La communication européenne, ça n’existe pas, vraiment ?

A l’occasion du 1500e billet depuis le lancement de Lacomeuropéenne en septembre 2007, une question récurrente, en filigrane des interrogations, revient sans cesse : est-ce que la communication de l’Union européenne existe-elle vraiment ? Prenons cette occasion particulière pour tenter d’y apporter des éléments de réponse à partir d’une fresque de l’évolution des figures de la communication européenne au cours des dernières décennies de la construction européenne…

La communication technique, intégrative : la base de la communauté européenne

Même s’il n’est pas contestable que la communication n’existe pas dans le traité fondateur de la construction européenne, il n’en demeure pas moins que l’enjeu apparaît rapidement dans la mesure où toute organisation publique se doit de rendre compte au public de l’usage et des résultats des dépenses de financement public. Le rapport d’activité de la CEE porte ainsi sur les fonds baptismaux la grande évolution de la communication européenne à venir.

Cette première fonction d’organisation des administrations, de nature technique, sur les décennies des années 1950s à 1970s, exerce un rôle important pour porter à la connaissance du public les avancées de l’intégration du système avec la publicisation des premières décisions et la présentation des premières politiques publiques européennes.

La communication symbolique, représentative : le développement du Parlement européen

Face aux accusations dans la littérature scientifique britannique de « déficit démocratique » de la construction européenne en raison du rôle réduit confié au Parlement européen, l’évolution de cette institution va très largement répondre aux attentes et corriger ce défaut de démocratie dans le dispositif institutionnel européen. Les premières élections européennes en 1979 marquent un tournant majeur pour la communication européenne.

Cette deuxième fonction de représentation des citoyens, de nature symbolique, sur les décennies suivantes à partir des années 1980s, entraîne des transformations significatives des discours et de la médiatisation de la construction européenne, en particulier autour des temps forts correspondants aux campagnes électorales, sans sous-estimer la communication parlementaire, tant de l’institution en tant que telle, que les communications des eurodéputés.

La communication éthique, justificative : la clé de voute du Conseil européen

Confrontés à une multiplication de crises de plus en plus importantes, la légitimité de la construction européenne est renforcée par la montée du Conseil européen qui rassemble les chefs d’État et de gouvernement qui incarnent le pouvoir. Cette institution devient la clé de voute de la construction européenne à partir des années 1990s. Les réunions nocturnes et les conclusions partagées au milieu de la nuit incarnent cette nouvelle nécessité de s’appuyer sur la politique des événements et cette responsabilité de trancher et prendre des décisions.

Cette troisième fonction de justification des choix, de nature éthique, s’applique en donnant des orientations publiques, communiquées aux autres institutions européennes, en particulier pour la Commission européenne qui conserve le pouvoir d’initiative législative. La communication autour du Conseil européen s’est raffinée notamment en amont pour parvenir à poser les enjeux, peser les choix, orienter les opinions publiques avec des mobilisations dorénavant paneuropéennes des leaders européens dans les médias ; mais aussi en aval, pour organiser des conférences de presse avec les correspondants de presse de chaque espace national ou parfois commune à plusieurs chefs d’État et de gouvernement qui assurent le service après-vente auprès des citoyens.

La communication critique : la vie politique européenne

Avec la montée de forces politiques populistes et la formulation de critiques eurosceptiques et europhobes de masse, la conversation publique, les controverses partisanes, les débats publics dans les hémicycles des assemblées, les panels télévisés, etc. se sont très largement développées autour de l’Europe depuis les années 2000s. Le discours programmatique ex-cathedra donné depuis une université européenne par une personnalité politique est devenu une figure de style imposée à tout leader politique européen qui veut exercer un rôle d’influence de premier plan.

Cette quatrième fonction de contestation et de proposition, de nature critique, s’exerce non seulement au sein de toutes les institutions européennes mais surtout dans les sociétés civiles, dans les médias, dans les lieux qui accueillent une parole européenne, plus libre, plus critique. En somme, la vie politique européenne s’est peu à peu imposée dans nos vies quotidiennes, pour qui veut tendre l’oreille. La politisation renforce l’incarnation des orientations, personnalise les choix, mobilise aujourd’hui les électorats – le taux de participation a augmenté pour la première fois lors des dernières élections européennes – et demain aussi les journalistes.

Alors, est-ce que vous êtes convaincu dorénavant que la communication européenne, ça existe pour de vrai ?

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