Quel impact des partis politiques et de l’opinion publique sur les priorités des politiques publiques européennes ?

Logiquement, plus l’Europe compte, plus elle sera visible, et plus les citoyens et les partis prêteront attention à l’UE et à ses politiques, tant « chez eux » qu’à Bruxelles. La visibilité devrait notamment augmenter avec la contestation eurosceptique croissante lors des élections européennes. La Commission européenne – l’incarnation de l’UE et de ses politiques – devrait être au cœur la première cible des attaques et son agenda législatif être un « outil » stratégique pour réagir en réponse à l’euroscepticisme. En somme, sous la menace publique et électorale, la Commission devrait chercher à survivre en signalant une retenue, pour protéger son territoire et consolider sa réputation. Qu’en est-il vraiment, selon les résultats d’une recherche dans “Agenda-setting under pressure: Does domestic politics influence the European Commission?

Mécanismes au cœur des priorités politiques de l’agenda de la Commission européenne

Dans des conditions d’incertitude, la Commission hésite à établir ses propres priorités tant sous l’effet des élections nationales que des élargissements de l’UE mais en revanche, la Commission n’hésitera pas à accorder effectivement la priorité à des dossiers qui élargissent les compétences de l’UE – et les siennes propres.

De même, au lieu de se dérober à l’établissement de priorités en raison d’un conflit potentiel entre le Conseil et le Parlement européen, la Commission devient plus susceptible d’établir ses priorités sans que le potentiel conflit la rende hésitante ; au lieu de cela, elle investit davantage de ressources dans les dossiers législatifs dans de telles conditions afin d’« augmenter » les chances d’approbation des projets de textes.

En somme, les principales motivations de la Commission européenne dans le choix de ses priorités sont d’une part, les résultats politiques et d’autre part, la survie bureaucratique.

Politisation de l’arène démocratique de l’UE – ses institutions, son processus législatif, ses politiques

Théoriquement, la Commission devrait faire preuve de retenue en réponse aux menaces eurosceptiques et aux séquences électorales nationales. Concrètement, la Commission semble bien recourir à l’établissement d’un agenda et à des priorités législatives en réponse à des pressions politiques ascendantes. Cette hiérarchisation signale ce qui compte le plus pour la Commission dans l’ordre du jour qu’elle fixe.

L’analyse de plus de 2 000 textes adoptés en codécision confirme que la Commission accorde la priorité à certaines législations en fonction des domaines politiques qui comptent le plus pour les citoyens ; Juncker renforce ce lien dans ses propositions législatives plus que ses prédécesseurs, mais l’importance des questions publiques façonne l’agenda de la Commission au moins depuis le début des années 2000.

Cette constatation est importante : avec la fin du consensus permissif et la baisse du soutien public, la congruence de l’agenda envoie un signal clair dans le processus législatif : la Commission européenne continue de s’efforcer de mettre en œuvre les politiques et de promouvoir une législation qui compte pour les citoyens.

Pourtant, même une Commission « politique » autoproclamée sous Juncker ne répond qu’aux priorités publiques ; l’importance des problèmes des partis au pouvoir ne semble pas déterminer les priorités de son propre agenda.

Une exception avec Barroso II est intéressante : face aux risques systémiques, les partis nationaux au pouvoir choisissent de pousser leurs problèmes saillants au niveau européen et de mettre en œuvre – et, potentiellement, de communiquer – des problèmes résolus conjointement au niveau national.

Alors que nous constatons que l’importance des problèmes publics motive la Commission, l’euroscepticisme ne semble pas la contraindre : même sous une menace élevée, la Commission s’efforce de consolider son pouvoir et de donner la priorité à une législation qui étend les compétences de l’UE.

Quoique ne faisant pas partie de l’enquête, l’ajustement observé d’Ursula von der Leyen en mai 2020 de son premier programme de travail annuel – publié en janvier 2020 – pour préparer une meilleure réponse supranationale à la crise COVID-19 et pour répondre aux attentes des citoyens est l’un des plus récents et des plus dramatiques exemple de réactivité à l’agenda, un aspect crucial de l’élaboration des politiques de l’UE.

Pour conclure, la Commission utilise son programme législatif pour signaler sa quête de résultats sur ce qui compte le plus pour les citoyens de l’UE, sans contrainte par une contestation systémique et en sachant surmonter la complexité et les conflits interinstitutionnels.

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