La stratégie multi-support vidéos de la campagne de communication du Parlement européen pour les élections européennes

« A vous de choisir », telle est la signature de la campagne de communication du Parlement européen relayée par de multiples vidéos afin d’expliquer « qu’en votant lors des élections européennes, le pouvoir est aux citoyens »…

Une bonne complémentarité des supports en fonction des cibles et des angles

Réalisation d’une vidéo institutionnelle dont le message consiste à montrer des nouvelles fictives afin de démontrer que les citoyens peuvent façonner les informations de demain en exerçant leur droit de vote :

  • diffusé en 34 langues,
  • réalisé avec 750 citoyens des 27 nationalités européennes,
  • adapté aux publics des 27 États membres de l’UE avec la participation de personnalités nationales,
  • conçu par la Direction générale de la Communication du Parlement européen,
  • entièrement sous-titré et accessible aux sourds et malentendants.

Réalisation d’un making off :

Réalisation d’un reportage par la chaîne de télévision Euronews, avec le soutien du Parlement européen pour se plonger au cœur de la réalisation de la campagne de communication pour les élections européennes.

Réalisation de 3 vidéos décalées « Au bureau de vote (…) Il y a toujours le temps pour aller voter » reposant sur l’humour et l’autodérision et destinés à « interpeller » les électeurs alors que l’abstention risque d’atteindre des taux record :

Une bonne complémentarité des moyens de diffusion en fonction des opportunités

Diffusion gracieuse sur plus de 100 chaînes TV dans tous les pays de l’UE.

Diffusion grâce en partie à la coopération de la Commission européenne dans environ 1000 cinémas en Europe pendant les quatre dernières semaines de la campagne.

Diffusion sur les principaux réseaux sociaux : Facebook, MySpace, Flickr, YouTube

Interrogations sur le plan média de la campagne gouvernementale d’information et d’incitation au vote pour les élections européennes

Alors que le gouvernement français lance une campagne d’information et d’incitation au vote pour les élections européennes du 7 juin prochain avec la diffusion d’un spot TV unique de 45 secondes plus de 1000 fois du 9 au 22 mai 2009, la stratégie du plan média soulève des interrogations…

Une campagne d’information nécessite de s’inscrire durablement

Une campagne de communication qui s’inscrit dans la durée permet une meilleure appropriation du message par le grand public.

Pourtant, Bruno Le Maire, le secrétaire d’Etat aux Affaires européennes lors d’une intervention le lundi 4 mai devant un auditoire clairsemé d’étudiants de l’université Paris Dauphine (une vingtaine), se prononce pour « une campagne courte et forte à la fois » (la période de diffusion du spot TV réalisé par le gouvernement français est de 15 jours seulement).

Une campagne d’incitation au vote nécessite de s’inscrire précocement

Une campagne d’incitation au vote pour éviter tout sentiment de frustration de la part de citoyens non inscrits devrait débuter par un message d’incitation à s’inscrire sur les listes électorales, avant la clôture des inscriptions au 31 décembre de l’année précédent l’année du scrutin.

Pourtant, la campagne du Parlement européen a officiellement été lancée le mardi 17 mars 2009 quant à la campagne du gouvernement français, il s’agit du samedi 9 mai 2009 pour un scrutin programmé le dimanche 7 juin 2009 pour la France.

Ainsi, une campagne relativement longue permettrait de toucher efficacement les citoyens et une campagne précoce permettrait de ne pas se situer en même temps que le processus électoral et le jeu politique proprement dit.

Lancement officiel de la campagne d’information et d’incitation au vote pour les élections européennes 2009

En complément de la campagne de communication du Parlement européen pour les élections européennes : “Elections européennes : à vous de choisir”, le gouvernement français lance – à l’occasion de la Journée de l’Europe du 9 mai – une campagne d’information et d’incitation au vote pour les élections européennes composée d’un spot vidéo…

Des objectifs de communication concentrés sur l’institutionnel : déficit de la dimension affective de l’Europe

Les objectifs du spot, unique moyen de communication de la campagne sont de :

  • rappeler la date des élections : le 7 juin pour la métropole, le 6 ou 7 juin pour l’outre-mer.
  • inciter les électeurs à se mobiliser : le taux de participation réel aux élections européennes de 2004 était de 43.3%.
  • raconter les grandes étapes de la construction européenne et mettre en perspective les élections du 7 juin.

Au regard des objectifs d’une campagne de communication selon le modèle AIDA (Attention, Intérêt, Désir, Action) :

  • attirer l’Attention ;
  • susciter l’Intérêt ;
  • provoquer le Désir ;
  • pousser à l’Action ;

la campagne gouvernementale répond parfaitement aux objectifs cognitifs (informer) et conatifs (inciter les citoyens à changer leur comportement) mais ne semble pas prendre en compte pleinement les objectifs affectifs (développer une image attractive).

Ainsi, la campagne de communication du gouvernement pour informer et inciter les citoyens à voter aux prochaines élections européennes – dont les objectifs de communication sont très institutionnels – risque de conforter le déficit d’image de l’Europe et ne pas pleinement finaliser la lutte contre l’abstention.

Un dispositif média concentré dans le temps : déficit de diffusion dans la dernière ligne droite avant le vote

Toujours selon le portail du gouvernement, cette campagne bénéficie d’un dispositif média concentré de plus de 1000 passages en télévision d’un spot unique de 45 secondes, du 9 au 22 mai 2009.

Certes, la diffusion sur la plupart des chaînes de la TV (5 grandes chaînes de télévision nationale, 16 chaînes de la TNT, du câble et du satellite et 14 chaînes d’Outre-mer) et les relais sur des sites web gouvernementaux et commerciaux permettront sans aucun doute de toucher massivement une large cible de citoyens français et européens résident en France.

Mais, malgré la puissance GRP du plan média très impactante, l’absence de diffusion du spot lors des 15 derniers jours précédant le scrutin risque de ne pas convaincre les électeurs hésitants qui décident de plus en plus tardivement de voter ou de s’abstenir.

Budget communication en hausse de 100% pour la campagne d’incitation au vote du Parlement européen

Entre les campagnes en 2004 et 2009, le budget du Parlement européen a doublé :

  • En 2004, pour chacun des 340 millions d’électeurs européens, le Parlement européen dépense 0,0241 euro pour l’informer et l’inciter à aller voter ;
  • En 2009, pour chacun des 375 millions d‘électeurs potentiels, le Parlement européen dépense 0,048 euro, selon Francesca Ratti, directrice de la communication du Parlement européen, soit un budget d’environ 18 millions d’euros.

Comment expliquer une telle progression ?

2004, une campagne classique d’information sur les élections européennes

En 2004, le Parlement européen lance une campagne classique d’information sur les élections :

  • Un dispositif classique d’achats d’espace média : presse, affichage dans les transport en commun, spots radios et cinéma ;
  • Une création classiquement européenne montre des bonshommes colorés formant une étoile ;
  • Un message neutre et apolitique d’appel au vote : « Le 13 juin 2004, prenons l’Europe en main, votons ! ».

En 2009, une véritable campagne de communication sur le Parlement européen

En 2009, le Parlement européen lance une véritable campagne de communication paneuropéenne qui « se veut participative, de proximité et pédagogique ».

La principale nouveauté est que le PE s’adresse directement aux électeurs européens :

  • Une cible large avec l’ensemble des électeurs parlant 23 langues différentes (traduction de l’intégralité des outils et diffusion des mêmes pistes créatives dans les 27 États membres) ;
  • Un message « A vous de choisir ! » qui renvoie l’électeur à sa propre implication et à sa responsabilité face au vote ;
  • Des thèmes de campagnes (ont été retenus en France : l’énergie, l’économie, la standardisation, l’alimentation et la conciliation vie familiale/ vie professionnelle) qui posent des choix de société et leurs incidences dans la vie quotidienne des électeurs.

Ainsi, le doublement du budget – encore dérisoire au regard des dépenses en communication publicitaire – se justifie pleinement par cette différence d’approche et d’ambition.

Campagne des élections européennes : quels enseignements pour la communication européenne ?

Alors que la campagne des élections européennes peine à commencer et que les médias et/ou l’opinion publique semblent s’en désintéresser, quels peuvent être les principaux enseignements pour la communication européenne ?

Premier enseignement : l’information commande l’élection

L’analyse universitaire qui veut qu’en période électorale l’information médiatique supplante la communication politique dans l’influence du vote des citoyens pourrait se confirmer pour cette campagne des élections européennes.

Cette analyse est menée par Jacques Gerstlé, professeur à la Sorbonne, dans « L’information supplante-t-elle la communication en conjoncture électorale ? », in Les Cahiers de la Société Française des Sciences de l’ Information et de la Communication, N° 1 – Juin 2007.

La stratégie de communication d’un responsable politique en campagne consiste :

  • d’une part, à organiser sa campagne autour des enjeux pour lesquels sa crédibilité sectorielle d’origine partisane est forte ;
  • d’autre part, à corréler sa campagne autour des thèmes de l’agenda médiatique afin que sa visibilité soit amplifiée par l’actualité.

Cette stratégie est étudiée par Philippe Cohen dans une interview à Ecrans : « Sarkozy est une machine à scoops pour les journalistes » : « Nicolas Sarkozy a inventé ou plutôt adapté à notre pays une stratégie consistant à co-produire l’agenda médiatique » (…) Il « se met en permanence à la place des journalistes, au point de se demander lui-même quel est le sujet à proposer à la conférence de rédaction. Sarkozy s’efforce, semaine après semaine, d’avoir toujours de bonnes informations à proposer aux journalistes ».

Quoique l’intérêt des citoyens pour l’Europe ne soit pas comparable à la cristallisation de l’opinion lors d’une élection présidentielle et bien que le scrutin européen chargé d’établir la liste des représentants des citoyens auprès de l’UE ne puisse être comparé à la compétition pour désigner le titulaire de l’exercice du pouvoir national ; l’enseignement que l’information commande l’élection pourrait se confirmer.

Deuxième enseignement : le web commande en communication

La pratique professionnelle qui veut que les programmes de communication sur le web se substituent aux campagnes de communication médias pourrait se confirmer pour cette campagne des élections européennes.

Cette pratique est décrite par Elie Ohayon, le président de l’agence McCann Paris lors du Buzz média Orange – Le Figaro du 31 mars dernier. Il ne s’agit plus pour communiquer d’acheter du « temps de cerveau disponible » avec une campagne d’achat d’espace publicitaire (affichage, print, web) mais de créer de « l’attention » avec un programme de communication.

Les programmes de communication sur l’Europe consisteraient à privilégier une approche participative (bottom-up vs top-down) prenant acte :

  • d’une part, de la disparition du monopole de l’information par des prescripteurs institutionnels, d’ailleurs jugés peu crédibles ;
  • d’autre part, de la circulation de flux d’informations, notamment de paroles citoyennes « terrain », de groupes d’intérêt ou d’experts.

Un exemple de programmes de communication avec : « Ensemble sauvons ces élections de l’ennui », une initiative de L’Express qui propose aux internautes de : participer aux enquêtes des journalistes sur l’UE en offrant notamment un journal de bord tenu par les journalistes au fur et à mesure de l’évolution de leurs recherches ; envoyer des pistes, des idées de traitement, des témoignages, et d’en discuter avec les journalistes et les autres internautes dans un forum dédié ; voter pour leurs enquêtes préférées.

Quoique la mobilisation de communautés autour de l’Europe ne soit pas comparable à l’animation des militants démocrates lors de la campagne présidentielle de Barack Obama et bien que le scrutin européen s’établissant dans les 27 États membres de l’UE ne puisse être comparé à une campagne électorale à l’échelle nationale ; l’enseignement que le web commande en communication pourrait se confirmer.