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Cap sur 2025 : priorités de la Commission von der Leyen pour une Europe en action

Les lettres de mission définissent les responsabilités et les attentes de la Présidente von der Leyen pour chaque Vice-Président exécutif de la Commission européenne, traçant une feuille de route pour les priorités et les ambitions pour les cinq prochaines années. L’accent étant mis sur « l’exécution et les résultats », que pouvons-nous attendre dès la barre fixée des 100 jours ?

Les six Vice-Présidents exécutifs et leurs missions

  • Teresa Ribera Rodríguez, Transition propre, juste et compétitive :  garantir une transition verte juste et efficace, moderniser la politique de concurrence et coordonner des travaux sur le pacte industriel vert. Les priorités clés comprennent réduction des prix de l’énergie, soutien à une transition juste pour les travailleurs et utilisation de la politique de concurrence pour soutenir l’innovation verte.
  • Henna Virkkunen, Souveraineté technologique, sécurité et démocratie :  renforcer l’indépendance technologique de l’Europe, la cybersécurité, la protection des valeurs démocratiques et la gestion de la migration et de la sécurité intérieure. Les initiatives clés comprennent une loi sur les réseaux numériques, le soutien à l’Union européenne de la défense et la lutte contre la désinformation.
  • Stéphane Séjourné, Prospérité et stratégie industrielle : Chargé de stimuler la compétitivité et l’innovation européennes, en mettant l’accent sur une nouvelle stratégie industrielle, le pacte industriel vert et le renforcement du marché unique. Les initiatives clés comprennent un Fonds européen pour la compétitivité, une loi sur l’accélération de la décarbonisation industrielle et une stratégie pour le marché unique.
  • Kaja Kallas, Affaires étrangères et politique de sécurité :  diriger la politique étrangère de l’UE, en mettant l’accent sur le soutien à l’Ukraine, le renforcement de la défense européenne, le développement d’une approche plus stratégique des sanctions et la promotion de partenariats clés (transatlantique, G7, etc.). Un Livre blanc sur l’avenir de la défense européenne est un livrable clé.
  • Roxana Mînzatu, Personnes, compétences et préparation :  renforcer le capital humain de l’Europe grâce au développement des compétences, à l’éducation et aux droits sociaux. Les initiatives clés comprennent un plan d’action pour la mise en œuvre du socle européen des droits sociaux, une feuille de route pour des emplois de qualité et une stratégie pour une Union des compétences.
  • Raffaele Fitto, Cohésion et réformes :  garantir la mise en œuvre réussie de NextGenerationEU, le renforcement de la cohésion économique, sociale et territoriale et le soutien au développement régional. Les domaines clés comprennent la réduction des disparités régionales, le soutien aux communautés rurales et la promotion de la mobilité et du tourisme durables.

Les 100 premiers jours : des actions concrètes

Dans les 100 premiers jours, les Youth Policy Dialogues, le Livre Blanc sur l’Avenir de la Défense européenne et le Pacte Industriel Vert sont les principaux efforts collaboratifs impliquant plusieurs Vice-Présidents Exécutifs :

  • Henna Virkkunen, Souveraineté Technologique, Sécurité et Démocratie :
  • Garantir l’accès à une capacité de supercalcul adaptée pour les start-ups et l’industrie de l’IA par le biais de l’initiative AI Factories.
  • Proposer, en collaboration avec le Commissaire à la Défense et à l’Espace, un Livre Blanc sur l’Avenir de la Défense Européenne.
  • Organiser une première édition des Youth Policy Dialogues.
  • Kaja Kallas, Affaires Étrangères et Politique de Sécurité :
  • Proposer, en collaboration avec le Commissaire à la Défense et à l’Espace, un Livre Blanc sur l’Avenir de la Défense européenne.
  • Organiser une première édition des Youth Policy Dialogues.
  • Raffaele Fitto, Cohésion et Réformes :
  • Organiser une première édition des Youth Policy Dialogues.
  • Roxana Mînzatu, Personnes, Compétences et Préparation :
  • Présenter un nouveau Plan d’Action sur la Mise en Œuvre du Socle Européen des Droits Sociaux
  • Organiser une première édition des Youth Policy Dialogues.
  • Stéphane Séjourné, Prospérité et Stratégie Industrielle :
  • Développer, avec le Commissaire au Climat, à la Neutralité Carbone et à la Croissance Verte, le Pacte Industriel Vert.
  • Présenter une loi d’Accélération de la Décarbonisation Industrielle. Mettre en place une plateforme dédiée aux Matières Premières Critiques de l’UE. Présenter l’Acte sur l’Économie Circulaire (conjointement avec le Commissaire à l’Environnement). Présenter un nouveau Paquet pour l’Industrie Chimique (conjointement avec le Commissaire à l’Environnement).
  • Teresa Ribera Rodríguez, Transition Propre, Juste et Compétitive :
  • Développer, avec le Commissaire au Climat, à la Neutralité Carbone et à la Croissance Verte, le Pacte Industriel Vert.
  • Réviser les Lignes Directrices sur le Contrôle des Fusions Horizontales.

L’Europe est à la croisée des chemins. Le succès de l’agenda de la nouvelle Commission dépendra de notre capacité à traduire ces ambitions en actions concrètes et tangibles afin que l’Europe ait les moyens de ses ambitions, c’est de notre responsabilité collective.

Nouveaux portefeuilles à la Commission européenne : intérêts et limites d’une communication européenne entre ambition politique et défis institutionnels

Comme prévu par l’agenda institutionnel européen, Ursula von der Leyen est réélue présidente de la Commission européenne pour un second mandat, le 18 juillet, avec une majorité plus confortable qu’attendue. Dans son discours devant les députés européens, elle dévoile ses orientations politiques pour la prochaine Commission : « Le choix de l’Europe » pour les cinq prochaines années, mettant l’accent sur cinq priorités majeures.

Une communication politique hyper-sobre : piliers du programme von der Leyen II

Le travail de consolidation de sa majorité parlementaire, entre les groupes politiques du centre-droit (PPE), centre-gauche (S&D), centristes (Renew), mais aussi les Verts qui ont joué le jeu de la coalition tandis que les conservateurs (ECR) se sont divisés :

  1. Un nouveau plan pour la prospérité et la compétitivité durables, visant à stimuler l’économie européenne, en mettant l’accent sur la facilitation de l’activité des entreprises, l’élaboration d’un pacte pour une industrie propre, et le renforcement de la recherche et de l’innovation. Elle souligne également l’importance de combler le déficit de compétences et de main-d’œuvre.
  2. Une nouvelle ère pour la défense et la sécurité européennes : Face aux défis géopolitiques actuels, von der Leyen promet de faire de l’Union européenne de la défense une réalité, tout en renforçant la préparation aux crises et la sécurité intérieure. Le renforcement des frontières communes et une approche équitable mais ferme en matière de migration sont également au programme.
  3. Soutien aux personnes et renforcement du modèle social européen : La présidente de la Commission s’engage à promouvoir l’équité sociale, à restaurer l’unité des sociétés et à soutenir les jeunes. L’égalité et la préservation de la qualité de vie, notamment en termes de sécurité alimentaire et d’accès à l’eau.
  4. Protection de la démocratie et défense des valeurs européennes : un autre « bouclier européen de la démocratie » propose de renforcer l’état de droit et de placer les citoyens au cœur du processus démocratique.
  5. Renforcement du rôle de l’Europe dans le monde : La présidente de la Commission prévoit de poursuivre l’élargissement de l’UE, d’adopter une approche plus stratégique envers les pays voisins et de mettre en place une nouvelle politique économique étrangère.

Une nouvelle forme de communication politique par la création de nouveaux postes de Commissaires

La nouvelle présidente de la Commission européenne von der Leyen, dont la créativité n’est plus à démontrer si l’on se souvient de la configuration autour de Vice-Présidence aux titres ronflant, se montre de nouveau généreuse dans la création de nouveaux postes de Commissaires, notamment :

  • « chargé de la défense »
  • « spécialement chargé de l’élargissement »
  • «  pour la Méditerranée »
  • « dont le portefeuille inclura le logement »
  • «  chargé de l’égalité »
  • «  chargé de l’équité intergénérationnelle »
  • « chargé de la pêche et des océans »

Ces propositions soulèvent des questions sur l’équilibre entre visibilité politique et efficacité institutionnelle. La création de ces nouveaux postes présente des avantages en termes de visibilité politique et d’adaptabilité face aux défis émergents. Cela peut servir de « marqueur » qui font tant défaut dans la liste des priorités, sur le fond largement consensuel au vue des résultats du vote à bulletin secret pour son investiture, mais sans aspérité, pour les valoriser les porter à la connaissance du grand public.

Cependant, ces nouveaux postes soulèvent également des interrogations. Le respect du cadre juridique, la création de nouveaux postes doit s’inscrire dans le cadre fixé par les traités européens, sinon, le risque de fragmentation augmente avec une multiplication des portefeuilles qui pourrait nuire à la cohérence de l’action de la Commission. Mais surtout, l’alignement avec la structure administrative est crucial afin d’assurer une bonne coordination entre les portefeuilles des Commissaires et l’organisation des directions générales.

En revanche, la communication via les portefeuilles peut se montrer nuisible, en raison de son illisibilité pour le public. La multiplication des postes pourrait paradoxalement rendre moins lisibles les responsabilités réelles de l’UE pour les citoyens européens. Sans compter les contraintes pratiques où la répartition des postes devra se faire en fonction des candidatures présentées par les États membres, ce qui pourrait limiter la flexibilité dans l’attribution des nouveaux portefeuilles en fonction des profils.

Au total, la proposition d’Ursula von der Leyen de créer de nouveaux postes de Commissaires reflète une volonté d’adapter l’institution aux défis contemporains et d’envoyer des signaux politiques forts. Cependant, la mise en œuvre de cette vision devra naviguer entre les contraintes juridiques, les impératifs d’efficacité administrative et les besoins de communication politique. Dans l’équilibre à trouver entre ambition politique et pragmatisme institutionnel, où il s’agira de traduire les nouvelles priorités en actions concrètes, peut-on suggérer que cela ne se fasse pas au détriment de la cohérence et de l’efficacité de l’institution européenne, d’autres formes de communication devraient être privilégiées.

Le processus d’audition des nouveaux Commissaires par le Parlement européen permet d’évaluer la faisabilité et la pertinence de cette nouvelle structure, et aurait pu conduire à des ajustements avant la prise de fonction effective de la nouvelle Commission européenne.

Ursula von der Leyen : entre crises et continuité, l’équation d’une stratégie de communication d’une candidate en quête d’un second mandat

Exercice d’équilibrisme difficile, l’équation du renouvellement à la tête de la Commission européenne, pour sa présidente actuelle, Ursula von der Leyen, qui est à la fois la première Présidente de la Commission européenne, mais aussi la plus mal élue de l’institution par le Conseil européen, est encore plus complexifié par le fait que sa communication est totalement sibylline sur le sujet. Comment décrypter ?

Le profil de la candidate idéal-type parfaite

Le profil recherché par les chefs d’État et de gouvernement, qui, selon le traité de Lisbonne, choisissent la personnalité à la tête de la Commission européenne, semble évolutif selon les circonstances, entre des extrêmes aussi différents que l’entreprenant Jacques Delors dans les années 1980 et le fade Barroso dans les années 2000.

Avec le choix d’Ursula von der Leyen, plusieurs critères semblent avoir présidés à la décision :

  • Le choix d’une relative ductilité politique semble avoir prévalu par rapport à un profil qui aurait été issu des Spitzenkandidaten disposant d’un capital politique fort, légitimé par le résultat électoral ;
  • Le choix d’une relative secondarité, venant d’une responsable politique n’ayant pas exercé de fonction à la tête d’un exécutif collégial et collectif et se voyant confier un agenda politique qu’elle n’a pas porté auprès des citoyens.

Pour la prochaine mandature européenne, le contexte de décision des membres du Conseil européen ne semble pas avoir fondamentalement évolué au point de remettre en question leurs critères de recrutement d’un profil idoine.

Les chances du côté de la Présidente Ursula von der Leyen de rester à la tête de la Commission européenne

Pour Alberto Alemanno, Professeur de Droit de l’UE à HEC Paris, à l’approche de la fin de son mandat, von der Leyen continue de faire face une crise après l’autre (Ukraine, Gaza). Ce mode d’urgence constant joue en sa faveur, car elle demeure ainsi la favorite pour un deuxième mandat à la tête de la Commission européenne.

Sa position unilatérale et belliciste en faveur de la répression d’Israël contre le Hamas et les Palestiniens piégés à Gaza n’a pas trouvé le soutien de la majorité des États membres de l’UE. Pourtant, cela n’a pas érodé son soutien au sein des 27 de l’UE.

Selon lui, les dirigeants de l’UE, y compris les rebelles tels qu’Orbán et Fico, continuent de la soutenir en tant que leur candidate. Pourquoi en est-il ainsi ? Essentiellement, elle leur permet d’agir constamment en défiance de l’UE, sans les sanctionner ni publiquement ni en privé. Il y a complicité, certains iraient même jusqu’à parler de complaisance :

Exemple 1 : Le Commissaire hongrois Oliver Várhelyi n’a pas été sanctionné pour avoir déclaré unilatéralement la suspension de l’aide de l’UE à la Palestine. Pourtant, c’était légalement possible, car le Commissaire Várhelyi avait enfreint le droit de l’UE en annonçant seul la suspension des fonds de l’UE pour la Palestine, mais l’application de cette mesure relève de la seule décision de la Présidente européenne, qui a donc joué la modération.

Exemple 2 : Viktor Orbán n’a pas été réprimandé pour avoir rencontré Poutine, en totale négligence du principe de coopération loyale qui s’applique à tous les États membres dans leurs relations avec l’UE. Là encore, la présidente a fait profil bas sur ce sujet.

Exemple 3 que l’on peut ajouter : La visite à Lampedusa, peu de temps après son discours sur l’état de l’Union pour assurer le soutien de la Commission européenne à l’Italie en première ligne sur le sujet des migrations, ou tout autant pour s’assurer du soutien de la nouvelle présidente du Conseil italien, Giorgia Meloni pour son second mandat à la tête de la Commission européenne. Il ne peut y avoir d’à peu près dans le cas de décision prise à la majorité qualifiée des chefs d’Etat et de gouvernement.

Pour résumer, le point de vue d’Alberto Alemanno, Ursula von der Leyen est perçue, au sein du Conseil européen, à la fois suffisamment forte pour être crédible sur la scène internationale et suffisamment faible sur le plan interne pour satisfaire tous les chefs d’État et de gouvernement, du moins pour le moment.

Les dérives d’une « Queen Europe » « égopolitique » où les raisons d’une rupture quasi consommée

Au travers d’une série de billets de blog tous plus acides les uns que les autres, le journaliste Christian Spillmann dresse un tout autre tableau entre « les derniers feux de « Queen Europe » » en septembre après son discours sur l’état de l’Union décevant où elle « va devoir faire un choix: la retraite ou livrer bataille », puis « Ursula von der Leyen : la présidente « égopolitique » » début octobre et enfin « la rupture » fin octobre, qui se passe de commentaire.

Que se voit reprocher la présidente en exercice, en sursis de la Commission européenne :

1. Gestion de crise constante : Ursula von der Leyen a été perçue comme une présidente de la Commission qui a principalement dû faire face à des crises depuis le début de son mandat, plutôt que de mettre en œuvre une vision proactive. Elle a été contrainte de réagir en permanence aux événements plutôt que de fixer le cap pour l’Union européenne. Un atout qui finit par être un handicap.

2. Manque de soutien au sein de l’UE : Son approche unilatérale et sans compromis en ce qui concerne des questions sensibles, comme le conflit entre Israël et le Hamas à Gaza, n’a pas trouvé le soutien de la majorité des États membres de l’UE. Cela a laissé des doutes quant à sa capacité à rassembler le consensus nécessaire au sein de l’Union.

3. Manque de vision et de perspective : Dans son dernier discours sur l’état de l’Union européenne, Ursula von der Leyen n’a pas abordé des questions cruciales telles que la montée du populisme, les relations avec les États-Unis, dont elle s’aligne trop visibiblement avec Biden, ou les défis liés aux élections de 2024. Cela est perçu comme un manque de vision et de préparation.

4. Opposition au sein du Parlement européen : Des personnalités politiques influentes, telles que l’ancien Premier ministre belge Guy Verhofstadt, ont critiqué ouvertement l’approche d’Ursula von der Leyen. Ses positions sur des questions clés, comme l’élargissement de l’UE à l’Ukraine et d’autres pays, ont rencontré une forte opposition au Parlement européen.

5. Relations tendues avec le Parti Populaire Européen (PPE) : Ursula von der Leyen a des relations tendues avec le PPE, le parti politique qui l’a soutenue pour la présidence de la Commission. Des désaccords avec des membres clés du PPE, comme Manfred Weber, complique sa situation. La présidente du Parlement européen est positionnée comme son joker.

6. Défaut de leadership et inconsistance : Elle est accusée de manquer de leadership et d’inconsistance dans sa gestion de la Commission européenne. Son absence de management collégial et de confiance dans les équipes de l’institution suscite des départs y compris de ses plus proches comme Frans Timmermans et des inquiétudes sur ses capacités à poursuivre.

7. Irritation des dirigeants européens : Son comportement, y compris sa participation à des événements diplomatiques sans consultation préalable avec le Conseil, irrite les dirigeants européens. Elle a été rappelée à l’ordre lors d’un sommet européen extraordinaire au sujet de son déplacement en Israël.

8. Désaccords sur le budget : Son incapacité à obtenir le soutien des États membres pour son budget proposé a également affaibli sa position.

Dans l’ensemble, pour Christian Spillmann, il semble qu’Ursula von der Leyen fait face à de nombreux obstacles et à une opposition significative à son maintien à la tête de la Commission européenne pour un second mandat. Ses chances de rester en poste semblent être compromises.

Que retenir à ce stade ?

Que la présidente de la Commission européenne, au bord du précipice pour prendre l’une des décisions les plus importantes pour l’avenir de l’Europe, est loin de faire l’unanimité, pour elle, contre elle, avec elle si telle devait être finalement sa décision.

SOTEU 2023 : une Commission « accidentelle », une présidente « entre le marteau et l’enclume »

Mercredi 13 septembre, c’était le dernier discours sur l’état de l’Union correspondant au premier (?) mandat de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, quelle bilan et aura-t-elle une seconde chance à la tête de la Commission européenne ?

La présidence von der Leyen entrera dans l’histoire comme une Commission « accidentelle »

Pour Alberto Alemanno, Professeur de droit européen à HEC Paris et Collège d’Europe, « après plus de 1 200 jours à la tête de la Commission, sa présidence a été davantage motivée par les événements et les orientations des gouvernements de l’UE-27 que par son agenda, qui reste largement incomplet ». Pour lui, « c’est exactement ce qui fait d’elle la candidate la plus probable pour un second mandat aux yeux des dirigeants du Conseil européen ».

Après avoir été choisie accidentellement comme présidente de la Commission, son mandat tout entier a été largement façonné par une succession d’accidents, le Covid-19 ayant frappé avant que la Commission von der Leyen n’ait passé ses 100 premiers jours de mandat, l’invasion russe de l’Ukraine et ses nombreuses conséquences sur les politiques énergétiques, alimentaires et de sécurité de l’UE.

Certes, « Ursula von der Leyen peut se targuer du succès d’une bonne partie de son administration, qui a inclus la finalisation du #Brexit, la lutte contre la pandémie et la réponse à l’invasion russe de l’Ukraine et à la crise énergétique déclenchée par Moscou ».

Pourtant, ces événements ont éclipsé son programme qui reste largement incomplet et peu susceptible d’être réalisé. La présidence de Von der Leyen a essentiellement été une « Commission de gestion de crise » permanente qui était dirigée non seulement par les événements mais aussi par ce que les dirigeants de l’UE-27 ont décidé au sein du Conseil européen.

Le potentiel testament politique du Green New Deal encore sur la sellette.

Mais, « si sa principale réalisation supposée a été le Green New Deal, le revirement soudain du parti d’Ursula von der Leyen –  le PPE – et d’une partie des libéraux sur ce paquet majeur (sur la directive sur la restauration de la nature) menace aujourd’hui son adoption complète », l’adoption définitive des textes européens sur les sujets climatiques, encore incertaine, met en danger le seul potentiel testament politique de la Commission von der Leyen, alors que le vice-président responsable, Frans Timermans a déjà quitté ses fonctions pour revenir dans la scène nationale politique hollandaise.

Les promesses de la Commission von der Leyen de respecter les règles ont été déréglées.

Pour Alberto Alemanno, « la promesse initiale de se lancer dans une réforme institutionnelle pour clarifier les « règles du jeu », comme une nouvelle loi électorale européenne, le rôle des Spitzekandidaten et les modalités de nomination des hauts responsables de l’UE, reste d’actualité (…). Malgré tous les discours sur l’écoute des citoyens, la Conférence sur l’avenir de l’Europe et ses 49 recommandations citoyennes restent lettre morte. Il en va de même pour sa promesse de réformer les règles d’éthique de l’UE après le Qatargate, y compris le comité d’éthique de l’UE.

Objectivement, « ces faits contredisent l’idée selon laquelle von der Leyen serait la personne évidente pour diriger à nouveau la Commission lors d’un second mandat ». Tout comme son management autoritaire et non collégial, contrairement aux règles communautaires, ce qui explique que ses poids lourds, en particulier 2 vice-présidents sont sur le départ avant la fin de leur mandat.

Pourtant, c’est exactement ce que les dirigeants de l’UE-27 apprécient chez elle, à la fois son manque d’autonomie politique par rapport à leurs capitales, dont Paris et Berlin sont particulièrement sensibles pour tordre les règles du marché intérieur, des investissements dans les énergies vertes, dans les subventions aux entreprises…

Ses moments les plus faibles ? D’une part, « sa négociation des vaccins Pfizer par SMS, dont l’existence a été niée pour éviter d’en donner accès au public », sa part d’ombre sous la lumière médiatique. D’autre part, « son soulagement de voir que le Qatargate affectant le Parlement européen et non la Commission, comme si le citoyen européen moyen était capable de faire la différence entre les deux ».

Son pire moment ? « Laisser la Hongrie et la Pologne dicter les conclusions du sommet des chefs d’État et de gouvernement de décembre 2020, acceptant ainsi leurs conditions comme prix à payer pour sortir de l’impasse concernant le cadre financier pluriannuel et le règlement Next Generation EU au détriment des règles et l’état de droit ».

« Ursula von der Leyen se trouve entre le marteau et l’enclume »

D’un côté, « elle a besoin du soutien de son parti – le PPE – pour obtenir une nomination (cette fois comme Spitzkenkandidaten), mais de l’autre, son propre parti est le principal opposant à la mise en œuvre du programme vert ».

Rappelons que pour obtenir son investiture du Parlement européen au début du mandat, Ursula von der Leyen avait dealé une plateforme programmatique relativement progressiste avec une alliance réunissant verts, centristes et socialistes, en complément de la droite en recul.

Du coup, c’est logique qu’à l’heure d’embrasser l’héritage du mandat et de soutenir les avancées encore incomplètes, la position soit compliquée pour la famille politique d’Ursula von der Leyen. Outre la question légitime de sa motivation personnelle à rempiler, se pose aussi la question de savoir si elle saurait être au barycentre d’une majorité de centre-droit, dont les lignes ont beaucoup évolué vers une droite plus dure au cours de ces dernières années.

La dernière saison européenne avant le scrutin européen est bel et bien lancée !

Discours sur l’état de l’Union 2022 : l’Europe à l’heure des solidarités

Pour ce 13e discours sur l’état de l’Union, le premier en temps de guerre, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a enfilé l’uniforme militaire en se vetant littéralement aux couleurs de l’Ukraine, avec un propos offensif pour une Union européenne forte de ses valeurs qui n’est plus tant proactive sur son propre agenda mais réactive face au événements et crises comme l’Ukraine ou l’énergie, un discours très politique…

La solidarité de l’UE en soutien au courage de l’Ukraine

La force intérieure de l’Europe a été ravivée par l’agression de la Russie en Ukraine, l’unité doit être préservée pour que l’UE soit à la hauteur des enjeux considérables, même si un nouveau train de sanctions contre la Russie n’a pas été annoncé.

Le courage a dorénavant un nom, un visage, c’est le peuple ukrainien, une nation de héros, dont la solidarité européenne à hauteur de 19 milliards d’euros va se poursuivre avec aussi d’autres mesures d’intégration au marché intérieur européen : roaming, accès au marché de l’électricité…

La solidarité économique pour un changement de paradigme économique

La crise énergétique, qui est la plus saillante lors de cette rentrée fait l’objet d’une série de propositions pour viser l’indépendance aux hydrocarbures russes et la fin des manipulations des prix des marchés des énergies par la Russie.

Outre la diversification des approvisionnements et la réduction de la consommation des ménages, des entreprises et des administrations déjà largement engagées, la réforme du marché de l’électricité pour découpler les prix du gaz et de l’électricité ainsi que le plafonnement des recettes des producteurs d’électricité, soit une estimation de 140 milliards d’euros redistribués, sont à l’ordre du jour.

Le changement de paradigme pour une solidarité en action implique aussi d’autres propositions comme :

  • La création d’une banque de l’hydrogène, dotée de 3 milliards d’euros pour construire le futur marché de cette énergie prometteuse,
  • Le doublement des capacités de lutte contre les incendies,
  • La poursuite des investissements du plan NextGenerationEU, dont 700 milliards d’euros doivent être encore investis dans les économies sociales de marché européennes,
  • La souplesse dans les trajectoires de désendettements des États pour la gouvernance économique,
  • Le soutien aux PME avec plusieurs actions,
  • L’Année européenne des talents, en 2023, pour la formation continue,
  • Un règlement sur les matières premières critiques, après l’action de l’UE pour les batteries et les semi-conducteurs,
  • La création future d’un fonds de souveraineté européenne pour investir dans les industries d’avenir.

La solidarité des démocraties européennes

Afin de défendre la démocratie, Ursula von der Leyen recommande d’investir dans le pouvoir collectif des démocraties pour les biens publics mondiaux avec plusieurs actions comme le soutien à la Communauté politique européenne suggérée par Macron, la poursuite de Global Gateway, les routes de la soie à la sauce UE et de nouvelles mesures contre les ingérences malveillantes d’agents étrangers et la lutte contre la corruption, inclus dans le régime de sanction des droits de l’Homme.

Pour conclure, deux recommandations institutionnelles pour approfondir la démocratie européenne : d’une part, suivre la recommandation de la conférence sur l’avenir de l’Europe de maintenir des panels de citoyens comme une composante permanente de la vie démocratique (sans oublier une nouvelle initiative sur la santé mentale, issue des recommandations de la COFEU) et d’autre part, consacrer la solidarité intergénérationnelle dans les traités européens afin de renouveler la promesse européenne, via la convocation d’une Convention pour la révision des traités.

« Puisque nous songeons sérieusement à élargir notre Union, nous devons aussi envisager sérieusement de la réformer. »

Au total, le discours sur l’état de l’Union d’Ursula von der Leyen 2022 gagne par rapport aux années précédentes, un vrai fil rouge, un narratif cohérent autour de la solidarité ; tandis que quasi toutes les propositions mentionnées viennent des États-membres plutôt que des services internes ou des partis politiques, mais manque un peu d’idées ground-breaking.