne, en particulier le plan de relance, le Green Deal ou les initiatives dans le numérique ne sont pas du tout visible dans les hashtags et les mots clés les plus récurrents.

Charles Michel : les sommets #EUCO priment les sujets plus diplomatiques

Les principaux hashtags utilisés dans les mentions de Charles Michel en 2020 sur Twitter – qui sont au nombre de près de 148k, soit trois fois moins – sont plus spécifiques. Ainsi, le premier #EUCO est le hashtag officiel des sommets des chefs d’État et de gouvernement tandis que #MFF correspond au budget de l’UE.

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Les mots clés rassemblés dans le nuage font référence à la fonction institutionnelle et au compte Twitter @EUCOpresident, un tel compte qui se transmet entre présidents qui n’existent pas à la Commission européenne. Aucun chef d’État et de gouvernement ne sont visiblement mentionnés avec Charles Michel.

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Les pays mentionnant le plus Charles Michel sont plus internationaux avec les États-Unis en 2e place et la Turquie en 6e position. Pour le coup, la Belgique avec un peu plus de 25k mentions dans l’année apprécie son ancien Premier ministre dans ses nouvelles fonctions européennes.

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Au total, ce qui est frappant lorsque l’on prend en compte toutes les mentions associées aux leaders des institutions européennes, c’est la dilution des initiatives même d’envergure, comme le plan de relance historique de l’UE, dans l’ensemble des sujets liés à l’actualité.

Comment l’UE peut vaincre dans la bataille des narratifs ?

Dans l’analyse « From Brussels with love: How the European Union can win the battle of narratives », le Dr. Julia De Clerck-Sachsse estime qu’un récit politique européen convaincant est impératif afin de répondre au malaise profondément ressenti des Européens et d’offrir à ses citoyens l’assurance d’une UE capable de se projeter comme un acteur mondial puissant…

Malgré toutes ses lacunes, l’UE a une bonne histoire à raconter

Dans un monde en évolution rapide, les appels à un « nouveau récit » pour l’UE sont monnaie courante. Mais pour définir un tel discours, l’UE n’a pas besoin de partir de zéro.

La plupart des Européens estiment que la coopération au niveau de l’UE sera la voie de sortie de la crise, et les priorités politiques de l’Union reflètent celles de ses citoyens :

  • Le plan de relance pour lutter contre les retombées de la crise économique envisage une croissance verte et durable appelée de leurs vœux par les Européens ;
  • Le Green Deal européen, à l’avant-garde de la lutte contre le changement climatique, répond à la première préoccupation des citoyens européens ;
  • Le train de mesure en matière de transformation numérique du Commissaire français Thierry Breton place l’UE également à la première place des puissances qui agissent pour la régulation des monopoles de la tech ;
  • La dimension sociale, soutenue par une majorité des citoyens européens, est judicieusement portée par la présidente von der Leyen et la nouvelle présidence semestrielle portugaise…

Dans un monde où les lignes de fracture entre la politique étrangère et la politique intérieure sont devenues de plus en plus floues, l’UE, avec sa puissance économique et ses pouvoirs réglementaires, est particulièrement bien placée pour relever certains des défis les plus pressants du monde.

L’UE va devoir apprendre à tisser un récit convaincant en combinant le mantra de moins en moins théorique d’une « Europe qui protège » avec la conviction des bénéfices tirés d’une « Europe qui se projette » vers l’extérieur et vers l’avenir.

Le problème pour faire entendre la voix de l’UE : la manière dont elle raconte son histoire

Que ce soit sur la migration, l’euro ou le Brexit, l’UE communique en mettant l’accent sur la rationalité et les avantages économiques, alors que toutes ces questions touchent directement à l’identité avec une forte dimension émotionnelle.

Le style de communication de l’UE trop rationnel nuit à son attrait mondial et fait obstacle à un lien plus profond avec les citoyens européens. Certes, les informations doivent se baser sur des faits et des preuves scientifiques – pierre angulaire de tout récit solide. Mais une bonne communication ne consiste pas simplement à exposer les faits. Il s’agit de construire un argument convaincant qui fait appel à la fois à la raison et à l’émotion.

Le discours sur l’Etat de l’Union prononcé par la présidente de la Commission européenne illustre le défi considérable. Adressant les principales priorités du grand public, d’une Europe plus verte et plus sociale disposée à peser sur la scène mondiale, ce discours avait le potentiel de se connecter plus immédiatement à un public beaucoup plus large, mais faute de relais médiatiques n’y est pas parvenu.

La conclusion du Dr. Julia De Clerck-Sachsse est que précisément la réticence de l’UE à prendre des risques et à paraître vulnérable se révèle être la véritable faiblesse de l’Union.

La communication reste trop une réflexion après coup plutôt qu’un pilier essentiel du processus politique

Un récit convaincant n’est pas seulement important pour « vendre » des décisions politiques. C’est non seulement crucial pour obtenir le soutien du public pour des décisions politiques difficiles mais surtout particulièrement pertinent maintenant, car des transformations profondes de la vie économique et sociale peuvent être nécessaires pour aider les Européens à s’adapter à un monde en évolution rapide.

Dans un monde profondément divisé et tumultueux, canaliser le besoin d’assurance des gens ne peut rester une réflexion après coup. C’est un impératif géopolitique. Se connecter aux doléances des gens peut les aider à les vacciner contre les discours de haine et à renforcer la confiance dans les dirigeants politiques et les institutions pour lesquelles ils parlent.

L’UE devrait faire de la communication un aspect central de son processus d’élaboration des politiques, traduire les politiques en messages pertinents et élargir à la fois l’échelle et les outils avec lesquels elle engage le public.

L’humeur politique actuelle suggère que communiquer avec plus d’empathie poussera sur un terrain fertile. Les gens aspirent à l’équité, la solidarité et la confiance.

En conclusion, l’UE pourrait s’inspirer du succès de Joe Biden aux élections américaines, qui a choisi d’embrasser ses vulnérabilités et de les tourner à son avantage, projetant son humanité comme moyen de se connecter à une nation tourmentée par la peur et le chagrin au milieu d’une pandémie. L’UE doit apprendre que le succès du leadership politique dépend de la capacité à combiner une politique efficace avec un récit à la fois authentique et compatissant.