Quel bilan pour la présidence française de l’Union européenne ?

Exercice aussi rituel que les annonces initiales, le bilan – avec un programme déjà bien trop ambitieux pour un exercice très atypique avec les élections en son plein cœur – a été bouleversé par l’imprévu de l’événement majeur de la guerre en Ukraine, comme la précédente PFUE en 2008 avec la Géorgie. Que retenir ?

Des circonstances exceptionnelles favorables au Statesmanship de l’UE sous présidence française

L’Union européenne – comme on le dit trop souvent « qui progresse dans les crises » – aura, pendant ces six derniers mois, clairement cheminée vers davantage de souveraineté européenne tant le champ stratégique aura été élargi par les questions de sanctions (6 packages) de la Russie et d’interdépendance énergétique et alimentaire pour les Européens.

La période aura été marquée notamment par le sommet de Versailles en mars visant à renforcer l’autonomie de l’UE (énergies, matières premières, santé, alimentation, tech & numérique) et par l’adoption de la boussole stratégique en matière d’orientation de sécurité et de défense de l’UE dans un contexte de renforcement de la position de l’OTAN en Europe avec les demandes d’adhésion de la Suède et de la Finlande.

Du côté de l’agenda institutionnel, peuvent être porté au crédit de la présidence semestrielle plusieurs grands dossiers comme l’adoption de la législation phare sur le numérique avec le Digital Market Act et le Digital Services Act ; l’adoption dans la douleur (après un premier échec) de la taxe carbone aux frontières d’un Green Deal dont la route législative sera encore longue et des directives sur les quotas de femmes dans les conseils d’administration et sur un salaire minimum européen sans oublier la présentation par la Commission européen du programme REPowerEU visant l’indépendance des approvisionnements énergétiques via la diversification des partenaires et la construction de nouvelles infrastructures.

Avec le leadership français, le renforcement des capacités européennes, de son Statesmanship, aura globalement été au rendez-vous ; même si les partenaires de la France sont encore loin d’être alignés sur les thèses et les arguments hexagonaux en matière de souveraineté stratégique. La pédagogie autour de l’Union européenne aura été largement articulée autour de l’agression russe contre l’Ukraine et l’adhésion officielle du pays à l’UE.

Des controverses circonstancielles défavorables au Thought-leadership de la France en Europe

La crédibilité des positions françaises n’aura pas permis d’obtenir des avancées décisives sur trois sujets qui seront repris par la future présidence tchèque :

Sur les questions migratoires, les intentions de réforme de l’espace Schengen pour poser un cadre aux situations de crise sanitaire ou lutter contre l’instrumentalisation des flux migratoires par un pays-tiers (comme la Biélorussie avec la Pologne) se sont heurtées à la démission spectaculaire du patron français de l’agence Frontex.

Sur la réforme du pacte de croissance et de stabilité, l’exemplarité légendaire des finances publiques françaises n’en ont pas fait le champion d’un sujet encore en suspens, les esprits ne sont pas encore mûrs pour avancer.

Sur la convocation d’une convention de révision des traités européens sur la base des recommandations de la conférence sur l’avenir de l’Europe, le consensus ne semble pas pour le moment se faire sur les positions défendues par le président de la République. De même, le débat sur l’idée d’une communauté politique européenne pour un élargissement politique immédiat n’a pas vraiment encore pris au sein de la sphère bruxelloise.

Au total, l’ordre du jour prévu a volé en éclats avec l’agression russe de l’Ukraine et la France a tenté de faire avancer son agenda afin que ce nouveau moment critique pour l’unité européenne participe de l’accouchement de l’Union européenne en tant que puissance géopolitique.

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